19 novembre 2018

Au fil de Luc 18, 35 - aveuglement - homélie du 19/11

Les textes d'aujourd'hui s'accordent particulièrement bien. Je voudrais seulement vous introduire à leurs enchaînements. 

« Heureux celui qui lit,
heureux ceux qui écoutent
les paroles de la prophétie
et gardent ce qui est écrit en elle,
car le temps est proche. ». Ap 1 (1)

Cette invitation de Jean aux sept Églises de l'Asie mineure n'est pas dépassée. Elle nous interpelle tous les jours. Souvent ne sommes-nous pas sourds et aveugles aux signes et aux paroles que Dieu met sur notre route. 

Luc, à sa manière, nous interpelle aussi :
« Jésus approchait de Jéricho » » (Lc 18, 35-43)
Comme le rappelle les pères de l'Église cela sous-entend que Jésus vient nous chercher au plus profond de nos servitudes, de nos surdités et de nos aveuglements.
Accueillons le dans le silence. 

« un aveugle mendiait, assis au bord de la route. »

Et si nous prenions le temps de nous assoir à ses côtés. Qu'avons nous de différents avec lui ? Voyons nous vraiment ? Ne pouvons nous pas dire à sa suite :
« Jésus, fils de David, prends pitié de moi ! »
    Ceux qui marchaient en tête
le rabrouaient pour le faire taire.
Mais lui criait de plus belle :
« Fils de David, prends pitié de moi ! »
    Jésus s'arrêta et il (...) lui demanda :
    « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Faisons une pause et répétons à notre tour la question de Jésus
 « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Puis écoutons la réponse de l'aveugle. 

« Seigneur, que je retrouve la vue. »
    Et Jésus lui dit :
« Retrouve la vue ! Ta foi t'a sauvé. »
    À l'instant même, il retrouva la vue,
et il suivait Jésus en rendant gloire à Dieu.
Et tout le peuple, voyant cela,
adressa une louange à Dieu.

Que dire ? Les textes parlent tout seuls...
Ce qu'a fait Jésus à l'aveugle, il le fait chaque jour pour nous. La tradition orthodoxe a une belle icône pour exprimer cela, celle de l'anastasis (2) On y voit Jésus tenir la main d'Adam pour le sortir de l'enfer. 
Si nous ne sommes pas au royaume des morts, nous devons reconnaître que nous sommes parfois bien loin de lui. Laissons alors Jésus nous reprendre la main. 
Écoutons et faisons nôtres à nouveau la première lecture
« Tu ne manques pas de persévérance,
et tu as tant supporté pour mon nom,
sans ménager ta peine.
Mais j'ai contre toi
que ton premier amour, tu l'as abandonné.
    Eh bien, rappelle-toi d'où tu es tombé,
convertis-toi, reviens à tes premières actions. » (Ap 2)
Un chemin qui reste à reprendre...
Alors le psaume aura sa juste place
« Heureux est l'homme
     qui (...) se plaît dans la loi du Seigneur
et murmure sa loi jour et nuit !
Il est comme un arbre
     planté près d'un ruisseau,
qui donne du fruit en son temps,
et jamais son feuillage ne meurt ;
tout ce qu'il entreprend réussira. » (Ps 1)

« Jésus, fils de David, prends pitié de moi ! » redonne-moi la vue ! (3)
            
(1) source : Textes liturgiques © AELF.
(2) cf. E. Heriard Dubreuil, l'icône de l'anastasis
(3) cf. Mon commentaire de Bartimée

17 novembre 2018

Au fil de Luc 18, 8 - la foi

« Le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Luc 18,8)

Cette question de Jésus m’interpelle jusqu'au jointures de l'âme. Elle n'a pas pour visée première mon voisin que Dieu seul « sonde et connaît » (Ps 139,1), mais bien notre foi propre, celle qui n'a pas souvent la taille d'un « grain de moutarde »....

Au delà du désert de nos vies intérieures, dans notre tentation de ritualisme et nos automatismes se trouve en question notre ouverture réelle à la Parole. Est-ce qu’elle est pour moi tranchante et interpellante. Vient-elle me réveiller de mes insuffisances et de mes petitesses  ?

Suis-je  vraiment « en Christo », c'est à dire décentré de toute auto référence et animé par une confiance totale en la miséricorde du Père ?

Hans Urs von Balthasar, dans son commentaire sur la prière, suggère avec justesse que les laïcs n'ont pas [forcément] à prendre la liturgie des heures mais doivent chercher par eux-mêmes une rencontre plus naturelle avec leur Dieu, « plus de compréhension et de liberté spirituelle » (1). Quel est l'enjeu de cette remarque ? Probablement une double crainte, celle de les voir rentrer dans un ritualisme de plus : «  j'ai fait ma prière ! » et celle de couper ce lien particulier entre le laïc et le monde qui lui donne une sensibilité des souffrances et des joies et au sein duquel Dieu « avise »(2).

Cette interpellation de Balthasar ne vise probablement pas que les laïcs. Il n'y a pas de chasse gardée. La prière des heures est un cri de l'Église. Elle éveille l'homme mais ne le comble pas comme une véritable oraison silencieuse.

Alors laissons-nous peut-être interpeller. Quelle est la nature de ma relation avec Dieu ?

(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 105
(2) allusion à la phrase bien connue citée par le curé d'Ars : «  je l'avise et il m'avise »

16 novembre 2018

Le moi et la Parole - Hans Urs von Balthasar

« Il arrivera (...) que dans la méditation de ce que Dieu dit, l'homme aussi, son je et son moi, surgisse et prenne de la réalité en réfléchissant sur lui-même, il l'obtient en écoutant la parole de Dieu, dans le miroir de laquelle il verra ce qu'il est lui-même en vérité (...). Celui qui fait de son moi le plus profond un moi attentif à la parole de Dieu et adorateur est sûr d'être compris dans la transcendance décisive » (1)

Un peu d'autocritique ne fait pas de mal. La Parole est un miroir qui nous renvoie notre réalité d'homme, fragile, englué dans nos insuffisances et dans les adhérences qui nous rattachent au monde. 

Et néanmoins cette autocritique rejoint ce que disait Paul en Ph 3. Tout n'est que « balayure ». Laissons nous porter par ce désir tout intérieur qui nous conduit au Seigneur.


(1) Hans Urs von Balthasar op. cit. p. 102

L’art de l’homélie - autocritique :-)


« Le prêcheur doit se taire pour écouter. Pour s'effacer derrière la Parole de Jésus. Pour mesurer à quel point ses propres paroles humaines se montrent bien fragiles pour Lui faire écho avec justesse. (…) La prédication, c'est cela, rien du prêcheur et tout de Lui. Long ou bref, peu importe, le silence fonde le mystère, tel qu'il s'impose après la communion, tel qu'il doit en aller dans la confession et dans l'homélie. » (1) 

(1) Bruno Cadoré, Avec Lui, écouter l'envers du monde, PARIS, Cerf, 2018, cité dans La Croix du 8/11/18

Au fil de Luc 17,26-37.- Le retour

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme cela s’est passé dans les jours de Noé, ainsi en sera-t-il dans les jours du Fils de l’homme. » (Luc 17, 26)

Il faut lire cet extrait dans la foulée des lectures précédentes. La vision apocalyptique nous incite à réfléchir sur notre propre salut. Il viendra de notre capacité à entendre la Parole. Le salut vient de Dieu.

Au delà de  l’accent un peu noir du texte, à contextualiser dans l’epoque post 70 (chute de Jérusalem) de l’Ecriture c’est un regard sur notre aujourd’hui qui est en jeu.

« Nous annonçons la venue du Christ : non seulement son premier avènement, mais encore un second beaucoup plus éclatant. Le premier en effet a été marqué du signe de la patience, tandis que l'autre portera le diadème de la royauté divine... Lors du premier avènement, il a été emmailloté et couché dans la crèche ; lors du second, il sera « drapé de lumière comme d'un manteau » (Ps 103,2). Lors du premier, il a subi la croix et méprisé la honte ; lors du second, il s'avancera dans la gloire escorté d'une armée d'anges.
Il ne nous suffit pas de nous appuyer maintenant sur le premier avènement ; nous attendons encore le second. Et après avoir dit, lors du premier : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Mt 21,9), nous le redirons encore au moment du second, quand nous viendrons avec les anges à la rencontre du Seigneur pour l'adorer. Le Sauveur viendra non pour être à nouveau jugé, mais pour juger ceux qui ont porté jugement... Il était venu alors pour réaliser le salut et enseigner les hommes par la persuasion ; mais ce jour-là, il soumettra tout à sa royauté ». (1)

(1) Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèse baptismale 15, 1-3 ; PG 33, 870-871 (trad. Orval), source Evangelizo 



15 novembre 2018

Au fil de Luc 17,20 - le règne de Dieu est au milieu de vous - 27

C’est « dans le miroir de la Parole que l’homme voit qu’il est en vérité ». (1)
Ce passage de Luc nous livre deux trésors. Le premier c'est qu'il nous faut arrêter de chercher des signes extérieurs, mais contempler ce souffle intérieur déposé en nous dans le silence et qui conduit notre âme. 
« Le règne de Dieu est au milieu de nous et au-dedans de nous ». Lc 17, 10

« Elle est tout près de nous, cette Parole, elle est dans notre bouche et dans notre cœur » (Dt 30,14). Écoutons Origène : « celui qui prie pour que vienne le règne de Dieu a raison de prier pour que ce règne de Dieu germe, porte du fruit et s'accomplisse en lui-même. Chez tous les saints en lesquels Dieu règne et qui obéissent à ses lois spirituelles, il habite comme dans une cité bien organisée. Le Père est présent en lui et le Christ règne avec le Père dans cette âme parfaite, selon sa parole : « Nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. » (Jn 14,23). (2)

Que nous le précise Origène, cette paix intérieure nécessite d'avoir combattu ce qui en nous résiste. Une « cité bien organisée » est cette chambre intérieure, nettoyée du superflu, attentive aux tentations qui l'attaque à nouveau (Lc 11, 24-26) à laquelle nous devons veiller.
Luc nous met en garde sur le retour des 7 démons furieux. Comme le dit Grégoire 
« Il arrive souvent (...) que, lorsque l'âme vient à s'enorgueillir de ses premiers pas dans la perfection, et veut en être louée comme de véritables vertus, elle donne entrée à son ennemi furieux contre elle, et qui s'acharne avec d'autant plus de violence à sa ruine, qu'il a éprouvé de douleur d'en avoir été chassé, ne fût-ce que pour quelque temps. »(3)

Une homélie du 2eme siècle le précise : « lorsque les païens entendent de notre bouche les paroles de Dieu, ils admirent leur beauté et leur noblesse. Mais ensuite, lorsqu'ils découvrent que notre conduite n'est pas en accord avec les paroles que nous disons, ils passent au blasphème en disant qu'il n'y a là que fable et folie.

En effet, lorsqu'ils nous entendent dire, comme une parole de Dieu : Quelle reconnaissance pouvez-vous attendre, si vous aimez ceux qui vous aiment ? Mais on vous sera reconnaissant si vous aimez vos ennemis et ceux qui vous détestent. Oui, lorsqu'ils entendent ces paroles, ils admirent cette extrême bonté. Mais lorsqu'ils voient que nous n'aimons pas ceux qui nous détestent et même pas ceux qui nous aiment, ils se moquent de nous, et le nom de Dieu est blasphémé.
Ainsi donc, mes frères, si nous faisons la volonté de Dieu notre Père, nous appartiendrons à l'Église primordiale, à l'Église spirituelle, qui fut créée avant le soleil et la lune. Mais si nous ne faisons pas la volonté du Seigneur, nous relèverons de ce passage de l'Écriture : Ma maison est devenue une caverne de bandits. Préférons donc appartenir à l'Église de la vie, afin d'être sauvés. »(4)

Reconnaissons le, c'est donc le chemin d'une vie, qui est en jeu ici. Passer de la parole aux actes. Notre lutte contre nos adhérences au mal qui nous entravent et nous lient de l'intérieur est une lutte sans fin ? Peut-on y arriver seul ? Non ! 
N'est-ce pas « impossible à l'homme ? » (Mat 19, 26).

Comment y parvenir ? 
C'est la contemplation de la Croix qui nous libère. « Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé » (Za 12, 10 - Jn 19, 37). Le daqar hébreu (percé au travers) exprime ici un double déchirement. Celui qui libère l'Esprit de Dieu jaillissant du cœur transpercé et celui intérieur en nous, qui ouvre nos yeux du cœur (5) et nous conduit à une « nouvelle naissance » (cf. Jn 3, 7)
« Le règne de Dieu qui est en nous (...) parviendra à sa perfection lorsque la parole de l'apôtre Paul s'accomplira : le Christ « après avoir soumis » tous ses ennemis, « remettra son pouvoir royal à Dieu le Père pour que Dieu soit tout en tous » (1Co 15,28). C'est pourquoi, priant sans relâche, avec des dispositions divinisées par le Verbe, disons : « Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne » (Mt 6,9). (6)
Alors, « comme l'éclair qui jaillit illumine l'horizon d'un bout à l'autre, ainsi le Fils de l'homme, quand son jour sera là.» Luc 17, 23

Qu'est-ce que cette lumière ? Benoît XVI évoquait au JMJ de Cologne une fission nucléaire. On peut y voir à notre tour un déchirement intérieur comme celui du voile qui cachait Dieu au temple. Alors à la suite de Marc nous entendrons le centurion nous dire « celui-ci était vraiment le fils de Dieu. Marc 14, 39

L'éclair qui illumine est le feu allumé par le Ressuscité, buisson ardent qui nous sauve.
(1) Hans Urs von Balthasar, op. cit. p. 101
(2) Origène, Traité sur la prière, 25 ; GCS 3, 356 (trad. bréviaire, 34e dimanche)
(3) S. Grég. (Moral. 7, 7.) 
(4) source office des lectures du 15/11/18, AELF 
(5) cf. notre commentaire de Bartimée Mc 12
(6) Origène, ibid.

14 novembre 2018

Un seul pain - Hans Urs von Balthasar - 1 Co 10

Trois mots de Balthasar suscite ma méditation : « la manducation d'un seul pain, comme participation au Corps du Christ (1 Co 10,17) » (1)
Relisons la référence chez Paul : «La coupe de bénédiction, sur laquelle nous prononçons la bénédiction, n'est-ce pas une communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n'est-ce pas une communion au corps du Christ? Puisqu'il y a un seul pain, nous, la multitude, nous sommes un seul corps; car nous partageons tous le même pain
‭‭(Première aux Corinthiens‬ ‭10:16-17‬) ‭

Dans nos églises nous mangeons des hosties bien rondes et bien lisses en oubliant qu'il s'agit d'un seul pain et surtout d'un seul corps. L'unité se joue déjà dans cette contemplation de ce qui est pourtant une évidence. Nos individualismes nous font oublier cette invitation à l'unité. 

On entend comme en écho le premier chapitre de la même lettre : « «J'entends par là que chacun de vous dit: « Moi, j'appartiens à Paul! » – « Et moi, à Apollos! » – « Et moi, à Céphas! » – « Et moi, au Christ! » Le Christ est-il divisé? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous, ou bien est-ce pour le nom de Paul que vous avez reçu le baptême?»
‭‭Première aux Corinthiens‬ ‭1:12-13‬.

Il nous faut sans cesse prier pour que l'unité se fasse en nous et entre nous, deux dimensions d'une même danse en Christo.

Hans Urs von Balthasar va plus loin : «  l’Esprit [conduit] (...) a une unité indivisible [au point que] la contemplation et le sacrement forment une unité ecclésiale première et indissociable » (ibid. p. 99)


(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 97

Photo : Détail de Fra Angelico, la danse des anges.

13 novembre 2018

La prière des humbles - le cyclone spirituel

« Entre la grande prière (...) de l'Église et la prière tâtonnante, trébuchante des individus, il y a un lien indestructible. Il y a dans le monde des millions d'êtres qui prient, mais toutes les prières sont rassemblées dans l'unique prière résumant tout de l'Église, de l'Épouse, qui déverse la multiplicité des prières (...) devant le Père »(1)

S'il nous était donné de contempler physiquement cette prière elle aurait la forme d'une dépression cyclonique avec au centre la Croix glorieuse...

Comme un souffle fragile venant rejoindre le vent de l'Esprit pour remonter au Père et redescendre comme la pluie qui féconde au cœur de chacun l'espérance du Royaume...

Serviteurs inutiles (lc 17, 10) mais membre d'un corps dont nous sommes les pierres vivantes.

Sable immense d'une plage que Dieu caresse de ses vagues amoureuses.



(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 88

Au fil de Luc 17, 10 - serviteur fidèle

Quel est notre chemin sur cette terre ? Nous rêvons souvent de faire de grande chose et oublions que tout vient de Dieu.
S'il y a une chose qui compte dans nos vies, c'est bien d'être attentif à la grâce.
    « Car la grâce de Dieu s'est manifestée
pour le salut de tous les hommes.
    Elle nous apprend à renoncer à l'impiété
et aux convoitises de ce monde,
et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable,
avec justice et piété,
    attendant que se réalise la bienheureuse espérance :
la manifestation de la gloire
de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ.
    Car il s'est donné pour nous
afin de nous racheter de toutes nos fautes,
et de nous purifier
pour faire de nous son peuple,
un peuple ardent à faire le bien. » (Tite,  2, 11-14)
           
Au terme d'une vie bien remplie nous pourrons dire :
"Nous sommes de simples serviteurs :
nous n'avons fait que notre devoir" » (Luc 17, 10)

Et nous aurons alors rembourser la dette que le Seigneur n'exige jamais, mais qui s'est contracté avec notre créateur pour toutes les grâces reçues.

C'est à l'aurore de nos vies que nous entendrons alors le prix du serviteur fidèle : «Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai entendu de mon Père.» (Jean 15, 15)


PS : il n’est pas neutre que Jésus emploie le « nous » et non le « vous » en Lc 17,10, soulignait aujourd’hui un commentateur sur RND. Est-ce à dire qu’il se met dans le lot ? Ce ne serait pas impossible à l’aube de sa passion.

12 novembre 2018

Au fil de Luc 17 - pardon et foi - saint Josaphat

En cette fête de saint Josaphat l’église nous donne à méditer sur une figure de la sainteté. Qu’est-ce qu'être saint ? La lettre de Tite nous ouvre à une méditation sur la figure de l’Ancien « quelqu’un qui soit sans reproche,
(...) ni arrogant, ni coléreux, mais (...)  accueillant, ami du bien,
raisonnable, juste, saint, maître de lui (...) attaché à la parole digne de foi,
(...) capable d’exhorter en donnant un enseignement solide,
et aussi de réfuter les opposants.

Josaphat a été cela, traduisant dans sa vie, jusqu’au martyre son désir d’unité.
Notre monde a besoin de ces figures. Je rentre de Verdun où j’ai été me recueillir sur la tombe de ceux qui sont morts pour une cause qu’il croyait juste. Que de fausses pistes dans la folie des hommes. Aujourd’hui on ne parle plus de la guerre en France, mais elle reste à nos portes et l’Ukraine, pays de saint Josaphat est à nouveau défiguré par la discorde. Nos églises ont besoin de ces figures. Celle d’Ukraine à besoin de saint Josaphat. Malheur à nous si nous sommes scandales pour nos frères.
L’unité ne vient que du pardon et de la miséricorde. L’unité est don de Dieu. L’unité est chemin de foi. Alors laissons résonner en nous les phrases de Luc :
 « Même si sept fois par jour il commet un péché contre toi,
et que sept fois de suite il revienne à toi
en disant : “Je me repens”,
tu lui pardonneras. »
   « Si vous aviez de la foi,
gros comme une graine de moutarde,
vous auriez dit à l’arbre que voici :
   “Déracine-toi et va te planter dans la mer”,
et il vous aurait obéi. » Luc 17
croyons au Dieu de la Paix. Prions le Dieu de la paix.


10 novembre 2018

Au fil de Luc 16,9-15. - l’amour de l’argent - Clément d’Alexandrie

« Faites-vous des amis avec l'argent malhonnête » Luc 16, 10
Il ne s'agit pas pour Luc de nous pousser à la malhonnêteté, mais bien à une générosité féconde, à nous servir pour autrui d'une mesure pleine et débordante.
Il ne s'agit pas d'acheter autrui et le royaume, mais de transformer notre cœur pour aimer au sens de l'agape. Un amour large, profond, élevé et durable. 

« Celui qui donnera à boire à l'un de mes disciples, même un simple verre d'eau fraîche, ne perdra pas sa récompense » (Mt 10,42)... 

 Écoutons saint Clément d'Alexandrie : « Les richesses dont nous disposons ne doivent pas ne servir qu'à nous ; avec des biens injustes on peut faire une œuvre juste et salutaire, et soulager l'un de ceux que le Père a destinés à ses demeures éternelles... Qu'elle est admirable, cette parole de l'apôtre Paul : « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Co 9,7), celui qui fait l'aumône de bon cœur, qui sème sans compter afin de moissonner aussi abondamment, et qui partage sans murmure, hésitation ou réticence... Et il est encore plus grand, ce mot que le Seigneur dit ailleurs : « Donne à quiconque te demande » (Lc 6,30)... (...). 
Réfléchis alors à la récompense magnifique promise à ta générosité : les demeures éternelles. Quel beau commerce ! Quelle affaire extraordinaire ! On achète l'immortalité pour de l'argent ; on échange les biens caducs de ce monde contre une demeure éternelle dans les cieux ! Si donc, vous les riches, vous avez de la sagesse, appliquez-vous à ce commerce... Pourquoi vous laissez fasciner par des diamants et des émeraudes, par des maisons que le feu dévore, que le temps écroule, qu'un tremblement de terre renverse ? N'aspirez qu'à vivre dans les cieux et à régner avec Dieu. Un homme, un pauvre, vous donnera ce royaume... D'ailleurs, le Seigneur n'a pas dit : « Donnez, soyez généreux et larges, secourez vos frères », mais « Faites-vous des amis ». L'amitié ne naît pas d'un seul don, mais d'une longue familiarité. Ni la foi, ni la charité, ni la patience ne sont l'œuvre d'un jour : « mais celui qui aura persévéré jusqu'au bout sera sauvé » (Mt 10,22). (1)

L'agape n'est pas la simple philia de l'amitié des hommes. Même si Luc évoque la philia au verset 9, il vise l’agape au verset 13. On découvre la distinction dans l'échange de Pierre et de Jésus dans Jean 21. M'aimes-tu d'Agape, demande deux fois Jésus à Pierre, avant de passer à la philia. Là est l'enjeu final. 

Prenons de la distance et contemplons le chemin tracé par Luc : « Lorsque tu donnes un déjeuner ou un dîner, ne convie pas tes amis, ni tes frères, ni les gens de ta parenté, ni des voisins riches, de peur qu'ils ne te rendent ton invitation et qu'ainsi tu sois payé de retour. Mais lorsque tu donnes un banquet, invite des pauvres, des estropiés, des infirmes, des aveugles. Heureux seras-tu, parce qu'ils n'ont pas de quoi te payer de retour! En effet, tu seras payé de retour à la résurrection des justes.» Luc 14:12-14 NBS 

L'agape est déjà entre les lignes au chapitre 14. Elle se transforme en miséricorde au chapitre 15, prends de l'ampleur dans l'histoire du gérant malhonnête... (Luc 16, 1-8) et nous voici grimper une nouvelle marche, course en avant qui nous conduit dans la dynamique de Philippiens 3 (cf. Post de jeudi). Il y a là un chemin hyperbolique à contempler...
Le point ultime n'est-il pas Jésus sur la Croix ?

(1) Saint Clément d'Alexandrie, Sermon « Quel riche peut être sauvé ? », § 31 (trad. coll. Icthus, t. 6, p. 45 rev.), source Evangelizo 


La prière en actes - Hans Urs von Balthasar

Si simple et si humble soit-elle, la prière est indispensable, nous rappelle Hans Urs von Balthasar.  « Il ne suffit pas que le croyant écoute ; si son attention ne devient pas une réponse active et authentique à la Parole, il n'aura certainement rien entendu. Il ne suffit pas que le croyant laisse prier le Saint-Esprit au fond de son âme : c'est lui, l'homme qui doit prier ; de lui Dieu attend l'acte de la prière vocale comme de la prière contemplative, et ce passage de la possibilité à la réalité temporelle constitue son action » (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 87

09 novembre 2018

Au fil de Jean 2, 21 - Le temple des pierres vivantes - Augustin d’Hippone


« Le Temple dont il parlait, c'était son corps » Jn 2, 21

La fête de la basilique du Latran nous interpelle. Car l'enjeu n'est pas de contempler des pierres, mais l'Église. Et qu'est-ce que l'Église si ce n'est d'abord le Christ et à sa suite les pierres vivantes que nous sommes ?
L’Église n’est pas résumée par sa hiérarchie. Elle a, dans son essence, une dimension polyèdrique, faite d’hommes et de femmes, joyeux et souffrants, serviteurs et pècheurs.
Comme le souligne Augustin toute œuvre humaine est fragile et nous ne cessons d'en voir les limites.
« Le vrai temple, le corps du Seigneur, est tombé aussi, mais il s'est relevé, et si bien relevé qu'il ne pourra jamais plus tomber…
Et nos corps à nous ? Ils sont membres du Christ. Écoutez saint Paul : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? » (1 Co 6,15) Lorsqu'il dit : « Vos corps sont les membres du Christ », qu'est-ce à dire, sinon que nos corps, joints à notre tête qui est le Christ (Col 1,18), font ensemble un temple unique, le temple de Dieu ? Avec le corps du Christ, nos corps sont ce temple… Laissez-vous construire dans l'unité, pour ne pas tomber en ruine en restant séparés ». (1)
Quelle est cette unité si ce n'est de se tourner à nouveau vers la source ?
A nous d'écouter le fleuve, cette eau silencieuse qui coule au milieu du brouhaha de nos vies. Qu'arrive-t-il alors, sinon le tressaillement ultime de l'homme qui a creusé en lui un lit pour la Parole, qui a transformé son coeur en amphore spirituelle, en éponge ou anémone qui vivre à la danse de Dieu et de son fleuve d'amour (2).
À nous d'effectuer cette plongée sous-marine dans les profondeurs secrètes de l'amour divin. Et nos pierres mortes tressailliront dans l'intase (3) d'un Dieu dont nous sommes temple.
« Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux,
car cette eau vient du sanctuaire.
Les fruits seront une nourriture,
et les feuilles un remède. » Ez 47, 12
L’intase dont nous parle le cappadocien est cet inhabitation de Dieu en nous, ce courant d’air dont nous sommes la demeure fugace.
Laissons le entrer en nous, illuminer nos temples, comme les bougies de nos églises.



(1) Saint Augustin, Sermon Morin n°3, 4 ; PLS 2, 664 (trad. Solesmes, Lectionnaire, t. 3, p. 916 rev.)
(2) cf. François Cassingena-Trévédy, Pour toi quand tu pries, p. 188ss, mais aussi ma "danse trinitaire" in l'Amphore et le fleuve.
(3) Cf. Grégoire de Nysse ou la course infinie, op. cit.


08 novembre 2018

Philippiens 3 et Luc 15 - La course infinie - Homélie du 8/11/18


Frères et sœurs,
La liturgie, en découpant la Parole en tranches, nous prive souvent d’une lecture cursive et donc d'une certaine façon de la dynamique de l’auteur.
Il faudrait ainsi, en théorie, prendre le temps de contempler le message de Luc. Tomber à genoux comme Dieu tombe à genoux devant l’homme (1). Dans l’ensemble du chapitre 15 et en particulier les paraboles sur la miséricorde, Luc nous dévoile l’amour infini de Dieu, son attention pour les pécheurs que nous sommes. Je vous invite ce soir à prendre le temps de les lire toutes ensemble et de vous laisser attendrir par l’amour de Dieu pour l’homme.
Qui sommes nous pour parler pour autant de l’amour Divin ?
J’aimerais vous partager ce matin une contemplation de la première lecture, qui tronque, elle aussi une invitation de Paul à se laisser saisir par le Christ.
Pharisien, chercheur de la loi, une « brebis perdue » dans l’étude stérile de la loi, il prend conscience que tout cela n’est rien, que ce ne sont que balayures. Il a été saisi par le Christ et s’élance, dit la suite du texte, pour saisir la bonne nouvelle du Christ et se laisser à nouveau saisir par Lui.
Qu’évoque pour nous ce saisissement ? Écoutons la suite du texte que nous aurions pu entendre demain si l’on ne fêtait pas la dédicace de Latran.
« Il s’agit maintenant de le connaître, Lui,
 ainsi que la puissance de sa résurrection
et la communion de ses souffrances, 
en étant configurés à lui dans la mort, 
pour parvenir, si possible, 
à la résurrection d’entre les morts. 
Ce n’est pas que j’aie déjà obtenu tout cela
ni que je sois déjà parvenu à l’accomplissement;
 mais je le poursuis, tâchant de le saisir, 
pour autant que moi-même j’ai été saisi par Jésus-Christ. (...) 
une seule chose compte: 
oubliant ce qui est en arrière 
et tout tendu vers ce qui est en avant, 
je cours vers le but....» (Philippiens‬ ‭3:10-14‬).
Quel est ce but ?
À nous de le trouver. 
Cet élan de Paul, cette course infinie, comme l’appelle Grégoire de Nysse à sa suite, est notre chemin. Le risque est de rester installé dans un confort illusoire. « de tomber dans une routine qui [nous] satisfait et qui [nous] tranquillise »(2),
de croire, comme le souligne le cappadocien qu’on a saisi le Christ (3)
Alors ne restons pas assis sans rien faire. Dieu nous appelle, il nous envoie et pour rejoindre Luc, il nous confie les brebis perdues…

Homélie du 8/11/18 à St P. du Roule

(1) cf. mon livre éponyme « À genoux devant l’homme », 2014
(2) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 81
(3) cf. C. Hériard, Grégoire de Nysse et la course infinie, Lulu, 2009

Au fil de Luc 15 - La brebis perdue - saint Pierre Chrysologue


Qui sommes nous pour parler de l'amour de Dieu ? Écoutons à ce sujet le commentaire de saint Pierre Chrysologue :
« La parabole de la brebis perdue parle davantage de la tendresse de Dieu que de la façon dont les hommes se comportent habituellement. Et elle exprime une vérité profonde. Délaisser ce qui a de l'importance pour l'amour de ce qu'il y a de plus humble est propre à la puissance divine, non à la convoitise humaine. Car Dieu fait même exister ce qui n'est pas ; il part à la recherche de ce qui est perdu tout en gardant ce qu'il a laissé sur place, et il retrouve ce qui était égaré sans perdre ce qu'il tient sous sa garde.
Voilà pourquoi ce berger n'est pas de la terre mais du ciel. La parabole n'est nullement la représentation d'œuvres humaines, mais elle cache des mystères divins, comme les nombres qu'elle mentionne le démontrent d'emblée : « Si l'un de vous, dit le Seigneur, a cent brebis et en perd une »... Vous le voyez, la perte d'une seule brebis a douloureusement éprouvé ce berger, comme si le troupeau tout entier, privé de sa protection, s'était engagé dans une mauvaise voie. C'est pourquoi, laissant là les quatre-vingt-dix-neuf autres, il part à la recherche d'une seule, il ne s'occupe que d'une seule, afin de les retrouver et de les sauver toutes en elle » (1)

(1) Saint Pierre Chrysologue, Sermon 168, 4-6 ; CCL 24B, 1032 (trad. Delhougne, p. 439), source Evangelizo 

07 novembre 2018

Tu es unique à mes yeux

Étonnante insistance de Balthasar : « c'est pour moi que le Christ est né, pour moi qu'il meurt sur la Croix. (...) tout recevoir la marque de cette unicité (...) tu es l'homme (...) tu tournes vers moi ton visage rayonnant ». (1)
Mais n'est-ce pas cela l'amour véritable, infini, d'un Dieu qui s'agenouille devant l'homme.

(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 84

Au fil de Luc 14,27, 33 - suivre Jésus


Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. (...) Ainsi donc, celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »(1)

On peut toujours arguer et fuir devant l'exigence du Verbe. Et n'est-ce pas souvent notre cas ? Pourtant nos aînés dans la foi nous montre un chemin plus radical qui ne peut que nous interpeler. 
« Le père de François voulait le faire comparaître devant l'évêque pour qu'il renonce à tous ses droits d'héritier et lui restitue tout ce qu'il possédait encore. François, en véritable amant de la pauvreté, se prête volontiers à la cérémonie, se présente au tribunal de l'évêque et, sans attendre un moment ni hésiter en quoi que ce soit, sans attendre un ordre ni demander une explication, enlève aussitôt tous ses habits et les rend à son père... Rempli de ferveur, emporté par l'ivresse spirituelle, il quitte jusqu'à ses chausses et, complètement nu devant toute l'assistance, déclare à son père : « Jusqu'ici je t'ai appelé père sur la terre ; désormais, je puis dire avec assurance : 'Notre Père qui es aux cieux', puisque c'est à lui que j'ai confié mon trésor et donné ma foi. » L'évêque, un homme saint et très digne, pleurait d'admiration à voir les excès où le portait son amour de Dieu ; il s'est levé, a attiré le jeune homme dans ses bras, l'a couvert de son manteau et a fait apporter de quoi l'habiller. On lui a donné le pauvre manteau de bure d'un fermier au service de l'évêque. François l'a reçu avec reconnaissance et, ramassant ensuite sur le chemin un morceau de gypse, y a tracé une croix ; ce vêtement signifiait bien cet homme crucifié, ce pauvre à moitié nu. C'est ainsi que le serviteur du Grand Roi a été laissé nu pour marcher à la suite de son Seigneur attaché nu à la croix. » (2)

Hier nous écoutions l'hymne aux Philippiens qui a très probablement inspiré ce geste : méditons le : « lui qui était vraiment divin, il ne s'est pas prévalu d'un rang d'égalité avec Dieu, mais il s'est vidé de lui-même en se faisant vraiment esclave, en devenant semblable aux humains; reconnu à son aspect comme humain, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à la mort – la mort sur la croix.» (3)

Il nous faut à notre tour « quitter nos vêtements » (cf. Ex 33, 5) pour retrouver la nudité originelle (Gn 2, 25)

1) Traduction Liturgique de la Bible - source AELF
(2) Saint Bonaventure, La Vie de saint François, Legenda major, ch. 2 (trad. Vorreux et Desbonnets, Documents, Eds. Franciscaines 1968, p. 576 rev.), source Evangelizo 
(3) Philippiens 2:6-8 NBS

Homélie de la Toussaint - P. Vital

Extrait d'une homélie de mon curé que j'ai trouvé très belle : "en cette fête de la Toussaint nous faisons mémoire de la Vie éternelle. La fête de la Toussaint est par essence la fête de l'Espérance. Nous croyons (...) que toute vie humaine est appelée à la Contemplation de Dieu, à vivre avec Dieu pour toujours. La fête de la Toussaint donne une perspective à notre vie terrestre. (...) L'espérance en la vie éternelle nous permet de prendre conscience que chacun de nos actes comptent pour l'éternité (...) que nous sommes faits pour la vie éternelle (...) ce qui nous permet de survivre à toutes choses, même aux moments difficiles.
Nous ne faisons pas table rase du passé (...) nous montons sur les épaules des saints, connus et inconnus pour voir plus loin (...) pour reconnaître Dieu. (...)
Vous l'avez entendu, la plupart des béatitudes sont au futur. Il y en a deux qui sont aux présents (...) :
1. Heureux les pauvres de coeur, le Royaume des Cieux est à eux.
2. Heureux les persécutés pour la justice, le Royaume des Cieux est à eux.
Il y a quelque chose de présent qui se joue dans ces béatitudes. Nous pouvons toucher du doigt, par la foi, quelque chose du Royaume de Dieu (...) Au font, pour avoir cette intimité avec Dieu (...) il faut avoir un coeur de pauvre, un coeur qui accepte la Parole de Dieu, un coeur qui accepte la Parole du Christ qui nous appelle à la Conversion. Au fond, ces béatitudes sont une invitation à la Conversion.
Avoir un coeur de pauvre, c'est accepter de ne pas tout contrôler, accepter nos fragilités, de ne pas les voir comme des menaces. C'est parfois accepter de dépendre aussi (...) reconnaître qu'il y a un Dieu qui vient nous éclairer par sa révélation.
Oui, le coeur de pauvre, c'est celui qui accepte de rentrer dans une intimité avec Dieu en sachant qu'il a besoin de Dieu pour tout. (...)
La fête de la Toussaint nous appelle à une plus grande confiance en Dieu, une plus grande dépendance avec Lui. (...)

À travers [la deuxième béatitude] on découvre que la vie éternelle (...) n'est pas faite pour les tièdes. Oui la vie éternelle appelle aussi à rentrer dans la Passion du Christ, d'accueillir toutes nos souffrances, non pas comme une désespérance, mais au contraire comme un appel à grandir dans la confiance (...) ce n'est pas le mal qui aura le dernier mot (...) la vie aura le dernier mot (1) ».

(1) P. Vital, fête de la Toussaint 2018, saint Rémy sur Avre

03 novembre 2018

Philippiens 1 - Vivre ou mourir

Soit que je vive, soit que je meure,
le Christ sera glorifié dans mon corps.
    En effet, pour moi, vivre c'est le Christ,
et mourir est un avantage.
    Mais si, en vivant en ce monde,
j'arrive à faire un travail utile,
je ne sais plus comment choisir.
    Je me sens pris entre les deux :
je désire partir pour être avec le Christ,
car c'est bien préférable ;
    mais, à cause de vous, demeurer en ce monde
est encore plus nécessaire.
    De cela, je suis convaincu.
Je sais donc que je resterai,
et que je continuerai à être avec vous tous,
pour votre progrès et votre joie dans la foi.
    Ainsi, à travers ce qui m'arrive,
vous aurez d'autant plus de fierté dans le Christ Jésus,
du fait de mon retour parmi vous. (1)
(1) Philippiens 1, 21-26

Au fil de Marc 12, les deux commandements - homélie du 3 et 4/11/18

Frères et sœurs,

La première lecture, tirée du Deutéronome n'est que le point final d'un long épisode où Moïse présente au peuple les 10 commandements révélés par Dieu. Il constitue le cœur de la Torah, le pentateuque de nos frères juifs. On ne peut écarter d'un geste ce qui nous est transmis ici.

Les dix commandements ont structuré la vie du peuple Juif. Ils ont façonnés à leur manière, Jésus et ses compatriotes. Pourquoi Marc, dans l'Evangile que nous venons de lire, n'en distingue que deux en racontant l'histoire du scribe ?

Il faut situer ce passage de l'Évangile de Marc au cœur d'une phase de conflits entre Jésus et ses compatriotes. Au début du chapitre, Jésus avait suscité une polémique en racontant la parabole du vigneron qui envoie ses serviteurs puis son fils. Comme vous en souvenez peut-être, les serviteurs, ne sont pas bien reçus et le fils est tué, nouvelle évocation chez Marc de la Passion. A ce parabole, mal reçue par les Juifs, suit une série de controverses entre Jésus, les scribes et les pharisiens.
C'est dans ce contexte que le passage que nous avons entendu est placé au centre des débats. Quel est le but visé par Marc ? Rappelons-nous ce qu'il tentait de nous dire dans les passages lus les semaines précédentes. Marc cherche à nous révéler l'amour infini de Dieu.
Comment se place cet épisode là-dedans ?
Il faut savoir que les juifs avaient multipliés rites, prescriptions et commandements, au point qu'on en comptait 613.
Cette explosion cherchait à mettre Dieu partout, mais oubliait parfois l'essentiel.
En distinguant ce scribe des autres, Marc invite ses compatriotes, à se centrer sur l'essentiel.
A sa suite, nous sommes invités à réaliser que les sacrifices, les rites, les attitudes extérieures ne servent à rien, si notre relation avec Dieu et nos frères ne sont pas centrales.
Pour cela, je vous propose de fermer les yeux pour entendre à nouveau le cœur du message :
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
de tout ton cœur, de toute ton âme,
de tout ton esprit et de toute ta force.
Et voici le second :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même

Si l'on trace un triangle imaginaire qui met Dieu au sommet, nos frères à gauche et nous sur le côté, on peut s'interroger, intérieurement sur la place de chaque angle dans notre vie.
Quel temps consacrons nous à nous, à Dieu aux autres. Est-ce un triangle isocèle ?
Si nous ne nous aimons pas nous-mêmes, nous ne pouvons aimer Dieu et nos frères, si nous n'aimons pas nos frères, notre amour de Dieu n'est qu'apparence. Et aimer Dieu n'est rien sans la charité. A la différence des autres scribes, celui qui parle avec Jésus a compris cela. Il a atteint le cœur du message.
Laissons résonner en nous ces deux commandements, laissons agir en nous le Verbe, jusqu'aux jointures de l'âme.
Quelle place laissons-nous en vérité à Dieu et nos frères ?
Aimons-nous Dieu dans les quatre dimensions demandées : « de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toute nos forces ?
Prenons-nous le temps de nous aimer nous-mêmes sans hypertrophie et sans dénigrement ? Et consacrons-nous autant d'intelligence, de force et d.ame à notre prochain ?

Parfois nos actes sont creux. N'accomplissons-nous pas, parfois, certaines de nos dévotions ou charité par routine, par habitude ? Sont-ils vraiment constitutifs de notre vie chrétienne ?
Sommes nous habités par ce triple essentiel : Dieu, nos frères autant que nous-mêmes ?

Quelle est la place de la Parole de Dieu dans nos vies ?

Que faisons-nous de cette Parole ? De ces chemins de vie à laquelle elle nous conduit.
Une des lectures de cette semaine évoquait la graine de moutarde. L'avons-nous planté en terre.
Cette graine est l'image de ce que Dieu met en nos cœurs. Elle entre en résonance avec cette phrase de Jean 12 : « Si le grain ne meurt pas, il ne portera pas de fruits ». Pour que la Parole de Dieu prenne vie en nous, il nous faut aller à l'essentiel. Suivre Jésus.
Lui seul présente un triangle parfait. Lui seul y met tout son cœur, jusqu'à se laisser transpercer, toute son âme, tout son esprit et toute sa force.

Dans le passage évoqué par Marc, Jésus se prépare à la Passion et ces commandements repris par le scribe résonne en lui. Car cet amour du Père et de ses frères, il va le porter à son paroxysme.
Tout chez lui est don.
Ouvrons les yeux maintenant et contemplons la Croix, ce que Marc veut nous dévoiler.
Tout se résume finalement dans ce triangle unique, dont Jésus est l'icône. C'est ce que suggère la 2eme lecture. L'unique sacrifice est celui du Christ.
C'est bien le grand prêtre qu'il nous fallait :
saint, innocent, immaculé ;
séparé maintenant des pécheurs,
il est désormais plus haut que les cieux.
Il n'a pas besoin, comme les autres grands prêtres,
d'offrir chaque jour des sacrifices,
d'abord pour ses péchés personnels,
puis pour ceux du peuple ;
cela, il l'a fait une fois pour toutes
en s'offrant lui-même.

Lui seul peut dire jusqu'au bout le psaume 39 (7-9) : Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j'ai dit : « Voici, je viens. « Dans le livre, est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse. Mon Dieu, voilà ce que j'aime : ta loi me tient aux entrailles. »
Contemplons le chemin tracé par le Christ.
Que pouvons-nous de notre côté abandonner pour le suivre ? Qu'est-ce qui est essentiel ? Qu'est-ce qui nous empêche d'aller à l'essentiel ? Prenons le temps, un instant de méditer là-dessus.
Amen

01 novembre 2018

La danse des anges - 3 - saint Bernard - Toussaint - amour est en toi 24


Il viennent en chantant, le peuple des sauvés : immense fresque de joie, amour aux cent visages qui forment ensemble, dans la lumière, la seule icône de gloire : Jésus Christ ! Nous dit l'oraison finale de l'office des lectures. Alors que résonne dans nos églises l'hymne des Béatitudes (Luc 6, 26), contemplons la danse des anges (1)

« Pourquoi notre louange à l'égard des saints, pourquoi notre chant à leur gloire, pourquoi cette fête même que nous célébrons ? Que leur font ces honneurs terrestres, alors que le Père du ciel, en réalisant la promesse du Fils, les honore lui-même ? De nos honneurs les saints n'ont pas besoin, et rien dans notre culte ne peut leur être utile. De fait, si nous vénérons leur mémoire, c'est pour nous que cela importe, non pour eux. ~ Pour ma part, je l'avoue, je sens que leur souvenir allume en moi un violent désir. ~

Le premier désir, en effet, que la mémoire des saints éveille, ou plus encore stimule en nous, le voici : nous réjouir dans leur communion tellement désirable et obtenir d'être concitoyens et compagnons des esprits bienheureux, d'être mêlés à l'assemblée des patriarches, à la troupe des prophètes, au groupe des Apôtres, à la foule immense des martyrs, à la communauté des confesseurs ; au chœur des vierges, bref d'être associés à la joie et à la communion de tous les saints. Cette Église des premiers-nés nous attend, et nous n'en aurions cure ! Les saints nous désirent et nous n'en ferions aucun cas ! Les justes nous espèrent et nous nous déroberions !

Réveillons-nous enfin, frères ; ressuscitons avec le Christ, cherchons les réalités d'en haut ; ces réalités, savourons-les. Désirons ceux qui nous désirent, courons vers ceux qui nous attendent, et puisqu'ils comptent sur nous, accourons avec nos désirs spirituels. ~ Ce qu'il nous faut souhaiter, ce n'est pas seulement la compagnie des saints, mais leur bonheur, si bien qu'en désirant leur présence, nous ayons l'ambition aussi de partager leur gloire, avec toute l'ardeur et les efforts que cela suppose. Car cette ambition-là n'a rien de mauvais : nul danger à se passionner pour une telle gloire. ~

Et voici le second désir dont la commémoration des saints nous embrase : voir, comme eux, le Christ nous apparaître, lui qui est notre vie, et paraître, nous aussi, avec lui dans la gloire. Jusque-là, il ne se présente pas à nous comme il est en lui-même, mais tel qu'il s'est fait pour nous : notre Tête, non pas couronnée de gloire, mais ceinte par les épines de nos péchés. ~ Il serait honteux que, sous cette tête couronnée d'épines, un membre choisisse une vie facile, car toute la pourpre qui le couvre doit être encore non pas tant celle de l'honneur que celle de la dérision. Viendra le jour de l'avènement du Christ : alors on n'annoncera plus sa mort de manière à nous faire savoir que nous aussi sommes morts et que notre vie est cachée avec lui. La Tête apparaîtra dans la gloire, et avec elle les membres resplendiront de gloire, lorsque le Christ restaurera notre corps d'humilité pour le configurer à la gloire de la Tête, puisque c'est lui la Tête. » 

Cette gloire, il nous faut la convoiter d'une absolue et ferme ambition. ~ Et vraiment, pour qu'il nous soit permis de l'espérer, et d'aspirer à un tel bonheur, il nous faut rechercher aussi, avec le plus grand soin, l'aide et la prière des saints, afin que leur intercession nous obtienne ce qui demeure hors de nos propres possibilités.  (2)

Dans une belle contemplation du Paradis, Dante évoque cette danse des anges qui se réjouissent ensemble de la conversion d'une âme. Elle n'a de sens qu'au sein de la danse trinitaire, c'est à dire de cette communion polyédrique des âmes en Dieu, corps glorieux qui prends chair en nous. L'amour est en toi.. 


(1) voir mon livre éponyme 
(2) Saint Bernard, homélie pour la Toussaint source AELF 
(3) Fra Angelico, source https://goo.gl/images/skp5sA

L’amour est en toi 23 - l’étincelle - Sainte Thérèse de l’enfant Jésus

Même le plus petit des dons contribue à l'unité et la charité du corps. La dimension polyèdrique de l'Eglise est bien développée chez Thérèse : « Sœur Marie de l'Eucharistie voulait allumer les cierges pour une procession ; elle n'avait pas d'allumette, mais voyant la petite lampe qui brûle devant les reliques, elle s'en approche. Hélas, elle la trouve à demi éteinte ; il ne reste plus qu'une faible lueur sur la mèche carbonisée. Elle réussit cependant à allumer son cierge et, par ce cierge, tous ceux de la communauté se trouvèrent allumés. C'est donc cette petite lampe à demi éteinte qui a produit ces belles flammes qui, à leur tour, peuvent en produire une infinité d'autres et même embraser l'univers. Pourtant ce serait toujours à la petite lampe qu'on devrait la première cause de cet embrasement. Comment, sachant cela, les belles flammes pourraient-elles se glorifier d'avoir fait un incendie pareil, puisqu'elles n'ont été allumées que par correspondance avec la petite étincelle ?...
Il en est de même pour la communion des saints. Souvent, sans le savoir, les grâces et les lumières que nous recevons sont dues à une âme cachée, parce que le bon Dieu veut que les saints se communiquent les uns aux autres la grâce par la prière, afin qu'au ciel ils s'aiment d'un grand amour, d'un amour bien plus grand encore que celui de la famille, même la famille la plus idéale de la terre. Combien de fois ai-je pensé que je pouvais devoir toutes les grâces que j'ai reçues aux prières d'une âme qui m'aurait demandée au bon Dieu et que je ne connaîtrai qu'au ciel. Oui, une toute petite étincelle pourra faire naître de grandes lumières dans toute l'Église, comme des docteurs et des martyrs qui seront sans doute bien au-dessus d'elle au ciel ; mais comment pourrait-on penser que leur gloire ne deviendra pas la sienne ? Au ciel on ne rencontrera pas de regards indifférents, parce que tous les élus reconnaîtront qu'ils se doivent entre eux les grâces qui leur ont mérité la couronne.(1)

(1) Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, Derniers entretiens, 15/07/1897, source Evangelizo