20 janvier 2019

Au fil de Jean 2 - Cana ou La construction de Dieu

« Tu as gardé le bon vin jusqu'à maintenant » (Jean 2, 10)
La remarque du maître du repas, le troisième jour, à Cana, n'est pas anodine. Elle traduit une double contemplation symbolique de Jean.

C'est en effet le troisième jour, que Dieu relèvera l'innocence qui a versé son sang pour nous. Et c'est du cœur transpercé que le sang et l'eau jaillissent. C'est dans les épousailles de Dieu et de l'humanité que se révèle le plan de Dieu pour l'homme.

Que la révélation de l'amour divin soit une fête n'est pas anodine. Que Marie y participe à sa manière n'est pas anecdotique, que l'heure soit évoquée par Jésus n'est pas un détail. Tout participe à l'harmonie. 



C'est à nous de chanter cette gloire. 

« Il convient que vous rendiez gloire de toutes façons à Jésus Christ, lui qui vous a glorifiés, afin d'être rassemblés dans une même [unité] (...) Ainsi, dans la concorde de vos sentiments et l'harmonie de votre charité, vous [pouvez] chantez Jésus Christ. Chacun de vous, devenez un chœur de chant, afin que, dans l'harmonie de votre concorde, adoptant la mélodie de Dieu dans l'unité, vous chantiez pour le Père, d'une seule voix, par Jésus Christ. Alors le Père vous écoutera et reconnaîtra en vous, grâce à vos bonnes actions, les membres de son Fils. Il est donc utile pour vous que vous soyez dans une irréprochable unité, pour être toujours participants de Dieu.
[Notre unité et notre fidélité à] l'Église et à Jésus Christ et de Jésus Christ au Père, (...) tout [doit] s'harmoniser dans l'unité » (1)
 Le Seigneur cherche à rassembler ses enfants dispersés, il en fera une seule nation,
et un seul roi régnera sur eux.
L'harmonie que vise notre Dieu se fait en Jésus-Christ.
Il est la pierre d'angle du grand architecte, de notre Dieu...

Et il n'est pas anodin enfin que le mot grec de « Maitre du repas » soit architriklinos dont nous tirons le mot architecte. Car le grand ordonnateur de cette construction c'est notre Dieu.

(1) Saint Ignace d'Antioche, lettre aux Éphésiens

18 janvier 2019

Au fil de Marc 2,1-12 - le paralytique

« Qu'est-ce qui est le plus facile ? Dire à ce paralysé : "Tes péchés sont pardonnés", ou bien lui dire : "Lève-toi, prends ton brancard et marche" ?
Eh bien ! Pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre… – Jésus s'adressa au paralysé –
je te le dis, lève-toi, prends ton brancard, et rentre dans ta maison. »
Il se leva, prit aussitôt son brancard, et sortit devant tout le monde. Tous étaient frappés de stupeur et rendaient gloire à Dieu, en disant : « Nous n'avons jamais rien vu de pareil. » (Marc 2, 10-12)

« Dans ce paralytique, c'est la totalité des païens qui est présentée au Christ pour être guérie. Mais les termes même de la guérison doivent être étudiés : ce qu'il dit au paralytique n'est pas : « Sois guéri », ni : « Lève-toi et marche », mais : « Sois ferme, mon fils, tes péchés te sont remis » (Mt 9,2). En un seul homme, Adam, les péchés avaient été transmis à toutes les nations. C'est pourquoi celui qui est appelé fils est présenté pour être guéri..., parce qu'il est la première œuvre de Dieu...; maintenant il reçoit la miséricorde qui vient du pardon de la première désobéissance. Nous ne voyons pas en effet que ce paralytique ait commis de péché ; et ailleurs le Seigneur a dit que la cécité de naissance n'avait pas été contractée à la suite d'un péché personnel ou héréditaire (Jn 9,3)...
Nul ne peut remettre les péchés hormis Dieu seul, donc celui qui les a remis est Dieu... Et pour que l'on puisse comprendre qu'il avait pris notre chair pour remettre aux âmes leurs péchés et pour procurer aux corps la résurrection, il dit : « Pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre, dit-il au paralytique : Lève-toi et prends ton lit ». Il aurait suffi de dire : « Lève-toi », mais...il a ajouté : « Prends ton lit et va-t-en chez toi ». D'abord, il a accordé la rémission des péchés, ensuite il a montré le pouvoir de la résurrection, puis il a enseigné, en faisant enlever le lit, que la faiblesse et la douleur n'atteindront plus les corps. Enfin, en renvoyant cet homme guéri à sa propre maison, il a montré que les croyants doivent retrouver le chemin conduisant au paradis, ce chemin qu'Adam, père de tous les hommes, avait quitté quand il a été brisé par la souillure du péché. » (1)

C'est nos propres enfermements qui sont ici guéris par Jésus. Sa grâce, c'est de nous libérer de nos adhérences au mal, de nous relever.

Mais cette conversion du cœur demande un effort de notre part, une contribution. Comme les porteurs du paralysé où les serviteurs qui remplissent d'eau les jarres à Cana nous devons nous prendre par la main, pour que Dieu nous relève et transforme en nous ce qui nous retient de courir vers lui. Nous laisser saisir pour être saisi (Ph 3).
Voir aussi https://prieenchemin.org/p/o/2263

(1) Saint Hilaire, Commentaire de l'évangile de Matthieu, 8,5 (trad. SC 254, p. 199 rev.), source Évangile au quotidien 


Danse et harmonie - Athanase

Dans la série de mes méditations sur la danse trinitaire, reprise dans plusieurs de mes ouvrages on pourrait glisser comme en écho ce texte d'Athanase, qui reprend les accents symphoniques de ma danse, tout en intégrant l'aspect polyèdrique de l'ordre divin :
« Il n'y a rien de ce qui existe et de ce qui prend naissance qui ne prenne naissance et ne subsiste dans le Verbe et par le Verbe, comme nous l'enseigne Jean le Théologien : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. Par lui tout s'est fait, et sans lui rien ne s'est fait.

Comme un musicien qui vient d'accorder sa lyre assemble par son art les notes graves avec les notes aiguës, les notes moyennes avec les autres, pour exécuter une seule mélodie : ainsi la Sagesse de Dieu, le Verbe, tenant l'univers comme une lyre, unit les êtres de l'air avec ceux de la terre, et les êtres du ciel avec ceux de l'air ; il combine l'ensemble avec les parties, il conduit tout par son commandement et sa volonté ; il produit ainsi, dans la beauté et l'harmonie, un seul monde et un seul ordre du monde. Lui-même reste immuable auprès du Père, tandis qu'il meut toutes choses par l'ordonnance qui vient de lui, selon ce que son Père a décidé. ~ Tous les êtres qui, selon leur nature, reçoivent de lui la vie et la subsistance, composent, grâce à lui, une harmonie admirable et vraiment divine.

Pour faire comprendre une si grande chose par un exemple, prenons l'image d'un chœur composé de nombreux chanteurs. Ce chœur comporte des exécutants variés : hommes, enfants, femmes, vieillards et jeunes gens ; sous la direction d'un seul chef, chacun chante selon sa nature et ses possibilités : l'homme comme un homme, l'enfant comme un enfant, le vieillard comme un vieillard, le jeune homme comme un jeune homme ; mais tous exécutent une seule harmonie. Ou encore, notre âme met en mouvement à la fois nos différents sens ; selon l'activité de chacun en présence d'un même objet, elle les incite tous en même temps : l'œil à voir, l'oreille à entendre, la main à toucher, l'odorat à sentir, le goût à savourer, et souvent d'autres membres encore à se mouvoir, comme les pieds à marcher. ~ C'est ainsi que tout se passe dans la création ; ces comparaisons sont imparfaites, mais il faut savoir les appliquer à des réalités plus hautes.

Oui, par une seule impulsion, par le commandement du Verbe qui est Dieu, toutes choses sont organisées, chacune agit selon ce qui lui appartient en propre, et toutes ensemble réalisent un ordre unique. » (1)
(1) Saint Athanase, traité contre les païens, source AELF 

17 janvier 2019

Au fil de Marc 1,40-45. - Guérison du lépreux

« En ce temps-là, un lépreux vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. »
Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. »
À l'instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié » Marc 1, 40-41

Ce qui nous est donné à contempler, c'est d'abord la compassion du Christ. Le mot grec, splanchna, est la traduction d'un mot hébreu raham très maternel qui parle des entrailles. Jésus est pris aux entrailles comme l'est Dieu pour son peuple (Exode 33)
C'est en cela qu'il se laisse toucher, puis touche (on pourrait dire caresse) le lépreux qui en sort purifié, guéri.

C'est la miséricorde de Dieu qui se révèle pour lui, et encore pour nous-mêmes. 

16 janvier 2019

Au fil de Marc 1,29-39 - la mère de Simon

« La belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. Jésus s'approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait. »

Quels sont les causes de nos faiblesses ? 
Pourquoi restons-nous sans force, malgré les dons de Dieu ? 
Notre maladie n'est-elle pas souvent tout intérieure ?
Dans son livre «  Je ne juge personne », Lytta Basset décrit bien cette culpabilité qui nous empêche d'avancer.
Il nous faut peu pour arrêter notre course. 
Laissons nous relever par le Christ.

Écoutons dans la même veine les mots de saint Jérôme : « Le médecin miséricordieux s'approche lui-même du lit. Celui qui avait porté une brebis malade sur ses épaules (Lc 15,5) s'avance à présent vers ce lit... Il approche toujours plus afin de guérir encore davantage. Remarquez bien ce qui est écrit ici... « Tu aurais dû sans aucun doute venir à ma rencontre, tu aurais dû venir m'accueillir au seuil de ta maison ; mais alors ta guérison résulterait non pas tant de ma miséricorde que de ta volonté. Puisqu'une fièvre si forte t'accable et t'empêche de te lever, je viens moi-même. »
« Et il la fit lever ». Comme elle ne pouvait pas se redresser d'elle-même, c'est le Seigneur qui la relève. « Il la prit par la main et il la fit lever. » Quand Pierre était en péril en mer, au moment où il allait se noyer, lui aussi a été saisi par la main, et il se releva... Quelle belle marque d'amitié et d'affection pour cette malade ! Il la relève en la tenant par la main ; sa main guérit la main de la malade. Il saisit cette main comme l'aurait fait un médecin, prend le pouls et évalue l'importance de la fièvre, lui qui est à la fois médecin et remède. Jésus la touche, et la fièvre disparaît.
Souhaitons qu'il touche notre main afin qu'ainsi nos actes soient purifiés. Qu'il entre dans notre maison : levons-nous enfin de notre lit, ne restons pas couchés. Jésus se tient à notre chevet et nous restons couchés ? Allons, debout ! ... « Au milieu de vous se tient quelqu'un que vous ne connaissez pas » (Jn 1,26) ; « le Royaume de Dieu est au milieu de vous » (Lc 17,21). Ayons la foi, et nous verrons Jésus présent au milieu de nous » (1)

Le Christ est notre salut. Confions lui notre vie...
Écoutons la Vierge qui nous montre la voie : « Faites tout ce qu'il vous dira » (Jn 2)



Chœur de la basilique d’Issoudun

«Il s’agit maintenant de le connaître, lui, ainsi que la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances, en étant configurés à lui dans la mort, pour parvenir, si possible, à la résurrection d’entre les morts. Ce n’est pas que j’aie déjà obtenu tout cela ni que je sois déjà parvenu à l’accomplissement; mais je le poursuis, tâchant de le saisir, pour autant que moi-même j’ai été saisi par Jésus-Christ. En ce qui me concerne, mes frères, je n’estime pas moi-même l’avoir déjà saisi; mais une seule chose compte: oubliant ce qui est en arrière et tendant vers ce qui est en avant, je cours vers le but pour obtenir le prix de l’appel céleste de Dieu en Jésus-Christ. Si donc nous sommes des gens « accomplis », tenons-nous-en à cette pensée; et si sur quelque point vous pensez différemment, Dieu vous révélera aussi ce qu’il en est. Seulement, au point où nous sommes parvenus, avançons ensemble.»
‭‭Lettre aux Philippiens‬ ‭3:10-16‬ 

(1) Saint Jérôme, Commentaire sur l'évangile de Marc, 2 ; PLS 2, 125s (trad. DDB 1986, p. 52), source Évangile au quotidien 


14 janvier 2019

Eric Sadin - Intelligence artificielle - le nouvel esclavage

Intéressant article (1) sur le dernier livre d'Eric Sadin (2) Je souscrit en partie sa thèse sur l'effet possible de l'intelligence artificielle qui peut de fait être capable de calculer, orienter et mesurer la productivité au travail au point de pousser l'homme à perdre tout instinct et capacité de réflexion.
Une discussion jeudi dernier avec le responsable IT d'une grosse entreprise allait dans le même sens, quand il évoquait sa capacité de prédire les départs des salariés en observant la baisse de leur productivité. On peut voir facilement ce que la surveillance des tâches donnera dans celle des caissières, des ouvriers d'entrepôts voire des cases supérieurs. Big Brother is coming.

(1) L’intelligence artificielle engendre une mise au ban progressive de l’humain », propos recueilli par Loup Besmond de Senneville, La Croix du 12/1/19
(2) Eric Sadin. L’Intelligence artificielle ou l’enjeu du siècle, Anatomie d’un antihumanisme radical (L’échappée), Paris 2018

NB : On lira sur le même thème l’article de Benoît Georges : La ruée vers l’ethique de l’inteligence artificielle, in Les Echos du 16/1/19

Au fil de la première lettre aux Corinthiens 11 et 14 - La parole des femmes dans l’Église

Intéressante contradiction sur l'accès de la parole aux femmes dans l'Église qui implique et impose presque la nécessité d'une interprétation.
«Mais toute femme qui prie ou qui parle en prophétesse la tête non couverte d'un voile fait honte à sa tête: c'est comme si elle était rasée
1 Corinthiens 11:5
«Que les femmes se taisent dans les Eglises, car il ne leur est pas permis d'y parler; qu'elles soient soumises, comme le dit aussi la loi.»
1 Corinthiens 14:34

On le voit bien, dans la même lettre de Paul aux accents pourtant similaires, l'accès de la parole est donnée (sous conditions de voile) puis refusée. 

Comment aller plus loin, 2000 ans plus tard. L'interprétation du P. Morin dans son cours au Bernardins du 15/12/11 est éclairante à plusieurs titres. Pour lui, le verset 14,34 que l'on trouve à différents endroits selon les manuscrits serait une note latérale ajoutée par un disciple de Paul. 
Qu'est-ce à dire ? Selon lui, cela traduit surtout une évolution au sein de la société romaine et un durcissement sur la place des femmes dans la communauté, cohérent avec d'autres positions du même genre dans les lettres pastorales.

Comment se positionner maintenant. Ces textes sont marqués dans un contexte précis et une récupération littérale est exclue. A nous de comprendre que le dire est plus grand que le dit. Jamais Paul ne validerait un tel discours sur les femmes s'il vivait au XXeme siècle, tant le regard sur la femme a évolué. Il nous faut tout faire pour que ceux qui refuse cette évolution prennent conscience de la faiblesse de leurs arguments. La femme est un formidable atout pour l'Église. Ne le cachons pas sous un voile.

Il n'y a ni supériorité de l'un sur l'autre, ni soumission possible. L'enjeu est une réciprocité dans l'agenouillement, car l'homme comme la femme, dans leurs différences, leur humilité et leurs danses communes peuvent prendre pleinement leur dimension co-sacrementelle de porte-Christ.


Au fil de Marc 1, L’appel des frères

« Venez à ma suite.
Je vous ferai devenir pêcheurs d'hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets,
ils le suivirent. » Marc 1


Laissons résonner en nous l'appel. 
« Venez à ma suite... » qui vient en écho de l' « Où es-tu ? » Gn 2 au jardin et se termine dans le « j'ai soif » de toi....

Alors pourrons-nous dire « Me voici »

12 janvier 2019

Au fil de Jean 3,22-30, tressaillement et décentrement - Cana et Nicodème

*En ce temps-là, Jésus se rendit en Judée, ainsi que ses disciples ; il y séjourna avec eux, et il baptisait.
Jean, quant à lui, baptisait à Aïnone, près de Salim, où l'eau était abondante. On venait là pour se faire baptiser.
En effet, Jean n'avait pas encore été mis en prison.
Or, il y eut une discussion entre les disciples de Jean et un Juif au sujet des bains de purification.
Ils allèrent trouver Jean et lui dirent : « Rabbi, celui qui était avec toi de l'autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tous vont à lui ! »
Jean répondit : « Un homme ne peut rien s'attribuer, sinon ce qui lui est donné du Ciel.
Vous-mêmes pouvez témoigner que j'ai dit : Moi, je ne suis pas le Christ, mais j'ai été envoyé devant lui.
Celui à qui l'épouse appartient, c'est l'époux ; quant à l'ami de l'époux, il se tient là, il entend la voix de l'époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite.
Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue*. Jean 3,22-30 (1)

Ce petit épisode où l'on voit Jésus baptiser en « concurrence » avec Jean est très particulier. Pour l'exégète John Meyer il traduit et prépare à la coexistence de deux écoles différentes, celle des disciples de Jean qui perdurera encore après la mort du Christ. Et c'est justement au sein de cette école que l'évangéliste Jean va tenter deux déplacements et une tentative de réconciliation. Augustin nous y conforte en apportant deux exhortations : « le tressaillement » et le « décentrement » deux concepts déjà largement commentés dans nos pages.
*Écoutez, enfants de la lumière, vous qui avez été adoptés en vue du Royaume de Dieu ; écoutez, frères très chers ; écoutez et tressaillez de joie dans le Seigneur, vous les justes, puisqu' « à vos cœurs droits, la louange va bien » (Ps 33,1). Écoutez ce que vous savez déjà, méditez ce que vous avez entendu, aimez ce que vous croyez, proclamez ce que vous aimez ! ...
Le Christ est né, Dieu par son Père, homme par sa mère ; il est né de l'immortalité de son Père et de la virginité de sa mère. De son Père, sans le concours d'une mère ; de sa mère, sans celui d'un père. De son Père, sans le temps ; de sa mère, sans la semence. De son Père, il est principe de vie ; de sa mère, la fin de la mort. De son Père, il est né pour régler l'ordre des jours ; de sa mère, pour consacrer ce jour-ci.
Devant lui il a envoyé Jean Baptiste, qu'il a fait naître lorsque les jours se mettent à décroître, et lui-même est né lorsque les jours commencent à rallonger, préfigurant ainsi les paroles de ce même Jean : « Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue ». En effet, la vie humaine doit s'affaiblir en elle-même et s'augmenter en Jésus Christ, « afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux » (2Co 5,15). Et afin que chacun de nous puisse répéter ces paroles de l'apôtre Paul : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).(2)

Cette première place du Christ ne nie pas notre existence, elle constitue le lieu de notre déplacement. Diminuer pour qu'en nous (en Christo) nous devenions passeur de Dieu, Christophore, porte-Christ.

La phrase de Galates citée par Augustin résume tout.

Quelles sont les conditions de cette transformation en nous ? 
Elle se lit entre les lignes dans un autre passage des mêmes chapitres de Jean et rejoins notre commentaire de 1 Jn 4. 
« Le troisième jour, il y eut des noces. Que sont ces noces, sinon les vœux et les joies de l'humanité sauvée, célébrées le troisième jour, dans le mystère de ce chiffre qui désigne soit la confession de la Trinité, soit la foi en la résurrection.

Car, dans un autre passage de l'Évangile, c'est avec la musique et les danses et la robe des noces que l'on accueille le retour du fils cadet, c'est-à-dire la conversion du peuple païen.

Aussi, tel un époux sortant de la chambre nuptiale, le Verbe descend jusqu'à la terre, jusqu'à l'Église qui doit rassembler les nations ; en assumant l'incarnation, il va s'unir à celle qu'il a gratifiée d'un contrat de mariage et d'une dot. Un contrat, quand Dieu s'est uni à l'homme ; une dot, quand il a été immolé pour le salut de l'homme. Le contrat, c'est la rédemption présente ; par la dot, nous entendons la vie éternelle. ~ Aussi était-ce des miracles pour ceux qui voyaient, des mystères pour ceux qui comprenaient. C'est pourquoi, si nous regardons bien, on découvre d'une certaine manière, dans les eaux elles-mêmes, une ressemblance avec le baptême et la nouvelle naissance. En effet, lorsqu'une chose se transforme intérieurement en une autre, lorsque la créature inférieure, par un changement invisible, se transmue en une nature meilleure, le mystère de la seconde naissance s'accomplit. Les eaux, tout à coup, sont changées, elles qui plus tard doivent changer les hommes. ~

Par l'action du Christ en Galilée, voici du vin. C'est-à-dire que la loi touche à sa fin et la grâce lui succède : le reflet est écarté, la vérité est rendue présente ; les réalités charnelles conduisent aux spirituelles, l'observance ancienne se transforme en la Nouvelle alliance. Comme dit l'Apôtre : Ce qui est ancien a passé, voici que du nouveau est advenu. De même que l'eau contenue dans les cuves ne perd rien de ce qu'elle était, mais reçoit alors une existence qu'elle ne possédait pas auparavant, ainsi la loi ne disparaît pas, mais se perfectionne par l'avènement du Christ. ~

Le vin venant à manquer, un autre vin est procuré ; le vin de l'Ancienne alliance était bon, mais celui de la Nouvelle est meilleur. L'Ancienne alliance, celle que les Juifs observent, s'évapore dans la lettre. La Nouvelle alliance, celle qui nous concerne, restitue le goût de la vie en donnant la grâce.

Le bon vin, c'est-à-dire le bon commandement, est celui de la loi, lorsque tu entends : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais le vin de l'Évangile est meilleur et plus fort, lorsque tu entends : Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. » (3)

De Cana à Nicodème, Jean nous mène un pas plus loin

(1) Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
(2) Saint Augustin, Sermon 194, onzième sermon sur la Nativité du Seigneur (trad. coll. Icthus, t.8, p. 98 rev.), source Evangile au quotidien 
(3) Fauste de Riez, Sermon sur l'eucharistie, source AELF


11 janvier 2019

Au fil de Luc 5, 12-14 - le lépreux

"Jésus était dans une ville quand survint un homme couvert de lèpre ;
voyant Jésus, il tomba face contre terre et le supplia :
« Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier. »
Jésus étendit la main et le toucha en disant :
« Je le veux, sois purifié. »
À l'instant même, la lèpre le quitta."

Quelle est notre lèpre ? Sommes-nous aujourd'hui capable de tomber face contre terre et de demander le pardon de Dieu ?

Ce mouvement intérieur d'introspection n'est pas inutile. Il nous fait prendre conscience de toutes nos addictions, nos paresses, nos adhérences au monde. 

Comme le psalmiste nous pourrions dire : “oui mes péchés me submergent, leur poids trop pesant m’ecrase. Mes plaies sont puanteur et pourriture, c’est la le prix de ma folie. Plus rien n’est sain dans ma chair (Ps 37, 5-8)

Nous sommes loin du Christ qui reste en permanence tourné vers le Père. Et pourtant c'est dans ce lien spirituel au Père qu'il se penche vers nous, s'agenouille probablement pour nous toucher, malgré nos infirmités. 

La première lecture (1 Jn 5) parle d'Esprit, d'eau et de sang. Qu'est-ce à dire ? Le don de Dieu, c'est d'abord l'Esprit, ce qui au fond de notre coeur vient nous tourner vers le Père et nous aide à crier Abba (ou vers le Christ en disant « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier. »

C'est en ensuite l'eau vive, cette eau qui coule du coeur transpercé et qui nous inonde de consolation et de vie, nous purifie et nous relève comme Naaman au Jourdain. L’eau du Jourdain celle la même où Il s’est plongé pour nous inviter à faire de même...

C'est ensuite le sang, celui versé pour nous et devant qui notre coeur fond et devient sans repos. 
Le sang, c'est en effet cette conversion du coeur qui nous fait aller plus loin. 
Écoutons sur ce point Bonaventure : 
« Un jour que François priait dans la solitude et que, emporté par sa ferveur, il était tout absorbé en Dieu, le Christ en croix lui est apparu. À cette vue, « son âme s'est fondue » (Ct 5,6) et le souvenir de la Passion du Christ l'a percé si profondément qu'à partir de ce moment il pouvait difficilement se retenir de pleurer et de soupirer lorsqu'il venait à penser au Crucifié ; lui-même en a fait un jour l'aveu peu de temps avant sa mort. Et voilà comment il a compris que c'était à lui que s'adressait la parole de l'Évangile : « Si tu veux venir après moi, renonce à toi-même, prends ta croix et suis-moi » (Mt 16,24).
Il s'est abandonné dès lors à l'esprit de pauvreté, au goût de l'humilité et aux élans d'une piété profonde. Alors que jadis non seulement la compagnie, mais la vue d'un lépreux, même de loin, le secouait d'horreur, il se mettait dorénavant, avec une parfaite insouciance pour lui-même, à leur rendre tous les services possibles, toujours humble et très humain, à cause du Christ crucifié qui, selon la parole du prophète, a été considéré et « méprisé comme un lépreux » (Is 53,3).(1)

(1) Saint Bonaventure, Vie de Saint François, Legenda major, ch. 1 (trad. cf. Vorreux, Éds franciscaines 1951, p. 572), source Évangile au quotidien 


09 janvier 2019

Au fil de la première lettre de saint Jean 4, 11-18 et de Marc 6, 45-52- De bruissements en tressaillements

"Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres.
Dieu, personne ne l'a jamais vu.
Mais si nous nous aimons les uns les autres,
Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection.
Voici comment nous reconnaissons que nous demeurons en lui
et lui en nous :
il nous a donné part à son Esprit.
Quant à nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.
Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu.
Et nous, nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous,
et nous y avons cru.
Dieu est amour :
qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui."

Il n'y a jamais pour nous de manifestation irréfutable de la présence de Dieu autre que celle de la nature ou que ce que Dieu consent à nous révéler.

Il y a par contre des bruissements et des tressaillements intérieurs. Car loin des trompettes et des cors du Sinaï, Dieu a choisi le silence du Crucifié pour clôturer sous forme d'apothéose sa pleine révélation aux hommes, ne la rappelant que par des traces et des soupirs. 

Et pourtant il serait faut de dire qu'il s'est tu. Le langage de Dieu est dans la voix d'un fin silence, dans le souffle ténu de l'Esprit, dans le bruissement des feuilles de la Bible et le tressaillement de nos coeurs.

Il vient nous visiter. Il demeure en nous. Saurons-nous l'entendre, sentir ses mots enfouis au plus profond de nos coeurs ou dans le cri de nos frères.

Comme Jésus après la multiplication des pains, repartons au désert et écoutons sa voix. Alors la tempête de nos vies laissera place au silence. 

« Confiance ! c'est moi ; n'ayez pas peur ! »
Il monta ensuite avec eux dans la barque
et le vent tomba ;
et en eux-mêmes
ils étaient au comble de la stupeur,
car ils n'avaient rien compris au sujet des pains :
leur cœur était endurci." (Marc 6, 50-52)


08 janvier 2019

Au fil de Matthieu 14,17 - 5 pains et deux poissons

"Combien de pains avez-vous ?" Qu'avez-vous apporté ? La question de Jésus résonne encore dans nos coeurs. Qu'avons-nous à proposer au monde ? Le fruit de notre travail. Cinq petits pains, pas très bien cuits, un peu desséchés peut-être, et une surprise qui nous vient de Dieu. Deux poissons encore frétillants qui ont réjoui notre coeur. Cadeau inopiné, surprise de Dieu. C'est cela que nous apportons aujourd'hui. Ensuite tout vient de toi. Tu les transformes et Tu les multiplies. Tu nourris une foule immense. Nous ne sommes rien mais nous participons à ce mouvement, parce que nous sommes ton Église.
Fais de nous des instruments et des passeurs de ta bonne nouvelle.

07 janvier 2019

Impossible à l’homme

Il y a une dimension de pardon qui semble impossible à accorder, parce que nous restons englués dans des vieux schémas intérieurs, des souffrances enfouies au plus profond de notre être, des incompréhensions trop lourdes à porter.

Dieu seul peut nous aider à dépasser cela. La miséricorde divine vient creuser au plus profond de notre être la force essentielle qui redonne vie, car l'amour est plus fort que la mort, la miséricorde plus grande que nos adhérences au mal...

C'est peut être cela qu'il faut déposer au pied de la Croix.

Dieu vient transformer nos cœurs.

Ce qui est impossible à l'homme est possible en Dieu (cf. Mat 19).

La dynamique sacramentelle est au cœur de ce passage intérieur entre l'impossibilité humaine et ce que Dieu réalise en nous. Metanoia, conversion, fission nucléaire du cœur disait Benoît XVI (1)

(1) Benoît XVI, discours au JMJ de Cologne

Les mages 3

« Aujourd'hui, les mages considèrent avec une profonde stupeur ce qu'ils voient ici : le ciel sur la terre, la terre dans le ciel ; l'homme en Dieu, Dieu dans l'homme ; et celui que le monde entier ne peut contenir, enfermé dans le corps d'un tout-petit ! ~ Et dès qu'ils voient, ils proclament qu'ils croient sans discuter, en offrant leurs dons symboliques : par l'encens, ils confessent Dieu ; par l'or, le roi ; par la myrrhe, sa mort future. » (1)

(1) Saint Pierre Chrysologue, homélie sur l'épiphanie, source AELF 

06 janvier 2019

Après les mages - 2

Enfant digne d'amour, je te vois dans cette grotte, couché sur la paille, très pauvre et très méprisé ; mais la foi m'enseigne que tu es mon Dieu descendu du ciel pour mon salut. Je te reconnais pour mon souverain Seigneur et mon Sauveur ; je te proclame tel mais je n'ai rien à t'offrir. Je n'ai pas l'or de l'amour, puisque j'ai aimé les choses de ce monde ; je n'ai aimé que mes caprices, au lieu de t'aimer toi, infiniment digne d'amour. Je n'ai pas l'encens de la prière, puisque j'ai malheureusement vécu sans penser à toi. Je n'ai pas la myrrhe de la mortification, puisque, pour ne m'être pas abstenu de plaisirs misérables, j'ai tant de fois contristé ta bonté infinie. Que t'offrirai-je donc ? Mon Jésus, je t'offre mon cœur, tout souillé, tout dénué qu'il est : accepte-le et change-le, puisque tu es venu ici-bas laver dans ton sang nos cœurs coupables et nous transformer ainsi de pécheurs en saints. Donne-moi donc cet or, cet encens, cette myrrhe qui me manquent. Donne-moi l'or de ton saint amour ; donne-moi l'encens, l'esprit de prière ; donne-moi la myrrhe, le désir et la force de me mortifier en tout ce qui te déplaît...
Ô Vierge sainte, tu as accueilli les pieux rois mages avec une vive affection et tu les as comblés ; daigne aussi m'accueillir et me consoler, moi qui viens, à leur exemple, faire visite et m'offrir à ton Fils. (1)

(1)Saint Alphonse-Marie de Liguori, Méditations pour l'octave de l'Épiphanie, n°1 (trad. Noël, Éds. Saint-Paul 1993, p. 302 rev.), source Evangile au quotidien