30 avril 2007

Perdition - V

Pour Hans Urs von Balthasar, "le mystère du destin du diable, une boite de Pandore inabordable". On ne peut combattre les diables avec l'armure de Dieu. Ce sont les armes de Dieu que l'homme est autorisé à utiliser comme le Christ le jour de la tentation au désert (Ep 6, 10 ss) : "Revêtez toutes les armes de Dieu afin de tenir bon contre les armes du diable". (1)

"Il n'y a en face du diable aucune illusion possible de se croire en sécurité" ajoute Adrienne von Speyr

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 187

(2) Die Katolische Briefe, I, 399 cité par Hans Urs von Balthasar, DD IV, p. 187

29 avril 2007

Perdition - IV

Pour K. Barth, "même le refus de Dieu est vanité". La vanité, l'homme seul ne peut en venir à bout et ne peut même s'en sortir, "il faut que Dieu se jette dans la bataille". Pour lui ce n'est que sur la croix que "nous savons en principe ce qu'est le mal". (1)

C'est dans le concret de la croix que l'on perçoit combien le mal est l'affaire propre de Dieu, en tant qu'il est à l'origine de la "contradiction" et "l'affrontement du divin". (2)

(1-2) K. Barth, Kirchliche Dogmatik, p. 416, cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 185-6

28 avril 2007

Dénouement

Il y a une césure, un basculement qui d'une certaine mesure est proche d'une mort, quand l'on accepte de basculer dans la dépendance de l'amour, jusqu'à accepter de déposer sa vie entre ses mains. C'est pour Théobald, un "dénouement miraculeux quand subitement ma liberté et ma relation avec un proche adviennent en même temps, le rapport à soi et à autrui passant désormais l'un par l'autre. Il y a dénouement et dénouement révélateur, parce que les sujets basculent alors - dans l'instant d'un clin d'œil ou d'un tintement de voix - de l'indécision à la prévalence de la face lumineuse de leur existence. (…) Il y a dénouement enfin parce que cet évènement met les intéressés debout et les rend capables de se manifester bonté et sollicitude à bien d'autres que l'être aimé" (1)

C'est l'évènement révélateur, le miracle de la rencontre qui nous fait sortir de la solitude pour devenir être de relation. Quels sont les ressources et réparations psychologiques qui permettent ce basculement ? C'est probablement à la fois la joie de se sentir aimé et la grâce d'une force reçue d'ailleurs.

C'est aussi d'une certaine manière un dénouement, "quand l'on découvre que l'on a qu'une seule vie et que l'on a le courage de la prendre à bras le corps"…

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 125

26 avril 2007

Histoire sacrée

"Il y a des situations qui ont la vertu d'ouvrir seulement notre regard sur la totalité de notre existence, par définition inachevée. Notre être est alors mis en jeu et nous sommes provoqués à la relecture et au récit sachant bien que notre identité est liée à ce que nous pouvons en dire et raconter à d'autres". (1)

Pour moi, ces temps là sont aussi les lieux de la découverte du chemin de l'Esprit à nos côtés, du souffle ténu de Dieu, qui est venu nous tendre la main. Main que nous avons rejetée ou ignorée, main qui nous a porté parfois et nous a permis d'enjamber l'infranchissable. Dieu-passeur dans nos vies…

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 121

25 avril 2007

Conscience, Une loi intérieure – Obéissance - VIII

"Au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d'aimer et d'accomplir le bien et d'éviter le mal, au moment opportun résonne dans l'intimité de son coeur : « Fais ceci, évite cela. » Car c'est une loi inscrite par Dieu au coeur de l'homme; sa dignité est de lui obéir, et c'est elle qui le jugera.

La conscience est le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où Sa voix se fait entendre. C'est d'une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s'accomplit dans l'amour de Dieu et du prochain. Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale.
" Gaudium & Spes n°16

Je ne reprendrais mon petit laïus sur le concept d'obéissance (cf. Balises), mais il me semble qu'il s'impose là encore. Difficile transmission des vérités divines.

24 avril 2007

Solitude et communication

L'homme est pour moi enfermé dans une forteresse, dans une carapace. Il s'y protège de la dureté de la vie, mais en même temps se ferme à la tendresse de Dieu. Pour certains, la faille d'un amour passion vient ébranler la tour. Mais quant est-il des autres ? C'est mon espérance que la caresse de Dieu trouvera son chemin ailleurs, peut-être qu'au dernier souffle. Mais la souffrance de cette solitude sera un tremplin vers l'éternité de l'amour de Dieu, un ascenseur vers l'amour infini de Dieu.

23 avril 2007

Perdition - III

Dans l'Évangile de Jean, Jésus vient pour juger et sauver mais son jugement se fait par la Parole : soit on écoute (58 fois dans l'évangile), on reçoit, soit on refuse et cela conduit à l'endurcissement, l'aveuglement du cœur. Ainsi d'après Hans Urs von Balthasar ce n'est pas Dieu qui nous jugera mais l'homme lui-même dans sa liberté qui est instrument de son propre jugement. Ce qui implique que ce "sont les ténèbres qui contraignent la Lumière à devenir jugement". Cela apparaît pour lui clairement dans le "logion de Jésus qui s'identifie à la "Lumière du monde" (Jn 8,12) et se distingue ainsi comme personne de la Parole : "La parole jugera au dernier jour (Jn 12,47ss).

"La lumière est venue sur le monde et les hommes ont aimé (êgapêsan) l'obscurité plus que la lumière" (Jn 3,19 ss).

Pas toujours simple...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 179

Silence - II

Manifestation incomparable de la non-violence divine au sein même de la création (…) vulnérabilité radicale (…) exposée au déchaînement de la violence ? (1) N'est-ce pas dire la toute tendresse de Dieu que d'évoquer son silence quand tout est dit…

Pour Théobald, la violence n'est jamais plus féroce que quand elle se trouve en face d'une totale non-violence. Au "Jusqu'à quand" laisseras tu faire ? d'Ap 6,10, réponds le "C'en est fait" d'Ap 16, 17 note-t-il…

Sans commentaires

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 101

22 avril 2007

Le souffle de Dieu

Lorsque Théobald évoque ce "presque rien que l'on sent derrière la Porte" comme l'exprime le Cantique des cantiques (1) de nombreuses images raisonnent en moi. D'abord cette poétique du Cantique qui décrit l'amour d'un homme et d'une femme et qui au travers du langage hyperbolique révèle autant que le sacrement vivant et efficace d'un couple peut révéler l'amour.

Mais ce silence de Dieu, ce souffle ténu, c'est d'abord ce texte magnifique du 1er chapitre des Rois où Elie découvre que Dieu n'est ni dans le tonnerre, ni dans le feu, mais dans le "bruit d'un fin silence" pour reprendre la traduction attribuée à Lévinas. Le silence de Dieu est chemin de liberté, il vient caresser notre cœur, jusqu'à ce qu'au creux de notre propre silence, nous puissions ouvrir notre âme à l'appel. Viens Seigneur, ton serviteur écoute…

Heureux est tu, si tu entends au fond de toi-même cet appel à l'amour qui libère.
Un silence qui suit ou qui précède la Parole... Quand le temps vient...

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 99

21 avril 2007

Perdition ?


Quand Barth déplore "la sérénité imperturbable avec laquelle la théologie traditionnelle abandonne à la perdition une partie de la création pourtant destinée au ciel" et réserve la miséricorde aux bienheureux élus, je ne peux que souscrire à cette analyse et insister sur les circonstances atténuantes qui conduisent tous les ignorants de Dieu parfois par la faute des hommes à passer à côté de la grandeur du mystère. N'avons nous pas, à cet égard la tentation du fils aîné, qui juge et méprise, alors que nous avons accès à la lumière et la cachons parfois aux autres, comme le dit si bien Lévinas dans Difficile Liberté … ? Mais il est vrai que je radote…

Notons cependant que Paul, dans sa lettre aux Romains, analyse le rapport du péché et de la grâce dans le sens d'un "individualisme du jugement" ce qui implique une responsabilité personnelle essentielle au-delà de la grâce surabondante pour combattre en soi ce qui nous éloigne de Dieu, même si nous sommes sauvés en espérance (cf. Rm 8,4) : "Afin que les préceptes de la loi soient révélés non pas en la chair mais en l'Esprit…".

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 171

20 avril 2007

Pastorale – III - Au cœur de la bonne nouvelle

Le cœur de la Bonne nouvelle, c'est que l'amour est joie et qu'il ne s'agit pas d'une obéissance servile mais un choix de vie qui libère. C'est la Bonne nouvelle que nous devons transmettre, transpirer, révéler, interpeller chez l'autre, sans forcément le dire de manière explicite par nos paroles, mais tout simplement parce que c'est notre joie…

19 avril 2007

Décentrement et pastorale

Comme le note Théobald, c'est dans une barque au cœur du lac que Jésus parle d'un semeur et d'un champ. Un autre homme dans un autre lieu pour créer un espace de liberté (1). Je n'avais pas remarqué que la pastorale du Christ était aussi un décentrement charnel. Cela rajoute un niveau à la force de la parabole, au langage hyperbolique qui frappe, élève, réveille. Perdre des repères pour trouver le chemin intérieur et l'éclairer par l'écoute d'autrui…

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 85

18 avril 2007

Fils Prodigue

Péguy avoue que la Parabole du fils prodigue "a fait pleurer des hommes innombrables … rien que d'y penser … Qui saurait retenir ses larmes ?" (1)

Et bien je l'avoue, je lis ce texte avec d'autres depuis vingt-ans à raison de trois à quatre fois par an. Et pas une seule fois je ne n'ai pu retenir ces larmes intérieures. On touche là pour moi au cœur du cœur de la révélation.

(1) Péguy, Œuvres poétiques complètes, Pléiade p. 650

17 avril 2007

Caché - II

Engourdi le cœur de ce peuple, appesantis ses oreilles, colle lui les yeux ! Que de ses yeux ils ne voient pas, ni n'entendent de ses oreilles ! Que son cœur ne comprenne pas, qu'ils ne puissent se convertir et être guéri ! Es 6, 8-9

J'ai du mal à comprendre pourquoi Dieu ferait cela. N'est-ce pas nous qui ne faisons pas usage de notre liberté et restons aveugles à l'essentiel… ?

16 avril 2007

Caché

Tu l'as caché aux sages et révélé aux tous petits (Mt 11, 25-27). Parfois je me demande à quoi sert tout ce vent, quand l'amour m'appelle autour de moi. Illusion et vanité…

15 avril 2007

Suivre – Obéissance - VII

Suivre et découvrir où il demeure, tout un programme. Pour Théobald "ceux qui ont commencé par le suivre avec leurs pieds doivent comprendre où il demeure (Jn 1, 38) s'ils veulent aller au bout de leur désir (de l'asymétrie du départ à "une connaissance intérieure de ce qui habite leur maître (…) pour passer ainsi à une relation symétrique de compagnonnage ou d'amitié avec celui lui) (1)

C'est ce concept de compagnonnage qu'il serait bon de méditer, pour sortir peut-être d'une vision étroite de l'obéissance et passer non de l'esclave à l'ami, non du serviteur au rang de fils…

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 79

Espérance - V

Pour Hans Urs von Balthasar, Péguy dans son Porche du Mystère de la Deuxième Vertu, "tout en maintenant l'espérance dirigé vers l'avenir, maintient la présence actuelle de l'éternité comme supérieure et englobante".

Pour lui, l'espérance qui marche entre ses grandes sœurs (foi et charité) est "en fait le véritable élément moteur de la vie". Il dira même qu'à coté des deux autres qui vont de soi, l'espérance est même "un miracle incompréhensible au cœur de l'existence humaine". (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 161

14 avril 2007

Espérance - IV

La résignation est interdite au croyant. "Celui-ci est au contraire obligé de prendre en charge, avec bonté et compassion, la terre soumise à la mort ainsi qu'aux puissances de la vanité, afin de conduire toutes choses à la rencontre de leur être nouveau." (1)

(1) J. Moltmann, Théologie de l'Espérance, cité par Hans Urs von Balthasar, DD IV, p. 152

13 avril 2007

Habité et saisi par le Christ – Obéissance - VI

Reprenons Saint Paul. Quand il affirme que c'est "Le Christ qui vit en moi" Ga 2, 20, ou qu'il a été "saisi par le Christ", Ph 3, 6, il se fait passeur de Dieu… "Pour que cette incroyable puissance soit de Dieu et non de nous" 2, Co 4,7 Ainsi peut-il affirmer que "Ce n'est pas nous-mêmes mais Jésus-Christ que nous proclamons. Quant à nous-mêmes, nous nous proclamons vos serviteurs à cause de Jésus-Christ", 2, Co 4,5. Théobald évoque à ce sujet, "L'incomparable puissance de Dieu (2 Co 4,7), la Puissance (dynamis) de résurrection (Ph 3, 10) qui entre donc réellement dans l'histoire humaine quand l'apôtre, illuminé au plus profond de lui-même par Dieu et saisi par la connaissance intérieure du Christ place sa propre gloire en lui, ce qui veut dire qu'il la laisse passer du visage du Christ vers ceux dont il se découvre serviteur et dont il dit qu'ils sont sa gloire et sa joie (1, Th 2, 19). C'est à partir d'eux comme à partir d'un horizon d'espérance qui s'échappe toujours davantage que la réflexion de l'apôtre retourne pour lui faire découvrir la force insoupçonnée de l'Evangile dont il est porteur : au cœur de sa faiblesse apparaît aussi la puissance de la résurrection qui passe entièrement par l'expérience toute intérieure de la révélation du Fils. (1)

Ce texte de Philippiens 3 ne peut que résonner en moi. Il m'habite depuis plus de 20 ans, quand nous l'avons choisi pour notre mariage. Et je crois que je n'en perçois toujours pas la force. Etre saisi par le Christ, c'est plus qu'un programme, c'est peut-être ce cheminement intérieur qui conduit au décentrement, à l'abandon total et à cette ceinture que l'on ne noue plus soi-même (cf. Jn 21), celle où l'on ne parle plus de philia (amour d'amitié) mais d'agapê (amour véritable)… C'est ce vers quoi l'espérance du Christ nous attire, telle une ancre flottante jetée dans le ciel et qui nous tire vers un toujours plus. Alors le sens de Philippiens 3 raisonne encore plus… "Oubliant le chemin parcouru, je me laisse saisir…".

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 77

12 avril 2007

Teilhard de Chardin

Pour Teilhard, la petite hostie qui se dilate pour devenir co-extensive à toutes choses mais pour se contracter de nouveau "est d'une certaine manière à l'image de toutes les communions sacramentelles qui forment ensemble une seule communion; on pourra même dire que toutes les communions de tous les hommes de tous les temps prises globalement ne font elles aussi par leur somme qu'une seule et encore plus vaste communion, coextensive cette fois à l'histoire de l'humanité" (...). En cela Teilhard conçoit l'eucharistie comme l'expression et la manifestation de l'énergie unificatrice divine s'appliquant en détail à chaque atome spirituel de l'univers. (...) Il n'y a qu'une seule messe au monde, dans tous les temps, la véritable hostie c'est l'univers.

Et c'est ainsi que tout homme, toute chose, reçue comme don est le signe de la véritable multiplication des pains de ce corps offert à l'homme par son salut, de même que ton épouse est pour toi l'hostie à vénérer, l'hostie offerte pour ta participation eschatologique au royaume.

(1) cité d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 141ss

11 avril 2007

Pastorale - II

Pour Théobald la pastorale peut être conçue comme un échange ouvert qui a une structure pascale ou eucharistique. Il s'agit, non seulement de recevoir passivement une parole extérieure, mais de découvrir que la parole entendue est déjà au travail en l'homme, que c'est alors seulement qu'elle s'avère être parole de Dieu. Selon 1 Th 2, 13 : "Nous ne cessons de rendre grâces à Dieu, de ce qu'ayant reçu la parole divine que nous vous avons fait entendre, vous l'avez reçue, non comme une parole des hommes, mais, ainsi qu'elle l'est véritablement, comme une Parole de Dieu. C'est elle qui déploie sa puissance en vous qui croyez…" (1)

D'une certaine manière, la pastorale inductive, celle qui permet un échange véritable où l'on reçoit autant que l'on donne est le chemin privilégié de cette structure pascale de la pastorale.

(1) cité par Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 74

10 avril 2007

Esclave des rites…et pastorale

"Est esclave celui qui fait ou révère un acte signifiant sans en connaître la signification. Celui par contre qui fait ou révère un signe utile, divinement institué, dont il comprend la force significative ne révère pas l'apparence qui passe mais plutôt la réalité où tous ces signes doivent être rapportés. Or un tel homme est spirituel et libre. (…) Tels sont le sacrement de Baptême et le sacrement du Corps et du Sang du Seigneur. Tout chrétien , quand il les reçoit sait à quoi ils se rapportent et, par suite, est amené à les révérer, non par une servitude charnelle mais, au contraire avec une liberté spirituelle" (1)

J'aimerais que cela soit vrai dans nos participations aux sacrements. Mais ma propre et misérable expérience montre qu'il reste un long chemin à faire avant de rendre possible cette véritable liberté spirituelle. Alors revient la lancinante question. Peut-on y accéder alors que l'on n'est qu'en chemin ? Et quand considère-t-on que l'on est véritablement en chemin ? J'ai personnellement une vision très large du sujet. Peut-être trop large, d'ailleurs.

Peut-être doit on relire à ce sujet la 1ère lettre aux Thessaloniciens selon laquelle, d'après Théobald il n'y a pas de transmission de la foi sans réception et pas de réception véritable sans une nouvelle annonce (2)

(1) Saint Augustin, La doctrine chrétienne, livre III, 12 et 13, Bibliothèque Augustinienne, 11/2, Paris, DDB 1997
(2) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 73

09 avril 2007

Chemins d'Humanité, Chemins vers Dieu


Après 20 ans de lectures, de réflexions et d'écriture, je vous annonce la mise en publication de trois volumes reprenant mes recherches en pastorale du mariage :
- Bonheur dans le couple, une approche anthropologique
- Bonheur dans le couple, tome 2, une relecture à l'aune de l'Ecriture
- Chemins d'humanité, chemins vers Dieu, réflexions sur un chemin pastoral.
Ces ouvrages sont disponibles sur le site de lulu.com
soit de manière séparée, soit en package... (c'est l'intérêt des publications numériques).
Le premier tome est tout public et ne fait pas référence explicite à la fois chrétienne, il constitue une maïeutique vers l'essentiel de la conjugalité...
Les deux autres tomes sont destinés à approfondir ces explorations au coeur de la foi chrétienne. Un itinéraire pour tout couple, avant ou après le mariage...

08 avril 2007

Le passeur

Pour Théobald, le passeur est celui qui permet ce décentrement, cette aptitude à quitter nos certitudes. Qui est-il, dans quel contexte, au bout de quelle stratégie ? Impossible de structurer une réponse. Et pour cause, il s'agit du mystère de chaque rencontre entre l'homme et Dieu, le lieu ou "une parole décisive d'un autre" ou le "regard bienveillant" rend possible de "faire soi-même le pas qui coûte (…) mystère de sa propre singularité, nullement aliénée par celle d'autrui mais attisée et habitée, au même titre que la sienne par le mystère de la vie" (1)

Etre passeur, ce n'est pas un état préparé mais une manière d'être, un souffle qui passe à travers nous et qui prend sens pour l'autre. Ce n'est pas le lieu d'un discours, mais d'un autrement être au sens lévinassien ?

En cela, le passeur de Nazareth est le vecteur. "Toutes ces rencontres de Jésus où l'autre devient unique… (…) "Devenir unique face à autrui, n'est-ce pas à proprement parler devenir comme Dieu lui-même ?" (2)

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 63
(2) ibid p. 64

07 avril 2007

Obéissance - VI

Il y aussi dans la symbolique de l'évangile, une notion qui illustre le concept de décentrement. Il s'agit de "passer sur l'autre rive". Pour Théobald, il est impossible de passer sur l'autre rive sans que le mystère de la vie qui s'y trouve m'attire à lui, créant en moi la confiance et le courage de tout mettre en jeu. Cette inversion du mouvement, pressentie en tout engagement gratuit, suggère que nous sommes ici au seuil "où la foi se sépare de la non foi en découvrant au cœur de sa propre singularité la révélation même de Dieu". (1) Et c'est peut-être là où le décentrement permet d'approcher l'obéissance.

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 62

06 avril 2007

Espérance

Pour Hans Urs von Balthasar, l'espérance chrétienne "diffère des espérances païennes ou juives parce que pour nous la souffrance et la détresse nous conduisent vers la persévérance, la fidélité éprouvée et l'espérance". Il souligne que cela a en effet son "prolongement dans le cœur transpercé du Christ qui reste transpercé pour l'éternité. L'agneau égorgé est le symbole de cette passion du Christ qui se prolonge à travers le martyre des disciples et l'humanité souffrante dans l'attente de la venue eschatologique". (1) Ainsi "le mot de Pascal sur le Christ en agonie jusqu'à la fin du monde dit bien que cette souffrance ne peut devenir un passé immergé dans l'histoire révolue".

L'actualité de celui qui porte le péché du monde dans sa chair est perpétuée par l'obéissance la plus folle de ceux qui acceptent de souffrir dans leur chair pour la gloire du royaume, participant ainsi par leurs mains et leurs cœurs offerts à la passion du Christ porté par cette espérance qui les ancrent dans l'éternité sans craindre le passage de la mort. Cette folie n'est pas une souffrance recherchée mais la conformité au plan de Dieu qui nous permet de ne pas refuser le réel de nos vies sans faire un choix doloriste ou janséniste mais en se conformant à ce décentrement véritable qui nous appelle, au bout d'un discernement éclairé à ceindre la ceinture que l'on n'a pas choisie (cf. Jean 21,18) pour entrer dans l'agapè véritable… C'est ce qui permet de parler de réciprocité dans l'espérance

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 132-3

05 avril 2007

Obéissance - V

Théobald introduit un intéressant parallèle entre croyance et créance chez Benveniste. Pour lui, on confie (fait créance) avec la certitude de récupérer ce que l'on a donné. C'est là où la démarche du Christ est différente et l'on approche ici le décentrement véritable et dans cette mouvance le sens de l'obéissance : "Des sacrifices et des holocaustes, tu n'en as pas voulu, mais tu m'as donné un corps. Holocaustes et sacrifices pour le péché ne t'ont pas plu : alors j'ai dit : me voici … Ps 40,7-9, He 10, 5-7)

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 62

04 avril 2007

Obéissance - IV

Dans Dei-Verbum, chap. 1, § 5 on trouve une belle invitation à l'obéissance de la foi : "A Dieu qui révèle, il faut apporter " l'obéissance de la foi " (Rom. 16, 26; coll. Rom. 1, 5; 2 Cor. 10, 5-6), par laquelle l'homme s'en remet tout entier et librement à Dieu en apportant " au Dieu révélateur la soumission complète de son intelligence et de sa volonté et en donnant de toute sa volonté son assentiment à la révélation qu'Il a faite. Pour apporter cette foi, l'homme a besoin de la grâce prévenante de Dieu et qui l'aide, et du secours intérieur de l'Esprit-Saint".

Lorsque j'ai travaillé récemment avec un groupe sur ce texte, je me suis rendu compte de la distance entre les concepts employés dans ce texte et le vocabulaire d'aujourd'hui. Comment expliquer l'obéissance si l'on n'a pas fait tout le chemin d'appropriation esquissé dans mes billets précédents… Je préfère le concept d'écoute attentive, qui est plus parlant…

03 avril 2007

Intelligence et esthétique

Pour Théobald, "l'émotion et la raison sont au cœur de l'expérience chrétienne". Il me semble, et je l'ai reçu d'ailleurs, que c'est dans cette oscillation entre le subjectif et l'objectif, la résonnance du cœur et la paix de l'Esprit que le véritable chemin de l'homme peut se définir. Le beau comme la science sont des appâts qui nous permettent d'aller vers le vrai, vers une liberté créatrice et pourquoi pas vers l'obéissance de la foi…

02 avril 2007

Foi – l'épiphanie du visage

Pour Théobald, l'acte de foi, c'est lorsque "quelque chose ou plutôt quelqu'un – Dieu – est subitement et peut-être définitivement vu et entendu comme jamais avant, sans que son mystère et celui du monde ne disparaissent. C'est un passage qui se produit dans la foi du sujet croyant qui est totalement engagé dans ce qui se passe (…) il est vaincu par ce qui lui arrive" (1). Je retrouve là, une notion que j'ai découvert chez Lévinas, cette "épiphanie du visage" qui au travers d'un regard fait ressentir le plus profond, le plus mystérieux de l'âme humaine et interpelle sur la présence réelle de Dieu. Est-ce par ce biais, ou par une esthétique commune que Dieu se manifeste. C'est le langage unique et kénotique de Dieu vers chacun, le mystère de la rencontre…

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 51

01 avril 2007

Prière

La prière est vue par Balthasar comme une participation à la vie intra-trinitaire et ecclésiale. Pour lui, Dieu va à la rencontre de la prière, il se penche vers elle avant même d'y répondre, il l'élève et lui donne part à l'éternité.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 120

31 mars 2007

Limites

Quand Théobald souligne les "limites d'une auto-révélation qui peut conduire jusqu'au nazisme et au stalinisme", cela réveille les accents utopiques qui m'avaient pourtant séduits dans une approche néo-rahnérienne de l'auto-manifestation du verbe en l'homme. Si c'est un principe reconnu de la conscience, qui prend sa source dans Ezéchiel 31, et est repris par Vatican II (1), il n'en reste pas moins que la notion de révélation intérieure doit rester à l'aune de la Tradition, ou comme le dit si bien Dei Verbum § 8 : "Cette Tradition qui vient des Apôtres se développe dans l'Eglise sous l'assistance du Saint-Esprit et grandit en effet la perception des choses et des paroles transmises, par la contemplation et l'étude qu'en font les croyants qui les gardent dans leur cœur"

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 46

30 mars 2007

Eucharistie et Parole - III

Pour faire entrer notre offrande imparfaite dans la sienne, le Christ s'offre quotidiennement un nombre incalculable de fois nous dit Hans Urs von Balthasar. Il veut dans la chair et le sang de son eucharistie, demeurer notre nourriture, parce que c'est là que nous trouvons accès à la réalité de la vie éternelle. J'ajouterais que sa manne nouvelle est double nourriture. Comme le souligne Dei Verbum, c'est à la table de la parole et à la table du pain…, corps et âme que nous sommes invités.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 120

29 mars 2007

Triple kénose - III

Pour Hans Urs von Balthasar, "la kénose de l'obéissance par laquelle Jésus ne retint pas le rang qui l'égalait à Dieu (Ph 2,7) est fondée sur la kénose éternelle des Personnes divines, les unes à l'égard des autres, la kénose du Fils n'étant qu'un des aspects" des kénoses intra-divines".

C'est l'obéissance qui fait l'unité de la vie du Christ, elle se maintient sans défaillance jusque que dans la nuit de la Croix alors que leur sont enlevés toute vue du Père et tout contact avec lui (1)

Serait-elle kénose véritable si la distance n'était pas portée à une distance infinie, si malgré la proximité de cœur, la distance des êtres n'étaient pas le signe de leur liberté la plus totale, la plus infinie.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 106

28 mars 2007

Eucharistie - II

L'eucharistie indique en quoi consiste l'être même de Dieu, en montrant qu'il est amour constamment en acte. Pour Hans Urs von Balthasar, le "Fils ne se suffit pas à lui-même mais toujours comme le don du Père". Il est "transparence parfaite (…) puis mouvement venant du Père et allant au Père (…) et livrant ainsi le mystère le plus intime de Dieu" (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 105

27 mars 2007

Obéissance - III

Pour Théobald, on peut concevoir la révélation sous la formule d'une instruction (c'est le sens retenu par Vatican I) alors que Vatican II parle maintenant de communication : "La révélation entre Dieu et les hommes, tout comme la relation entre l'Eglise et la société sont conçues sous forme de dialogue et l'obéissance est comprise comme capacité d'écoute". N° 5 Déi Verbum (1) Devenir écoutant de la Parole, n'est-ce pas le sens même de l'obéissance, telle que nous l'avons esquissé dans le billet précédent ?

(1) cité par Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 41

26 mars 2007

Obéissance - II

On a tendance à réduire le terme d'obéissance à un asservissement vile de l'esclave sous les ordres du maître. Je pense que le sens chrétien du mot ne peut être perçu qu'à la lumière du sens même qu'il a pris pour le Christ. C'est dans ses paroles si mystérieuses et si profondes au mont des Oliviers que l'on peut comprendre ce que cela sous-entend. "Non pas ma volonté mais la tienne" et dans ce sens, se retrouve tout ce que nous avons cherché à thématiser dans notre recherche sur le décentrement.

25 mars 2007

Evangile : mystère et révélation

La bonne nouvelle, ce qui était caché sous le voile et est maintenant révélé – cf. Rom 16, 25-27. En effet pour Paul "selon l'Evangile que j'annonce en prêchant Jésus-Christ, selon la révélation d'un mystère gardé dans le silence durant des temps éternels mais maintenant manifesté, que soit porté à la connaissance de tous les peuples païens par des écrits prophétiques, selon l'ordre du Dieu éternel… ". Il y a donc bien dans l'idée même d'évangile, de bonne nouvelle, le déchirement du voile que Marc décrit si bien au chapitre 16… et cette bonne nouvelle, c'est Jésus-Christ, lumière et verbe de Dieu qui lui dans l'obscurité du monde pour révéler avec toute la tendresse dont Dieu est capable, le mystère de l'amour du Père.

24 mars 2007

Comme Jésus approchait de Jéricho...

C'est au moment où Jésus, nous dit-on, approche de Jéricho que cet aveugle recouvre la vue. En effet Jéricho signifie la lune, or dans le langage sacré, la lune symbolise par son décours mensuel la faiblesse de notre nature mortelle. L'aveugle retrouve la lumière au moment où notre Créateur approche de Jéricho, car c'est lorsque la divinité s'est revêtue de la faiblesse de notre chair que le genre humain a recouvré la lumière qu'il avait perdue. C'est en effet l'abaissement d'un Dieu à la condition humaine qui élève l'homme à la divinité. (…) Si nous persistons avec ferveur dans notre prière, Jésus s'arrête pour nous rendre la lumière: Dieu se fixe en effet dans notre âme, et la lumière perdue nous est restituée. Mais dans ce fait le Seigneur suggère un autre sens, qui se peut entendre avec profit de son humanité et de sa divinité. En effet e'est lorsque Jésus passait qu'il entendit les cris de l'aveugle, c'est une fois arrêté qu'il lui rendit miraculeusement la vue. Car passer appartient à la nature humaine, être immobile à la divinité. (…) Le Seigneur entend donc en passant les cris de l'aveugle, mais il s'arrête pour lui rendre la vue, parce que c'est son humanité qui a eu pitié et compassion de notre cécité en écoutant nos cris, mais c'est la puissance de sa divinité qui a répandu en nous la lumière de la grâce.

Grégoire le Grand, 37ème homélie sur les Evangiles, PL 76, 1275-76

23 mars 2007

Le règne de Dieu

Le règne de Dieu ne vient pas d'une manière visible. En voyant le Fils de Dieu venir à nous « sans faste, sans grandeur ni majesté, vêtu comme le pauvre dans son humilité ", nous avons cru, selon nos critères humains, qu'il nous cachait sa grandeur et sa gloire, alors qu'il nous révélait, par ce dépouillement même, la vraie grandeur, la vraie gloire divines.

Cette grandeur et cette gloire n'ont rien à voir avec nos grandeurs et nos gloires humaines. Elles consistent essentiellement dans la souveraineté d'un amour qui ignore toutes les distances et triomphe dans la communion. Éloi Leclerc, Pâques en Galilée, DDB, 2003

La lumière qui me conduit par la main

Nous savons l'amour que tu nous as donné, sans limite, indicible, que rien ne peut contenir ; il est lumière, lumière inaccessible, lumière qui agit en tout... Que ne fait-elle pas, en effet, cette lumière, et que n'est-elle pas ? Elle est charme et joie, douceur et paix, miséricorde sans compter, abîme de compassion. Quand je la possède, je ne la remarque pas ; je la vois seulement lorsqu'elle s'en va. Je me précipite pour la saisir, et elle s'envole tout entière. Je ne sais que faire et je me consume. J'apprends à demander et à chercher avec larmes en grande humilité, et à ne pas considérer comme possible ce qui dépasse la nature, ni comme l'effet de ma puissance ou de l'effort humain, ce qui vient de la compassion de Dieu et de sa miséricorde infinie...

Cette lumière nous conduit par la main, nous fortifie, nous enseigne, se montrant, mais fuyant lorsque nous avons besoin d'elle. Ce n'est pas quand nous le voulons - ceci appartient aux parfaits - mais c'est lorsque nous sommes embarrassés et complètement épuisés qu'elle vient à notre secours. Elle apparaît de loin et me donne de la ressentir dans mon coeur. Je crie à m'en étrangler tant je veux la saisir, mais tout est nuit, et vides sont mes pauvres mains. J'oublie tout, je m'assieds et je pleure, désespérant de la voir ainsi une autre fois. Quand j'ai bien pleuré et consenti à m'arrêter, alors, venue mystérieusement, elle me prend la tête, et je fonds en larmes sans savoir qui est là illuminant mon esprit d'une très douce lumière. (1)

Saint Syméon le Nouveau Théologien (v.949-1022), moine orthodoxe, Hymne 18 (trad. SC 174 pp. 74-82)

22 mars 2007

Eucharistie et parole, fleuve d'amour

Quelle est cette eau vive jaillissant en vie éternelle que le Christ promet à la Samaritaine, ce fleuve d'amour face à laquelle notre jarre est bien petite, n'est-ce pas à la fois le pain rompu, cet amour partagé pour l'éternité, multiplié par nos mains et en dépit de nos mains et cette Parole qui se proclame par nos voix ou à notre insu, qui se répand dans l'air et au travers de nos écrits, sans même que nous puissions en maîtriser le flux, au-delà de toutes nos erreurs et nos tâtonnements, par la simple et silencieuse action de l'Esprit. Dire plus grand que le dit, pour reprendre les mots de Lévinas, Parole plus forte que l'Ecriture, plus vive encore que l'intonation monophonique d'un évangile, mais stéréophonie de Dieu, symphonie de nos voies qui s'accordent malgré nous à l'unisson de l'Esprit.

"Le Fils ressuscité est terre dans le ciel, tandis que son eucharistie est ciel sur la terre" (1)

(1) Adrienne von Speyr, Isaias, p. 217 (cité par Hans Urs von Balthasar, DD IV p. 103)

21 mars 2007

Un voile

Depuis toujours, le réel a été masqué, par un voile, le voile de la pudeur, du refus de voir, ou le voile de nos yeux. Est-ce que déjà l'Exode voulait thématiser en parlant du voile posé sur le visage (Ex 34, 32-35) et sur les peuples (Es 25,7) qui indique bien que "l'expérimentation de la révélation se situe d'abord au sein de la révélation humaine et dans l'histoire (…) et c'est à partir de situation humaine (…) que la Bible aborde l'énigme qu'est la totalité du réel"(1)

Alors tout dévoilement ne fait pas appel à la raison mais "prend la figure du dénouement d'une crise, intervenue au sein d'une d'un itinéraire individuel ou collectif" (2)

Il y a dans tout dévoilement le déchirement intérieur du regard, qui ne voulait pas voir, qui fuyait le réel mais dont le cœur s'ouvre au mystère…

(1) Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 26
(2) ibid p. 27

20 mars 2007

Disponible

Adrienne von Speyr définit la foi comme une "disponibilité constante [qui] est ainsi la base de tout amour" (1)

Chacun laisse à l'autre le temps et l'espace dont il a besoin pour concevoir et proposer ses désirs, pour préparer ses dons. Pour Hans Urs von Balthasar, sans cette distance, l'éloignement du Fils incarné vis-à-vis du Père (jusqu'à la déréliction) ne serait pas compréhensible. (2) Le monde aussi est à distance, tout en gardant la capacité de "recevoir sa figure définitive dans la pleine participation à la vie trinitaire". Pour lui "la pensée n'a sa forme définitive qu'en Dieu". (3)

"Dieu a donné dès ici-bas, à l'image créée quelque chose qui est lui-même; il a insufflé à la figure périssable qu'elle que chose d'impérissable", c'est ainsi que "l'image acquiert une étroite parenté avec le Verbe de Dieu". (4)

Peut-être retrouvons nous là d'une certaine manière ce que j'évoquais comme la "transpiration trinitaire" dans le monde.

(1) Adrienne von Speyr, Katholische Briefe I 138,41

(2) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 84

(3) ibid p. 89

(4) Adrienne von Speyr, Das Licht und die Bilder, 92-93, cité par Hans Urs von Balthasar, DD IV, p. 89

Littérature…

On ne peut combler un vide spirituel avec des lectures de mystiques; ce ne serait tout au plus que tromper sa faim. Qu'est ce qui nous pousse à acheter tant d'ouvrages sur la religion? Sans doute il y a là un "attrait", mais de voir tous ces livres autour de nous et en nous si peu de christianisme, cela ne devrait-il pas nous inquiéter? Je pense secrètement qu'un Pater bien récité nous en apprendrait autant que ces pages où notre curiosité se repaît et qui laissent notre coeur "plus assoiffé que devant". Nous avons trop le désir de savoir pour savoir et non celui de savoir pour devenir meilleurs. Si tous nos livres ne nous apprennent pas à aimer le prochain, que nous apprennent-ils de solide ?

Julien Green, Journal 1943-1945, Plon, Le Livre de Poche, 1949, p. 41

17 mars 2007

Distance - II

Le thème de la distance et de la proximité se conjugue d'une certaine manière dans le "tu feras une seule chair" de Genèse 2. Au sens latin, la chair est vue comme fusionnelle, alors que le terme basar, nous l'avons dit par ailleurs est le symbole d'une relation plus large, ce que j'appelle une symphonie. Et la symphonie de nos différences, la recherche d'une harmonie au travers même de ce qui nous constitue est au sein même de cette notion paradoxale de distance et de proximité. Proximité des cœurs et liberté d'être.

Cela rejoint à mon avis ce que dit Balthasar quand il parle de créer un espace, une distance pour qu'il y ait don de soi et mouvement, échange entre "vouloir" et "laisser l'initiative".

Dans l'espace qui existe entre les Personnes se place le champ infini de la fécondité et de la richesse inventive de l'amour divin" (1) qui va jusqu'à "laisser le Fils libre dans l'espace infini de sa propre liberté filiale et de sa souveraineté divine. Ainsi le Père veut-il de toute éternité se laisser surpasser par l'amour du Fils" (2)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 83

(2) ibid p. 84

Obéissance divine

Pour Hans Urs von Balthasar, le mystère auquel nous pouvons donner le nom d'Obéissance est incommensurable. C'est l'acquiescement d'un amour parfait entre Dieu et Dieu. (1)

C'est peut-être pour cela que l'utilisation même du mot est un anthropomorphisme. De même que l'on ne peut comparer la justice divine (celle de l'ouvrier de la dernière heure) à nos réflexes humains, on ne peut comprendre l'obéissance selon nos critères (servilité et esclavage) alors qu'il s'agit de la forme la plus mystérieuse de l'amour trinitaire.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 81

Pauvreté et disponibilité

Pourquoi s'imaginer qu'il faille être pauvre pour parvenir à la métamorphose intérieure ? Ce sont des idées. (…) Ne pas attacher trop d'importance aux signes extérieurs. Cela regarde l'inspecteur des « hachélem » ? Radotages idéologiques. L'illumination rend pauvre à l'instant même. L'avoir perd son importance. L'avidité peut remplir le coeur des pauvres qui sont riches de tout ce qu'ils n'ont pas encore. L'important est d'être disponible à ce qui survient. (…). Dans ce monde mû par l'argent avec une telle évidence, il n'est sans doute même plus possible à quelqu'un d'être pauvre à la manière de François d'Assise. Il entrerait dans le folklore et serait aussitôt récupéré par l'audiovisuel. Vain d'imiter les gestes du pauvre. La pauvreté ne peut être que création nouvelle. Elle est à enfanter du fond de l'âme.

Jean Sulivan, Itinéraire spirituel, Gallimard 1976, Folios, essais, p. 240

16 mars 2007

Réel ou virtuel…

Je commence un long aparté suite à la lecture, hors de notre cheminement avec Balthasar, sur un ouvrage de C. Théobald, que mes chemins ont croisé récemment. Cette respiration n'est pas sans intérêt, et comme toujours, sur mes chemins de lecture, conduit à d'autres découvertes…

Quand Théobald, affirme que la "Révélation est une fenêtre ouverte vers le réel" (1) cela fait résonner en moi tout un chemin de possible, entre l'utopie constante de nos rêves et cette réalité que nous fuyons sans cesse, ce quotidien auquel nous voulons échapper. La révélation, ce serait cette présence de l'autre qui m'interpelle, par sa présence voire sa souffrance et que je ne peux ignorer dans ma rêverie solidaire… La révélation serait ce chemin qui conduit de l'autre à celle de l'Autre, qui se révèle dans la nudité d'un corps décharné, sur une croix où le sens du virtuel s'arrête pour laisser place au réel…

Christoph Théobald, La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 22

15 mars 2007

Dis seulement une parole et je serai guéri..., saisi

II n'est pas facile de parler de Lui, sans se convaincre soi-même, ainsi que les autres, que nous possédons Dieu et que nous pouvons en disposer. II n'est pas facile d'annoncer Dieu et de faire comprendre en même temps que nous-mêmes nous ne le possédons pas, que, nous aussi, nous l'attendons.

Je suis convaincu que la révolte contre le christianisme est due en grande partie à la prétention, visible ou dissimulée, qu'ont les chrétiens de posséder Dieu, et à la perte de l'élément d'attente, si décisif chez les prophètes et les apôtres. Ils ne possédaient pas Dieu, ils l'attendaient.

Car comment Dieu peut-il être possédé ? Dieu est-il une chose qui peut être saisie et connue parmi d'autres choses ? Dieu est-il moins qu'une personne humaine ? Un être humain, on doit toujours l'attendre. Même dans la communion la plus intime entre des êtres humains, il reste un élément de non-possession, de non-connaissance et d'attente.

Le moyen d'avoir Dieu, c'est de ne pas l'avoir.

Paul Tillich, Les fondations sont ébranlées, Morel, 1967, p. 206

Confiance et fraternité…

Ce qui marque les nouveaux baptisés n'est-il pas ce qui compte pour nous dans notre "marcher ensemble"… Créer un lieu de fraternité et confiance réciproque, c'est à dire un lieu où nous avons confiance en leur cheminement, même s'il "semble" différent du notre, de nos critères, de nos valeurs. N'est-ce pas cela la kénose du lavement des pieds…

13 mars 2007

Sortir semer

"Les attentes, les moyens de communication sont différents. Ce que nous leur proposons doit l'être aussi (…) Il faut faire le deuil, sans peur, sans nostalgie d'une situation révolue. L'avenir sera tout autre. Il nous appartient de l'écrire aux couleurs de l'Evangile." (1)

Il nous faut semer largement ajoute-t-il, "sans souci d'efficacité ou de rentabilité – qu'elle soit immédiate où à long terme. Ne pas se soucier d'abord du terrain, de sa réceptivité mais semer parce que j'ai du grain à partager et qu'il ne peut rester au fond du silo"

(1) Olivier Fröhlich, Pour que notre joie soit complète…Proposer la bonne nouvelle aux jeunes, in Une nouvelle chance pour l'Evangile, p.157

10 mars 2007

Ecoute et obéissance

Enzo Bianchi le rappelle, l'Ecoute (shma) signifie en hébreu obéir. Ainsi les Écritures elles-mêmes exigent l'obéissance dit-il (1) citant 2 Tim 3, 14. Mais que dit justement ce texte : "Les Saintes Écritures peuvent donner la sagesse qui conduit au salut par la foi en Jésus-Christ. Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner la vérité, réfuter l'erreur, corriger les fautes et former à une juste manière de vivre, afin que l'homme de Dieu soit parfaitement préparé et équipé pour faire toute action bonne".

Pour lui, la valeur de l'Écriture n'est pas d'abord pédagogique, morale ou dialiectique mais sotériologique. "Elle donne le salut par la foi" (2) et rend capable de charité, d'accomplir le bien (cf. 1 Tim 3,17). Ce pouvoir est fondé pour lui par l'action de l'Esprit qui de ses énergies accompagne l'Écriture et donne le salut à qui s'en approche dans la foi. (3)

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 71

(2) Paul Beauchamp, Parler d'Écritures Saintes, Seuil Paris, 1987 p. 14

(3) E. Bianchi, ibid. p. 74

22 février 2007

Parole et hyperbole

Pour Enzo Bianchi, la racine juive du mot Parole : Miqra indique aussi bien la lecture qu'une convocation. Ainsi la parole lue, proclamée est un appel à sortir de, à aller vers. (1). Pourrait-on dire à sa suite, mais en reprenant les notions développées par Ricoeur et Beauchamp, qu'il s'agit donc par construction d'un langage hyperbolique, un appel au toujours plus. On rejoindrait ainsi le sens même de la nature de Dieu, tel que nous l'avons vu chez Hans Urs von Balthasar dernièrement. La parole n'est pas le sommet de la révélation, elle est expression partielle du Dire, et pour reprendre les termes de Lévinas, le dit n'épuise pas le Dire (2)… mais invite à un au-htpp://delà et d'une certaine manière une conversion (métanoia) véritable.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 70ss

(2) cf. Autrement qu'être et au-delà de l'essence.

PS : Nous réduirons volontairement l'activité de se blog pour se concentrer sur notre proposition de lecture commune de la Parole...

21 février 2007

Lire l'Ecriture et voir le visage de Dieu...

"Dans le Nouveau Testament, tu vois l'Ancien Testament révélé et dans l'Ancien Testament tu vois le Nouveau Testament voilé" (1)
Pour Vatican II (DV 18), l'Evangile possède une supériorité méritée, en tant qu'ils constituent le témoignage par excellence sur la vie et l'enseignement du Verbe incarné, notre Sauveur". Ainsi pour E. Bianchi, toute lecture de l'Écriture doit être une écoute intégrale de l'Écriture, c'est-à-dire une "recherche du visage du Christ". Ainsi chaque pierre devenant des pierres de construction de la cathédrale du Verbe (2)

(1) Augustin, Enarr. in Ps CV 36 62
(2) Enzo Bianchi, ibid. p. 63

PS : Reprise aujourd"hui, Mercerdi des Cendres, de notre "Lectio Divina". N'hésitez pas à participer par vos commentaires, dans la lignée de ceux de l'an dernier.

Nécessaire distance

Pour Balthasar, plus les personnes se différencient, plus grande est leur Vérité (comme la dualité des sexes) (1). La distance est le secret de l'autonomie, de la liberté mais aussi de cette respiration qui permet une mutuelle kénose. Ce qui est vrai de Dieu est vrai de toute relation humaine. Elle est pour moi au cœur de la notion de chasteté.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 81

Expérience de la vie en soi

Tout chemin pastoral devrait permettre de développer son intériorité, travailler sur soi et "découvrir ses propres voies d'intériorité (…) partir vers soi et vers Dieu en soi" (1)

(1) Pierrette Daviau, Spiritualité d'engendrement et praxis pastorale, in Une nouvelle chance pour l'Evangile, p. 142

20 février 2007

Illumination réciproque

Pour Enzo Bianchi, il existe une sorte d'illumination réciproque de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament. Pour lui l'événement pascal est la clé herméneutique qui permet de comprendre les Écritures. (1)

Il rejoint ainsi ce qu'il citait à propos de la métaphore d'Origène sur la Maison-Bible. J'ajouterais que l'Écriture permet en retour de trouver un sens à la Passion. La kénose du Christ éclaire celle tracée depuis deux mille ans dans l'Écriture, et en soulevant délicatement le voile, fait transparaître les traces de Dieu dans l'histoire. Quand on se dit qu'en lisant l'Écriture on lit sa propre histoire, on boucle d'une certaine façon la révélation. Dans notre histoire, un long regard en arrière permet de percevoir la trace de Dieu, même s'il nous échappe dans le présent de nos vies, de peur de forcer notre liberté de croire.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 62

Véritable filiation

C'est peut-être sous cet angle que l'on doit comprendre que le Christ lui-même personne se reçoit du Père alors même qu'il est Verbe. Il est constamment tourné vers le sein du Père (Jn 1, 18) en vue de l'accomplissement "d'une attente, un toujours plus qui rythme de l'intérieur l'actualisation de l'événement " (1)

En soi, la distance n'est pas opposition mais permet de maintenir l'originalité de l'être et l'agir de chaque personne "pour fournir le fondement, à l'intérieur de la Trinité, de ce qui sera dans l'économie du salut l'établissement d'une distance pouvant aller jusqu'à la déréliction de la croix" (2)

Je compare cela à la notion de chasteté entre deux personnes, cette distance essentielle qui laisse l'autre être, au delà de l'amour que l'on porte...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 79

(2) ibid p. 81

Balises : distance, Balthasar