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11 avril 2020

Pédagogie chez Luc

Le fait que mon nouvel essai sur la pédagogie divine (1) se termine par Marc n'épuise pas le sujet. Il faut probablement reprendre la lecture de Luc (2) pour continuer sur la même lancée.
C'est en tout cas ce que je retrouve chez Sesboué dans cette page que je me permets de vous partager : « La parabole a beaucoup d'avantages pédagogique : elle est imagée, de compréhension facile, et en même temps elle ne fait pas perdre la face à celui qui ne veut pas la comprendre. Chacun peut considérer que la petite histoire ne le concerne pas. Pour comprendre une parabole, il faut rentrer dans sa trame et s'identifier à l'un des personnages. La parabole inverse alors discrètement la question. Ce n'est plus : « qui est mon prochain ? », avec toutes les considérations géographiques, familiales ou les relations amicales que l'on peut mettre en cause. C'est : « de qui s'est-il montré le prochain ? » La réponse ne vient plus de l'objectivité des situations de proximité, mais de l'auditeur de la parabole. Cette inversion est caractéristique de la pédagogie de Jésus : elle est la forme extrême du déplacement. Selon la logique de cette inversion Jésus redemande au légiste de conclure l'histoire (...) c'est tout l'art du dialogue de Jésus. »(3)

La pédagogie divine est au cœur de l'histoire du salut.



(1) cf. mon livre paru le mois dernier
(2) voir aussi chemins de miséricorde
(3) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 325sq

05 avril 2020

Le rideau déchiré - Reconnaître que Dieu est Dieu.

« La crainte de Dieu consiste à lui obéir, à reconnaître constamment sa grandeur en observant sa volonté. A ce titre, c'est le contraire de toute mystique de fusion avec Dieu parce que le passage de l'homme par delà lui-même pour accéder au domaine de l'Alliance ouvert par Dieu suppose toujours et fait apparaître la différence entre le Dieu éternel et l'homme périssable. L'homme élève son âme (Ps 25 ; 86,4 ; 143,8) en aspirant vers Dieu (psaume 119, 20.40), en ayant soif de lui (psaume 63, 2; 146,6), en se suspendant à sa parole (psaume 119) en pressant son âme contre Dieu (63,9 ; 119,31), en tenant son âme en paix et silence, comme un enfant conte la poitrine de Dieu (Psaume 131).(1)

Il y a là un chemin de croissance de cet « amour en soi », présence silencieuse que je cherche à thématiser.

Il ne s'agit pas de s'enfermer dans un confinement stérile, mais de se laisser toujours traverser par le courant d'air de ce Dieu qui vient nous visiter et nous pousse toujours plus loin.

Course infinie dit Grégoire de Nysse.
Le bout du voyage est un déchirement du cœur, une nouvelle naissance.

C'est le thème de ma dernière méditation, sommet de cette pédagogie divine : Notre quête, à l'issue de ce chemin de carême, de ce temps de désert, doit parvenir à son terme. Au fond de nous doit apparaître ce que Benoît XVI appelait à Cologne la fission du Cœur. Dieu se révèle dans le rideau déchiré...



(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p. 178

04 avril 2020

Rameaux suite -;Pédagogie divine - 22 - Balthasar

Il y a aussi dans les psaumes, nous dit Balthasar(1), un processus de conversion qui touche à ce que j'essaye de thématiser sous le titre de pédagogie divine (2).

« De la parole historique, Israël remonte par la pensée jusqu’à la parole créatrice, de la libre puissance de Dieu dans l’histoire, il parvient à l’intelligence incarnée et à l’affirmation de la création du monde par la libre parole divine. Ainsi le psaume 135 : Dieu est bon, aimable et grand car il a élu, c’est pourquoi il peut accomplir tout ce qui lui plaît au ciel sur la terre, dans la mer et dans les abîmes (Psaume 135,3–6) (...) Ce sont encore les démonstrations de grâce du dieu fidèle, qui, dans le psaume 146, incluent  comme présupposés sa puissance créatrice (...) seul Israël les connaît pour le moment, c’est pourquoi seul Israël peut réellement apercevoir dans la création de la grâce de Dieu. »(1)

Au fur et à mesure de ses pérégrinations, le peuple Israël met son Dieu au dessus de ceux qu'ils croisent. Il est pour lui « le roi de gloire » (Ps 24,10), le "Très Haut".
L'enjeu nous dit le théologien est une conversion personnelle : « Seul celui qui est arraché à lui-même et placé dans l'Alliance et la Parole de Dieu - comme l'auteur du grand hymne à la parole de grâce qu'est le psaume 119 - peut attester l'unicité de Yahweh et dire pourquoi celui-ci est le roi de gloire »(1).

Ce "dit qui agis et en qui l'on peut avoir confiance" (ps 33,9 - Is 42,9) est celui qui se dévoile.

Le paradoxe viendra plus tard, et la gloire prendra un autre sens, ce sera la grande révélation de la croix. C’est ce que Jésus lui-même va thématisée en montant sur un ânon...

Je viens, monté sur un ânon,
en signe de ma gloire :
Hosanna ! Béni sois-tu, Seigneur !
Pourquoi me ferez-vous sortir
au rang des malfaiteurs,
et des maudits ?
Vos rues se drapent de manteaux
jetés sur mon passage :
Hosanna ! Béni sois-tu, Seigneur !
Pourquoi souillerez-vous mon corps
de pourpre et de crachats,
mon corps livré ?

Vos mains me tendent les rameaux
pour l'heure du triomphe :
Hosanna ! Béni sois-tu, Seigneur !
Pourquoi blesserez-vous mon front
de ronce et de roseaux,
en vous moquant ? (3)


Écoutons à ce sujet saint André de Crète : « il vient sans ostentation et sans faste. Car, dit le prophète, il ne protestera pas, il ne criera pas, on n'entendra pas sa voix. Il sera doux et humble, il fera modestement son entrée. ~

Alors, courons avec lui qui se hâte vers sa passion ; imitons ceux qui allèrent au-devant de lui. Non pas pour répandre sur son chemin, comme ils l'ont fait, des rameaux d'olivier, des vêtements ou des palmes. C'est nous-mêmes qu'il faut abaisser devant lui, autant que nous le pouvons, l'humilité du cœur et la droiture de l'esprit, afin d'accueillir le Verbe qui vient, afin que Dieu trouve place en nous, lui que rien ne peut contenir.

Car il se réjouit de s'être ainsi montré à nous dans toute sa douceur, lui qui est doux, lui qui monte au dessus du couchant, c'est-à-dire au-dessus de notre condition dégradée. Il est venu pour devenir notre compagnon, nous élever et nous ramener vers lui par la parole qui nous unit à Dieu.

Bien que, dans cette offrande de notre nature humaine, il soit monté au sommet des cieux, à l'orient, comme dit le psaume, j'estime qu'il l'a fait en vertu de la gloire et de la divinité qui lui appartiennent. En effet, il ne devait pas y renoncer, à cause de son amour pour l'humanité, afin d'élever la nature humaine au-dessus de la terre, de gloire en gloire, et de l'emporter avec lui dans les hauteurs.

C'est ainsi que nous préparerons le chemin au Christ : nous n'étendrons pas des vêtements ou des rameaux inanimés, des branches d'arbres qui vont bientôt se faner, et qui ne réjouissent le regard que peu de temps. Notre vêtement, c'est sa grâce, ou plutôt c'est lui tout entier que nous avons revêtu : Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ. C'est nous-mêmes que nous devons, en guise de vêtements, déployer sous ses pas.

Par notre péché, nous étions d'abord rouges comme la pourpre, mais le baptême de salut nous a nettoyés et nous sommes devenus ensuite blancs comme la laine. Au lieu de branches de palmier, il nous faut donc apporter les trophées de la victoire à celui qui a triomphé de la mort.


Nous aussi, en ce jour, disons avec les enfants, en agitant les rameaux qui symbolisent notre vie : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël !(4)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p. 174 et 175
(2) Pédagogie divine (615 p.) est maintenant disponible  sous ce lien en version Kindle à prix mini de 0,99 euros (gratuit demain lundi pour 5 jours)
(3) hymne de l’office des lectures des Rameaux
(4) saint André de Crête, homélie pour les Rameaux, ibid.

22 mars 2020

Pédagogie divine - 22

Il y a dans les théophanies anciennes de l'ancien testament des interrogations qui demeurent. Au delà des scènes abruptes et effrayantes parfois, il faut, nous voir avec Gerhard von Rad des couches « profondes (...) dans lesquelles transparaît (...) une promesse » (1) 
Pourquoi ?
Il faut probablement comprendre les interrogations des hommes et les faire nôtres, surtout en ces temps de ténèbres.
Le silence de Dieu, son apparent retrait thématisé par la philosophie juive après Auschwitz (H. Jonas) nous interpelle aujourd'hui.
Dieu semble « néglige[r] silencieusement la question angoissée et dubitative d'Abraham au sujet de la réalisation de la promesse »(1) et les théophanies à Isaac (Gn 26, 23) « semblent pâles et copiées sur d'autres »(2).

Ce n'est qu'au bout du voyage dans la théophanie pathétique et finale de la Croix que seule prend sens le chemin et la pédagogie divine.

C'est ce que nous essayons de thématiser dans ce nouvel essai (614 pages) maintenant disponible en version bêta sur le lien suivant ou en pdf à tout ceux qui sont intéressés par ce projet conclusif s'il en est de mes lectures pastorales.



(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p. 170
(2) p. 171

11 mars 2020

Pédagogie divine 21 - Saint Irénée


Cela pourrait être le résumé du livre "Pédagogie divine" dont je viens de mettre en ligne la première épreuve, après plusieurs années de cisèlement.

Ce n'est jamais un hasard pour moi de tomber sur des textes qui éclairent où résonnent avec mes sujets de recherche. Celui-ci, retrouvé dans l'office des lectures d'aujourd'hui, entre largement dans cette catégorie.
Écoutons donc saint Irénée :

« Depuis le commencement, Dieu a modelé l'homme en vue de ses dons ; il a choisi les patriarches en vue de leur salut ; il formait d'avance le peuple, pour apprendre aux ignorants à suivre Dieu ; il préparait les prophètes, pour habituer l'homme sur la terre à porter son Esprit et
à être en communion avec Dieu. Lui qui n'avait besoin de rien accorde sa communion à ceux qui ont besoin de lui ; pour ceux qui lui plaisaient, il dessinait comme un architecte l'édifice du salut ; à ceux qui ne le voyaient pas en Égypte, il servait lui-même de guide ; aux turbulents dans le désert, il donnait la loi pleinement adaptée ; à ceux qui entraient dans une bonne terre, il donnait l'héritage approprié ; pour ceux qui revenaient vers le Père, il immolait le veau gras, et leur offrait la meilleure robe. Bref, de bien des manières, il disposait le genre humain à l'harmonie du salut.

Voilà pourquoi Jean dit dans l'Apocalypse : Et sa voix était pareille à la voix des multiples eaux. Oui, elles sont nombreuses, les eaux de l'Esprit de Dieu, — car le Père est riche et grand — et passant à travers elles toutes, le Verbe apportait généreusement son assistance à ceux qui lui étaient soumis, prescrivant à toute créature la loi nécessaire et appropriée.

Ainsi par la Loi, il déterminait la construction du tabernacle, l'édification du Temple, le choix des Lévites, les sacrifices et les oblations, les purifications, et tout le reste du service du culte. Lui-même n'a nul besoin de tout cela : car il est toujours comblé de tous biens, et a en lui toute odeur de suavité, et toutes les fumées de parfums, même avant que Moïse fût.

Mais il éduquait le peuple enclin à retourner aux idoles : il le disposait, par de nombreuses prestations, à persévérer dans le service de Dieu, il l'appelait par les choses secondaires aux principales, c'est-à-dire par les figuratives aux véritables, par les temporelles aux éternelles, par les charnelles aux spirituelles, par les terrestres aux célestes.

Qu'est-ce qui fut dit à Moïse : Tu feras tout selon le modèle de ce que tu as vu sur la montagne. En effet, pendant quarante jours, il apprit à retenir les paroles de Dieu, les caractères célestes, les images spirituelles, et les figures des choses à venir. Ainsi le dit Paul : Ils buvaient au rocher qui les suivait, car le rocher était le Christ. Puis ayant rappelé le contenu de la loi, il ajoute : Toutes ces choses leur arrivaient en figures ; elles ont été écrites pour être instruction, à nous en qui est arrivée la fin des siècles. Par ces figures, ils apprenaient à craindre Dieu et à persévérer dans son service. Ainsi la loi était pour eux un enseignement, en même temps qu'une prophétie de l'avenir. » (1)

(1) Saint Irénée de Lyon, Contre les hérésies

07 mars 2020

Homélie du deuxième dimanche de carême - Année A - Pédagogie et transfiguration…

Pourquoi a-t-on besoin du carême ?

Cinq  verbes dans les textes d'aujourd’hui nous donne le chemin : quitter, monter, contempler, écouter agir...

Quitter
Dieu nous a fait des êtres libres.
« Le chemin qui s'ouvre devant [l'homme] est celui de la liberté ou de la servitude, du progrès ou de la régression, de la fraternité ou de la haine. En outre, l'homme découvre qu'il lui appartient de bien diriger les forces qu'il a mises en mouvement et qui peuvent l'écraser ou le servir. (...) En vérité, les déséquilibres dont souffre le monde actuel sont liés à un déséquilibre plus fondamental, qui a sa racine dans le cœur même de l'homme. C'est en l'homme lui-même, en effet, que de nombreux éléments se combattent. D'une part, comme créature, il lit l'expérience de ses multiples limites ; d'autre part, il se sent illimité dans ses désirs et appelé à une vie supérieure, sollicité par tant d'appels, il est sans cesse contraint de choisir entre eux et d'en abandonner quelques-uns. En outre, faible et pécheur, il accomplit souvent ce qu'il ne veut pas et n'accomplit point ce qu'il voudrait. C'est donc en lui-même qu'il souffre division, et c'est de là que naissent au sein de la société des discordes si nombreuses et si profondes » Gaudium et Spes
Nous avons abusé de cette liberté. Nous avons besoin de retrouver le chemin qui nous révèle notre saine dépendance au divin.
Nous avons besoin de comprendre et sentir Sa tendresse, de contempler Sa bonté.

Face à Israël perdu sur les voies du monde, Dieu se décide à ramener son peuple au désert, à le séduire ... comme Osée le fait symboliquement avec Gomer (Osée 2)

Mais ce détour au désert n'est pas chemin de mort. Il est pédagogie, une « plongée dans la mort » pour redécouvrir la vie : « il les rassasie du pain venu des cieux ; il ouvre le rocher : l'eau jaillit, un fleuve coule au désert. » Ps 104, 40-41

Quel est ce fleuve ?

C'est ce que nous révèle l’Évangile de ce dimanche.
Il faut avoir accepté de quitter, aux côtés d'Abraham, son « pays » (Gn 12), ce monde qui nous enferme dans sa routine et ses nœuds.
Il faut, spirituellement, monter, faire l'ascension dans l'effort, aux côtés de Pierre, Jacques et Jean, malgré la fatigue et la soif, pour découvrir que la lumière est au bout du chemin. Le Fils est ce buisson ardent révélé trois fois à Moïse (cf. Exode 3, Exode 34 - aux termes de 40 ans de désert et Mat 17). Il est le souffle ténu senti par Élie  après 40 jours de désert (1 Rois 19). Il est chemin de vie et fleuve éternel...

L'Évangile de Matthieu reprend les codes des Théophanies (1) de l’Ancien Testament pour insister sur cette révélation de Dieu. 

C'est au bout de la route que la lumière déchire le brouillard. Si nous croyons, la mort n'a plus d'importance. Oublions un instant la peur et la panique qui occupe le monde. A ses trois amis, Jésus donne d'entrevoir la lumière. Alors quittons ce qui nous retient au monde, partons au désert malgré cette aridité apparente.

« Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s'est manifesté : il a détruit la mort,
et il a fait resplendir la vie et l'immortalité
par l'annonce de l'Évangile ».
2 Tim 9, 10

Il a fait resplendir la vie. Au cœur de notre carême tournons nos cœur vers la lumière de l'eucharistie, laissons Jesus briser nos cœurs de pierre...

Contemplons la lumière, non pour s’y arrêter comme le suggère Pierre, mais pour agir...
Les théophanies n’ont pour fonction que de nous mettre en chemin. « Si les théophanies sont colorés et impressionnante surtout dans les songes, les images restent fonction de ce qui est le plus important : des paroles de la promesse, et c’est pour cette promesse »(2) qu’elles se destinent.

Ici, la révélation faite aux disciples est destinée à préparer à la promesse finale : Dieu est plus fort que la mort ». C’est le kérygme qui est visé, notre foi en la résurrection.


(1) Sur ce thème cf. mes travaux de recherche et notamment L’amphore et le fleuve
(2) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p 171
Illustration : Moïse frappant le rocher. Trésor des églises d’Eure et Loir

06 mars 2020

Au fil de Jean 13 – lavement des pieds – plus qu’un sacrement - pédagogie 20

« L'Église a fait de l'eucharistie le sommet des sacrements dont elle vit. Pourquoi le lavement des pieds n'est-il pas devenu à son tour un sacrement de l'Église ? Jésus y a posé le geste, a donné la parole et indiqué le devoir de le répéter. Ce cas est infiniment plus clair que ceux de plusieurs autres sacrements. Après quelques hésitations dans la tradition, la répétition liturgique s'est bornée au geste, devenu formel, accompli par l'évêque ou le prêtre le Jeudi saint. La réponse à cette question est dans la nature du geste lui-même : l'eucharistie est un symbole vrai du sacrifice du Christ. Ici nous sommes pas dans le symbole, mais dans la chose elle-même. Jésus ne demande pas de célébrer mais de réaliser tous les jours, comme il l'a fait lui-même [tout au long de sa vie], le service fraternel. Ce geste accompli le commandement de l'amour que Jésus ne cessera de redire aux siens (cf. Jn 14-17). (...). Ce geste est plus qu'un sacrement : il révèle Jésus (...). Et nous donne en même temps l'exemple et la tâche de servir tous les jours nos frères. Comme la croix, le lavement des pieds est la matrice de tous nos sacrements. Dans cette scène volontairement humble Jésus se révèle tout entier »(1)

On a là le sommet de la pédagogie de Jésus : nous conduire presque sans mots et avant le grand silence de la croix à l'essentiel. Et cette dynamique sacramentelle (2) est plus large que ce l'Église cristallise dans les sacrements : elle devient l'axe même de notre vie, de l'amour...

Jeune diacre je regrettais de ne pas avoir à agir le jeudi saint... L'enjeu n'est pas là, comme je le découvre en lisant Sesboué : le jeudi saint n'est qu'un rappel. La tâche du diacre est un perpétuel lavement des pieds...

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 335
(2) cf. mon essai éponyme

Au fil de Marc 6, Pédagogie du Christ - 19


« La vraie multiplication des pains, celle qui se poursuit par toute la terre, c'est l'eucharistie, nourriture pour la vie éternelle. La même scène [de Marc 6] est racontée par l'évangile de Jean [6] avec plus de détails encore. Marc disait que la foule s'était assis sur l'herbe verte ; Jean précise qu'il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit. Cette même foule poursuit alors Jésus qui leur transmet le grand enseignement sur l'eucharistie : il fait passer du désir de rassasier sa faim à celui du pain de la vie éternelle (...) pain de son corps qu'il donnera à manger au risque de scandaliser ses disciples qui ne comprennent pas comment il leur faudra manger sa chair et boire son sang. Ce signe des pains est une propédeutique patiente [on pourrait dire pédagogie] pour éduquer la foule au mystère du pain de la vie éternelle. (1)

Certains exégètes peuvent souligner que la lecture de Jean est post-pascale. Il n'empêche qu'elle s'inscrit dans cette pédagogie divine que nous essayons de thématiser.

La multiplication est en soi une parabole extraordinaire de ce don d'amour fait par le Christ et à travers le Fils le Père dans cette danse trinitaire qui se perpétue.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 333

29 février 2020

Pédagogie divine 18 - Hans Urs von Balthasar

Hans Urs von Balthasar nous introduit à sa manière à un croisement théologique entre plusieurs mouvements de compréhension (1). Je vais tenter de traduire avec mes mots son long développement et, par nature, sa contemplation de cette pédagogie divine que je cherche à dévoiler.

  1. Il y a d'abord la contemplation du grand Donateur, de ce Dieu qui est source de tout don et à qui tout appartient sans pour autant, comme le dira plus tard Jean-Luc Marion, être celui qui réclame - mais au contraire s'efface.
  2. Il y a ensuite ce Dieu qui nous convie à découvrir que notre repos est en lui, que l'amour n'est autre que de se réfugier dans ses bras miséricordieux : « en toi est la source de la vie » Ps 36,9
  3. A cet amour l'homme est appelé à répondre dans une alliance qui ne lui laisse pas de repos : « c'est de tout son cœur et de toute son âme » (cf. notamment Dt 18) que l'on doit répondre.
  4. Et pourtant nos échecs laisse percevoir la distance entre cette lente révélation de la gloire qui tranche avec la « nudité » de l'homme. Face à cette gloire, presque inaccessible, apparaît la nécessité d'un médiateur, serviteur souffrant qui, à l'image de Moïse, conduit à la terre promise sans pouvoir y accéder (Nb 20, 12).
Tout cela est, à sa manière, pédagogie, car Dieu s'y révèle doucement comme ce Dieu qui prépare à la révélation finale, dans ce sublime dévoilement trinitaire de l'incarnation, de la Croix et de la résurrection tout en gardant pour nous un sens, une immédiateté presque palpable tant le don de Dieu, sa révélation en nous, l'humilité et le besoin de médiation reste constitutif de notre « christianité ».

Il en vient une réflexion qui réhabilite à sa manière la figure du prêtre comme médiateur lui aussi de quelque chose.
En théorie il est appelé à personnifier cet entre deux. La difficulté est que le prêtre reste homme, fragile, blessé et qu'en dépit de sa vocation à la « ressemblance » il reste souvent pâle image de celui qu'il représente.

L'actualité récente est à ce titre une leçon d'humilité...

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p. 155

28 février 2020

Pédagogie du Christ - 17

En support au thème de mon livre en préparation, je découvre chez Sesboué la même idée (je n'ai rien inventé) qui nous décrit dans un long chapitre 12 la pédagogie du Christ face au pécheurs. Après l'évocation de Zachée je retiendrais l'épisode chez Simon le pharisien (Mc 14, Lc 7,36sq, Jn 12) où une femme pécheresse vient laver les pieds de Jésus - un geste qui pourrait avoir suscité l'épisode du lavement des pieds ? Plutôt qu'un enseignement moralisateur c'est par une parabole que Jésus travaille le cœur de Simon. «  la pédagogie de [Jésus passe par] une parole qui témoigne de sa même tendresse que vit à vis de la femme »(1)

Le terme de tendresse est bien trouvé. C'est l'amour de Dieu pour l'homme qui se manifeste là et va trouver son apogée dans le lavement des pieds et dans la croix. Suivre cela c'est percevoir tout le chemin et la pédagogie divine qui se manifeste depuis la genèse jusqu'à nous.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 317

24 février 2020

Pédagogie divine 16

«Tout l'organisme de la révélation, de l'Ancien comme du Nouveau Testament pivote autour de l'idée de salut. (...) [Et la question : ] « Qui doit être le Christ pour qu'il ait pu nous sauver, comme cela nous a été annoncé ? [est le centre]. Tout dans la Bible, et tout d'abord la personne du Christ, est ordonné à notre salut, c'est-à-dire à notre bonheur total et définitif (...) la Bible est un immense « pour nous », organisé par Dieu » (1)

C'est dans ce sens que la pédagogie de Dieu vers l'homme se résume à une invitation à Sa Danse (cf. plus haut) et que la déchirure du voile (cf. Mc 15, 38) révèle l'ensemble du mystère : Christ est mort pour notre salut et sa résurrection est le prologue de notre bonheur à venir in Christo.

« Notre Dieu est un Dieu qui s’intéresse à l’homme, qui se fait proche de l’homme et pour qui l’homme existe en vérité »(2)

« L’abaissement du Christ venant chez nous est une élévation de notre dignité et la révélation de notre vocation à vivre en amis de Dieu (...) Le Christ respecte notre condition humaine en la partageant en tout de sa naissance à sa mort. D’un même mouvement il nous révèle cette ressemblance originelle et il l’a restauré. Tout son comportement est devenu un agir d’homme, mais d’un homme parfait accomplissant totalement le vœu créateur de son Père. Il établit entre son Père et nous une solidarité et une communion nouvelle. Il nous a montré comment l’amour de Dieu pour nous pouvait s’exprimer avec toute la tendresse d’un homme » (3)

« En souffrant pour nous , il ne nous a pas seulement donné l’exemple, afin que nous marchions sur ses pas, mais il a ouvert une route nouvelle ; si nous la suivons, la vie et la mort deviennent saintes et acquièrent un sens nouveau » (GS 22,3)

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 285
(2) p. 286
(3) p. 296

19 février 2020

Sagesse et pédagogie divine 2


Dieu nous prépare un chemin de vie. Il a tracé dans l'histoire ce beau « tournant où tout au monde n'est que grâce. Dans le secret, il nous prépare ce qui pourra devenir le jour de gloire. Sa clarté filtre déjà et nous entrons dans son histoire »(1)

« La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé sept colonnes. (...) « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j'ai préparé. (...) prenez le chemin de l'intelligence. » La sagesse commence avec la crainte du Seigneur, connaître le Dieu saint, voilà l'intelligence ».(2)

« l'Esprit invite (...) par la bouche de [ses] serviteurs (...) : Celui qui manque de sagesse est celui qui pense dans son cœur que Dieu n'existe pas. Qu'il rejette son athéisme, qu'il me rejoigne par la foi, qu'il sache que je suis le Créateur et le Seigneur de l'univers. (...) Venez manger mon pain et boire le vin que j'ai mélangé pour vous ! (...) Venez manger mon corps qui, comme du pain, vous nourrit pour la pratique de la vertu ; buvez mon sang qui, par la connaissance, vous réjouira comme du vin et vous enivrera pour vous diviniser. Car ce sang, d'une façon étonnante, je l'ai mélangé à la divinité, pour votre salut. »(3)



(1) Hymne de l'office des lectures du 19/2
(2) Proverbes 9, 1, 5, 6, 10
(3) Procope de Gaza, commentaire sur les Proverbes, source AELF, office des lectures du 19/2/20

18 février 2020

Sagesse et pédagogie divine


En ce temps d'hiver, prenons de la distance et laissons nous émerveiller par les dons de Dieu.
Contemplation inouïe que ce chapitre 8 des Proverbes que nous propose l'office des lectures du 18/2 :
« Le Seigneur m'a faite pour lui, principe de son action, première de ses œuvres, depuis toujours.
Avant les siècles j'ai été formée, dès le commencement, avant l'apparition de la terre.
Quand les abîmes n'existaient pas encore, je fus enfantée, quand n'étaient pas les sources jaillissantes.
Avant que les montagnes ne soient fixées, avant les collines, je fus enfantée, avant que le Seigneur n'ait fait la terre et l'espace, les éléments primitifs du monde.
Quand il établissait les cieux, j'étais là, quand il traçait l'horizon à la surface de l'abîme, qu'il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l'abîme, quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre.
Et moi, je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, jouant dans l'univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. » (Pr 8, 25-31)



Écoutons saint Athanase sur ce point :

La Sagesse personnelle de Dieu, son Fils unique, est créatrice et réalisatrice de toutes choses. En effet, dit le Psaume :Tu as tout fait avec sagesse, la terre est pleine de tes créatures. Afin que les créatures non seulement existent, mais existent bien, Dieu a décidé que sa propre Sagesse descendrait vers les créatures afin d'imprimer en toutes et en chacune une certaine empreinte et représentation de son image ; ainsi serait-il évident qu'elles ont été créées avec sagesse et qu'elles sont des œuvres dignes de Dieu.

De même, que notre verbe humain est l'image de ce Verbe qui est le Fils de Dieu, ainsi notre sagesse est, elle aussi, l'image de ce Verbe qui est la Sagesse en personne. Parce que nous possédons en elle la capacité de connaître et de penser, nous devenons capables d'accueillir la Sagesse créatrice, et par elle nous pouvons connaître son Père. Car celui qui a le Fils a aussi le Père, et encore : Celui qui m'accueille accueille celui qui m'a envoyé. Parce que l'empreinte de cette Sagesse existe en nous et en toutes ses œuvres, il est tout à fait juste que la Sagesse véritable et créatrice, appliquant à elle-même ce qui concerne son empreinte, dise : Le Seigneur m'a créée comme une de ses œuvres. ~

Puisque le monde, par le moyen de la sagesse, n'a pas reconnu Dieu dans la Sagesse de Dieu, c'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Désormais Dieu ne veut plus, comme dans les temps primitifs, être connu par l'image et l'ombre de la Sagesse : il a voulu que la véritable Sagesse en personne prenne chair, devienne homme, subisse la mort de la croix, afin qu'à l'avenir tous les croyants puissent être sauvés par la foi en cette Sagesse incarnée.

C'est donc elle qui est la Sagesse de Dieu. C'est elle qui, auparavant, par son image introduite dans les choses créées (et c'est en ce sens qu'on la disait créée), se faisait connaître et, par elle, faisait connaître le Père. Par la suite, elle-même, qui est le Verbe, est devenue chair, comme dit saint Jean ; après avoir détruit la mort et sauvé notre race, elle s'est manifestée plus clairement elle-même et, par elle-même, elle a manifesté son Père. Ce qui lui a fait dire : Donne-leur de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.

Toute la terre a donc été remplie de sa connaissance. Car il y a une seule connaissance : du Père par le Fils, et du Fils à partir du Père. Le Père met sa joie en lui, et le Fils se réjouit de la même joie dans le Père, ainsi qu'il le dit : J'y trouvais ma joie, je me réjouissais jour après jour en sa présence. (1)

℟ Sur le visage du Christ
rayonne la gloire de Dieu.

La loi fut donnée par Moïse,
la grâce et la vérité
sont venues par Jésus Christ !

On notera en particulier cette phrase d'Athanase qui traduit ce que Karl Rahner appelle l'auto-communication de Dieu en nous et qui révèle ce que je contemple comme « l'Amour en toi » : «  l'empreinte de cette Sagesse existe en nous » dit-il.

Qu'est-ce que l'empreinte chez Athanase ? Est-ce ce que Bonaventure appelle la trace ? Est-ce ce qui fait de nous des pales images de Dieu, sur le chemin de la ressemblance, dont seule le Christ est la plénitude ?

Ce qui est bon en nous vient de Dieu. Cette lueur fragile mise en nous et qui nous conduit à aimer... C'est cela la lumière souvent mise sous le boisseau et qu'il nous faut relever et laisser transparaître.
Dieu a « voulu nous engendrer par sa parole de vérité pour faire de nous comme les prémices de toute créatures »  (Jacques 1, 8,

 (1) Saint Athanase d'Alexandrie, discours contre les Ariens, Le Christ, Sagesse du Père et office des lectures du 18/2/20 source AELF

14 février 2020

Esclave du mal - Pédagogie 13

Notre participation au péché originel n'est pas la conséquence de la faute d'un homme hypothétique du nom d'Adam mais la constatation objective de notre enfermement collectif dans une logique pécamineuse dont l'Esprit seul peut nous défaire (1)

L'enjeu du Premier Testament est de nous immerger dans ce contexte non par l'immersion dans une histoire exacte mais par l'interprétation constante entre récit, révélation et relecture personnelle. Comme je ne cesserai de le répéter (2) à la suite d'Hamman le Premier Testament est notre histoire, il révèle sans cesse notre propre adhérence au péché.

(1) cf. à ce sujet le long développement de Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 183sq.
(2) cf. Pédagogie divine à paraître

12 février 2020

De l'esclavage à la liberté - Pédagogie divine - 8


Trêsor de cette office des lectures d'aujourd'hui qu,il faut déguster lentement à commencer par cet extrait de la lettre aux Galates qui complète bien l'état de mes travaux actuels de recherche sur la pédagogie divine (1) ; « 3.15 Frères, j'emploie ici un langage humain. Quand un homme a fait un testament en bonne et due forme, personne ne peut l'annuler ou lui ajouter des clauses.
3.16 Or, les promesses ont été faites à Abraham ainsi qu'à sa descendance ; l'Écriture ne dit pas « et à tes descendants », comme si c'était pour plusieurs, mais et à ta descendance, comme pour un seul, qui est le Christ.
3.17 Alors je dis ceci : le testament fait par Dieu en bonne et due forme n'est pas révoqué par la Loi intervenue quatre cent trente ans après, ce qui abolirait la promesse.
3.18 Car si l'héritage s'obtient par la Loi, ce n'est plus par une promesse. Or c'est par une promesse que Dieu accorda sa faveur à Abraham.
3.19 Alors pourquoi la Loi ? Elle a été ajoutée, pour que les transgressions soient rendues manifestes, jusqu'à la venue de la descendance à qui ont été faites les promesses, et elle a été établie par des anges par l'entremise d'un médiateur.
3.20 Ce médiateur en représente plus d'un, mais Dieu, lui, est un.
3.21 La Loi est-elle donc contre les promesses de Dieu ? Absolument pas. S'il nous avait été donné une loi capable de nous faire vivre, alors vraiment la Loi rendrait juste.
3.22 Mais l'Écriture a tout enfermé sous la domination du péché, afin que ce soit par la foi en Jésus Christ que la promesse s'accomplisse pour les croyants.
3.23 Avant que vienne la foi en Jésus Christ, nous étions des prisonniers, enfermés sous la domination de la Loi, jusqu'au temps où cette foi devait être révélée.
3.24 Ainsi, la Loi, comme un guide, nous a menés jusqu'au Christ pour que nous obtenions de la foi la justification.
3.25 Et maintenant que la foi est venue, nous ne sommes plus soumis à ce guide.
3.26 Car tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi.
3.27 En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ;
3.28 il n'y a plus ni juif ni grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus l'homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu'un dans le Christ Jésus.
3.29 Et si vous appartenez au Christ, vous êtes de la descendance d'Abraham : vous êtes héritiers selon la promesse.
4.01 Je m'explique. Tant que l'héritier est un petit enfant, il ne diffère en rien d'un esclave, alors qu'il est le maître de toute la maison ;
4.02 mais il est soumis aux gérants et aux intendants jusqu'à la date fixée par le père.
4.03 De même nous aussi, quand nous étions des petits enfants, nous étions en situation d'esclaves, soumis aux forces qui régissent le monde.
4.04 Mais lorsqu'est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme et soumis à la loi de Moïse,
4.05 afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et pour que nous soyons adoptés comme fils.
4.06 Et voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c'est-à-dire : Père !
4.07 Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils, et puisque tu es fils, tu es aussi héritier : c'est l'œuvre de Dieu. » (Ga 3, 15-29; 4, 1-7)

Ressuscités avec le Christ, cherchons les choses d'en haut. Vous qui êtes baptisés dans le Christ,
vous avez revêtu le Christ. Revêtez l'homme nouveau, créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité.
  
Ambroise, dans sa réponse aux questions que pose à Orontien sur le chapitre 8 de la lettre aux Romains, complète bien cette épitre : « D'après saint Paul, celui qui, par l'Esprit, fait mourir le comportement charnel, celui-là vivra. Ce n'est pas étonnant qu'il vive, puisqu'il devient fils de Dieu, ayant l'Esprit de Dieu. Il est fils de Dieu à tel point qu'il ne reçoit pas un esprit d'esclavage mais l'esprit des enfants d'adoption ; et à tel point que le Saint-Esprit de Dieu rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Ce témoignage est bien celui de l'Esprit Saint puisque c'est lui qui crie dans nos cœurs : Abba, Père, comme c'est écrit dans la lettre aux Galates. Mais ce qui témoigne hautement que nous sommes fils de Dieu, c'est que nous sommes héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ. Est héritier avec lui celui qui est glorifié avec lui ; et il est glorifié avec lui, celui qui, en souffrant pour lui, souffre avec lui.

Pour nous encourager à souffrir, saint Paul ajoute que tout ce que nous souffrons est peu de choses, sans proportion avec les biens à venir de cette grande récompense qui rétribuera nos labeurs : récompense qui se révélera en nous lorsque nous serons recréés à l'image de Dieu et que nous pourrons regarder sa gloire en face.

Pour mettre en valeur la grandeur de cette révélation à venir, l'Apôtre ajoute que la création elle-même attend cette révélation des fils de Dieu. Cette création est maintenant livrée malgré elle au pouvoir du néant ; mais elle est dans l'espérance. Car elle espère que le Christ l'aidera par sa grâce à se libérer de l'esclavage de la dégradation inévitable, et à recevoir la liberté glorieuse des fils de Dieu. Ainsi y aura-t-il une seule liberté, pour la création et pour les fils de Dieu, lorsque la gloire de ceux-ci se révélera. Mais maintenant, tant que cette révélation se fait désirer, toute la création gémit en attendant de partager la gloire de notre adoption et de notre rédemption. Elle enfante déjà cet esprit qui la sauve, et elle veut être délivrée de l'esclavage du néant. ~

Il est clair que les créatures qui gémissent en attendant l'adoption des fils ont en elles les premiers dons de l'Esprit. Cette adoption des fils, c'est la rédemption du corps tout entier, lorsque celui-ci, en qualité de fils adoptif de Dieu, verra en face ce bien éternel et divin. Il y a déjà adoption filiale dans l'Église du Seigneur lorsque l'Esprit s'écrie : Abba, Père, selon la lettre aux Galates. Mais cette adoption sera parfaite lorsque ceux qui seront admis à voir la face de Dieu ressusciteront tous dans l'immortalité, l'honneur et la gloire. Alors la condition humaine s'estimera vraiment rachetée. C'est pourquoi l'Apôtre ose dire : Nous avons été sauvés en espérance. L'espérance sauve en effet, comme la foi, dont il est dit : Ta foi t'a sauvé. » (2)

L'Esprit du Seigneur est liberté, parce que Christ nous a libérés pour crier Abba ! Père !
 
Dans ton amour inépuisable, Dieu éternel et tout-puissant, tu combles ceux qui t'implorent, bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs ; répands sur nous ta mésiricorde en délivrant notre conscience de ce qui l'inquiète et en donnant plus que nous n'osons demander.(3)

(1) livre à paraître
(2) Ambroise de Milan, Lettre à Orontien
(3) source : Office des lectures, mercredi de la 5eme semaine ordinaire, AELF

11 février 2020

Allaitement - pédagogie phase 1 - Osée 2

« Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » (Mc 6,31)

« Si tu veux venir vers moi et me trouver, suis-moi, cherche-moi à part. Marc dit en effet : « Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l'on n'avait même pas le temps de manger. » (Mc 6,31)

« Hélas ! Les passions de la chair, le tumulte des pensées qui vont et qui viennent dans notre cœur sont tels, que nous n'avons pas le temps de manger la nourriture de la douceur éternelle ; de percevoir la saveur de la contemplation intérieure. C'est pourquoi notre Maître dit : « Venez à l'écart » de la foule bruyante ; « dans un lieu désert », dans la solitude de l'esprit et du cœur, « et reposez-vous un peu. » Vraiment un tout petit peu, car, dit-il dans l'Apocalypse : « Il se fit un silence dans le ciel, environ une demi-heure » (Ap 8,1) ; et dans le psaume : « Qui me donnera des ailes comme à la colombe, que je m'envole et me pose ? » (Ps 54,7 LXX)
Mais écoutons ce que dit le prophète Osée : « Je l'allaiterai*, dit-il, et la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur » (cf. Os 2,14 Vg.). Les trois expressions allaiter, conduire au désert, parler à son cœur désignent les trois étapes de la vie spirituelle : le début, le progrès, la perfection. Le Seigneur allaite le débutant lorsqu'il l'éclaire de sa grâce, pour qu'il grandisse et progresse de vertu en vertu. Il le conduit ensuite à l'écart du vacarme des vices et du désordre des pensées, dans le repos de l'esprit ; enfin, une fois amené à la perfection, il parle à son cœur. L'âme éprouve alors la douceur de l'inspiration divine et peut se livrer totalement à la joie de l'esprit.
Quelle profondeur de dévotion, d'émerveillement et de bonheur dans son cœur ! Par la dévotion, il s'élève au-dessus de lui-même ; par l'émerveillement, il est conduit au-dessus de lui-même ; par le bonheur, il est transporté hors de lui-même.(1)

(1) Saint Antoine de Padoue, Sermon pour la fête de saint Jean évangéliste (Une Parole évangélique, trad. V. Trappazzon, éd. Franciscaines, 1995, p. 143-145 ; rev.), source : l'Évangile au Quotidien

(*) "Je l'allaiterai" : "lactabo" le verbe latin peut signifier allaiter ou séduire.


01 février 2020

L’entreprise divine - Tertullien


Je poursuis ma contemplation de cette pédagogie divine dans l'histoire comme dans nos cœurs...
« L'entreprise [divine] (...) était l'objet d'un travail (...) Dieu la prend, la touche, la pétrit, l'effile et la façonne. Représente-toi Dieu tout entier occupé à donner figure à l'œuvre de sa main : il y applique son intelligence, son action, son conseil, sa sagesse et sa providence et avant tout son affection (...) Dieu fit l'homme. Ce qu'il façonna, « il le fit à l'image de Dieu », c'est-à-dire du Christ (1) ».

(1) Tertullien, De la résurrection de la chair, ch. 6,PL 2, 806c, cité par Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 71

31 janvier 2020

Au fil de Marc 4,26-34 - semence et pédagogie divine - amour en toi - 52

« Il en est du règne de Dieu comme d'un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D'elle-même, la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi.
Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »
Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences.
Mais quand on l'a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. » (Marc 4, 27-32)

On peut lire cette parabole sur deux niveaux ; en mode contemplatif pour voir le chemin de Dieu dans l'humanité depuis l'origine, comme une graine fragile qui suscite un vent de fécondité dans une terre libre et réceptive. On entre alors en résonance avec ma recherche déjà commentée plus haut sur la pédagogie divine.

On peut lire aussi cela sous le mode méditatif à la suite de Maxime le Confesseur : « La parole de Dieu (...) paraît bien petite (...) Mais quand elle a été cultivée comme il faut, elle se montre si grande que les raisons nobles des créatures sensibles et intelligibles se reposent sur elle. Car elle embrasse les raisons de tous les êtres. Mais elle-même, aucun être ne peut la contenir. C'est pourquoi celui qui a la foi comme un grain de sénevé peut, par la parole, déplacer la montagne, comme l'a dit le Seigneur (cf. Mt 17,20), c'est-à-dire chasser le pouvoir que le diable a sur nous et changer le fondement.
Le Seigneur est un grain de sénevé, semé en esprit par la foi dans les cœurs de ceux qui le reçoivent. Celui qui l'a soigneusement cultivé grâce aux vertus, déplace la montagne du souci terrestre. Puis, lorsqu'il a chassé de lui-même l'habitude du mal, si difficile à infléchir, il fait se reposer en lui les paroles des commandements et les modes d'existence ou les puissances divines, comme les oiseaux du ciel. (...) Ce n'est pas en dehors de ceux qui cherchent qu'il faut chercher le Seigneur, mais ceux qui cherchent doivent le chercher en eux-mêmes, par la foi qu'ils mettent en œuvre.
Car il est dit : « La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur » (Rm 10,8), c'est-à-dire la parole de la foi, comme le Christ lui-même : la parole de Celui qu'on cherche. »

L'amour est en toi comme un germe, une musique qui t'invite à « danser » sur les places. Ne refusons pas la valse de Dieu.

(1) Saint Maxime le Confesseur, Centurie sur la théologie II, n ° 10-11, 35 (Philocalie des Pères neptiques ; trad. J. Touraille, éd. DDB-Lattès), source : l'Évangile au Quotidien

28 janvier 2020

Création et pédagogie divine - Sesboué

Je trace ici la suite d'un travail en cours sur la « pédagogie divine », déjà entamé il y a quelques années que je reprend doucement. Comme le souligne Bernard Sesboué, les premiers chapitres de la Genèse sont dans ce cadre, « des mythes au sens positifs (...) des contes inventés (...) intégrés dans [le] projet narratif et historien » (1) de Dieu. Ils préparent à la révélation et sont, en un sens, partie intégrante de la pédagogie divine.

L'articulation (2) entre les histoires surnaturelles racontées par la Genèse, l'histoire de l'homme et du péché et la personne du Christ constitue en fait pour lui une « matrice » (2) dans laquelle se construit cette pédagogie divine. Dès le chapitre 1, l'articulation entre image (bə·ṣal·mê·nū) et ressemblance ( kiḏ·mū·ṯê·nū) donne le ton, longtemps commenté par les pères de l'Église, de cette double dynamique et distance entre les pas de Dieu vers l'homme et ceux de l'homme vers Dieu qui trouvent leur symbiose symphonique en Christ.(3)

C'est en un sens tout l'enjeu de la rencontre entre Dieu et l'homme qui se joue déjà. Dieu a déjà, par essence, une dimension d'altérité dans sa dimension trinitaire. L'arrivée de l'homme est un autre enjeu ou se conjugue distance et liberté. Dieu et l'homme vont petit à petit se pencher l'un vers l'autre : Dieu par amour, l'homme par cette révélation progressive extérieure et intérieure qui le conduit progressivement à ressentir ce Dieu qui se livre à lui, dans une nudité et une exposition dynamique où culmine la Croix.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 41
(2) p. 42 ss
(3) cf. mes travaux sur la « danse trinitaire ».

PS : « kid mut » à 2 seules occurrences dans la bible, dont Dan 10, 16, qui introduit cet être particulier à l’apparence humaine ; le fils de l’homme ?

12 avril 2017

Entrer en dialogue - 2

La pédagogie du Christ nous dit encore Monique Baujard (1) à la suite de Paul VI (cf. ES 90) montre que "le dialogue n'a rien de statique : assimiler (...) partager les usages communs, (...) écouter la voix et plus encore le coeur de l'homme avant de parler, comprendre ; respecter, se faire les frères des hommes. C'est tout le contraire d'un enseignement magistral" (1)

On retrouve là, avec d'autres mots, ce que je cherche à exprimer dans Pastorale du seuil.

(1) le bien commun, tome 2, op. Cit p. 22ss