21 mars 2016

La troisième dimension trinitaire - Urs von Balthasar

Je n'avais pas remarqué dans ma première lecture de la Trilogie cette expression de troisième dimension trinitaire qui a pourtant son sens. Je suppose qu'il appelle la première dimension, le temps de préparation et de pré-révélation du Verbe. La deuxième dimension étant l'incarnation. La troisième est pour lui "l'explicitation et l'intériorisation de la révélation du Logos par le Saint-Esprit. Mais celui-ci, capable d'expliciter la révélation en mode infiniment variés, est libre de se servir aussi des expériences archétypiques bibliques, pour manifester dans L'Église de tous les siècles, l'existence durable de la révélation - non comme passée, mais comme présente."
(1)

Je suppose que la troisième dimension commence sur le chemin d'Emmaüs, et que notre rôle de chrétien engagé est d'être instrument de cette dimension. Vivons donc la 3d ! A la lumière de la 1d et de la 2d.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1, Apparition, GC1, p. 344

18 mars 2016

Présence - Paul Claudel

Dieu nous appelle chacun dans l'être par un nom spécial et l'âme entend alors "ce nom essentiel que l'Amant divin imperceptiblement ne cesse à la fois de lui suggérer et de lui réclamer(1)". Qu'est-ce ? Probablement un "Je suis" mêlé d'un "Je t'aime", comme ce Samuel répété trois fois dans le Temple qui ne dis rien d'autre qu'un "Tu as du prix à mes yeux".

Qu'arrive t-il quand on perçoit l'appel ? Balthasar suggère l'arrivée "d'une bienheureuse‎ humiliation de n'être pas Dieu", de cette lumière qui inonde la créature"et de cette nourriture (...) à laquelle les créatures, comme un troupeau dans le brouillard, tendent d'instinct" (2). Mais il nous conduit plus loin, jusqu'à contempler cette nourriture même "qui a pour but d'accoutumer  notre être à vivre en Dieu par la descente du Verbe dans les sens (...) et même la substance" (3). "Notre chair a cessé d'être un obstacle, elle devient un moyen et un véhicule, elle a cessé d'être un voile, elle devient une appréhension" (4).
J'ajouterai, sur la pointe des pieds, elle devient danse, car cette incarnation du Verbe nous enseigne, à petits pas, la danse éternelle des anges.


(1) Paul Claudel, Présence et prophétie, 1942, p. 15-16
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 339
(3) ibid p. 340.
(4) Paul Claudel, op. Cit  p. 55

Epiphanies de la vie quotidienne -Romano Guardini

Qu'est il resté du caractère épiphanique après que le Seigneur soit remonté se demande Romano Guardini ? Il ne répond qu'avec quelques exemples. Le visage d'Étienne, visage d'ange, la force de l'Esprit,...
Celui qui m'interpelle le plus est cette liturgie "dont le Christ attend que nous reconnaissons sa présence dans ses signes : le pain et le vin, l'eau du baptême". (2)

C'est peut être là que nos sens sont les plus mis en branle. Car quoi de plus incarné que l'eau, le pain, le vin. C'est là pourtant, au coeur de nos existences, dans ce qu'elle a de plus concrète que ce joue l'épiphanie la plus dérangeante. Car à la présence physique du pain que nous mangeons se joint cette réalité concrètement indiscutable du faire mémoire d'un don plus grand, tout aussi incarné d'un corps, sur le bois de la Croix, qui en se donnant à nous par le pain devient présence réelle. Ce que mon corps ressent dans la manducation du pain, rejoint ce que mon âme à manduqué à la table de la Parole et la circulation pneumatique des deux consommation induit en nous le désir et le manque d'une communion réelle et future avec Celui qui se donne, sur les deux tables.

(1) Romano Guardini, Les sens‎ et la connaissance de Dieu, Paris, Cerf, 1954, p. 90
(2) ibid. Cité in GC1 p. 333

Voir aussi une médiation sur le chemin de Croix en union de prière avec les victimes des attentats en Belgique : http://prierdieu.blogspot.fr

Archétypes et exemples - Karl Barth

La suite logique de la pensée Barthienne est que les personnages de la Bible n'y sont pas considérés comme des archétypes éthérés, mais comme des exemples. Cela peut être des pécheurs aveugles, qui ont "des yeux pour ne pas voir" ou d'autres qui au contraire perçoivent Dieu et ses témoignages. Ce sont des hommes "tous entiers qui perçoivent et qui pensent".  En ce sens, ils peuvent devenir "l'espace  ouvert dans lequel Dieu se rend présent dans ses témoignages et vient habiter. Alors la perception de l'homme, parvenue à son terme, est-elle même une pensée. Son corps se met au service de son âme (...) devient une vision et une audition accomplies"(1).
L'enjeu n'est donc pas de l'ordre de la pensée, mais de l'ordre du désir et de l'amour. Tout, étant foncièrement incarné se passe réellement "entre Lui et l'homme. Voilà pourquoi la Bible parle si anthropologiquement de la parole et de l'action, de sa venue et de son départ, de son"‎ agir, comme si tout cela "venait d'une créature semblable à l'homme" (2). "Dans cette perception et ce désir sensibles, l'homme s'élève au-dessus de lui-même et devient libre pour Dieu et par Dieu (3)".

En cheminant à côté d'eux se glissent aussi en nous le Verbe lui-même. En vivant, goûtant à leurs côtés à cette révélation possible d'un Dieu qui s'incarne et se fait anthropologiquement proche, nous sommes, nous aussi touchés dans nos désirs et dans nos manques, dans le réel de nos vies. Alors le Dieu de nos pères devient notre Dieu, alors nos images et nos projections se confortent au réel, Dieu se fait présent et nous pouvons accueillir, au bout de la route d'Emmaüs la fraction du pain d'un Christ qui a rejoint notre route, c'est fait explication et désir, et qui en disparaissant devient présence et manque, révélation et mystère, réel et futur.

(1) Karl Barth, op. Cit p. 485ss
(2) p. 487-499
(3) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 329

Être et sentir - Karl Barth

A la tentation mystique ou orientale de quitter le réel, Barth semble opposer une objection majeure :" je ne suis pas sans être en même temps mon corps"‎(1). A ce sujet, Balthasar considère la pensée de Barth comme "radicalement antiplatonicienne" (2) : "l'âme sans corps n'est pas l'âme, mais la simple possibilité d'une âme" (3).
Que tirer de cette affirmation qui rejoint d'ailleurs l'idée même de l'incarnation ?
Notre vie, not‎re agir ne pourront jamais être l'occasion de fuir le réel. Ce dernier est notre aujourd'hui et  le demeure. Nous avons à le vivre pleinement, jusque dans les méandres de notre chair, même si, d'une manière ou d'une autre, il faudra renoncer, un jour, non au réel, mais à notre maîtrise de lui, jusqu'à se laisser saisir par Dieu, être agis en lui. 

(1) Dogmatique de l'Église, III, 2, p. 450-452, tr. Fr. Ibid. p. 54
(2) GC1, p. 327
(3) Barth, ibid. p. 453

17 mars 2016

Savoir et sentir - Ignace de Loyola

On a souvent une quête de connaissance, y compris sur Dieu, qui nous pousse à creuser les choses de Dieu. Un précepte devrait néanmoins inspirer notre quête : "ce n'est pas l'abondance du savoir qui rassasie l'âme et la satisfait, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement" (1). 
Le chemin tracé par Ignace nous conduit à sentir un Christ incarné, jusqu'à voir "comment il parle et prêche, va et s'arrête (...) inscrire dans son coeur son attitude et ses actions"‎ (2).
Quel est l'enjeu sinon cette mimetai (imitation) dont nous parle Paul.

(1) Ignace de Loyola, exercice 2, cité in GC1, p. 317
(2) Ludolphe le Saxon, Vita Jesu Christian, n•11-12, Paris, Rigollot, 1870, p. 9

15 mars 2016

Le côté du Christ - soumission ou amour

Nous pouvons lire la création d'Éve comme une soumission à Adam, de même que nous pouvons buter sur la prétendue soumission de la femme à l'homme dans Éphésiens 5. Mais il peut en être autrement quand nous entendons véritablement ce que demande Paul, quand nous réalisons qu'il demande à l'homme d'aimer sa femme comme le Christ a aimé l'Église.  Alors ce que dit saint Jean Chrysostome sur la création d'Éve prend aussi du sens :

"Aussi saint Paul dit-il : Nous sommes de sa chair et de ses os, désignant par là le côté du Seigneur. De même en effet que le Seigneur a pris de la chair dans le côté d'Adam pour former la femme, ainsi le Christ nous a donné le sang et l'eau de son côté pour former l'Église. Et de même qu'alors il a pris de la chair du côté d'Adam, pendant l'extase de son sommeil, ainsi maintenant nous a-t-il donné le sang et l'eau après sa mort. 

Vous avez vu comment le Christ s'est uni son épouse ? Vous avez vu quel aliment il nous donne à tous ? C'est de ce même aliment que nous sommes nés et que nous sommes nourris. Ainsi que la femme nourrît de son propre sang et de son lait celui qu'elle a enfanté, de même le Christ nourrit constamment de son sang ceux qu'il a engendrés." (1)

Sous cet angle, l'enjeu n'est plus soumission mais amour.

(1) Saint Jean Chrysostome,  catéchèse baptismale, source AELF

14 mars 2016

Création et pastorale

Dans une lecture cursive ‎et pastorale de la Genèse et en particulier de Gn 1 (1), il est intéressant de creuser le crédit à donner à ce texte, 2.500 ans plus tard. Je ne parle pas de sa profondeur scientifique mais d'une vision moderne de l'exégèse, à la lumière des travaux de P. Beauchamp sur le travail mêlé de l'homme et de Dieu dans cette écriture sainte. Peut-on dire, qu'il s'agit encore d'un balbutiement de révélation auquel le prologue de Jean apportera une touche complémentaire, comme j'ai tendance à le démontrer dans mon étude de Jean 1(2) ? 
Dans ce cadre, on peut contemplerque ce que Gn 1 dit de l'Esprit et du Verbe puisse introduire ce que Jn 1 dit de l'interaction des personnes divines. Cela va en effet dans le sens de la circumincession des Personnes divines, telles que contemplées par les Pères de l'Église telle que mise en valeur par E. Durand.(3)

(1) à paraître 
(2) Sur les pas de Jean
(3) ‎Emmanuel Durand, La Périchorèse des Personnes divines, Paris, Cerf , 1993


Peuple de frères

‎Une méditation cursive des deux premiers chapitre d'Osée montre les conditions de basculement de l'état de "non-peuple" à l'état de "peuple" (1). C'est dans la même lancée que, à la suite de Pierre, nous sommes invités à devenir le peuple saint, au sens donné par Ex. 19,5 s et Isaïe 43, 20-21. Notre vocation royale, prophétique et sacerdotale s'est nourrie, pour Balthasar(2), des archétypes de la première et de la deuxième alliance, jusqu'à la figure déjà commentée de Marie, puis celle des Apôtres. Quelle est l'enjeu de ce mouvement ? N'est-ce pas une dynamique sacramentelle(3) au sens d'une succession de figures positives ou négatives qui nous accompagnent dans notre propre quête, reflètent nos propres hésitations des reniements de Pierre au sommeil de Jean, lors du grand soir. Tous ces balbutiements nous accompagnent dans un chemin d'Emmaüs qui trouve son terme dans une humble fraction du pain où Dieu, à la fois, se révèle et disparaît dans ce qui caractérise son humilité la plus flagrante.

‎(1) cf notre Commentaire de l'Ancien Testament, tome 1, à paraître 
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 299
(3) cf notre recherche éponyme

13 mars 2016

Maternité mariale

A la suite de Grégoire de Nysse et Diadoque de Photicé, Balthasar contemple la grossesse mariale, cette "sensation corporelle d'une présence", comme "une imitation du mystère  trinitaire au sein de l'économie" divine, mais aussi comme la première et plus étroite imitation du "mystère des deux natures dans l'unique Personne". Marie doit s'ouvrir par la foi en une expérience qui est elle-même et l'autre, ce "germe" du Verbe qui paraît "d'abord croître dans le je maternel, jusqu'à ce qu'il apparaisse, par la croissance elle-même, que c'est l'inverse et que ce je est contenu dans le Verbe de Dieu" (1)

On peut à sa suite contempler dans le récit de la visitation l'enjeu de ce tressaillement de Jean à la rencontre du Verbe jusqu'à percevoir en quoi le don de Dieu dans l'incarnation nous introduit à notre tour dans l'économie divine et nous fait jaillir hors d'un je qui s'enroule sur lui-même pour entrer dans la danse de Dieu.(2)

Balthasar poursuit en contemplant la kénose virginale jusqu'à ce renoncement de plus en plus déchirant "en faveur de ‎l'Église, à tout ce qui intéresse sa vie personnelle [pour] demeurer finalement, tel un arbre depouillé, la foi nue" (3) et le coeur transpercé d'un glaive.

En contemplant cela, jailit en nous ce qui constitue l'essence de notre dévotion mariale, la prise de conscience qu'elle a ouvert pour nous le chemin d'une kénose à laquelle nous sommes à notre tour convié.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 286
(2) voir In Utero, le roman initial, à paraître chez Createspace / Amazon.
(3) Balthasar, ibid p. 287-288


12 mars 2016

Vallée d'Achor - 3


A la suite du post précédent qui évoque les vignes de la vallée d'Achor, on peut contempler le Psaume 142 : 

Délivre-moi de mes ennemis, Seigneur :
j’ai un abri auprès de toi.
10Apprends-moi à faire ta volonté,
car tu es mon Dieu.
Ton souffle est bienfaisant :
qu’il me guide en un pays de plaines.
"

L'office des Laudes nous emmène ensuite vers Isaïe 66 :

"10A vous, l'allégresse de Jérusalem ! +
Exultez en elle, vous tous qui l'aimez ! *
Réjouissez-vous de sa joie,
vous qui la pleuriez !

11Alors, vous serez nourris de son lait,
rassasiés de ses consolations ; *
alors, vous goûterez avec délices
à l'abondance de sa gloire.

12Car le Seigneur le déclare : +
« Voici que je dirige vers elle
la paix comme un fleuve *
et, comme un torrent qui déborde,
la gloire des nations. »


PS : Traduction AELF
L'Avre en Juin :

11 mars 2016

La vallée d'Achor - 2

Dans la foulée des posts précédents,  relisons Ézékiel 47, 8-12 : « Cette eau coule vers la région de l'orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux. En tout lieu où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu'elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d'arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède. »

10 mars 2016

Les innocentes, Film d'Anne Fontaine

Il m'a fallu du temps pour percevoir l'ampleur du message théologique d'Anne Fontaine,  dans ce film dramatique quii évoque le viol de religieuses par des soldats russes à la libération. 

Ce qui en ressort après huit jours de "digestion" du drame, c'est que l'on est porté par ce film dans le mystère même de l'incarnation. 

Le contraste entre ces chants de moniales et l'horreur est révélé au coeur de ce qui se prépare : des enfants à naître qui sont autant de Christs innocents,  plongés dans le "sang de l'agneau" ( Ap 7.14) et vainqueurs de toutes haines,  parce que "figures d'espérance".

A contempler...

Ce sang qui nous lave

On connaît cette affirmation de l'apocalypse : "ils ont lavé leurs vêtements dans le sang de l'agneau" (Ap. 7, 14). Je découvre cette phrase de Léon le Grand,  "le sang sacré du Christ a éteint ce glaive de feu qui interdisait d'entrer dans le domaine de la vie. Devant la vraie lumière, l'obscurité de la nuit ancienne a disparu. Le peuple chrétien est invité à posséder les richesses du paradis, et l'accès à la patrie perdue s'offre à tous ceux qui ont reçu le sacrement de la nouvelle naissance, pourvu que personne ne se fasse fermer ce chemin qui a pu s'ouvrir devant la foi d'un malfaiteur." (1)

Ce texte résonne aussi avec cette vallée d'Achor, patrie perdue, promise dans Osée 2 et Isaïe 65, 8

(1) Saint Léon le Grand,  Sermon sur la Passion,  Source AELF

09 mars 2016

Mort et mission

On connaît probablement l'interprétation de Bernard Sesboué sur la conscience progressive du Christ. J'apprécie ce que dit Balthasar sur le même thème, car il rejoint mes travaux en cours sur l'humilité de Dieu : "L'homme Jésus se comprend lui-même (...) comme ce qu'il est : La Parole du Père adressée au monde, dont la mission comporte le destin du grain de froment : mourir pour le monde et par là porter du fruit. Par là même il fait l'expérience de Dieu, non dans une vision objective, séparée de sa propre réalité, mais dans une humilité qui ne réfléchit pas sur elle-même (...) mais laisse en soi toute la place à Dieu et éprouve en sa propre réalité fonctionnelle la réalité du Dieu qui l'envoie, dispose de lui et l'engendre  éternellement. (...) la transparence de son humilité est expression de son assomption" (1)

On retrouve là l'accent de Ph. 2, 7, mais aussi cette idée de décentrement propre à Jean 15 et 16, où le Fils se love dans le projet du Père. 

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition,  tome 1, Cerf,  Ddb, 1965-1990, p. 275 (GC1)


08 mars 2016

Refus de la chair - 2


Dans la lignée du post précédent,  on peut contempler ce que nous dit Augustin d'Hippone, à propos du texte d'hier sur Jn 5, 1-15 :"Les miracles du Christ sont des symboles des différentes circonstances de notre salut éternel... ; cette piscine est le symbole du don précieux que nous fait le Verbe du Seigneur. En peu de mots, cette eau, c'est le peuple juif ; les cinq portiques, c'est la Loi écrite par Moïse en cinq livres. Cette eau était donc entourée par cinq portiques, comme le peuple par la Loi qui le contenait. L'eau qui s'agitait et se troublait, c'est la Passion du Sauveur au milieu de ce peuple. Celui qui descendait dans cette eau était guéri, mais un seul, pour figurer l'unité. Ceux qui ne peuvent pas supporter qu'on leur parle de la Passion du Christ sont des orgueilleux ; ils ne veulent pas descendre et ne sont pas guéris. « Quoi, dit cet homme hautain, croire qu'un Dieu s'est incarné, qu'un Dieu est né d'une femme, qu'un Dieu a été crucifié, flagellé, qu'il a été couvert de plaies, qu'il est mort et a été enseveli ? Non, jamais je ne croirais à ces humiliations d'un Dieu, elles sont indignes de lui ». Laissez parler ici votre cœur plutôt que votre tête. Les humiliations d'un Dieu paraissent indignes aux arrogants, c'est pourquoi ils sont bien éloignés de la guérison. Gardez-vous donc de cet orgueil ; si vous désirez votre guérison, acceptez de descendre. Il y aurait de quoi s'alarmer, si on vous disait que le Christ a subi quelque changement en s'incarnant. Mais non... votre Dieu reste ce qu'il était, n'ayez aucune crainte ; il ne périt pas et il vous empêche vous-même de périr. Oui, il demeure ce qu'il est ; il naît d'une femme, mais c'est selon la chair... C'est comme homme qu'il a été saisi, garrotté, flagellé, couvert d'outrages, enfin crucifié et mis à mort. Pourquoi vous effrayer ? Le Verbe du Seigneur demeure éternellement. Celui qui repousse ces humiliations d'un Dieu ne veut pas être guéri de l'enflure mortelle de son orgueil. Par son incarnation, notre Seigneur Jésus Christ a donc rendu l'espérance à notre chair. Il a pris les fruits trop connus et si communs de cette terre, la naissance et la mort. La naissance et la mort, voilà, en effet, des biens que la terre possédait en abondance ; mais on n'y trouvait ni la résurrection, ni la vie éternelle. Il a trouvé ici les fruits malheureux de cette terre ingrate, et il nous a donné en échange les biens de son royaume céleste."

( 1) Saint Augustin,  Sermon 124, source AELF

Refus de la chair

"De Valentin à Bultmann on a cherché à spiritualiser et à démythiser la chair et le sang (...) jusqu'à un Dieu qui est et reste‎ invisible" (1) nous rappelle Balthasar. Mais cette quête ne conduit-elle pas à s'éloigner du réel, rendre Dieu étranger à l'homme en contradiction même avec le projet de l'incarnation
 N'est ce pas déjà ce qui a conduit au temps de Jésus à la grande séparation entre ceux qui suivaient une idée de Jésus et les apôtres attachés à sa personne. C'est dans la crise de Jean 6, 66 que nous comprenons l'enjeu. "Qui mange ma chair et boit mon sang..." intolérable affirmation pour certains, coeur de notre foi pourtant. Mais l'enjeu n'est il pas dans notre proximité au monde, à ses souffrances et à son réel. "Mets ta main dans mon côté" dit-il à Thomas. Je ne suis pas un pur esprit. J'ai souffert et je souffre pour le monde.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, 1 (GC1) p. 265

06 mars 2016

Danse trinitaire - de Macaire à Loyola

Il faudrait lire tout le chapitre de Balthasar pour saisir correctement ce qu'il cherche à nous demontrer dans ces pages. Ce que je retiens à partir de ce que je citais de Diadoque de Photicé, Macaire et ce qu'il note chez Augustin, Guillaume d'Auvergne et chez Thomas d'Aquin, c'est qu'en complément du don de la grâce, l'homme doit mettre en oeuvre sa raison et sa volonté pour entrer dans la danse trinitaire. Ce ne sont pas les termes mêmes de Balthasar, mais bien une traduction moderne de l'enseignement de la grande scolastique. Quel est l'enjeu ? Il se situe probablement aux confins des positions catholiques et protestantes sur la justification.
A la connaissance expérimentale de l'Esprit et de la bonté divine, se développe une "théorie de l'expérience chrétienne" (1) qui se poursuivra jusqu'à ce qu'Ignace de Loyola présente des règles structurées de discernement qui n'efface pas le goût de Dieu et développe une "sensibilité chrétienne" (2) et le don des larmes, si caractéristiques de cette danse en Dieu.

L'enjeu n'est-il pas d'atteindre "une certaine ressemblance entre l'union des Personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l'amour. Cette ressemblance (...) [conduira alors] l'homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, [à se trouver dans] le don désintéressé de lui-même" (3). 

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 249
(2) p. 251
(3) Gaudium et Spes,  24

04 mars 2016

Dynamique sacramentelle - 2

Poursuivons la lecture de Diadoque de Photicé, chez Hans Urs von Balthasar. A la différence de Macaire, Balthasar nous montre que l'accès à la grâce n'est pas faite depuis la "dissimilitude" à Jérusalem, mais bien par cette inhabitation que l'on pourrait qualifier de rahnérienne, où où grâce s'est installée par le baptême en l'homme et y fait naitre le désir. Pour reprendre mon image précédente, l'homme serait comme dans un bain de grâce qui l'envelopperait de l'intérieur jusqu'à ce qu'il en sente le goût.‎ Mais "bain" n'est pas le bon terme puisqu'il s'agit plutôt d'une source où d'une flamme intérieure : "Des profondeurs‎ mêmes de notre coeur, nous sentons comme sourdre le désir de l'amour divin"
Comment faire jaillir cette source ? Celui qui garde pure dans la prière la profondeur du coeur peut aussi "consumer, dans un sentiment intense", tout ce qui recouvre cette grâce.

(1) Diadoque de Photicé, chap.79, cité par Hans Urs von Balthasar, op. Cit, GC1 p.‎ 234

03 mars 2016

Dynamique sacramentelle chez Diadoque de Photicé

Dans la foulée macarienne‎, on trouve chez un autre père au Vème siècle, Diadoque de Photicé, une belle illustration de ce que j'ai appelé la dynamique sacramentelle : pour lui, au moment du baptême, "la grâce se cache au fin fond de l'intellect en dissimulant sa présence même au sens intérieur" jusqu'à ce que l'âme progressant, "le don divin manifeste ainsi sa bonté à l'esprit" (1).

On pourrait la mettre en résonance avec cette image que j'apprécie chez Bonaventure(2) : cette grâce vue comme un fleuve où l'homme se tient avec une pauvre amphore.

En conjuguant les deux on ne réduit ni la grâce, ni la chance qu'à l'homme de s'en abreuver. Tout dépend finalement de sa position par rapport au courant.

(1) Diadoque de Photicé, chap.77, cité par Hans Urs von Balthasar, op. Cit, GC1 p. 233

(2) cf GC2

02 mars 2016

Macaire et Grégoire de Nysse

Balthasar voit également une continuité entre Grégoire de Nysse et Macaire dans cette course infinie que nous avons déjà longuement commentée chez le cappadocien. Pour Macaire, "l'effort absolu de l'homme pour correspondre à la grâce" nous donne accès, "par la pleine liberté de Dieu, et sans qu'une proportion visible existe ‎[à ] la réponse qui élève l'homme" et donne "un goût anticipé de Dieu" qui ne protège pas pour autant de l'Adversaire. L'alternance "de consolation et de désolation" étant part intégrante de "la pédagogie de Dieu" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar , GC1 p. 231

27 février 2016

La source, c'est Dieu - Saint Ambroise

Ce petit commentaire du psaume 42 donne à penser : "Courons comme les cerfs vers la source des eaux ; la soif ressentie par David, que notre âme la ressente aussi. Quelle est cette source ? Écoute David qui le dit : En toi est la source de la joie. Que mon âme dise à cette source : Quand pourrai-je venir et paraître devant ta face ? Car la source, c'est Dieu."

Saint Ambroise,  Sermon là est ton trésor,  source AELF

Le second fils - Luc 15 - Saint Romanos le Mélode

"Comment pouvais-je ne pas prendre en pitié, ne pas sauver mon fils qui gémissait, qui sanglotait ? ... Juge-moi, toi qui me blâmes... Ma joie en tout temps, c'est d'aimer les hommes... C'est ma créature : comment ne pas en avoir pitié ? Comment ne pas avoir compassion de son repentir ? Mes entrailles ont engendré cet enfant que j'ai pris en pitié, moi, le Seigneur et maître des siècles. « Tout ce que j'ai est à toi, mon fils... La fortune que tu as n'en est pas diminuée, car ce n'est pas en prenant dessus que je fais des cadeaux à ton frère... Je suis de vous deux le créateur unique, l'unique père, bon, aimant et miséricordieux. Je t'honore, mon fils, car tu m'as toujours aimé et servi ; et lui, j'en ai compassion, car il se livre tout entier à son repentir. Tu devais donc partager la joie de tous ceux que j'ai invités, moi, le Seigneur et maître des siècles. « Ainsi donc, mon fils, réjouis-toi avec tous les invités du banquet, et mêle tes chants à ceux de tous les anges, car ton frère était perdu et le voilà retrouvé, il était mort et, contre toute attente, il est ressuscité. » À ces mots, le fils aîné s'est laissé persuader et a chanté : « Criez tous de joie ! ' Heureux ceux à qui tout péché a été remis et dont les fautes sont effacées ' (Ps 131,1). Je te loue, ô ami des hommes, toi qui as sauvé aussi mon frère, toi le Seigneur et maître des siècles. »

( 1) Saint Romanos le Mélode, Hymne 28, L'Enfant prodigue, str 17-21 (trad. SC 114, p. 257s) 

26 février 2016

Kénose chez Macaire

Je redecouvre chez Macaire une belle contemplation kénotique‎ :
"De même qu'[ils] ne comprennent la grandeur de Dieu et son essence inconcevable, de même [ils] ne peuvent saisir la petitesse de Dieu et son anéantissement" (1) nous dit Macaire qui parlait plus tôt des pleurs de Dieu devant la chute et la mort d'Adam.
Ces pleurs ne sont-ils qu'une vision anthropomorphique ? On ne peut l'affirmer quand on contemple Osée 11.
Pour Balthasar, et cela rejoint nos propres recherches, sa mystique est "nuptiale". L'épouse est blessée (5, 5-6), mais en raison des blessures de l'Époux. (2)

(1) Homélies de Macaire, source PG 34, 449-831, 32,7 cité par Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 229
(2) ibid p. 230‎

25 février 2016

Faustine Kolwaska - Les deux rayons

"Je vis Jésus vêtu d'une tunique blanche, une main levée pour bénir (...) de la tunique entrouverte sortaient deux grands rayons, l'un rouge, l'autre pâle" (1). Ces deux faisceaux de lumière qui illuminent le monde sont offerts à notre contemplation. Comme lui expliqua Jésus lui-même, "‎il s'agit du sang et de l'eau" (2). 
Je suis personnellement sensible à cette contemplation du coeur ouvert, tant elle resume les dons de Dieu. Par sa souffrance il nous ouvre à la grâce infinie de son amour.

Quel est l'enjeu de cette contemplation ? Au delà de l'expérience lumineuse, elle consiste à entrer en communion avec cette double dotation, pour qu'à notre tour nous devenions, au travers de nos souffrances et de notre charité, le signe, par nos mains de l'inhabitation de Dieu en nous." La gloire de l'homme c'est Dieu"‎ (3)

(1) Faustine Kolwaska, Petit journal‎,  cf. Le livre de la miséricorde, Cerf 2015, p. 187
(2) Cité par Jean Paul II,‎ ibid.
(3) Irénée de Lyon, AH III, 20, 2





24 février 2016

Les épousailles de la chair - 2

Irénée va semble-t-il plus loin en parlant de cette ‎glaise modelée par les mains de Dieu et à laquelle est infusée le souffle. "Ce souffle, l'âme humaine, n'est pas l'homme, pas plus que le Saint-Esprit de la grâce n'est l'homme (...) le véritable homme est l'âme dans le corps et la grâce dans les deux (...) comme dans un temple (...) comme l'éponge à l'eau, la torche au feu, la vie à l'Esprit-Saint".

C'est peut-être là que mon concept de danse peut prendre corps.

(1) Irénée AH, 2, 335 et 2, 327 cité par Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 57

23 février 2016

Saint Irénée - les épousailles de la chair

En réponse à une idée gnostique, Irénée précise, grâce à une métaphore sponsale typique de son époque qui affirme que l'épouse ne prend pas l'époux en mariage mais se laisse épouser, que la chair ne peut "d'elle-même hériter le royaume de Dieu, mais [qu']elle peut être adoptée par l'Esprit en héritage dans le royaume de Dieu. Toute activité de la créature repose sur une passivité plus profonde : pour grandir, elle doit se couler dans les mains formatrices de Dieu et se livrer à elles" (1)

On peut contempler cette citation comme l'on contemple la venue du Christ en nous dans le sacrement de l'Eucharistie. Car cette passivité profonde, que l'on peut appeler aussi décentrement ou accueil profond est la condition nécessaire de la venue de Dieu en nous.

"Demeurez en moi, et moi je demeurerai en vous. Comme le sarment ne saurait de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, vous n'en pouvez porter aussi, si vous ne demeurez en moi. Je suis le cep, et vous en êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, porte beaucoup de fruit; car hors de moi, vous ne pouvez rien faire."‎ Jn 15, 4-5.


(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 56 citant Saint Irénée, Contre les hérésies, 2, 299.

22 février 2016

Les deux pieds de Dieu

Étonnante métaphore de Bernard de Clairvaux sur les deux pieds de Dieu , celui de la miséricorde qu'on aime contempler comme la face aimante du Père et celle plus obscure à nos yeux du Jugement que saint Bernard fonde sur St Jean 5, 27 : " le Père lui a donné la puissance de juger". 
Ce qui m'a touché est plus loin dans ce passage où il insiste sur ce nécessaire balancier entre les deux pieds, c'est qu'en tenant "embrassé plus qu'il ne fallait le pied de la miséricorde" il tombe dans  une "si grande négligence et une telle incurie, qu'aussitôt il en devient plus tiède dans l'oraison, plus paresseux" (1) ce qui le conduit à louer les deux pieds. Une interpellation que l'on peut entendre...

(1) Bernard de Clairvaux, Sermon 6 sur le Cantique, in Oeuvres complètes. trad. Charpentier, 1866


21 février 2016

Lave moi de ma faute

"Lave moi de ma faute, purifie moi de mon péché" nous dit le Psaume 50 (51),4. Comme on aimerait que le souvenir de notre faute disparaisse, qu'elle ne soit plus le lieu d'une culpabilité maladive.
"Purifie-moi de mon péché avec l'hysope, et je serai net; lave-moi et je serai plus blanc que la neige". 50 (51),9 Pourtant ce serait remettre notre orgueil en avant que de croire que tout est "neige" immaculée. Si la miséricorde de Dieu est infinie, elle laisse en nous la trace de nos fautes pour que l'humiliation positive qui en découle soit le terreau de notre humilité et conversion future. "Tu ne refuses pas Seigneur un coeur brisé et broyé" 50 (51), 19

18 février 2016

La miséricorde chez Grégoire de Nysse

"La miséricorde est une disposition bienveillante qu'on éprouve pour ceux qu'afflige ‎quelque malheur. Car de même que l'inhumanité et la férocité ont leur source dans la haine, ainsi la miséricorde a la sienne dans l'affection". Cette définition du cappadocien n'a d'intérêt que dans le contraste qu'elle met en avant. Elle rejoint ce retournement du coeur évoqué en Osée 11, 8 qui transforme notre vision de Dieu en Dieu de tendresse, pris aux entrailles...

(1) Grégoire de Nysse, Homélies sur les Béatitudes, traduction de l'abbé Pelletier, 1856-1857, cité in Le livre de la miséricorde, op. Cit p. 72



17 février 2016

Conversions intérieures

Le Fils de Dieu prône une attitude, "signifiée à travers lui, plus grande, plus divine et plus parfaite : dépouiller l'âme elle-même et ses dispositions intérieures de leurs passions cachées, arracher jusqu'à la racine et rejeter les éléments étrangers à l'esprit" nous disait déjà Clément d'Alexandrie au IIème siècle (1) Qu'est-ce à dire ? 
Ce que l'Église appelle péché - même si je trouve le mot trop moralisateur - n'est autre que toutes ces adhérences aux passions intérieures qui viennent du mauvais coeur en nous, celui qui nous détourne de la triple vocation de l'homme : contempler, adhérer et agir en Christ.
Contempler le Christ en ce qu'il a de fondamentalement bon peut nous amener à cette conversion intérieure. Un chemin semé d'embûches mais qui conduit au Père.

(1) Clément d'Alexandrie, Quel riche sera sauvé ? Paris, Cerf, SC 2011, cité in Le livre de la miséricorde, op. Cit p. 36

10 février 2016

Humilité et vérité -2

Cette prière de soeur Térésa nous conduit aussi au décentrement véritable : "Laisser l'amour de Dieu prendre entière et absolue possession d'un cœur ; que cela devienne pour ce cœur comme une seconde nature ; que ce cœur ne laisse rien entrer en lui qui lui soit contraire" 

Si l'on suit ses propos, la contemplation de Dieu "produit l'amour, et la connaissance de soi produit l'humilité.
L'humilité n'est rien d'autre que la vérité. « Qu'avons-nous que nous n'ayons reçu ? » demande saint Paul (1Co 4,7). Si j'ai tout reçu, quel bien ai-je par moi-même ? Si nous en sommes convaincus, nous ne relèverons jamais la tête avec orgueil. Si vous êtes humble, rien ne vous touchera, ni louange ni opprobre, car vous savez ce que vous êtes. Si l'on vous blâme, vous n'en serez pas découragé. Si l'on vous proclame saint, vous ne vous placerez pas sur un piédestal. La connaissance de nous-mêmes nous met à genoux." (1)

(1) Mère Teresa et Frère Roger, La prière, fraîcheur d'une source,  Bayard, 2003, p. 81

09 février 2016

De l'humilité à l'Église

Si je suis bien les propos de Balthasar qui part du postulat que l'humanité du Christ est la voie principale, "l'accès ouvert vers le Père" (1), le processus d'expropriation de l'homme, de décentrement, trouve son aboutissement dans une humilité extrême qui conduit l'homme à "renoncer à sa nature individuelle au profit d'une anima ecclesiastica" (2), c'est à dire qu'il n'est plus rien qu'une âme vouée à plus grand que lui-même, cette Église des saints auquel il donne tout.

On entre ici en correspondance avec l'obéissance décrite chez Madeleine Delbrêl par B. Pitaud dans son petit complément à la lettre des Amis de Madeleine Delbrêl sur les prêtres ouvriers où il insiste sur cette fidélité malgré tout à l'Église en 1953, alors même que la crise fait rage. Cette obéissance est chemin, non parce qu'elle serait une forme de soumission aveugle mais bien parce que Madeleine a compris combien l'Église prime ici sur l'individuel.‎ "On ne fait rien de bon en dehors de l'Église. On ne peut annoncer Jésus-Christ que si l'on est soi-même greffé à son Corps".

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, tome 1, Cerf DDB, 1965-1985, (GC1) p. 212
(2) ibid p. 216
(3) Bernard Pitaud, Supplément n. 91 à la Lettre aux Amis de Madeleine Delbrêl, p. 11


07 février 2016

Le labyrinthe du silence - leçons d'humilité

Film poignant que cette quête de vérité sur le silence qui a suivi Auschwitz en Allemagne après la guerre au point qu'une génération entière ne savait rien du drame. 
Quel chemin que ces hommes qui refusent de concéder qu'ils ont participé au carnage et s'enferment dans le déni,  le mutisme et l'alcool. 
Cela met à nu notre nature humaine dans ce qu'elle a de plus noir et interroge sur la puissance du mal et de la violence.  
Cela met en question aussi ce que nous appelons justice mais aussi miséricorde.  
Cela crie aussi sur Dieu, sa passivité,  son silence et sur ce que la Croix révèle des mimétismes et du mal.  

04 février 2016

Obéissance 2

Il n'y pas de coïncidence fortuite. Si je tombe sur Jn 21 et la pêche miraculeuse après ma réflexion sur l'obéissance chez Madeleine Delbrêl, c'est probablement que cela doit encore travailler en moi. On veut pêcher tout seul ou entre amis (Thomas, Nathanaël, Jean et Jacques), mais les poissons ne sont pas là. N'est ce pas la leçon de Dieu face à nos ambitions humaines. "Cette nuit là ils ne prirent rien" (Jn 21, 3). 
A la question de Jésus sur le rivage, ils doivent reconnaître l'échec de leurs volontés humaines. Et ce n'est qu'en obéissant à l'ordre du Christ que se révèle les dons de Dieu. Une leçon intérieure qui se poursuivra pour Pierre jusqu'à sa fin : " tu étendras‎ la main et c'est un autre qui nouera ta ceinture et te conduira jusqu'ou tu ne voudras pas". (v. 18)
Comme il est dur, souvent de consentir, alors que l'illusion de notre valoir nous semble justifier nos actes. Et pourtant nous ne sommes que des serviteurs, instruments fragiles d'un plan de Dieu qui nous dépassera toujours.


Le culte de l'obéissance

Je poursuis ma lecture commentée de la lettre à Louise Brunot, sur les traces de Bernard Pitaud(1). Si elle insiste sur notre mort, c'est que notre naissance à Dieu au sens de Jean 3 se fait "à proportion" de notre mort. C'est à dire que tout abandons, de l'obéissance à notre père spirituel  jusqu'au renoncement qui nous conduit à "obéir au métro qu'on rate" est à la fois obéissance au monde, renoncement à "sa volonté propre" et de ce fait abandon au vouloir de Dieu sur nous. Plus qu'un regard mystique sur le monde, c'est aussi une hygiène de vie, un retour au centre
 Non pas ce que je veux mais ce que Tu veux.

(1) supplément 99 de la lettre que Amis de Madeleine Delbrêl, op. Cit p. 3


03 février 2016

Visage intérieur

‎"Prendre conscience du jardin intérieur (...) causer interminablement avec le Verbe fait chair et nous enfoncer dans son visage" (1)
L'expression est bizarre. S'enfoncer dans le visage. Que veut dire Madeleine Delbrêl dans cette métaphore ? Probablement que derrière le visage réside l'âme, derrière l'apparence demeure le Saint des Saints, ce coeur auquel on ne parvient que lorsqu'on a fait silence, fait taire notre "propre brouhaha", quand au delà de l'émotion causée par le visage on se laisse mouvoir par autre chose, par l'Esprit qui nous conduit à Dieu.

Pour cela, précise-t-elle‎ il faut atteindre "la volonté de ne plus vouloir", se couler dans "l'obéissance qui tue si bien notre volonté" qui n'est plus alors esclavage, mais liberté de celui qui a trouvé sa voie, qui n'écoute plus les tentations du monde, mais l'amour qui se cache en nous pour éclore.

(1) Lettre à Louise Brunot du 4 janvier 1933, cité dans le supplément 99 de la Lettre aux Amis de Madeleine Delbrêl.

02 février 2016

Le pauvre attendu

"La présence réelle du Christ dans le pauvre connu en tant que personne est peut-être, quand elle est vraiment crue, ce qui peut faire éclater n'importe quelle situation sociale et la rendre authentiquement chrétienne. Le pauvre ne doit pas être quelqu'un de supporté, de toléré mais d'attendu". (1)
Ne rejoint-on pas là ce que Levinas appelle l'irruption du visage de l'autre, l'appel du visage ? Peut-être va t-on même plus loin encore. Car pour Madeleine Delbrêl il n'y a pas de limite à l'appel. On ne peut pas dire : "on fera ceci jusqu'ici - Cela jusque-là. Il ne nous doit jamais rien. C'est nous qui lui devons ce que nous devons au Christ lui-même". (2)
Les propos sont forts. Ils nous interpellent jusqu'aux jointures de l'âme (Heb 4, 14)‎ et font écho à cette parabole de la compassion de Luc 10.

(1) Madeleine Delbrêl, AMD IV, note de 1964, La joie de croire, p. 88, cité dans le supplément n. 103, op. Cit p. 2.
(2)‎ ibid.

Leçons de pauvreté

"Seuls des hommes qui auront accepté du Christ [une] leçon pauvreté et de douceur pourront comme l'ont pu les saints révéler les secrets des Béatitudes qui sont en effet les mêmes pour tous" (1) 
Il y a, en effet, me semble-t-il, une pédagogie du Christ qui, en nous conduisant jusqu'au vide et à la nuit, nous laisse découvrir la porte étroite. 
A contempler.

(1) Madeleine Delbrêl, lettre ‎à Jean Durand du 4 septembre 1951, cité dans le supplément au n. 103 de la lettre aux Amis de Madeleine Delbrêl de janvier 2016.

30 janvier 2016

Les nouveaux lépreux

En évoquant l'attitude du Christ envers les lépreux qu'il n'hésite pas à toucher, bravant les prescriptions de l'époque (1), le pape François nous interpelle sur la véritable miséricorde, celle des nouveaux lépreux d'aujourd'hui, ces prochains que souvent nous ignorons volontairement.

(1) Le nom de Dieu est miséricorde, op. Cit. p. 85
























































































26 janvier 2016

Paternité spirituelle

Je termine la lecture de la biographie de Grégoire de Naziance par Jean Bernardi avec d'autant plus d'intérêt que je découvre Grégoire comme un homme hypersensible et solitaire. 

Son "affectivité frustrée cherche une compensation dans cette écriture qui donne le moyen de se confier à autrui sans être blessé par son contact. Dès lors qu'on a grandi au milieu des livres et appris à se couler dans leur langage, on sera enclin à mettre ses pas dans les pas des grands ancêtres en leur empruntant leurs mots et leurs rythmes" (1)

Je pense que cela me touche, parce que c'est un peu ce que je fais dans ces lignes.

Plus haut, je suis heureux de lire chez ce spécialiste de Grégoire que l'hymne célèbre attribué à Grégoire (À toi, l'au delà de tout...) est bien, pour lui, de l'auteur (2) Il base son analyse sur l'utilisation au verset 9 du mot synthema qui désigne "l'union ‎dans la personne du Christ des deux natures divines et humaines" que Bernardi retrouve chez Grégoire dans ses discours (3), mais aussi chez Basile et Grégoire de Nysse.

(1) Jean Bernardi op. Cit p. 312
(2) ibid p. 305
(3) Grégoire de Naziance, Discours 29, 18 et 19

Contemplata aliis tradere

"Communiquer aux autres les fruits de la contemplation". Je découvre dans la biographie de Grégoire de Naziance de Jean Bern‎ardi, cette devise des frères prêcheurs que je n'ai eu de cesse de mettre en pratique depuis la création de ce blogue. Vanité ? Probablement, parce que nul n'y échappe. Mais aussi "patate chaude" si vous m'excusez l'expression, que ces fruits de la lecture que l'on ne peut garder pour soi parce qu'ils vous conduisent à contempler, derrière les mots, le goût de Dieu.

(1) Jean Bern‎ardi‎, Grégoire de Naziance, introduction aux Pères de l'Église, Cerf, 1995, p. 230

21 janvier 2016

Église et miséricorde

Poursuite de ma lecture. Cette citation par notre pape d'Ambroise de Milan pourra faire grincer des dents.: "Là où il s'agit de dispenser la grâce, le Christ est présent. Lorsque l'on doit exercer la rigueur, seuls les ministres du culte sont présents, mais le Christ est absent". (1) 

Elle interpelle nos "tentations de frère aîné" selon Luc 15. Le texte cité aujourd'hui entre en écho :"Si Dieu avait été prompt au châtiment, l'Eglise n'aurait pas connu l'apôtre Paul ; elle n'aurait pas reçu un tel homme dans son sein. C'est la miséricorde de Dieu qui transforme le persécuteur en apôtre ; c'est elle qui change le loup en berger, et qui a fait d'un publicain un évangéliste (Mt 9,9). C'est la miséricorde de Dieu qui, touchée de notre sort, nous a tous transformés ; c'est elle qui nous convertit." (2)


(1) Ambroise de Milan, De Abraham, cité par  Pape François, Le nom de Dieu est miséricorde, Paris,Robert laffont et Presses de la renaissance 2016‎, p. 84

(2) Saint Jean Chrysostome,  7eme homélie sur la conversion,  source AELF


Le nom de Dieu est miséricorde - Pape François

Leçon d'humilité ?  J'ai décidé d'attendre avant de publier ma trilogie sur humilité et miséricorde, à la fois pour laisser la première place à notre pape François et pour prendre le temps de lire cet opus imbibé d'humilité et d'humanité de notre "Serviteur des serviteurs". Je ne peux que recommander la lecture de cet ouvrage qui nous rappelle que Dieu est "caresse" (p. 17), qu'il est "surabondante miséricorde" (p. 67) et que notre Église doit découvrir sa vocation "d'hôpital de campagne" (p. 28) et de "ventre maternel de la miséricorde" (p. 74)

(1) Pape François, Le nom de Dieu est miséricorde, Paris,Robert laffont et Presses de la renaissance 2016

16 janvier 2016

Passivité plus que passive.

L'expression "Passivité plus que passive" est de Lévinas, mais elle s'accorde avec ce que je trouve chez Irénée :
"Toute activité de la créature repose sur une passivité plus profonde : pour grandir, elle doit se couler dans les mains formatrices de Dieu et se livrer à elles". (1) Rappelons que ces deux mains qui sont pour Irénée le ‎Fils et l'Esprit. (2)

(1) Irénée. Contre les hérésies, 2, 299 cité par H. Von Balthasar , GC2, p. 57
(2) ibid p. 54

Humilite de Jacob

Qu'est ce que la foi ? C'est  d'abord un don de Dieu.  Mais c'est aussi une rencontre où l'humilité de l'homme se fait le creuset d'un possible. 

Parfois l'humilité est-elle même don de Dieu,  car en nous voyant prendre des chemins sans issue, il nous conduit,  avec bonté et miséricorde,  vers la prise de conscience de notre faiblesse.  

Nous avons vu dans notre analyse des grands patriarches des exemples de ce cheminement vers Dieu.  Écoutons ce qu'en dit Saint Clément : "C'est par la foi que Dieu nous a justifiés dès le commencement.

Attachons-nous à la bénédiction de Dieu et voyons quels en sont les chemins. Reprenons les faits depuis le commencement. Pourquoi Abraham notre père fut-il béni ? N'est-ce pas pour avoir pratiqué justice et vérité dans la foi ? Isaac, avec confiance, sachant ce qui allait arriver, se laissa volontiers conduire au sacrifice. Jacob, avec humilité, quitta son pays à cause de son frère, s'en alla chez Laban et le servit, et c'est à lui que furent attribuées les douze tribus d'lsraël.

Si l'on considère un par un, d'un regard sincère, les dons faits par Dieu, on reconnaîtra leur grandeur. (...)

Tous ont reçu gloire et grandeur, non par eux-mêmes ni par leurs œuvres ou par la justice qu'ils auraient pratiquée, mais par la volonté de Dieu. Et nous, appelés par sa volonté dans le Christ Jésus, ce n'est pas par nous-mêmes que nous sommes devenus des justes. Et c'est ni par notre sagesse, notre intelligence, notre piété, ni par les actions que nous aurions accomplies dans la pureté du cœur, mais par la foi. Depuis le commencement, tous les hommes que Dieu a rendus justes, c'est par la foi qu'il les a justifiés". (1)

(1) Saint Clément de Rome, Lettre aux Corinthiens

14 janvier 2016

Marc 1 - résonances avec Mat 25 et Luc 10

Le texte de l'évangile d'aujourd'hui entre en résonance avec la parabole du bon Samaritain (Luc 10) et l'interpellation de Mathieu 25. Dans le commentaire offert aujourd'hui par l'Aelf on y trouve un autre écho,  le cri de mère Thérèsa : "Les pauvres ont soif d'eau, mais aussi de paix, de vérité et de justice. Les pauvres sont nus et ont besoin de vêtements, mais aussi de dignité humaine et de compassion pour les pécheurs. Les pauvres sont sans abri et ont besoin (...) aussi d'une main secourable et d'un sourire accueillant. Les exclus, ceux qui sont rejetés, ceux qui ne sont pas aimés, les prisonniers, les alcooliques, les mourants, ceux qui sont seuls et abandonnés, les marginalisés, les intouchables et les lépreux..., ceux qui sont dans le doute et la confusion, ceux qui n'ont pas été touchés par la lumière du Christ, les affamés de la parole et de la paix de Dieu, les âmes tristes et affligées..., ceux qui sont un fardeau pour la société, qui ont perdu toute espérance et foi dans la vie, qui ont oublié comment sourire et qui ne savent plus ce que c'est que de recevoir un peu de chaleur humaine, un geste d'amour et d'amitié –- tous, ils se tournent vers nous pour recevoir un réconfort. Si nous leur tournons le dos, nous tournons le dos au Christ." (1)

( 1) Bienheureuse Teresa de Calcutta, Lettre à ses collaboratrices du 10/04/1974 

13 janvier 2016

Saint Jean - Décentrement et unité

Pourquoi choisir Jean au coeur de mon analyse sur l'humilité de Dieu ? (1) Cela peut paraître en effet un paradoxe alors que cet Évangile est celui qui insiste le plus sur la gloire. Mais cette vision est réductrice de l'oeuvre, tant la tension qui habite le texte dépasse le paradoxe initial.‎ Comme le souligne Balthasar,  "Pour Jean, ce don de soi à celui qui s'est fait homme, à l'aimé absolument, ne fait qu'un avec l'amour. La foi souligne le mouvement de renoncement à soi‎ dans cet amour et l'adhésion à l'aimé, à son être et à ses attitudes, comme à sa loi propre. C'est pourquoi l'acte de la contemplation permanente de l'aimé, chez Jean, est indissolublement un acte esthétique et un acte éthique : le voir comme il est, non seulement suppose une disposition de renoncement à tout ce qui est propre, mais l'implique à tout instant." (2)

Si Jean insiste beaucoup sur la révélation, on sent combien cette contemplation perpétuelle de Jésus agissant, dans l'humilité et le constant renvoi au Père, est aussi un chemin éthique pour ceux appelés à le suivre.‎ C'est sur cette voie que nous voulons progresser.

(1) ‎déjà abordé dans "A genoux devant l'homme", cette recherche va paraître fin janvier ou en février sous le titre "Humilité et miséricorde".
(2) Hans Urs von Balthasar , GC1 op Cit p. 200

12 janvier 2016

Miséricorde

Dans une trilogie à paraître sur "l'humilité et la miséricorde", je cherche à mettre en tension ces deux concepts et leurs qualités théologales‎. Chez Adrienne von Speyr qui, après Madeleine Delbrêl et Jacques Loew m'ont accompagné pendant un temps sur ce chemin, je trouve en conclusion cette contemplation d'A. von Speyr qui donne à penser : "La miséricorde de Dieu et son amour sont plus grands que sa volonté de châtiment. (...) Dieu a accordé à la mort le caractère de la confession, en faisant de la mort, conjointement avec le purgatoire une purification. Mais ce n'est pas encore assez ; il permit que sa Mère fut reçue dans le ciel avec son corps, (...) afin que le mourant acquiert la certitude que l'amour est plus fort que la mort (...) la mort est anéantie dans la vie éternelle. (1)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, op. Cit p. 124


11 janvier 2016

La démesure de Dieu

Intéressante discussion mercredi sur les Psaumes vengeurs et l'idée du châtiment. Plus je médite sur le thème de la miséricorde, plus il me semble que l'amour de Dieu étant par essence débordant, il ne peut qu'être lié à cette démesure dont parle Adrienne : "l'homme trouvera infiniment plus qu'il ne pourrait jamais atteindre, parce que l'accomplissement du ciel comparé au monde est encore bien plus exaltant que ne l'est la nouvelle alliance comparée à l'ancienne. La démesure de ‎Dieu est elle-même la réalisation qui ne peut cesser de combler en toute réalité" (1)

(1) Adrienne von Speyr,  Le mystère de la mort, op. Cit p. 92

10 janvier 2016

Transparence et humilité

‎Intéressante réflexion d'Adrienne von Speyr sur la transparence : "Celui qui sème doit faire don à ses semblables ce qu'il a saisi de Dieu par expérience d'une manière qui leur soit compréhensible et qui les engage. Cela n'est possible :

  • que s'il devient lui-même transparent et que la Parole de Dieu ne subisse aucune réfraction en passant par lui, 
  • que s'il transmet sans altération l'essentiel de cette Parole : l'Amour" (1)

C'est aussi une leçon d'humilité pour tous ceux qui ose ajouter par leurs commentaires à ce que la Parole est seule capable de dire. On pourrait se contenter de se taire... Si une longue expérience pastorale me pousse à continuer dans mes travaux de lecture commentée de la Parole, je dois reconnaître qu'il demeure toujours un risque d'utilisation de la Parole dans le sens de sa pensée, alors qu'elle devrait au contraire nous conduire toujours à un déplacement vers l'amour. Si je ne prêché pas l'amour,je ne suis "qu'une cymbale qui résonne" (1 Cor 13)

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1989, p. 86.

09 janvier 2016

Chemins d'humilité et déréliction

Prendre conscience de nos abandons réguliers c'est entrer en contemplation, avec toute l'Église, de la déréliction‎ et de l'abandon du Christ à l'aurore de sa vie.
A chaque fois que nous célébrons sa mort, nous contemplons sa solitude dans le jusqu'au bout de l'amour. Et à chaque fois que nous percevons combien son amour nous dépasse, nous percevons combien nous avons besoin de sa venue en nous...
De même, A. Von Speyr fait écho de cela a propos de ce qu'elle appelle les chargés de mission, ceux qui sont suffisamment décentrés pour percevoir combien notre vie n'a de sens qu'en diaconie pour Dieu. "Tout ce qui arrivera désormais dans la vie du chargé de mission se trouvera sous le signe de l'amour de Dieu, y compris ce qu'il ne comprend, y compris ce qui accentue, par nécessité, sa solitude et sa déréliction, ce qui ne permet plus de témoigner sa communion avec les hommes autrement que comme une communion en Dieu(1)".

(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, op. Cit p. 87







08 janvier 2016

L'ultime kénose

On s'attache souvent à décrire l'humilité du Fils dans son incarnation, dans sa vie cachée puis dans sa vie publique en mettant le sommet dans le double agenouillement du lavement des pieds et de la Croix. On oublie par contre de souligner que son départ post-pascal est aussi l'humilité du Fils qui disparaît pour laisser place à l'Esprit. S'il se donne ensuite, ce n'est finalement que dans l'infime présence d'un pain rompu. Mais sa présence est alors si humble que nous passons à côté et négligeons le fait qu'une fois encore il se donne pour nous conduire au Père.

05 janvier 2016

Le sens de notre mort - 2

En première lecture, ni la mort des saints innocents, ni la mort du Christ n'avaient de sens pour le témoin direct du drame. Et pourtant, ils participent à ce plan de Dieu, à cette révélation profonde du drame de la violence et nous appelle à l'amour. La mort d'un proche, la mort d'un enfant est l'objet d'un cri et d'une souffrance extrême jusqu'à ce que nous prenions conscience de la communion qu'elle a engendré, de l'amour et de l'entraide qui jaillit au delà de la peine et nous pousse à l'amour véritable. C'est ce que j'exprime entre les lignes dans certains de mes romans comme "La caresse de l'ange, La danse des anges, mais aussi Le collier de Blanche ou Le chant du large".
"Il nous faut confier à l'anonymat du service ecclésial le sens ultime que notre mort peut revêtir pour l'humanité" disait Adrienne von Speyr (1)
"Il y a dans la vie terrestre du Seigneur une concentration de toute sa fécondité en direction de sa mort sur la Croix, et parce que son incarnation signifie communion avec nous, nous pouvons avec lui, dans l'Église, concentrer sur sa croix notre volonté (...) voir dans notre mort, quelle qu'elle puisse être, l'ultime récapitulation de notre oblation à Dieu." (2) l'idée centrale, inscrite dans la dynamique sacramentelle est de voir notre vie, comme participation à "l'explosion en force de toute vie humaine dans" (3) celle du Christ, Lui qui est "la résurrection et la vie".


(1) Adrienne von Speyr, Le mystère de notre mort, Culture et Vérité, 1953-1989, p. 61
(2) ibid

(3) p. 66‎

04 janvier 2016

Le sens de notre mort

Si nous percevons l'ampleur de la danse à laquelle nous sommes invités, nous percevons que notre mort n'est pas anodine. Elle a une double finalité : celle de rencontrer Dieu‎, danser avec lui l'éternelle danse, mais aussi créer un manque sur terre qui entretient le désir. Au delà de la souffrance de la séparation, l'absent est aussi celui qui fait naître en nous le désir de l'au-delà, le désir de Dieu. En cela, Dieu est plus grand que sa création, car en la laissant agir, il fait naître chez l'homme de nombreux mouvements qui conduisent à lui, du cri au manque, de la frustration au désir et du manque à la contemplation du chemin parcouru et à parcourir. Bien sûr tous ces mouvements ne sont pas immédiats et, à l'image des Apôtres désemparés par le tombeau vide, comme par l'ascension de leur maître, il faut laisser le temps du décentrement, pour qu'en nous la souffrance de la séparation laisse place à la quête ultime et l'accueil du Consolateur.

Nous ne sommes pas immunisés

Il règne parfois un utopie véhiculée par certains courants religieux au sein de notre Église qui nous laisserait croire qu'une pratique régulière nous protégerait du "mal de peine"(1), de la maladie et de la mort. Adrienne von Speyr nous précise avec raison que "le Fils n'est pas venu nous faire le don d'une vie de foi qui serait d'entrée immunisée contre toutes les difficultés et tous les doutes, qui serait une sorte de bonheur inconscient qui se déroberait à toute difficulté et à toute souffrance. Une vie de ce genre ne serait pas une vie à la suite du Christ." (2)
Elle serait utopie et renfermement ‎communautariste dans l'illusion.

(1) Saint Thomas d'Aquin, dans sa Somme théologique distingue mal de peine et mal de faute‎. Le mal de peine est le mal subi.
(2) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, Culture et Vérité, 1953-1989, p. 58

Hymne de la lampe

Joyeuse lumière de la sainte gloire du Père céleste, immortel, saint et bienheureux Jésus Christ. 
Parvenus au déclin du soleil, contemplant la clarté du soir, nous chantons le Père, le Fils et le Saint Esprit de Dieu. 
Tu es digne d'être toujours chanté pas des voix sanctifiées, Fils de Dieu qui donnes la vie. 
Tout l'univers te rend gloire ! » 

Hymne d'action de grâces pour la lampe dans les vêpres byzantines

03 janvier 2016

Chemins de miséricorde - 7


"Pourquoi déclare-t-il avec tant de soin sa miséricorde, au point de faire sienne notre misère elle-même ? Pourquoi est-il rempli d'une bonté telle que la parole de Dieu, pour nous, s'est faite herbe fanée ? Seigneur, qu'est-ce que l'homme, pour que tu penses à lui ? Qu'est- il pour que ton cœur en fasse tant de cas ? Voici où l'homme doit porter son attention pour découvrir quel souci Dieu prend de lui ; voici où l'homme doit apprendre quelle pensée et quel sentiment Dieu nourrit à son égard. N'interroge pas ce que tu souffres, toi, mais ce qu'il a souffert, lui. À ce qu'il est devenu pour toi, reconnais ta valeur à ses yeux, afin que sa bonté t'apparaisse à partir de son humanité. En effet, l'abaissement qu'il accomplit dans son humanité a été la grandeur même de sa bonté, et plus il s'est rendu méprisable en ma faveur, plus il me devient cher.

Voici manifestées la bonté et l'humanité de Dieu notre Sauveur, dit l'Apôtre. Oui, qu'elles sont grandes et évidentes, la bonté de Dieu et son humanité ! Quelle grande preuve de sa bonté il nous a donnée, en prenant tant de soin pour ajouter à l'humanité le nom de Dieu."

Saint Bernard,  Sermon pour l'épiphanie,  source AELF

01 janvier 2016

Irénée - Miséricorde

"Adam n'est pas racheté seulement par une "opération" morale du Christ, par une passion "représentative", par une justification forensique, mais il est assumé dans le Rédempteur tel qu'il est, avec toute sa corporalité authentique. (...) toutes les actions du Christ doivent posséder cette force d'intégration, de même que par exemple, il ne lava symboliquement que les pieds de Pierre, mais par là rendit pur tout son corps : il racheta tout le corps de l'humanité par sa croix particulière (1)

Que nous dit Balthasar derrière ce commentaire d'Irénée ?  ‎N'est ce pas, l'infini de la miséricorde de Dieu, qui en soi dépasse toute idée humaine de la justice. En relevant Adam et l'associant à sa résurrection, le Christ nous permet de percevoir que son amour pour l'homme n'est pas representatif, théorique ou imaginaire, mais bien le but ultime de Dieu.

Irénée, Contre les hérésies, ‎2, 228 in Hans Urs von BalthasarLa Gloire et la Croix, tome 2 op. Cit p. 47
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