16 juin 2015

Koinonia - la prière de tous

On trouve souvent chez Paul cette notion de Koinonia (1 Cor 10, 16) cet appel à la prière communautaire.  En 1 Cor 11, 18-22 notamment,  il insiste pour que nos assemblées ne doivent pas être des lieux d'égoïsme où on mange sans attendre les autres, où les riches sont repus alors que les esclaves se nourrissent des restes. Ses propos sont durs. "J'apprends que, lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a des scissions parmi vous, — et je le crois en partie; lors donc que vous vous réunissez ce n'est plus le repas du Seigneur que vous célébrez; car, à table, chacun commence par prendre son propre repas, en sorte que tels ont faim, tandis que d'autres se gorgent. N'avez-vous pas des maisons pour y manger et boire? ou méprisez-vous l'Eglise de Dieu, et voulez-vous faire un affront à ceux qui n'ont rien?"

On retrouve un peu cela chez saint Cyprien (1) que nous donnait à lire le lectionaire d'hier : "Notre prière est publique et communautaire. Avant tout, le Christ, (...) n'a pas voulu que la prière soit individuelle et privée, comme si l'on ne priait que pour soi. Nous ne disons pas : « Mon Père, qui es aux cieux », ni : « Donne-moi aujourd'hui mon pain de ce jour». Chacun ne demande pas pour lui seul, que sa dette lui soit remise (...) Notre prière est publique et communautaire, et quand nous prions, ce n'est pas pour un seul, mais pour tout le peuple, car nous, le peuple entier, nous ne faisons qu'un." Une perspective intéressante.

(1) commentaire de saint Cyprien sur la prière de Notre Seigneur,  source AELF.

14 juin 2015

Anne-Dauphine Julliand - Deux petits pas sur le sable mouillé

Compte rendu de lecture de :
- "Deux petits pas sur le sable mouillé", Paris, Les Arènes, 2011
- "Une Journée particulière", Paris, Les Arènes, 2013
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Une lecture particulière pour une histoire particulière.
On ne peut rester indifférent au chemin de cette mère qui découvre que sa fille Thaïs va mourir, que sa deuxième enfant est aussi marquée par cette terrible leucodystrophie métachromatique.
Comme toute souffrance, on reste d'abord sans voix et puis progressivement on vibre en profonde empathie avec cette femme et son chemin plein d'espérance et plein de désir de vivre l'aujourd'hui, "d'ajouter de la vie aux jours"
Cela met bien sûr aussi à jour nos propres fragilités, nos propres souffrances, ce petit frère que j'ai aussi perdu et dont ma mère a fait aussi un étonnant témoignage, dans "L'enfant à coeur ouvert".
La souffrance est aussi chemin de vérité sur la vie, sur Dieu.
J'y trouve bien sûr un écho à mes deux essais sur la souffrance (1) qui restent bien sûr très théoriques par rapport à ce réel, ce vécu. Et pourtant, la même quête surgit.
Je ne peux souligner dans ce double texte qu'une phrase qui résume tout :
"La réponse à la souffrance, c'est l'amour" (2).
Il a fallu à Anne-Dauphine Julliand deux tomes pour distiller cette réponse, sur le bout des lèvres. Et cette progression dans la révélation est une voie qui me touche.
Saluons ce cheminement exceptionnel.

(1) voir notamment sous ce lien  :
- Quelle espérance pour l'homme souffrant, Createspace, 2012
- Où es-tu mon Dieu, Souffrance et création, Createspace, 2015
et les romans qui y sont associés :
- Le collier de Blanche
- Le chant du large
- Les tisseuses de l'Avre

(2) "Une Journée particulière", op. cit. p. 195

Le chemin du désert - Un itinéraire spirituel

"Que nous dit la Parole sur le désert ? Comment, plusieurs milliers d’années plus tard, pouvons-nous en percevoir l’enjeu ? Que nous apprend la tradition des Pères du désert, quel est le secret de la vie érémitique ? En quoi peut-elle être signe pour aujourd’hui ? Comment nous aide-t-elle à nous préparer à la révélation de Dieu dans nos vies, à y être réceptifs ? Toutes ces questions, nous les portons en nous et pourtant, parfois, nous passons à côté, parce qu’il reste difficile de prendre le temps de s’arrêter. Le silence, le recueillement n’est plus qu’un rêve. Et pourtant, la voie du silence nous conduit au-delà de nous-mêmes. Elle interpelle notre cœur et nous pousse à nous interroger sur ce qui vit en nous, caché au fond de notre conscience et que parfois nous refusons d’entendre. Dieu est pourtant au cœur de cette quête, même si nous passons si souvent à côté. "

Cet essai, maintenant disponible sur Amazon/Kindle* reprend des pistes de recherche de l'Amphore et le Fleuve. A partir d'une manducation de Luc 4 et Mat 4 (les tentations du Christ) il cherche à établir une lecture narrative des grands épisodes de désert (Osée, Genèse, Exode, Nombres, 1 Rois 19...) et de tracer un itinéraire spirituel pour l'homme de notre temps.

A titre de résumé, on retrouve ce texte de Josué : "Les enfants d'Israël
marchèrent pendant quarante ans dans le désert jusqu'à ce (...) que Yahweh dit à Josué: «Ôte ta chaussure de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est saint.» (Josué, 5.6,15)

* Ce livre est vendu à prix coûtant et reste en téléchargement gratuit sur KDP, comme tous les publications récentes de l'auteur en théologie.

La graine de moutarde - Dynamique sacramentelle

Quel va être le fruit du sacrement en nous ?N'est il pas comparable à cette "graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. 
Mais quand on l'a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre." ( Marc 4, 31-32)
Comment cela est-il possible ? A écouter Saint Pierre Chrysologue, "tant que la graine de moutarde demeure intacte, ses vertus restent cachées, mais elles déploient toute leur puissance quand la graine est broyée. De même le Christ a-t-il voulu que son corps soit broyé pour que sa force ne reste pas cachée..." (1)

Qu'est ce à dire pour nous ? Si nous recevons en nous le sacrement comme grâce,  ce ne peut être que dans un esprit broyé ( cf. Ps 51), comme une terre vierge qui se laisse féconder après avoir accueilli la blessure du laboureur. 
Porter du fruit ce n'est pas claironner le mérite de notre foi comme un dû, mais s'effacer devant ce travail mystérieux de l'Esprit en nos coeurs,  reconnaître qu'il nous échappe,  qu'il est plus grand que nous et que notre décentrement sera le lieu de Sa croissance,  que notre faiblesse sera le terreau de Sa puissance. 

(1) Saint Pierre Chrysologue, Sermon 98, 1-2 ; CCL 24A, 602 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 225 rev.) 

13 juin 2015

Un véritable décentrement

On se préoccupe trop de savoir si l'on est à la hauteur de la tâche.  Le véritable décentrement,  c'est de percevoir que l'on n'est ni homme,  ni femme, ni juif, ni esclave mais bien " serviteur de l'homme,  de la joie et du Verbe". (1)

Dans un sermon célèbre, repris aujourd'hui dans la liturgie des heures, saint Laurent Justiniien disait ainsi : "Heureuse, certes, l'âme de la bienheureuse Vierge : habitée par l'Esprit et par son enseignement, elle obéissait toujours et en toutes choses aux ordres du Verbe. Elle n'était pas guidée par son sentiment personnel, pas sa propre décision ; mais ce que la sagesse suggérait intérieurement à sa foi, elle l'accomplissait extérieurement pas son corps." (2)

De même le prêtre soulignait Joseph Ratzinger n'a pas besoin d'ajouter quelque chose de personnel à sa liturgie : "Dans la réalisation concrète du service ecclésial, [il doit] se livrer totalement à l'inclusion dans le Christ; non pas construire un être à côté de lui, mais seulement en lui ; et permettre ainsi que devienne enfin réalité cette exclusivité qui ne détruit pas mais libère toute chose en la faisant entrer dans sa propre immensité" (3).  Alors peut importe sa nature. "Cela donne aux paroles d'un prédicateur, fut-il minable, le poids des siècles" et cela inclut la liturgie, "si démunie soit-elle" dans une dynamique qui la dépasse. "En acc
eptant de devenir sans importance en lui-même, il pourra devenir vraiment important parce qu'il sera pour le Seigneur un lieu d'irruption dans ce monde" (4) En agissant in Persona Christi,  en lui se substitue Celui pour qui il vit.  La dynamique sacramentelle devient alors signe au delà du signe, creuset où le fleuve du Verbe prend son lit, pour arroser le monde,  depuis le coeur blessé du Christ jusqu'aux confins de l'humanité.

Alors peut-on contempler la parole d'Isaïe, également donnée dans la liturgie d'aujourd'hui : "Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m'a vêtue des vêtements du salut, il m'a couverte du manteau de la justice, comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses joyaux. Comme la terre fait éclore son germe, et le jardin, germer ses semences, le Seigneur Dieu fera germer la justice et la louange devant toutes les nations." (Isaïe 61, 10-11) 

(2) saint Laurent Justinien, source AELF,  bréviaire du 12 juin
(3) J. Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, Paris, Téqui, 1982, p. 315
(4) ibid p. 318

12 juin 2015

Source du côté du Christ

"Du côté du Christ endormi sur la Croix, surgit l'Église" nous rappelle saint Bonaventure (1) en ajoutant que "la sagesse divine a bien voulu que la lance d'un soldat ouvre et transperce ce côté. Il en sortit du sang et de l'eau, et c'était le prix de notre salut qui s'écoulait ainsi. Jailli de sa source, c'est-à-dire du plus profond du cœur du Christ, il donne aux sacrements de l'Église le pouvoir de conférer la vie de la grâce et, à ceux qui ont déjà en eux la vie du Christ, il donne à boire de cette eau vive qui jaillit jusque dans la vie éternelle".

Nous retrouvons là l'essence même de ce que j'appelle la dynamique sacramentelle...

(1) in L'Arbre de vie, 29-30, 47 (trad. cf bréviaire Sacré Cœur et Orval) source AELF,  office des lectures en la solennité du Sacré Coeur.

Oecumenisme du sang - pape François

Dans une belle méditation sur la Samaritaine et la soif du Christ qui est une "soif de rencontre" et de dialogue,  le pape nous invitait à une unité qui "se fait sur le chemin,  (...) en marchant"

« L’engagement commun à annoncer l’Évangile permet de dépasser toute forme de prosélytisme et la tentation de compétition », a-t-il souligné à Saint-Paul hors les murs le 25 janvier 2015.  « Nous sommes tous au service de l’unique et même Évangile ! », a-t-il conclu, faisant de nouveau ressortir le fait que ceux qui persécutent aujourd’hui les chrétiens dans le monde ne distinguent pas l’Église à laquelle ils appartiennent. Ce que le pape François appelle « l’œcuménisme du sang ».

Cela souligne aussi pour moi cette inguérissable souffrance de la séparation. Pouvons nous continuer à déchirer la tunique unique au lieu de travailler sens à construire l'unité, dans et au seuil de nos églises.

09 juin 2015

Lumière du sacrement

La force signifiante du sacrement,  qu'elle soit celle du baptême, du mariage ou de l'ordre est à contempler.  Pleinement empli du Christ l'homme peut sentir la puissance qui se déploie dans sa faiblesse. Car ce n'est pas ses mérites qui sont signes, mais la manière dont Dieu les habitent, les emplit de ses dons. 

Quand les chrétiens réalisent cela, ils ne sont plus serviteurs d'eux mêmes mais serviteur d'autre chose, d'un plan qui est supérieur. De même qu'un couple heureux rayonne de l'amour qui l'habite, le chrétien qui danse avec son Dieu rayonne d'un amour qui l'enveloppe, le fait agir, l'emplit d'une joie qui le dépasse. Il n'est plus lui-même mais passeur (1) de Dieu.
 
On peut entendre à ce titre ce que disait Paul : « Vous brillez comme des sources de lumière dans le monde, vous qui êtes porteurs de la parole de vie » (Ph 2,15-16).  

Reprenant cette affirmation, saint Chromace d'Aquilée, évêque du 3ème siècle précise : "Cette lampe resplendissante, qui a été allumée pour servir à notre salut, doit toujours briller en nous. Nous avons en effet la lampe (...) et la grâce spirituelle dont David disait : « Ta parole est une lampe pour mes pas, une lumière sur ma route » (Ps 118,105)... Cette lampe (...) nous ne devons donc pas la cacher, mais la dresser dans l'Église comme sur le lampadaire, pour le salut d'un grand nombre, afin de jouir nous-mêmes de la lumière de la vérité, et d'en éclairer tous les croyants." (2) 

Il ne s'agit pas pour autant de l'imposer mais plutôt de laisser transparaître en nous cette lumière qui nous habite, nous fait vivre. Car elle ne vient pas de nous mais de la force de l'Esprit que Dieu a déposé en notre coeur. Cette lumière n'est autre en effet que la lumière du Christ,  puissance venue de ce corps glorieux qui jaillit du tombeau. 

(1) cf. Theobald / Bacq la pastorale d'engendrement
(2) Saint Chromace d'Aquilée, Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°5, 1.3-4 : CCL 9, 405 (trad. cf bréviaire 11/06 et Orval) 


Dynamique sacramentelle - suite - présence réelle


Thomas d'Aquin n'affirme-t-il pas que l'originalité de l'Eucharistie c'est à dire son but n'est pas tant la présence réelle du corps et du sang du Christ (qui n'est qu'une réalité intermédiaire) que l'unité ‎de l'Eglise (1).
C'est une idée qui conduit à un déplacement par rapport à l'affirmation de l'Eucharistie comme sacrement central, non pour le nier mais pour le mettre en perspective. Cela conforte en effet cette idée de dynamique sacramentelle qui ne met pas l'acte au centre mais cherche à voir plus loin, cette réalité foncière de l'en Christo, de la koinonia (cf. Paul).

Le même Paul ne critiquait-il pas la manière dont les premiers chrétiens ne mangeaient pas ensemble au sein même de l'eucharistie (cf. 1 Cor 11, 21ss). Ce rappelle à l'ordre et à l'unité reste valable.

(1) Saint Thomas d'Aquin Somme théologique III, 73, 6 cf. SC 47 ; LG 3 ; 7,11 cité par Kasper, Serviteur de la joie, op. cit. p. 124


08 juin 2015

Pratique isolée, catéchèse et pastorale

‎Mon travail de recherche évolue sur le thème la dynamique sacramentelle. Une phrase de Kasper me donne à nouveau à penser dans ce sens : "la distribution des sacrements et la "pratique sacramentelle" ne peuvent pas être isolées et présentées comme le but le plus élevé. Car les sacrements sont les sacrements la foi. La pratique juste et responsable de la participation aux sacrements suppose une évangélisation et une catéchèse préalable". (1)

Même s'il ajoute une ligne sur l'importance de rencontrer des chrétiens habités par leur foi, je le rejoins et met aussi des réserves sur son affirmation qui me semble trop idéaliste. Car pour moi la dynamique sacramentelle ne prend pas naissance nécessairement dans la seule catéchèse ou l'évangélisation. Il y a plusieurs portes d'entrée à une foi agissante (2) et je crois que l'important est de ne pas fermer la porte en chargeant trop la bête. Il nous faut apprendre à donner soif et les chemins de Dieu en l'homme sont innombrables.

(1) Kasper, Serviteur de la joie, op. cit. p. 92
(2) Je développe ce point dans "Pastorale du seuil"

07 juin 2015

Le bon pasteur

Je parle souvent dans ce blog de tension théologique. Il y a dans ces lignes ce que je qualifierai d'une saine tension "pastorale" :
"Celui qui guide et qui a le courage de donner par la foi une direction claire et sûre (...) mais également celui qui réagit (...) avec compréhension, compassion et patience envers ceux qu'il rencontre (....) capable de dire la vérité dans la charité." 

W. Kasper, serviteur de la joie, op. cit. p. 85

Sacrement source

Dans l'octave du dimanche où nous fêtons le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, prenons  le temps de contempler cet hymne magnifique que nous chantons parfois à la messe. Il compare le Christ a un mendiant : 

Mendiant du jour, 
je te prends dans mes mains, (...)
et tu deviens 
la Nuée qui dissout les ténèbres. 

Mendiant du feu, 
je te prends dans mes mains, (...)
et tu deviens 
l'Incendie qui embrase le monde. 

Mendiant d'espoir, 
je te prends dans mes mains (..)
et tu deviens 
le Torrent d'une vie éternelle.

Mendiant de toi, 
je te prends dans mes mains, (..)
et tu deviens 
le Trésor pour la joie du prodigue. 

Mendiant de Dieu, 
je te prends dans mes mains ; (...)
et je deviens 
l'Envoyé aux mendiants de la terre.

On y voit, on y sent le principe même de la kénose,  de ce Dieu à genoux devant l'homme qui nous demande à boire, qui vient quérir en nous le meilleur de nous mêmes. 

Saint Thomas d'Aquin commente ainsi ce sacrement : "il a laissé aux fidèles son corps à manger et son sang à boire, sous les dehors du pain et du vin. 

Banquet précieux et stupéfiant, qui apporte le salut et qui est rempli de douceur ! Peut-il y avoir rien de plus précieux que ce banquet où l'on ne nous propose plus, comme dans l'ancienne Loi, de manger la chair des veaux et des boucs, mais le Christ qui est vraiment Dieu ? Y a-t-il rien de plus admirable que ce sacrement ? (...) Il est offert dans l'Église pour les vivants et pour les morts afin de profiter à tous, étant institué pour le salut de tous. Enfin, personne n'est capable d'exprimer les délices de ce sacrement, puisqu'on y goûte la douceur spirituelle à sa source et on y célèbre la mémoire de cet amour insurpassable, que le Christ a montré dans sa passion.

Il voulait que l'immensité de cet amour se grave plus profondément dans le cœur des fidèles. C'est pourquoi à la dernière Cène, après avoir célébré la Pâque avec ses disciples, lorsqu'il allait passer de ce monde à son Père, il institua ce sacrement comme le mémorial perpétuel de sa passion, l'accomplissement des anciennes préfigurations, le plus grand de tous ses miracles ; et à ceux que son absence remplirait de tristesse, il laissa ce sacrement comme réconfort incomparable." (1)


(1) Saint Thomas d'Aquin, Lecture pour l'office du Corps du Christ

06 juin 2015

Dynamique sacramentelle - Un aller retour

‎Concevoir les sacrements en dehors de la vie, comme un temps à part, c'est nier l'interaction constante qui devrait se faire au service de l'unité intérieure de la personne et de la communauté. Il existe un aller et retour constant entre ce qui se vit dans notre expérience sacramentelle et ce que nous vivons dans notre vie ordinaire. C'est là où la notion de dynamique prend sens.

En lisant les pages de Kasper ‎sur le rôle pastoral du prêtre (1) je retrouve cette idée (ou est ce elle qui vient à moi) à propos de la prière comme lieu d'unité. En effet, j'adhère à cette vision de la messe, non comme un chemin uniforme de prière (ce qu'elle est de fait) mais surtout comme le lieu où, pour reprendre les termes de Varillon (2) nous divinisons ce que nous humanisons, c'est à dire que toutes nos différences trouvent là un terreau d'unité, où le prêtre, pasteur de ses brebis, accueille et met ensemble nos sensibilités, nos différences sans les nier ou y faire violence mais en les concentrant sur leur centre unique : Jésus Christ.

(1) op. Cit. chapitre V
(2) Joie de croire, joie de vivre


05 juin 2015

Kasper - Serviteur de la joie

‎Nous devons être ambassadeur du Christ, nous dit Kasper, reprenant les termes de Paul. A ce sujet il précise que "le service du prêtre doit être marqué dans son ensemble par son origine christologique (...) correspondre au Christ et (...) ne pas exercer leurs charismes de manière orgueilleuse et dominatrice, mais (...) en termes de service pour la construction de la communauté (...) non pas seigneurs de la foi, mais "serviteur de la joie". (2 Cor 1, 24).
Sans surprise, il évoque alors le lavement des pieds...

Je retrouve là des accents de "Cette église que je cherche à aimer" et de "Serviteur de l'homme. Kénose et diaconie", mes deux études sur la place du ministre et des laïcs dans l'Eglise.

(1) Serviteur de la joie, op. Cit p. 67

04 juin 2015

Dynamique sacramentelle


Ne pas connaître l'écriture c'est ne pas connaître le Christ nous rappelle le Concile (DV25), mais, poursuit Kasper (1), l'église continue à se construire. Il rappelle ainsi l'affirmation de 2 Cor 3, 2-3 : "C'est vous-mêmes qui êtes notre lettre, écrite dans nos cœurs, connue et lue de tous les hommes.
Oui, manifestement, vous êtes une lettre du Christ, écrite par notre ministère, non avec de l'encre, mais par l'Esprit du Dieu vivant ; non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs."

Cela renvoie pour moi à cette idée de dynamique sacramentelle qui va probablement être mon nouveau thème de recherche théologique. Comprendre que Dieu agit par nous donne un autre sens à notre vie de chrétien, fait de nous des "porte-Christ" mais plus encore des témoins non par nos paroles mais en actes, en Christo...
En cela nous devenons participants à l'oeuvre de l'Esprit.

De nos ossements desséchés (cf. Ez 37), Dieu fait de nous des porteurs de son Amour...


"‎Ce qui était visible en Jésus Christ est passé dans les sacrements" nous rappelle Kasper, évoquant Léon le Grand (2). Qu'est-ce à dire ? Est-ce une apparition fugace, l'oeuvre d'un jour, où bien une dynamique véritable qui nous met en mouvement ? Telle est la question qu'il me semblerait intéressant de creuser, tant elle implique une mise en question de notre façon de concevoir la nature même du sacrement.

(1) Serviteur de la joie, ibid. p. 51
(2) Léon le Grand, Sermons, 74,2 cité p. 65 par Kasper, op. cit.

03 juin 2015

Trinité

Je découvre chez saint Antoine,  une articulation trinitaire qui donne à penser : "La suprême origine, comme le dit saint Augustin, (...) c'est Dieu le Père, de qui viennent toutes choses, de qui procèdent le Fils et le Saint Esprit. La beauté très parfaite, c'est le Fils, la vérité du Père, (...) modèle de toutes choses, parce que tout a été fait par lui et que tout se rapporte à lui. La joie très bienheureuse, la souveraine bonté, c'est le Saint Esprit, qui est le don du Père et du Fils ; et ce don, nous devons croire et tenir qu'il est exactement pareil au Père et au Fils. En regardant la création, nous aboutissons à la Trinité d'une seule substance. Nous saisissons un seul Dieu : Père, de qui nous sommes, Fils, par qui nous sommes, Esprit Saint, en qui nous sommes. Principe, à qui nous recourons ; modèle, que nous suivons ; grâce, qui nous réconcilie." (1)

L'intérêt est pour moi dans cette triple articulation,  et notamment l'appel très paulinien à l'imitation du Christ et la prise de conscience de l'Esprit comme d'une grâce dans lequel on repose. Imiter le Christ et être en lui, tout un chemin vers la paix et l'unité. 


(1) Saint Antoine de Padoue, Sermons pour le dimanche et les fêtes des saints (trad. Bayart, Eds. franciscaines 1944, p. 160) 



02 juin 2015

Reconsidérer le sacerdoce commun

Reconsidérer le sacerdoce commun. ‎Kasper (1) nous invite dans ce sens. Non seulement pour inviter le prêtre à descendre de son piédestal (sic) mais surtout en enrichissant notre rôle de baptisés et redonnant, par conséquence, une conception plus riche de "la compréhension que le prêtre a de lui-même pour lui redonner sa véritable dignité dans le peuple de Dieu". 
Il me semble lire là des accents familiers, probablement type de ce que Congar écrit dans sa théologie du Laïcat.‎..
Mais Kasper va plus loin en citant Paul qui parle de l'offrande d'une vie, du sacrifice et du service de la foi de la communauté (Ph 2, 17) et souligne que d'après lui "toute la communauté doit être une offrande agréable à Dieu" (Rm 15, 16).‎ (2). L'idée souligne Kasper n'est pas d'arriver à une cogestion mais d'une "construction d'une maison spirituelle faite de pierres vivantes, (...) à partir de la pierre angulaire qu'est Jésus Christ."
Afin d'être prêtre pour les autres, le ministre ordonné ajoute t il, doit être chrétien avec les autres et, comme Jean sur la poitrine de Jésus, apprendre dans l'amitié avec le Christ à être ami de Dieu et des hommes" sans s'en isoler, mais en famille.

(1) Serviteur de la joie, op. Cit. p. 32
(2) ibid. p. 35‎ et 36





01 juin 2015

Docta spes - une espérance réfléchie

‎Après son livre sur la miséricorde me voilà plongé dans un livre plus ancien de Walter Kasper : Serviteur de la joie, la vie de prêtre et le service sacerdotal, Paris, Cerf, 2007.
Une première réflexion me fait réagir : il y parle (p. 23) d'une espérance réfléchie loin de l'espérance naïve à laquelle je cède trop souvent, celle de croire que "Dieu pourvoira"...
"Espérer contre toute espérance" dit Paul en Rm 4, 18, mais aussi comprendre peut être que "Dieu a besoin de nos mains", comme le dit Etty Hillesum, de nos intelligences, de nos efforts sans limites pour labourer le champ, préparer le travail du Grand Semeur....Mais aussi, ajoute Kasper, que l'espérance se fonde "‎dans le mystère pascal" (p. 24), ce qui rejoint la conclusion de mon "chemin vers le désert"...



31 mai 2015

Impossible à l'homme, Marc 10, 27

Relisons le contexte : "23 Et Jésus, jetant ses regards autour de lui, dit à ses disciples : " Qu'il est difficile à ceux qui ont les biens de ce monde d'entrer dans le royaume de Dieu ! " 24 Comme les disciples étaient étonnés de ses paroles, Jésus reprit : " Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses, d'entrer dans le royaume de Dieu ! 25 Il est plus aisé à un chameau de passer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. "
26 Et ils étaient encore plus étonnés, et ils se disaient les uns aux autres : " Qui peut donc être sauvé ? " 27 Jésus les regarda, et dit : " Aux hommes cela est impossible, mais non à Dieu : car tout est possible à Dieu. " 28 Alors Pierre, prenant la parole : " Voici, lui dit-il, que nous avons tout quitté pour vous suivre. " 29 Jésus répondit : " Je vous le dis en vérité, nul ne quittera sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou ses enfants, ou ses champs, à cause de moi et à cause de l'Evangile, 30 qu'il ne reçoive maintenant, en ce temps présent, cent fois autant : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, au milieu même des persécutions, et dans le siècle à venir, la vie éternelle. 31 Et plusieurs des derniers seront les premiers, et des premiers, les derniers. " (1)

"Que Dieu nous comble de ses biens ne fait pas de doute et pourtant",  comme le souligne saint Grégoire le grand, il arrive qu'une "chose créée bonne nous cause de la douleur". Quel sera alors notre réaction ? 
Il faut entendre ce que dit encore ce Père de l'Église, en évoquant Job : "l'âme de celui qui est ainsi corrigé est rétablie par l'humilité dans la paix avec son Créateur." (2)

Car la richesse des biens n'est pas le signe du bonheur intérieur. Relisons à nouveau la tension ouverte par le récit du jeune homme riche. Pierre s'inquiète : "Mais alors, qui peut être sauvé ? » Jean Chrysostome précise,  "C'est qu'avant même d'être pasteur, il en avait l'âme ; avant d'être investi de l'autorité..., il se préoccupait déjà de la terre entière. Un homme riche aurait probablement demandé cela par intérêt, par souci de sa situation personnelle et sans penser aux autres. Mais Pierre, qui était pauvre, ne peut pas être soupçonné d'avoir posé sa question pour des motifs pareils. C'est le signe qu'il se préoccupait du salut des autres, et qu'il désirait apprendre de son Maître comment on y parvient. D'où la réponse encourageante du Christ : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ». Il veut dire : « Ne pensez pas que je vous laisse à l'abandon. Moi-même, je vous assisterai dans une affaire aussi importante, et je rendrai facile et aisé ce qui est difficile ». (3)
A contempler...
(1) traduction Crampon 1923
(2) saint Grégoire le grand,  Commentaire de Job
(3) Saint Jean Chrysostome, Homélie sur le débiteur de dix mille talents, 3 ; PG 51, 21 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 297) source : AELF


30 mai 2015

Souffrance de Job, souffrance du Christ

Dans "Quelle espérance pour l'homme souffrant ?" et "Où es tu ? Souffrance et création", je continue d'explorer l'impossible question de la place de Dieu face à la souffrance. Sur ce chemin, la médiation donné aujourd'hui par l'office des lectures donne une piste supplémentaire :

"Job offrait une préfiguration du Christ. (...) Job est appelé par Dieu un homme juste. Le Christ est la justice, et tous les bienheureux se désaltèrent à sa source (...)  Le diable tenta Job par trois fois. De même, d'après l'Évangile, il a essayé par trois fois de tenter le Seigneur. Job a perdu toutes les richesses qu'il avait. Et le Seigneur a délaissé par amour pour nous tous les biens au ciel ; il s'est fait pauvre pour nous rendre riches. (...) Job fut couvert d'ulcères. Et le Seigneur, en s'incarnant, a été souillé par les péchés de tout le genre humain. (1)
Sur cette piste de Job, voir aussi Philippe Némo et sa réponse par E. Lévinas que je résume dans "Quelle espérance..."

(1) Saint Zénon de Vérone, Homélie sur Job, source : Textes liturgiques © AELF.

29 mai 2015

Froment de Dieu et Esprit Saint

Association...
Il y a des trésors chez les pères de l'Église que l'on ne peut laisser  sous silence... et nous pousse à l'humilité...
Ignace d'Antioche voudrait "être le froment de Dieu" (1) et Saint Irénée, nous dit que "La farine sèche ne peut sans eau devenir une seule pâte, pas davantage nous tous, ne pouvions devenir un en Jésus Christ sans l'eau qui vient du ciel. La terre aride, si elle ne reçoit pas d'eau, ne fructifie pas ; ainsi nous-mêmes, qui d'abord étions du bois sec, nous n'aurions jamais porté le fruit de la vie, sans l'eau librement donnée d'en haut. Ainsi nos corps ont reçu par l'eau du baptême l'unité qui les rend incorruptibles ; nos âmes l'ont reçue de l'Esprit. (2)

(1) Lettre au Romains
(2) Saint Irénée,  traité contre les hérésies

28 mai 2015

L'essaim qui nous attaque

Une pépite aujourd'hui sous la forme d'un commentaire par saint Grégoire le grand de l'Evangile du jour.
Elle justifie à sa manière la publication aujourd'hui de mon nouvel essai,  "Le chemin du désert" (1), cette invitation longuement commentée dans ses pages à prendre de la distance sur l'essaim des distractions qui nous attaquent alors même que nous aspirons à trouver le chemin de Dieu : "Que tout homme qui connaît les ténèbres qui font de lui un aveugle...crie de tout son esprit : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ». Mais écoutons aussi ce qui fait suite aux cris de l'aveugle : « Ceux qui marchaient en tête le rabrouaient pour lui imposer silence » (Lc 18,39). Qui sont-ils ? Ils sont là pour représenter les désirs de notre condition en ce monde, fauteurs de trouble, les vices de l'homme et leur tumulte, qui, voulant empêcher la venue de Jésus en nous, perturbent notre pensée en y semant la tentation et veulent couvrir la voix de notre cœur en prière. Il arrive souvent, en effet, que notre volonté de nous tourner vers Dieu à nouveau..., notre effort pour éloigner nos péchés par la prière, soit contrarié par leur image : la vigilance de notre esprit se relâche à leur contact, ils jettent la confusion dans notre cœur, ils étouffent le cri de notre prière...       Qu'a donc fait cet aveugle pour recevoir la lumière malgré ces obstacles ? « Il criait de plus belle : ' Fils de David, aie pitié de moi ! ' »... Oui, plus le tumulte de nos désirs nous accable, plus nous devons rendre notre prière insistante... Plus la voix de notre cœur est couverte, plus elle doit insister vigoureusement, jusqu'à couvrir le tumulte des pensées envahissantes et toucher l'oreille fidèle du Seigneur. Chacun se reconnaîtra, je pense, dans cette image : au moment où nous nous efforçons de détourner notre cœur de ce monde pour le ramener à Dieu..., ce sont autant d'importuns qui pèsent sur nous et que nous devons combattre. C'est un essaim que le désir de Dieu a du mal à écarter des yeux de notre cœur... Mais en persistant vigoureusement dans la prière, nous arrêtons en notre esprit Jésus qui passait. D'où le récit de l'Évangile : « Jésus s'arrêta et ordonna qu'on le lui amène » (v. 40). (2)
Au bout du chemin nos yeux se descillerons et nous le verrons de dos ( Ex. 33)

(1) en ligne sur Amazon dans deux ou trois jours, cf. lien (version Kindle déjà disponible)
(2) Saint Grégoire le Grand, Homélies sur l'Évangile, n°2 ; PL 76, 1081 (trad. Luc commenté, DDB 1987, p. 141 rev.) Source : evangileauquotiden.org

27 mai 2015

Liturgie des heures

Liturgie des heures. Pour ceux qui cherchent l'équivalent de l'application Bréviaire sur IPhone :
https://itunes.apple.com/fr/app/id991620025
Une production de mon gendre en téléchargement gratuit.

23 mai 2015

À la lumière de Pâques, en chemin vers la Pentecôte

Vivre en Christ

À l'ombre de la Croix et de la Résurrection,  il est bon de contempler l'inaccessible rêve auquel nous sommes appelés en Dieu. 
La première lettre de Jean nous en donne une première clé : " Dieu nous a donne la vie éternelle, (...) cette vie est dans son Fils. Celui qui a le Fils a la vie (...). Je vous ai écrit ces choses, afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle (...) [Si] nous avons auprès de Dieu cette pleine confiance, que, si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu'il nous écoute, quelque chose que nous lui demandions, nous savons que nous obtenons ce que nous avons demandé. (1 Jean 5, 11-15)
Quel est l'enjeu : "Si le Christ est en vous, votre corps a beau être voué à la mort à cause du péché, l’Esprit est votre vie, parce que vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous". (Rm 8, 10-11)
Vivre en Christ paraît comme l'aboutissement de notre chemin, une vie où la paix et l'unité se mêle à la danse. « Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous », nous confie Jésus dans son testament spirituel (Jean 14-16) qu'il faudrait méditer dans son ensemble.  À ce sujet, saint Cyrille d'Alexandrie(1) le commente ainsi : "Tout ce que le Christ avait à faire sur la terre était maintenant accompli ; mais il fallait absolument que nous devenions participants de la nature divine du Verbe, c'est-à-dire que nous abandonnions notre vie propre pour qu'elle se transforme en une autre, qu'elle se transfigure pour atteindre la nouveauté d'une vie aimée de Dieu. Et cela ne pouvait se faire autrement que par union et participation à l'Esprit Saint. Le moment le plus indiqué et le plus opportun pour l'envoi de l'Esprit et sa venue en nous était celui où le Christ notre Sauveur nous quitterait. En effet, aussi longtemps qu'il demeurait dans la chair auprès des croyants, il leur apparaissait, je crois, comme le donateur de tout bien. Mais lorsque viendrait le moment où il devrait monter vers son Père des cieux, il faudrait bien qu'il soit présent par son Esprit auprès de ses fidèles, qu'il habite par la foi dans nos cœurs. Ainsi, le possédant en nous-mêmes, nous pourrions crier avec confiance : Abba, Père ; nous porter facilement vers toutes les vertus et, en outre, montrer notre force invincible contre tous les pièges du démon et toutes les attaques des hommes, puisque nous posséderions l'Esprit tout-puissant. Les hommes en qui l'Esprit est venu et a fait sa demeure sont transformés ; ils reçoivent de lui une vie nouvelle comme on peut facilement le voir par des exemples pris dans l'Ancien et le Nouveau Testament. Samuel, après avoir adressé tout un discours à Saül, lui dit :L'Esprit du Seigneur fondra sur toi et tu seras changé en un autre homme. Quant à saint Paul : Nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, de gloire en gloire, comme il convient au Seigneur qui est Esprit. Car le Seigneur, c'est l'Esprit. Vous voyez comment l'Esprit transforme pour ainsi dire en une autre image ceux en qui on le voit demeurer. Il fait passer facilement de la considération des choses terrestres à un regard exclusivement dirigé vers les réalités célestes (...). Nous constatons que ce changement s'est produit chez les disciples : fortifiés ainsi par l'Esprit, les assauts des persécuteurs ne les ont pas paralysés ; au contraire, ils se sont attachés au Christ par un amour invincible. (...) Elle est donc bien vraie, la parole du Sauveur : C'est votre intérêt que je retourne au ciel. Car, c'est le moment de la descente de l'Esprit. "
Quels sont les fruits de l'Esprit.  Il nous faudrait relire Paul et les contempler à nouveau.  Mais nous le sentons bien,  l'issue du chemin est la vie en Christ,  c'est à dire sentir à la fois sa présence en nous par le mystère de l'eucharistie et en même temps contempler son absence, son caractère insaisissable qui fait naître en nous le désir de la danse.
"Tous ensemble ils dansent, et ils chantent : « En toi, toutes nos sources ! » nous dit le Psaume 86, 7.
Redisons le : Si l'on écoute saint Basile (2) les dons de l'Esprit sont une invitation à danser :" les âmes qui portent l'Esprit, illuminées par l'Esprit, deviennent elles-mêmes spirituelles et renvoient la grâce sur les autres.  De là viennent (...) la distribution des dons spirituels (...), la danse avec les anges, la joie sans fin, la demeure en Dieu, la ressemblance avec Dieu."


L'enjeu est aussi pastorale,  comme le clame  Zacharie à son fils, il nous faut,  à la suite du Baptiste devenir nous aussi "prophète du Très-Haut,  marcher devant, à la face du Seigneur, et préparer ses chemins 77 pour donner à son peuple de connaître le salut(...) [dévoiler la] "78grâce [et] la tendresse, (...) l'amour de notre Dieu, (..) 79 pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l'ombre de la mort, [et] conduire (...) au chemin de la paix. (Luc 1, 76-78).

"Il nous a rendus participants de sa divinité et il nous incorpore tous à lui. D'ailleurs la divinité à laquelle nous participons par cette communion n'est pas divisible en parties séparées ; il s'ensuit nécessairement que nous aussi, une fois que nous avons participé à elle en vérité, nous sommes inséparables de l'Esprit unique, formant un seul corps avec le Christ." (3). Nous parvenons alors "en Christ"
(1) saint Cyrille d'Alexandrie,  commentaire de Jean
(2) Saint Basile, traité sur les dons de l'Esprit
(3) Syméon le Nouveau Théologien, Éthique 1, 6-8 (trad. Prière mystique, Cerf 1979, p. 75 rev.) 

Pour aller plus loin cf. ci dessous les libellés "danse" et "En Christ"



22 mai 2015

Jean 21 - Agape et Philia, le dernier agenouillement

Le Seigneur ne demande pas plus que ce que nous pouvons porter. Il considère chacun comme s'il était la perle unique en qui il avait mis tout son amour.  Contemplons le dialogue sublime qui réunit Pierre avec Jésus sur le lac de Tibériade. J'ai commenté longuement ce texte dans "A genoux devant l'homme",  et "Pastorale du seuil" notamment à propos de la subtilité des deux verbes grecs utilisés par Jésus dans son questionnement.  Il demande d'abord si Pierre l'aime d'amour (agape) avant  d'utiliser le verbe qu'utilise Pierre pour lui répondre : "Philo te !" Je t'aime d'amitié.  

On sait que Pierre sort de son reniement,  qu'il doit avoir la honte du fils prodigue et pourtant Jésus se remet à genoux devant lui. Et lui dit "paix mes brebis".

Écoutons ce commentaire d'Augustin que je découvre grâce à Evangelizo...

"Le Seigneur demande à Pierre s'il l'aime, ce qu'il savait très bien ; et il le lui demande non pas une fois, mais deux et même trois fois. Et chaque fois Pierre répond qu'il l'aime, et chaque fois Jésus lui confie le soin de faire paître ses brebis. À son triple reniement répond une triple affirmation d'amour. Il faut que sa langue serve son amour, comme elle a servi sa peur ; il faut que le témoignage de sa parole soit aussi explicite en présence de la vie qu'elle l'a été devant le menace de la mort. Il faut qu'il donne une preuve de son amour en s'occupant du troupeau du Seigneur, comme il a donné une preuve de sa timidité en reniant le Pasteur."

 N'est ce pas nos tentations pastorales,  qui ne sont autres que celles que Mat 4 décrit au désert.  L'avoir,  le pouvoir, le valoir.

Augustin poursuit : "Ceux qui s'occupent des brebis du Christ avec l'intention d'en faire leurs brebis plutôt que celles du Christ se montrent coupables de s'aimer eux-mêmes au lieu d'aimer le Christ. Ils sont conduits par le désir de la gloire, de la domination ou du profit, et non le désir aimant d'obéir, de secourir et de plaire à Dieu. Cette parole trois fois répétée par le Christ condamne ceux que l'apôtre Paul gémit de voir chercher leurs intérêts plutôt que ceux de Jésus Christ (Ph 2,21)."

Prenons le temps de relire  Philippiens 2, dans son contexte, c'est à dire depuis l'évocation de la kénose du Christ (illustration théologique du lavement des pieds évoqué en Jn 13).

"Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu'il fût dans la condition de Dieu, il n'a pas retenu avidement son égalité avec Dieu; mais il s'est anéanti lui-même, en prenant la condition d'esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui; il s'est abaissé (grec : ekenosen) lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. (...) Agissez en tout sans murmures ni hésitations, afin que vous soyez sans reproche, simples, enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu de ce peuple pervers et corrompu, dans le sein duquel vous brillez comme des flambeaux dans le monde, étant en possession de la parole de vie; et ainsi je pourrai me glorifier, au jour du Christ, de n'avoir pas couru en vain, ni travaillé en vain. (...) Car je n'ai personne qui me soit tant uni de sentiments, pour prendre sincèrement à cœur ce qui vous concerne; tous, en effet, ont en vue leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ. (Ph2, 5-8, 14-16, 20-21)"

C'est dans l'esprit kénotique de Paul et sous l'éclairage de la triple tentation (Mt 4 /Lc 4) que l'on peut entendre l'évêque d'Hiponne.

"Que signifient, en effet, ces paroles : « M'aimes-tu ? Pais mes brebis » ? C'est comme s'il disait : « Si tu m'aimes, ne t'occupe pas de ta propre pâture, mais de celle de mes brebis ; regarde-les non comme les tiennes, mais comme les miennes. En elles, cherche ma gloire, et non la tienne ; mon pouvoir, et non le tien ; mes intérêts, et non les tiens »... Ne nous préoccupons donc pas de nous-mêmes : aimons le Seigneur et, en conduisant ses brebis vers leur pâturage, recherchons l'intérêt du Seigneur sans nous inquiéter du nôtre."

À nous les pécheurs pardonnés, Jésus nous "met l'anneau",  nous revêt du "manteau" du pardon (Luc 15) et nous comble de sa grâce.  Louange et gloire à notre Dieu.

(1) Saint Augustin, Sermons sur l'évangile de Jean, n°123 
Source : levangileauquotidien.org/

21 mai 2015

Mea culpa - suite

‎Un autre écueil de ma recherche est probablement dans mon insistance sur la faiblesse de Dieu. Kasper qui a de belles phrases sur la kénose, ne déroge jamais sur le principe de la toute puissance divine. Mais est-ce fondé sur un concept de l'infini divin au sens grec du terme où sur l'impression que Dieu est de fait tout-puissant.
Mon deuxième essai, "où es-tu mon Dieu ?" pose la question du silence de Dieu face au mal. Kasper n'y réponds pas. Peut-on y répondre ? Ma seule piste, celle en tout cas que je développe est celle, à la suite de Hans Jonas, d'un retrait de Dieu. Kasper semble très ‎critique sur ce point. Je ne sais s'il le serait sur mes développements. Pourtant il me semble que son approche de la kénose, voire même de la souffrance de Dieu est très proche de la mienne. Où se trouve la faille, est-elle chez moi qui ose chercher une réponse pastorale à défaut d'être universitaire et théologique ? En osant braver le mystère de la théodicée, je cherche à dire autre chose qu'un Dieu tout puissant qui semble absent des drames du monde. En parlant de la faiblesse de Dieu je ne nie pas la puissance de sa création. J'ose articuler son silence avec la déreliction que ressent le Fils en Croix.
Cela met à mon avis en lumière la phrase de Paul : c'est quand je suis faible que je suis fort. La faiblesse de Dieu peut être un fantasme à la hauteur de ma timidité. Elle peut être aussi la révélation de ce que Varillon affirme : "seul l'amour est tout puissant". Or, à mon avis, l'amour véritable inclut une part de faiblesse, celle qui renonce à la puissance pour Autrui.


Mea culpa ?


Les pas du chercheur parviennent à des impasses et il lui faut parfois faire marche arrière, reconnaître qu'il s'est perdu, qu'il a pris un mauvais chemin.
En poursuivant ma lecture du dernier livre de Walter Kasper et ses pages sur la mauvaise miséricorde, la miséricorde bon marché qui ne fait pas grandir, j'en viens à douter sur ma bonhomie pastorale, ma tendance à excuser l'homme pécheur sous prétexte de le rejoindre. 
Est-ce que je suis tombé dans ce travers en écrivant "Pastorale du seuil" ? Il y a quelques semaines je terminais un tour de table avec des futurs mariés. Ils venaient de se présenter, chacun traduisant à sa façon leurs difficultés à croire en l'amour pour toujours, leurs histoires reflétant leurs hésitations envers l'engagement du mariage. Sur les 7 couples, tous avaient déjà construit leur vie sans passer par l'Eglise. Ils avaient tous des enfants. Bien sûr ils étaient là, mais sur la pointe des pieds. Ce que voyant l'un d'eux a dit soudain :
- si je résume, nous sommes tous dans le péché.
Bien sûr, sa remarque nous cherchait, nous les animateurs au profil bien "catho". 
Je lui ai répondu par une pirouette, ne condamnant pas leur passé mais essayant d'ouvrir un avenir "en Dieu". Tâche difficile. Est-ce qu'une morale aurait été utile à ce stade ? Il me semble que non. Comme le glissait un jour un évêque, la morale sert à juger nos propres actes, pas ceux des autres. 
Un chemin pastoral, à l'écoute du fils prodigue, consiste d'abord à courir à la rencontre du pécheur, lui redonner le goût de l'amour du Père avant d'oser proposer la phrase qui fait grandir : "relève toi" et "ne péche plus" (Jn 8). Plus encore, il me semble que cette phrase ne peut être prononcée que du bout des lèvres, que ce n'est même pas à nous de la dire mais au chercheur de Dieu de la découvrir dans son chemin de foi, à travers sa marche au désert. 
Idéalement, ce n'est probablement pas à nous de la prononcer mais à l'Esprit ‎qui réside au coeur de l'homme, celui qu'il découvre en avançant. Comme le souligne M. Rondet, nous n'avons pas à les enfermer dans la sécurité d'un port mais les accompagner sur le chemin, trouver avec eux les pierres qui rendent leur route plus difficile...
A cela répond à sa manière Kasper en citant Ezéchiel : si tu laisses ton frère dans le péché c'est sur toi que retombera la faute. Il a peut être raison. Encore faut-il probablement lui opposer la remarque de Jésus : "ils chargent les autres de poids qu'ils ne peuvent porter eux mêmes". Entre miséricorde, morale et chemin pastoral, le sentier est étroit.
Une tension théologique ? 

PS: vos commentaires sont les bienvenus...

Du désert à l'agir

‎Je l'esquissais déjà plus haut, la fuite au désert, ne peut être une fuite de nos responsabilités. Élie comme Jonas l'on appris à leur dépens. Le chemin du désert abouti à une impasse s'il passe à côté de l'essence même du christianisme, de cette miséricorde active qui n'est autre que l'imitation de notre Seigneur. En cristallisent notre analyse des tentations au désert chez Mat 4 sur l'avoir, le valoir et le pouvoir, on peut passer à côté de l'appel à aimer, de tout son corps, de toute son âme jusqu'à cet apparemment impossible "amour de l'ennemi". En récitant machinalement le notre père, s'arrête-ton assez sur le "comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé. Impossible demande, disait les Pères de l'église qui préférait introduire une gradation dans le pardon plûtot que d'exiger ce qui relève pour eux de la perfection de l'amour(1). Et pourtant le chemin qui nous conduit à imiter le Christ (2)  ne peut passer à côté de son 77 x 7 fois (Mat 18, 21) qui culmine jusqu'au "père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font" (Lc 23, 38). 


(1) Kasper, La miséricorde, op. Cit. p. 140‎, qui cite notamment  Tertullien, de la patience, 6 ; Chrysostome, commentaire de Matthieu, Homélie 18, n.3 ; et Thomas d'Aquin, S. Th. II/II. Q. 25 a. 8...
(2) cf. Kasper ibid. p. 133

20 mai 2015

Le pont des planches - Nouvelle


Mars 1944.
Une histoire d'amours impossibles à la veille de la libération.
Je vous livre ici une petite histoire au sein de cette vallée qui m'enchante et m'inspire depuis plus de 7 ans. Le pont des planches est un récit de résistance, d'honneur et de fraternité.

Contrairement aux apparences données par ce premier extrait, cette nouvelle est le début de la saga la plus "théologique" des mes "oeuvres" romanesques.

Extrait : "Quand, venant du lieu-dit Le Chêne-Simon et sortant de la grande forêt on parvient sur la route qui longe la vallée de l'Avre, le regard quitte les couleurs légères des jeunes pousses de fougères pour se perdre dans un vaste horizon de verts plus soutenus. Vers l'ouest on aperçoit les méandres de la rivière qui épousent la colline sud jusqu'à la Mulotière avant de rejoindre les contreforts du village médiéval de Tillères, son château et les restes du vieux prieuré bénédictin . Au nord, la vue plonge dans la vallée et se laisse distraire par la haute flèche de l'église d'Acon. Puis, se tournant vers l'est, il suit la route qui longe la crête.
C'est là que vers dix heures, alors que les derniers signes du brouillard qui masquaient la vallée disparaissaient en de fines volutes blanches, le cheval galopait sur la crête... Bertille se laissait entraîner dans sa course folle. Ses longs cheveux ondulaient dans le vent, masquant parfois son visage de grandes boucles noires qu'elle repoussait d'un geste. Elle était de grande
taille, avec un joli cou qui apparaissait par instant, au gré des sauts de l'animal. Si elle n'avait pas eu ce visage un peu chevalin, elle aurait pu ressembler à cette Diane chasseresse qui ornait le mur du salon, au-dessus de la grande cheminée. Elle avait néanmoins un certain charme et avait compté déjà
quelques déclarations enflammées. Pourtant, son cœur était encore libre. Aucun des prétendants ne valait pour l'instant la joie de ses courses folles dans la campagne normande. En ces temps de guerre, elle aspirait surtout à un peu de calme et d’air pur...
Au loin dans la vallée les premières pousses claires semblaient jaillir au faîte des feuillus, comme autant de promesses d'un printemps qui tardait pourtant à revenir après le long hiver qui avait enveloppé l'Avre d'un lourd manteau de neige.
Après un mois de février 1944 particulièrement sec et frais, la nature semblait exprimer au monde son désir de liberté. Un cri que tous partageaient, mais n'osait encore clamer, tant la France occupée ployait encore sous la souffrance et cette armée brutale qui lui ôtait toute joie.
Trois ans déjà qu'elle avait quitté Paris et sa vie tumultueuse pour s'enfermer dans les murs protecteurs de la grande maison bourgeoise cachée au fond des ruelles de Nonancourt. Elle s'était pliée à l'ordre paternel, sans rechigner, se contentant de goûter à la joie de se glisser à l'aube avec Nora, sa jument, sur les chemins discrets des alentours. La plupart du temps, elle grimpait sur la colline qui dominait Saint-Rémy à laquelle on accédait par une combe verdoyante. Là elle trottait dans les sous-bois, parcourait les sentiers qui la menaient jusqu'au château d'Escorpain, où elle déjeunait avec sa cousine Maëlle.
Depuis qu'en 1941, juste après son départ de Paris, son père avait réussi à rejoindre l'Angleterre, elle n'avait pas de nouvelles régulières. Allait-il survivre à cette reconquête qui s'annonçait si délicate ? Elle ne pouvait repousser la nuit des angoisses qui l'habitaient, quand elle l'imaginait à la tête d’une compagnie, se battant pour défendre sa liberté. C'était un homme doux dont la force reposait plus sur les mots que sur les armes. Pourquoi avait-il rejoint Londres ? Elle le savait proche du Général depuis qu'ils s'étaient croisés à Paris, mais cela n'expliquait pas son geste à ses yeux.
Depuis qu’il n’était plus là, l’inquiétude l’envahissait souvent. Seules la présence chaude de Nora, cette harmonie qui unit un cheval et sa cavalière lui apportaient du réconfort et guérissait partiellement la souffrance de cette absence.
Depuis la mort de sa mère, en 1938, elle avait développé pour son père un attachement presque fusionnel qui rendait sa fuite difficilement supportable.
Elle avait maintenant 25 ans... Et elle savait que tout cela ne serait que temporaire. Elle aspirait aussi à un nouveau printemps.
En ces premiers jours d'avril, les champs avaient une teinte chaude. Les sous-bois étaient couverts de campanules aux teintes violettes et les jeunes pousses de fougères surgissaient sous leurs manteaux de feuilles. Pour changer de ses paysages habituels, elle avait décidé de remonter la rivière, passer les moulins d'Islou et d'Heudez et grimper sur les hauteurs sud de la vallée
d'Acon, là où la vallée s'élargit et révèle tous ses charmes.
Elle tira sur la bride et remit Nora au pas. La jument souffla bruyamment, et un peu de vapeur d'eau s'échappa de ses flans. À l'horizon une silhouette apparut."



Cette petite nouvelle constitue en effet la nouvelle première partie d'une saga en constitution qui compte déjà 6 petits opus dont 5 déjà disponibles sur fnac.com, kobo.com , Amazon et kindle :
1. Le pont des planches
2. Le vieil homme et la perle
3. Le vieil homme et la perle (tome 2)
4. La perle
(version kindle et papier des tomes 2 à 4)
5. Le désir brisé
6. Chronique d'une fin de vie (projet, en cours d'écriture)

Rappel : mes 97 premiers titres...

19 mai 2015

La danse avec les anges

Si l'on écoute saint Basile (1) les dons de l'Esprit sont une invitation à danser : "les âmes qui portent l'Esprit, illuminées par l'Esprit, deviennent elles-mêmes spirituelles et renvoient la grâce sur les autres. 


De là viennent (...) la distribution des dons spirituels (...), la danse avec les anges, la joie sans fin, la demeure en Dieu, la ressemblance avec Dieu".


 À la veille de la Pentecôte,  confions au Seigneur cette envie de danser. Qu'elle embrase l'Église d'un brin de folie pour son Dieu...



(1) Saint Basile, traité sur les dons de l'Esprit

16 mai 2015

La prière stérile ?

Le silence de Dieu,  son retrait apparent, le tombeau vide sont autant d'épreuves qui font germer en nous le doute,  des murmures et des cris. Nous sommes là au coeur même de l'expérience du désert,  dans ce lieu où la qualité même de notre foi fera la différence.  Le risque est d'oublier qu'il s'agit là d'une situation bien commune traversée sans cesse par tous ceux qui ose quitter le confort apparent de l'insouciance du monde et parte en quête de Dieu. L'expérience de nos pères,  qui nous accompagnent sur cette voie sont autant de puits pour poursuivre la route, Écoutons saint Bernard sur ce point : "Comment se fait-il que si rarement nous paraissions expérimenter le fruit de la prière ? Nous avons l'impression de ressortir de la prière comme nous y sommes entrés ; personne ne nous répond un mot, ne nous donne quoi que ce soit, nous avons l'impression d'avoir peiné en vain. Mais que dit le Seigneur dans l'évangile ? « Ne jugez pas sur l'apparence, mais portez un jugement juste » (Jn 7,24). Qu'est-ce qu'un jugement juste sinon un jugement de foi ? Car « le juste vit de la foi » (Ga 3,11). Suis donc le jugement de la foi plutôt que ton expérience, car la foi ne trompe pas alors que l'expérience peut nous induire en erreur.            Et quelle est la vérité de la foi, sinon ce que le Fils de Dieu lui-même promet : « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous le recevrez, et cela vous sera accordé » (Mc 11,24). Que donc aucun d'entre vous, frères, ne tienne pour peu de chose sa prière ! Car, je vous l'affirme, celui à qui elle s'adresse ne la tient pas pour peu de chose ; avant même qu'elle ne soit sortie de notre bouche, il la fait écrire dans son livre. Sans le moindre doute nous pouvons être sûrs que soit Dieu nous accorde ce que nous lui demandons, soit il nous donnera quelque chose qu'il sait être plus avantageux. Car « nous ne savons que demander pour prier comme il faut » (Rm 8,26) mais Dieu a compassion de notre ignorance et il reçoit notre prière avec bonté... Alors « mets ta joie dans le Seigneur, et il accordera les désirs de ton cœur » (Ps 36,4)"

(1) saint Bernard,  Sermons de Carême n°5, 5 

14 mai 2015

Coïncidence des opposés

‎Il faut rendre hommage à Johann Georg Hamann, nous dit Balthasar, pour voir dans la coïncidence de l'opposition entre la kénose extrême d'un Christ en croix et la divine majesté de la création la trace unique de Dieu : "un miracle de tranquillité infinie, qui fait de Dieu l'égal de son néant et tel qu'on doit ou nier sans scrupule son existence ou être un âne ; mais en même temps d'une force infinie, qui remplit tout en tout, tellement que l'on ne peut échapper à son activité au plus intime de soi même" (1)
Cette coïncidence justifie pour moi à la fois mes développements sur l'opposition entre souffrance et création et cette recherche en cours sur le désert.

(1) J.G. Hamann, Aesthetica, édit. Nadler, II, p. 204, cité par Hans Urs von Balthasar, GC tome 1, p. 68


13 mai 2015

Suivre le Christ -2

Ce que nous disait saint Cyrille rejoint ce que nous contemplons dans la première lettre de Jean  : "Personne n'a jamais vu Dieu ; mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous. (...) Et nous, nous avons connu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour ; et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. La perfection de l'amour en nous, c'est que nous ayons une confiance assurée au jour du jugement ; car tel est Jésus-Christ, tels nous sommes aussi dans ce monde. Il n'y a point de crainte dans l'amour ; mais l'amour parfait bannit la crainte, car la crainte suppose un châtiment ; celui qui craint n'est pas parfait dans l'amour. Nous donc, aimons Dieu, puisque Dieu nous a aimés le premier. Si quelqu'un dit : "J'aime Dieu ", et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur ; comment celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas? Et nous avons reçu de lui ce commandement : "Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. " ( 1 Jean 4, 12 ; 15-21)

12 mai 2015

Suivre le Christ

Est ce que le chemin est accessible à l'homme....
Prendre le chemin du désert,  c'est prendre un chemin de crête, c'est renoncer à ces adhérences au monde qui nous retiennent. Écoutons saint Cyrille :

Même s'il est encore dans la chair, puisqu'il est redevenu vivant le troisième jour et qu'il se trouve dans le ciel auprès du Père, on comprend qu'il est au-dessus de la chair : mort une fois pour toutes, il ne mourra plus, sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir. (...) il faut absolument que nous suivions ses traces et qu'on nous voie vivre non pas tellement dans la chair qu'au-dessus de la chair. Saint Paul a eu tout à fait raison de dire : Si quelqu'un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s'en est allé, un nouveau monde est déjà né. ~ En effet, nous avons été rendus justes par la foi au Christ, et la malédiction n'a plus aucune force. Il est redevenu vivant pour nous, après avoir terrassé le pouvoir de la mort. Nous avons reconnu qu'il est Dieu par nature et véritablement. (1)

Sans commentaire....

(1) Saint Cyrille d'Alexandrie,  commentaire sur la seconde lettre aux Corinthiens

11 mai 2015

Du désert à l'ascension

À l'issue de son périple au désert,  le voyageur peut enfin saisir ce à quoi il est appelé dans une lecture spirituelle des premiers chapitres de Jean.
Il a puisé avec effort l'eau de la grâce dans sa jarre, il a perçu sa soif et son manque de vin, il a saisi combien le Christ est celui qui change l'eau en vin, alors il est prêt à mourir pour renaître.  
Le baptême de Jean est une étape,  mais ne devient le baptême véritable que lorsque assoiffé,  il s'approche du puits de la rencontre, pour boire à la source vive, à celui dont le sang et l'eau déverse son esprit dans l'inimitable don. Vers ce signe élevé sur le bois de la Croix,  l'homme régénéré peut se tourner pour recueillir l'éternel don de la Parole qui seule est source vive.

« Aujourd'hui notre Seigneur Jésus Christ monte au ciel ; que notre cœur y monte avec lui. Écoutons ce que nous dit l'Apôtre : Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d'en haut : c'est là qu'est le Christ, assis à la droite de Dieu. Le but de votre vie est en haut, et non pas sur la terre. De même que lui est monté, mais sans s'éloigner de nous, de même sommes-nous déjà là-haut avec lui, et pourtant ce qu'il nous a promis ne s'est pas encore réalisé dans notre corps.

Il a déjà été élevé au-dessus des cieux ; cependant il souffre sur la terre toutes les peines que nous ressentons, nous ses membres. Il a rendu témoignage à cette vérité lorsqu'il a crié du haut du ciel : Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? Et il avait dit aussi : J'avais faim, et vous avez donné à manger.

Pourquoi ne travaillons-nous pas, nous aussi, sur la terre, de telle sorte que par la foi, l'espérance, la charité, grâce auxquelles nous nous relions à lui, nous reposerions déjà maintenant avec lui, dans le ciel ? Lui, alors qu'il est là-bas, est aussi avec nous ; et nous, alors que nous sommes ici, sommes aussi avec lui. Lui fait cela par sa divinité, sa puissance, son amour ; et nous, si nous ne pouvons pas le faire comme lui par la divinité, nous le pouvons cependant par l'amour, mais en lui." (1)


Alors peut retentir l'hymne que l'Église chante à l'aube de l'ascension : 
"Entré dans la gloire,
Jésus nous trace le chemin
Et nous conduit vers le matin
De sa victoire.
(...) l'amour seul est puissance,
Mystère découvert
Aux yeux de l'espérance.
Vêtu de lumière,
(...)
Dans son offrande, vers la joie,
Ses mains nous portent.
(...)
Il fait mûrir tout l'univers,
Et son Esprit, dans nos déserts,
Est source vive."

( 1) saint Augustin,  sermon pour l'ascension

08 mai 2015

Science théologique et pastorale

‎La théologie nest pas une science.  C'est probablement encore moins le cas de digressions théologiquo-pastorales. Un passage de Balthasar me conforte un peu...
"Si la science théologique (...) abaissait insensiblement son centre, jus‎qu'au niveau des autres sciences, il en résulterait forcément un nouveau judaïsme, dans lequel seuls les "docteurs de la loi" seraient compétents pour expliquer la parole de Dieu, tandis que l'homme simple resterait tout au plus un amateur dans l'intelligence de la foi" (1)
 Plus loin le théologien précise sa pensée : "le sanctuaire de la théologie se trouve plutôt dans la rhapsodie que dans le discours orienté vers l'extérieur et tendant à distinguer et définir. Ignace d'Antioche est-il un théologien ? Et Origène dans ses homélies et commentaires ? " (2).  Au delà de la dissection universitaire, il me semble qu'il reste une place pour la simple contemplation, qui n'est pas science mais manducation et lecture spirituelle.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1, op Cit. p. 63
(2) ibid. p‎. 64



04 mai 2015

Beauté et sacrifice, Gerhard Nebel

Bal‎thasar nous conduit encore plus loin, au delà de Barth chez Gerhard Nebel sur les pas de ce qu'il qualifie une "esthétique théologique protestante" : "le beau aspire à rencontrer l'homme. L'esthétique devient le beau (...) dans l'acte par lequel le beau s'offre en sacrifice à lui-même et par là à un autre plus haut". (1)
La logique sacrificielle qui peut être conçue comme un retour au moralisme froid et sec de Luther, prend néanmoins chez Nebel une touche esthétique avec l'apport du concept du Beau. Est-ce un idéalisme ? ‎Probablement dans une logique purement humaine. Pas si l'on rejoint là ce que j'ai longuement décrit comme faisant partie de la danse trinitaire, c'est à dire si l'on contemple ce que Emmanuel Durand décrit comme le principe de la circumincession, de ce Fils qui dans l'amour répond au don que le Père a fait de lui-même par le don encore plus étonnant de sa vie même jusqu'au scandale de la croix. La beauté sort alors des canons humains pour approcher le beau véritable, celui du don.
Je pense alors à ce que nous fêtons cette année, ces vies consacrées au Seigneur et surtout à ce récit que je viens de terminer de la vie de Thérèse où cette belle et jolie jeune espagnole découvre que son bien aimé n'est pas le cousin qu'elle chérit mais celui qui a souffert par amour.
Que Nebel et Avila se rejoignent n'est autre que la confirmation que nous nous situons bien au coeur de la Tradition patristique et chrétienne, que les accents d'Augustin sur la beauté cachée ne sont pas étrangers à cette quête de la véritable beauté. 
Il n'y a pas là l'ombre d'un masochisme sacrificiel. Thérèse le combattait assez pour qu'on puisse l'affirmer. Cette beauté du don est celle qui dépasse tout, embrasse l'homme dans une danse où en se perdant il rejoint le chant du monde, le bruit silencieux de Dieu, la danse des anges.
On peut alors comprendre que Thérèse trouve dans son expérience de "participation à la douleur du Christ" un ravissement à la fois douloureux et joyeux" (2), car il ne s'agit plus d'une joie personnelle, mais bien d'une véritable communion au mystère.

En fait, ce que Nebel ouvre dans sa méditation n'est pas la contemplation du beau comme tel, mais bien le paradoxe que nous avons tenté d'approcher dans "Où es-tu ?", celui du "plus que le beau" (3)‎ qu'est le don. Le don dépasse l'esthétisme, sans toutefois le renier et nous conduit ailleurs, dans la contemplation de l'unique Médiateur. Un chemin qui me conduit à une nouvelle contemplation : au désert (4), où il me semble nécessaire de passer pour dépasser les illusions du seul beau.
Un détour, une frustration‎ nécessaire, qui rendra perceptible l'illusion de cette part du beau qui ne vient pas de Dieu.
Qu'est-ce ? ‎Où est la limite ? Le ravissement de la mondanité nous cache l'envers du décor.
Nebel le nomme "daimon du beau" (5), le beau pour soi, celui ‎qui n'est pas tourné vers l'autre mais vers soi, narcissisme stérile qui conduisait le peuple juif a rejeter l'image. Comprendre cela c'est percevoir à la suite de Nebel et Hamann  que le "festival de la beauté ne nous mène qu'au seuil" (6), qu'il doit "s'éteindre pour que l'inouï puisse se produire"(7) : "mourir et ressusciter avec le Christ" (8).
Nebel conclut étonnamment sa contemplation par une phrase qui rejoint ma quête : "celui qui veut glorifier le Crucifié en est réduit [à défaut des styles passés et révolus] à celui du désert. L'art de révélation ne peut pas plus être restauré que l'Empire ou une cathédrale détruite" (9)

(1) Gerhard Nebel, Das Ereignis des Schoenberg, Klein, 1955, p. 19 cité par Hans Urs von Balthasar GC I, op. Cit. p. 49
(2) livre de vie, chap. 20 et 21, op. Cit.
(3) Nebel, ibid. p. 85, GC1, p. 50
(4) Le chemin du désert. A paraître.
(5) ‎Nebel, p. 148
(6) p. 195
(7) Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 54
(8) Nebel, ibid.
‎(9) ibid. p. 195-196

  





03 mai 2015

Où es-tu ? Postface, relire Hans Urs von Balthasar...

‎Une des questions soulevées dans mon dernier livre (Où es-tu mon Dieu ?, souffrance et création) portait sur notre capacité à parler du beau, du bon et du vrai, dans un monde défiguré par la souffrance. Et ce faisant j'attaquais une version édulcorée de l'esthétique de Balthasar, pourtant largement à l'origine de ce blog (cf les premiers messages de ce blog)‎....
Et voilà que j'ouvre à nouveau le maître 10 ans après.
"Il y a des époques", écrit-il, "où l'homme (...) se sent tellement humilié (...) que la tentation s'offre à lui chaque jour de mettre en doute la dignité de l'existence et de répudier le monde qui nie et détruit son propre caractère d'image. Devoir retrouver, à partir de ce vide sans écho, l'image que l'Auteur Premier avait envisagé pour nous, cette exigence apparaît surhumaine. Peut-être, en vérité n'est elle envisageable que chrétiennement. (1)
Je crois, in fine, que l'objet de mon livre se résume de fait à cela. Le monde en soi ne peut plus voir l'Auteur Premier à l'oeuvre tant il s'est défiguré et a perdu sa trace. Trouver un chemin d'espérance devient un acte de foi. Tel est peut être l'enjeu pastoral premier de notre temps.
J'ai eu l'intuition récemment que l'une des pistes pastorales pourrait être, en "pastorale familiale de la périphérie" (mon domaine principal de recherche), de creuser chez le couple loin de l'église la contemplation de la paternité comme étincelle de révélation du projet de l'Auteur Premier sur l'humanité .
Le théologien nous conduit sur un chemin équivalent. Écoutons le encore :" ce ne serait pas la peine d'être un homme si (...) il n'y avait pas l'Unique Nécessaire, la perle irremplaçable pour l'amour de qui nous vendons tout ce que nous avons (...) au point que nous considérons tout le reste comme balayure pour acquérir l'unique (Mt 13, 46, Ph 3, 8)." (2) Balthasar parle de l'amour humain et du mariage. 50 ans plus tard, je parlerai de paternité car il semble que ce soit la cause qui demeure la plus fiable dans notre monde, le lieu où se cristallise encore une quête de sens.
(1) Hans Urs von Balthasar, la gloire et la Croix, apparition, tome 1, DDB Paris, 1990, p. 22
(2) ibid p. 23

Beauté de Dieu, Barth 2

‎Poursuivons sur ce thème. Barth, dans son réquisitoire pour remettre un peu d'esthétique après les critiques froides du début du 20ème siècle (Kierkegaard, Bultmann), défend une thèse qu'un chercheur en pastorale ne peut ignorer. Le sérieux, la morale manque de "joie, d'éclat et d'humour" (1).
La voie qu'il trace entre en tension avec la question que nous ne cessons de soulever sur la souffrance. Barth ne l'ignore pas en affirmant que si "l'on cherche la beauté du Christ dans une gloire qui ne serait pas celle du Crucifié, on la cherchera toujours en vain" (2).
"La beauté de Dieu, en se révélant elle-même, englobe la mort et la vie, la crainte et la joie, ce que nous trouvons laid comme ce que nous trouvons beau". (3)
Cela rejoint ce que je lisais récemment chez Thérèse d'Avila qui insistait sur la contemplation de la Croix (4) que l'on ne peut mettre de côté.
Peut être qu'une véritable esthétique n'entre pas dans les canons de la beauté mondaine. Elle part dans cette quête "du désert" que nous cherchons à entreprendre, en quittant la douceur apparente du monde pour trouver un ailleurs, un autrement qu'être qui n'ignore ni le bien, ni la souffrance, qui trace un chemin autre, visant la joie des assoiffés de Dieu, visant cette source qui bouleverse la Samaritaine et la conduit à chanter sa joie, à courir au village (Jn 4, 29), criant un "j'ai trouvé celui que mon coeur aime" qui nous rapproche du Cantique des Cantiques.


(1) Karl Barth ibid. p. 737, cité par Hans Urs von Balthasar, GC 1, ibid. p. 45
(2) ibid.
(3)‎ ibid. 750, GC p. 46

02 mai 2015

Beauté de Dieu, Barth, postface 2

‎Je poursuis ma relecture de Balthasar. Il ouvre, avec Karl Barth, dont j'ai découvert récemment que ce n'était autre que son voisin de rue, une réflexion sur la beauté qui me trouble, dans le bon sens du terme. Barth a selon lui une approche contemplative. "Dans quelle mesure la lumière de Dieu, lorsqu'il se donne à connaître, est-elle lumière, donc éclairante ?". Pour Barth en effet, il ne s'agit plus de foi nue, mais d'une fois habitée (gnosis) de l'intérieur où par la contemplation on découvre que Dieu est beau "à la manière qui lui est propre (...) comme la beauté originelle et inaccessible (...) créant le désir (...) en tant que Dieu digne d'amour" (1).
Il me semble que cette voie est celle que je prends dans mon nouveau travail de recherche sur le désert, comme voie contemplative...

(1) dogmatique, II, 1, p. 732 s. Trad. Fr. (Genève, 1957) vol. 2, t. I, 2, p. 405 ss.,cité par Hans Urs von Balthasar, GC 1, ibid. P. 45

01 mai 2015

Désert 3 - sur les pas de Thérèse


En décrivant des expériences de participation à la souffrance du Christ, Thérèse d'Avila parle d'un tourment suffisant pour donner la mort mais ajoute qu'elle ne mérite pas un tel bonheur. "Cette soif de voir Dieu me fait oublier tout le reste, et ce désert, cette solitude, me paraissent préférable à toutes les compagnies du monde." 

Ste Thérèse d'Avila, Livre de la vie, ch
 20, &13, oeuvres complètes, tome 1, Cerf, 1995, p. 145

29 avril 2015

Désert - suite

Il y a des chemins qui se perdent au désert. Car l'homme reste fragile et le désert est aussi la découverte de ces failles, de ces impasses, de notre avidité (première tentation), de notre vaine gloire (deuxième tentation) et de notre impuissance.
Le psaume 94, nous rappelle cela : « Ne fermez pas votre coeur comme au désert,
comme au jour de tentation et de défi,
9où vos pères m'ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. 

10« Quarante ans leur génération m'a déçu, +
et j'ai dit : Ce peuple a le coeur égaré,
il n'a pas connu mes chemins.
11Dans ma colère, j'en ai fait le serment :
Jamais ils n'entreront dans mon repos. » 

Chanté tous les matins aux Laudes,  il rappelle à l'homme sa finitude et met en valeur,  comme en contraste, que ce qui est "impossible à l'homme est possible à Dieu", comme nous le dévoile une lecture cursive de Marc 10, 27 où cette affirmation du Christ précède l'annonce de sa Passion (10, 33). 

La course sans fin - sainte Catherine de Sienne

A la suite de mon essai sur Grégoire de Nysse, (la course infinie), et de mon étude sur Philippiens 3 (1), je découvre ce petit texte de sainte Catherine de Sienne, qui leur fait écho : "toi, éternelle Trinité, tu es comme un océan profond: plus j'y cherche et plus je te trouve ; plus je trouve et plus je te cherche. Tu rassasies insatiablement notre âme car, dans ton abîme, tu rassasies l'âme de telle sorte qu'elle demeure indigente et affamée, parce qu'elle continue à souhaiter et à désirer te voir dans ta lumière, ô lumière, éternelle Trinité". (2)

(1) cf. Serviteur de l'homme,  kénose et diaconie
(2) sainte Catherine de Sienne,  Dialogues 167, trad. Bréviaire

28 avril 2015

Adoration eucharistique ?

Ce petit texte d'origine ancienne (1) suscite en moi toute une série de réflexions :
"Car, sous la figure du pain, c'est le corps qui t'est donné ; sous la figure du vin, c'est le sang qui t'est donné, afin que tu deviennes, en participant au corps et au sang du Christ, un seul corps et un seul sang avec le Christ. C'est ainsi que nous devenons des « porte-Christ », son corps et son sang s'étant répandus dans nos membres. De cette façon, selon saint Pierre, nous devenons participants de la nature divine."

Il y a dans l'Église deux écoles qui s'affrontent à mon avis inutilement entre les partisans de l'adoration eucharistique et ceux qui y voient un excès d'idolatrie. 
Comme souvent,  la réponse me semble être de respecter une tension :  celle de considérer que nous devons d'abord être,  comme le dit ce texte des porte-Christ et que pour ce faire,  conscients  d'être temple du Christ nous devons nous nourrir de la contemplation de ce que nous portons, pour ne pas diluer dans le monde la force de ce que  nous révèle la prière silencieuse. 

Mais la contemplation ne peut être valable que si elle nous transforme utilement en "porte-Christ" et Dieu nous attends dans l'agir.

(1) Catéchèse de  Jérusalem aux nouveaux baptisés

21 avril 2015

Par lui et en lui

Belle messe dominicale à l'issue d'une retraite avant hier.
Au moment de la consécration,  le prêtre nous a invité à déposer sur l'autel toutes nos offrandes.
Elles ont alors jailli de l'assemblée,  offrandes et prières multiples, feu d'artifice de nos vies réunies.
Aujourd'hui,  l'hymne du bréviaire (sexte) résonne comme une réponse :
Le Fils de Dieu,
les bras ouverts,
A tout saisi dans son offrande,
L'effort de l'homme et son travail,
Le poids perdu de la souffrance.
L'élan puissant de son amour
Attire à lui la terre entière,
Il fait entrer dans son repos
Le monde en marche (..)
La création devient en lui
Première étape du Royaume.
C'est aussi un peu le résumé de ce que je viens d'écrire dans "où es tu ?"

20 avril 2015

Le chemin du désert - 2

La traversée du désert est aussi ce lieu de mise en retrait où nous pouvons prendre du recul sur nos vies pour percevoir le don de Dieu et notamment ses fruits invisibles. 
Comme le suggère Newman,  "nous ne discernons pas la présence de Dieu au moment où elle est avec nous, mais seulement après, quand nous reportons nos regards vers ce qui s'est passé et qui n'est plus... Des événements nous arrivent, agréables ou pénibles ; nous n'en connaissons pas la signification ; nous ne voyons pas en eux la main de Dieu. (...) Nous ne voyons rien. Nous ne voyons pas pourquoi telle chose arrive, ou à quoi elle tend. Un jour, Jacob s'est écrié : « Tout est contre moi ! » (Gn 42,36) ; certainement il semblait bien que ce soit ainsi... Et pourtant tous ses malheurs devaient tourner à bien. Considérez son fils Joseph, vendu par ses frères, emmené en Égypte, emprisonné, les fers entrant même dans son âme, et qui attendait que le Seigneur jette sur lui un regard de bienveillance. Plusieurs fois le texte sacré dit : « Le Seigneur était avec Joseph »... Après coup, il a compris ce qui sur le moment était si mystérieux, et il dit à ses frères : « Dieu m'a envoyé en avant de vous pour sauver vos vies. Ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, c'est Dieu » (Gn 45,7).  Merveilleuse providence, si silencieuse et pourtant si efficace, si constante et infaillible ! C'est ce qui déjoue le pouvoir de Satan ; il ne peut pas discerner la main de Dieu à l'œuvre dans le cours des événements". (1)

Or Satan est le diviseur, qui se complait dans le bruit et la confusion.  Dans le désert,  l'ordre réapparaît et sa confusion est mise à jour.  C'est pourquoi dès les premières pages de la Bible, chez Osée (2) face à la confusion de Gomer, Dieu dit : "je la conduirait au désert".  (Osée 2, 7).
 C'est pourquoi à sa suite,  l'Esprit conduit l'homme-Jésus au désert,  car là seulement la claire vision de Dieu nous est rendue.

À notre tour, le passage au désert peut être le lieu d'un combat intérieur entre nos tendances à l'adhérence au mal et cette libération de nos êtres en vue de la réception pleine et entière du don de Dieu. 

À l'image de ce combat évoqué de Jacob, la lutte peut être douloureuse,  mais combien plus sera la libération accessible.  Car en se purifiant de l'inessentiel nous trouvons l'essence de nos vies, le coeur à coeur auquel nous sommes invités.  La danse de Jacob est le prélude de la danse des anges,  c'est l'ultime symphonie de celui qui trouve son Dieu, et en se laissant saisir,  reprends la course sans fin de l'apôtre,  qui ne perçois plus le passé que comme des balayures, tant la marche vers et avec Dieu le comble. (Cf. Ph 3).

 Les pèlerins d' Emmaüs ( luc 24, 13ss) en ont fait l'expérience.  Fuyant la mort du Fils dans le désert, ils trouvent Celui qui ouvre leurs yeux sur le passé, leur fait distinguer Ses fruits invisibles et surtout Se rend présent dans la fraction du pain, au point que leur coeur devient tout brûlant d'une présence inaccessible et qui pourtant les transporte. Alors, "devenants des « porte-Christ » [« christophe »], Son corps et son sang se répandant dans [leurs] membres, [ils deviennent] participants de la nature divine" (3) et peuvent revenir à Jérusalem,  monter sur le "mont de la rencontre" car Dieu est en eux, avec eux.


(1) Bienheureux John Henry Newman in PPS IV,17 « Christ Manifested in Remembrance.
(2) l'exégèse moderne considère le livre d'Osee comme le plus ancien.
(3) Saint Cyrille de Jérusalem Catéchèses baptismales n 22 (trad. Éditions du Soleil levant, 1962, p. 471)







18 avril 2015

La tentation du désert

Avis de recherche. ‎Après où es tu ? Je travaille sur un texte qui pourra s'intituler chemin de désert, une méditation sur ce tout est rien / Dieu est tout croisé chez Thérèse d'Avila.

Il y a la bonne tentation du désert, celle qui nous permet de faire silence ‎et de trouver Dieu et la mauvaise tentation celle qui nous conduit à un repli sur nous mêmes et nous éloigne de notre tâche sur terre.
Comme le souligne Rom 14, 7-9 : "aucun d'entre nous ne vit pour soi même (...) si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur. (...) Dans notre vie‎, nous appartenons au Seigneur."
Il existe une tension à maintenir entre Marthe et Marie. Le chemin du désert est celui qui purifie cette tension et fortifie à la fois notre vie intérieure et notre agir.

15 avril 2015

Où es-tu mon dieu ?

Je vous l'avais annoncé il y a quelques jours, je viens de terminer "Où es tu mon Dieu ?" un travail de recherche pastorale sur la tension théologique entre création et souffrance.

Extrait : Où est Dieu ? Est-il tout-puissant ? S’il l’est, pourquoi n’agit-il pas ? Et s’il agit, comment ? L’idée d’un Dieu créateur du beau peut-elle persister alors que nous ne cessons d’être confrontés à « l’horreur du mal » ? Toutes ces questions restent de l’ordre du mystère. Ici, tout chercheur doit reconnaître à la fois son incompétence et sa révolte. Et pourtant, il serait dommage de poser la plume, tant cette question reste au cœur du refus de nos contemporains d’adhérer à toute idée de Dieu. S’ils ne peuvent tolérer que le monde ne soit pas parfait, que la création ait des « ratés » et que l’horreur reste possible, qu’elle soit liée au mal de faute (la violence des hommes) ou au mal de peine (la nature et ses dérèglements) , la place de Dieu reste en question.

Où es-tu mon Dieu ?  fait suite à mon mémoire de licence : "Quelle espérance pour l'homme souffrant ?".


12 avril 2015

Sur les pas de Thérèse d'Avila - 4

"‎Crois tu, ma fille‎, que se délecter soit un mérite ? Le seul mérite, c'est d'agir, de souffrir, d'aimer".

(1) Pensées sur l'amour de Dieu, in La vie de sainte Thérèse d'Avila, op. Cit. p. 259

11 avril 2015

Oraison selon saint Jean de la Croix

Saint Jean de la croix distingue 3 temps :
1) la représentation imaginaire des mystères sur lesquels on doit méditer 
2) la considération intellectuelle des mystères représentés 
3) le repos amoureux et attentif à Dieu où se recueille le fruit, où s'ouvre à l'illumination divine la porte de l'entendement. On passe de la connaissance naturelle à la connaissance surnaturelle‎ lorsque l'âme se met dans le repos pacifique, amoureux et tranquille à la fois (1).

Source : La vie de sainte Thérèse d'Avila, op. Cit. p. 254

09 avril 2015

Danse de Thérèse

Pour ceux qui connaissent mes pages sur la "danse trinitaire", ces lignes de la vie de sainte Thérèse parleront peut-être : "La tendresse, la gaîté, étaient pour Térésa de Jésus de si pures manifestations de l'amour du prochain, donc de l'amour de Dieu, qu'il lui arrrivait, dans ces récréations de s'enflammer d'ardeur impétueuse, et incapable de résister à l'élan de l'esprit, elle se mettait à danser". 

(1) Ibid. p. 240

08 avril 2015

Sur les pas de Thérèse - 3

‎"L'humilité c'est être dans la vérité (...) nous ne sommes rien, mais Dieu nous habite et Dieu est tout" (1).

Sans commentaires...

(1) Ibid. p. 168

01 avril 2015

Sur les pas de Thérèse - 2

‎Il est difficile d'adhérer du haut de notre rationalisme post-moderne aux élans mystiques de Thérèse et pourtant qui peut rester indifférent à ce qu'une vie de prière et d'oraison peut apporter à une âme. Dans un monde où les distractions sont infiniment plus nombreuses le "tout est rien" déjà cité, et la contemplation de la vie de Thérèse  ne peuvent que nous conduire à percevoir combien son "Dieu est tout" peut devenir le centre de nos vies
 A sa suite, nous pouvons alors crier : Dieu embrase mon âme, car loin de toi, je ne suis rien.