18 avril 2019

La grâce d’être libres - Jean Duchesne


Je découvre dans le dernier livre de mon ami Jean Duchesne un point de vue qui mérite d'être approfondi : "La liberté [des chrétiens], héritée de Dieu selon la gratuité qui le caractérise, est une grâce - un don gracieux qui ne se conquiert pas, parce que c'est une dynamique dans laquelle on est emporté et qui dope littéralement les ressources naturelles. On peut dire que, si la liberté est une grâce, elle n'est pas le fruit du désir et de la volonté, mais qu'à l'inverse cette grâce aiguise le désir et fortifie la volonté"(1)


Au delà de mes travaux sur le don de Dieu in l'Amphore et le Fleuve(2), percevoir la liberté comme une grâce divine a bien des atouts. Elle ouvre une piste pastorale au delà d'une morale excessive. 
Cela rejoint la tension kénotique exprimée dans ma courbe en V (Dieu se fait chair pour nous conduire à lui) (3). 

Au cœur de l'incarnation, contempler un Dieu qui s'agenouille pour nous emporter sur son chemin fait du  "Me voici" que l'on prononce à la suite de "l'où es-tu ?" (Gn 3) et du psaume 39 un acte libre. Choisir la vie. 
En suivant Duchesne, ce choix devient une grâce, c'est-à-dire que Dieu nous fait ce don, nous y conduit et nous y accompagne. A nous de nous laisser porter par ce fleuve...

(1) Jean Duchesne, Chrétiens, La Grâce d'être libre, Par delà les conformismes et les peurs, Paris, Artege, 2019, p. 9
(2) cf. mon livre éponyme
(3) cf. Au fil de Jn 18 et 19, homélie du vendredi Saint

17 avril 2019

Au fil de Jean 18-19 - Homélie du vendredi saint, La passion de notre seigneur selon saint Jean.

Cinquième ébauche...

Frères sœur entendons-nous le cri de Dieu vers l’homme ?
Entrons dans le silence. Entendons-nous son « J’ai soif »
Son « j’ai soif de toi », crié à l’humanité ?

Je vous propose de regarder d'abord un détail du texte lu ce soir avant de prendre un peu de recul.


Il y a entre les lignes, dans l'Évangile une triple affirmation de Jésus : « Je suis ». Il l'a redit trois fois dans le jardin ! Si vous ne l’avez pas entendu, prenez le temps ce soir de le relire.
Je suis… Comme nous l’expliquait Vital dernièrement, le « Moi Je suis » est l’affirmation propre de Dieu. On l’entend dans le récit du buisson ardent : Moi je Suis… (Ex 3). Le Christ nous révèle son Je suis, car il ne renie pas sa place. Si Dieu se tait sur la Croix c'est après avoir affirmé qu'il était Dieu. 
Face à ce "Je suis", devant qui tous tombent à terre, Pierre lance trois fois son « Je ne suis pas »… En grec, cela sonne très proche « ego eimi / ouk eimi » Je suis / Je ne suis pas…

Et nous, frère et sœurs… Qu'aurions nous répondu ? 
La question est difficile...  « Je suis avec toi ? Où, je ne suis pas… Il serait prétentieux d’affirmer que nous sommes plus forts que Pierre. Nous le savons, trop souvent nous fuyons.

Il nous faut maintenant prendre un peu de recul au delà de ce récit. 
S’il y a en effet un mouvement que cette triple affirmation et négation révèle et que l’on peut observer dans la nuit du vendredi Saint, c’est celui d'un grand V… Et je vous invite à le voir se dessiner dans votre cœur, en fermant les yeux...

Ce signe a commencé à être tracé par le Verbe de Dieu, dès le commencement du monde. C’est le signe de l’amour de Dieu qui sépare le ciel et la terre et nous donne déjà son amour par la finesse inouïe de sa Création.
C’est le signe donné à l’homme dans le jardin d’Eden, en plantant en son milieu un arbre fragile, que l’homme ne va pas voir…
Après ces merveilles qui font écho avec les dons que Dieu nous fait, résonne une question, qui amorce la descente de Dieu... Le mouvement du V se trace alors vers le bas. Alors qu'Adam cherche à monter, Dieu descend, se fait "plus bas"...

Où es-tu ? Demande Dieu à Adam… (cf. Gn 3, 9)
Cet où es-tu ? nous l’avons entendu tout au long de l'Évangile de Jean. Je vous l’ai déjà évoqué lors du récit de la Samaritaine, dans son « Donne moi à boire ». Il s’est entendu aussi, très discrètement hier dans le récit du lavement des pieds, quand Jésus se met à genoux devant l’homme et lui demande son amour.
Où es-tu homme ?

Le V trouve aujourd’hui son point bas, sur une Croix…
J’ai soif… (1) J'ai soif de toi...
Nous entrons maintenant dans le silence qui suit ce point bas… Dieu semble se taire...
Quand nous souffrons, nous avons du mal à l'entendre...
Et pourtant déjà Jean nous donne un signe que Dieu nous relève, dans ce cœur transpercé. Ce qui jaillit du coeur du Christ transpercé nous arrose de ses biens et nous introduit à la lumière éternelle de Dieu. Pour saint Jean en effet, l'eau et le sang, jaillissant du cœur du Christ est le signe d'un amour débordant, de ce grand fleuve que nous annonçait déjà Ezéchiel. 

Nous allons vite remonter vers l’autre face du V, vers la Résurrection. Mais ne remontons pas trop vite. Méditons d'abord ce V de Dieu vers l’homme, son agenouillement et son cri. « J’ai soif de toi ». A ce cri, dans le silence de la nuit répond le cri de l’homme souffrant. Jésus en allant jusqu’au bout de « Me voici » en répondant Oui à l’appel de Dieu dans le jardin, nous conduit jusqu’à l’heure où à notre tour nous ne répondrons plus, comme Pierre au jardin "je ne suis pas"… Disons dans notre cœur, devant un Dieu à genoux, ce « Me voici » qu’il attend depuis toute éternité. 

Le vendredi saint nous fait entrer dans le grand silence intérieur qui se poursuit jusqu'à Pâques. C’est d’abord le silence abasourdi de contempler ce qui a conduit l’homme Dieu à la Croix. Il peut ensuite devenir “silence habité de la Parole divine, laissant celle-ci agir et donner son fruit de louange et d‘action”(2).

Ce silence, nous le partageons avec tous les hommes. La grâce de Dieu qui nous habite nous permet peut-être de répondre à l’"où es-tu ?" Elle devient grâce de liberté(3), agir, réponse libre aux cris de l’homme. Écoutons ce soir, dans le silence, cet où es-tu de Dieu. C'est dans le silence que nous trouverons la force qui faisait défaut à Pierre. Nous avons reçu ce qu'il n'avait pas encore. Au fond de nous, la force de l'Esprit, au fond de notre cœur, nous appelle sans cesse à répondre, en toute liberté à l'appel. Alors, dans le silence, glissons un "Me voici, Seigneur"...

Écoutons sur ce point Edith Stein : "Auparavant, c'était le silence de la mort. À sa place succède un sentiment d'intime sécurité, de délivrance de tout ce qui est souci, obligation et responsabilité par rapport à l'agir. Et tandis que je m'abandonne à ce sentiment, voici qu'une vie nouvelle commence peu à peu à me combler et - sans aucune tension de ma volonté – à me pousser vers de nouvelles réalisations. Cet afflux vital semble venir d'une Activité et d'une Force qui n'est pas la mienne et qui, sans violence, devient active en moi" (4)

Ce détachement, ce décentrement est peut-être ce que Jean Duchesne décrit comme la grâce de la liberté. Il se nourrit de cette quête intérieure, est souffle au sein de la chambre haute, travail de l'Esprit, communion avec cette Activité et cette Force dont parle Edith Stein en utilisant des majuscules.

 Amen…

(2) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 267
(3) cf. Jean Duchesne, Chrétiens, la grâce d’être libres, Paris, Artege, p. 9
(4) Edith Stein, La causalité psychique, article de 1922, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 268

16 avril 2019

La chambre haute - Edith Stein

La chambre la plus intime de l'âme humaine 
Est le séjour favori de la Trinité
Son trône céleste sur la terre. (1)
"Le Seigneur est ma chambre haute" écrit Etty Hillesum sur une carte postale, alors que le convoi l'emmène vers l'extermination.
"Dieu est bien en nous, toute la Trinité sainte. Si nous apprenons seulement à construire à l'intérieur de nous, une cellule bien scellée et à nous y retirer aussi souvent que possible, rien ne peut nous manquer, en quelque endroit du monde que nous soyons." (2)
"Aucun de nous n'arrive jamais à pénétrer totalement dans son fond intime (...) la liberté de l'esprit est plénitude (3)

(1) Edith Stein, Je demeure parmi vous. Source. Œuvres spirituelles Ad solem- Cerf, 1998, p. 327-334. François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 259
(2) Ibid. lettre du 20/19/38
(3) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 261

Hommage à Notre Dame de Paris en feu - Les pierres crient

Quand le fouet a déchiré
L'homme-Dieu,
Quand on a frappé l'amour innocent,
On attendait ce jour-là
Que les pierres crient.


 Mais les pierres se sont tues,
La colère s'est perdue
Dans l'oubli.

Quand l'épine a couronné
L'homme-Dieu,
Quand on a montré l'amour enchaîné,
On attendait ce jour-là
Que les pierres crient.


 Mais les pierres se sont tues,
La colère s'est perdue
Dans l'oubli.

Quand on a cloué au bois
L'homme-Dieu,
Quand on a dressé l'amour sur la croix,
On attendait ce jour-là
Que s'ouvre le ciel.


 Le ciel n'a pas répondu,
La prière s'est perdue
Dans la nuit.
Quand on a percé au flanc
L'homme-Dieu,
Quand on a jeté l'amour
Au tombeau,
On attendait ce jour-là
Que s'ouvre le ciel.


 Le ciel n'a pas répondu,
La prière s'est perdue
Dans la nuit. (1)


Images (DR) CHD, Hymne, source AELF, Office des lectures du 16 avril

14 avril 2019

Homélie des Rameaux - Saint André de Crète

Gloire au Christ vainqueur de la mort. 
Venez, gravissons ensemble le mont des Oliviers ; allons à la rencontre du Christ. Il revient aujourd'hui de Béthanie et il s'avance de son plein gré vers sa sainte et bienheureuse passion, afin de mener à son terme le mystère de notre salut.
Il vient donc, en faisant route vers Jérusalem, lui qui est venu du ciel pour nous, alors que nous étions gisants au plus bas, afin de nous élever avec lui, comme l'explique l'Écriture, au-dessus de toutes les puissances et de toutes les forces qui nous dominent, quel que soit leur nom.
Mais il vient sans ostentation et sans faste. Car, dit le prophète, il ne protestera pas, il ne criera pas, on n'entendra pas sa voix. Il sera doux et humble, il fera modestement son entrée. ~
Alors, courons avec lui qui se hâte vers sa passion, imitons ceux qui allèrent au-devant de lui. Non pas pour répandre sur son chemin, comme ils l'ont fait, des rameaux d'olivier, des vêtements ou des palmes. C'est nous-mêmes qu'il faut abaisser devant lui, autant que nous le pouvons, l'humilité du cœur et la droiture de l'esprit afin d'accueillir le Verbe qui vient, afin que Dieu trouve place en nous, lui que rien ne peut contenir.
Car il se réjouit de s'être ainsi montré à nous dans toute sa douceur, lui qui est doux, lui qui monte au dessus du couchant, c'est-à-dire au-dessus de notre condition dégradée. Il est venu pour devenir notre compagnon, nous élever et nous ramener vers lui par la parole qui nous unit à Dieu.
Bien que, dans cette offrande de notre nature humaine, il soit monté au sommet des cieux, à l'orient, comme dit le psaume, j'estime qu'il l'a fait en vertu de la gloire et de la divinité qui lui appartiennent. En effet, il ne devait pas y renoncer, à cause de son amour pour l'humanité, afin d'élever la nature humaine au-dessus de la terre, de gloire en gloire, et de l'emporter avec lui dans les hauteurs.
C'est ainsi que nous préparerons le chemin au Christ : nous n'étendrons pas des vêtements ou des rameaux inanimés, des branches d'arbres qui vont bientôt se faner, et qui ne réjouissent le regard que peu de temps. Notre vêtement, c'est sa grâce, ou plutôt c'est lui tout entier que nous avons revêtu : Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ. C'est nous-mêmes que nous devons, en guise de vêtements, déployer sous ses pas.
Par notre péché, nous étions d'abord rouges comme la pourpre, mais le baptême de salut nous a nettoyés et nous sommes devenus ensuite blancs comme la laine. Au lieu de branches de palmier, il nous faut donc apporter les trophées de la victoire à celui qui a triomphé de la mort.
Nous aussi, en ce jour, disons avec les enfants, en agitant les rameaux qui symbolisent notre vie : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d'lsraël !
Saint André de Crète, Homélie pour le dimanche des Rameaux, source Bréviaire AELF

Au fil de Luc 22 et 23, dimanche des Rameaux, homélie 3

Troisième ébauche
Frères et sœurs, en ce jour des Rameaux se pose une grande question, comme le point ultime de notre vie : En quoi croyez-vous ? 
Qui est votre roi ? 
Est-ce un roi de toute puissance ou un roi de faiblesse ? 

Une tension apparaît en effet entre le roi acclamé pour les rameaux et ce Christ mort sur une croix. C’est dans l’intervalle entre notre rêve de royaume et de protection et cette faiblesse du Christ en croix que se situe le cœur de notre foi et qu’il nous faut méditer aujourd’hui. 

C'est une question essentielle et qui interpelle aujourd'hui jusqu'à l'essence même de notre Église. [sans plus de commentaire]

Si nous croyons en un roi tout-puissant, alors pourquoi le mal, pourquoi la liberté, pourquoi l'amour...

Méfions nous de nos désirs de puissance, nos projections. Si nous projetons nos désirs sur un Dieu tout puissant c'est que nous avons nous-mêmes un désir de puissance et de pouvoir. Le pouvoir, la toute puissance c'est ce qu'attendaient un peu cette foule qui acclame Jésus aux Rameaux. La protection d'un roi ?

Et nous qu'attendons nous de Dieu ?

Les textes que nous avons entendu, la première lecture, Isaïe 50 et les Philippiens nous aide à rentrer dans cette tension particulière. ces textes nous aide à contempler le Christ dans sa faiblesse, faiblesse qui n’est pas une lâcheté mais une humilité et une faiblesse au sens particulier que lui donne Paul (c’est quand je suis faible que je suis fort" (2 Co 12) et qui nous dévoile l’amour. 

L’amour de Dieu porté jusqu’au bout, jusqu’à son paroxysme. L’amour qui va jusqu’au silence, qui va jusque dans la bienveillance vis-à-vis de Judas, dans ce refus de la violence, un refus de sortir l’épée pour se laisser entraîner comme un agneau à l’abattoir, un silence qui n’a d’autres buts que de montrer l’échec de la violence, le non sens de mon désir de puissance.

La leçon des Rameaux, la leçon de Jésus c’est que ce Dieu tout puissant que nous vénérons n’est pas le vrai Dieu. C’est le Dieu de nos désirs et non le Dieu amour.

Pourquoi en effet Jésus monte-il sur un petit âne fragile et non sur un cheval ?

Pourquoi se laisse-t-il conduire « à l’abattoir ? »
Comme un agneau sans tâche au milieu des loups. Relisons ce que dit Isaïe 
« Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille,
et moi, je ne me suis pas révolté,
je ne me suis pas dérobé.
    J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient,
et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe.
Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.. »

Pourquoi s’enfermer dans le silence devant ses accusateurs 
La clé de lecture des Rameaux se révèle dans l’hymne aux Philippiens, Prenez le temps de méditer cette lettre de Paul cette semaine. Elle est centrale pour comprendre la passivité de Jésus dans sa Passion. Son silence, sa douleur, son abandon de tout pouvoir fait de lui un véritable compagnon de nos souffrances.

« Le Christ Jésus,
    ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.
    Mais il s’est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect,
    il s’est abaissé,
devenant obéissant jusqu’à la mort »

La toute puissance de Dieu n’est pas violence. Elle n’est pas un royaume au sens des hommes. Elle est faiblesse, humilité, kénose. Elle est amour.

« Ai-je autant aimé les anges ? Non, c'est toi, le misérable, que j'ai chéri. J'ai caché ma gloire et moi, le Riche, je me suis fait pauvre délibérément, car je t'aime beaucoup. Pour toi, j'ai souffert la faim, la soif, la fatigue. J'ai parcouru montagnes, ravins et vallons en te cherchant, brebis égarée ; j'ai pris le nom de l'agneau pour te ramener en t'attirant par ma voix de pasteur, et je veux donner ma vie pour toi, afin de t'arracher à la griffe du loup. Je supporte tout pour que tu cries : « Tu es béni, toi qui viens rappeler Adam ».(1)

Dieu n’est qu’amour nous disait le père Varillon (2)
Dieu n’est qu’amour... C’est en contemplant la Croix que se révèle en nous la clé de ce « que ». Et dans cette folie de l’amour divin se joue l’invitation fragile de Dieu à le suivre.

La puissance de Dieu est folie pour les hommes. Elle se contemple sur la croix. Pourquoi le rideau se déchire de haut en bas ? Parce que ce qui était caché aux juifs dans le temple est maintenant dévoilé : l’amour de Dieu est visible. Il est cloué sur la Croix. Il se donne aujourd’hui dans cette eucharistie que nous allons célébré : 
Soyons à notre tour, amour. Ne laissons pas le Christ mourir pour rien (3)

(1) Saint Romanos le Mélode, Hymne 32 (trad. SC 128, p. 31s, rev)
(2) François Varillon, Joie de croire, joie de vivre
(3) Sur ce thème voir mes développements en Sur les pas de Jean et Dieu n’est pas Violent.


11 avril 2019

Au fil de Jean 8,51-59 - Le sacrifice - Tressaillement d’Abraham

En ce temps-là, Jésus disait aux Juifs : « Amen, amen, je vous le dis : si quelqu'un garde ma parole, jamais il ne verra la mort. »
Les Juifs lui dirent : « Maintenant nous savons bien que tu as un démon. Abraham est mort, les prophètes aussi, et toi, tu dis : "Si quelqu'un garde ma parole, il ne connaîtra jamais la mort."
Es-tu donc plus grand que notre père Abraham ? Il est mort, et les prophètes aussi sont morts. Pour qui te prends-tu ? »
Jésus répondit : « Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien ; c'est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites : "Il est notre Dieu",
alors que vous ne le connaissez pas. Moi, je le connais et, si je dis que je ne le connais pas, je serai comme vous, un menteur. Mais je le connais, et sa parole, je la garde. Abraham votre père a exulté, sachant qu'il verrait mon Jour. Il l'a vu, et il s'est réjoui. » Les Juifs lui dirent alors : « Toi qui n'as pas encore cinquante ans, tu as vu Abraham ! » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : avant qu'Abraham fût, moi, JE SUIS. »
Alors ils ramassèrent des pierres pour les lui jeter. Mais Jésus, en se cachant, sortit du Temple. » (1)

Il existe un lien mystique entre Jésus et Abraham et ce lien réside dans la contemplation de ce récit énigmatique du sacrifice. C'est en méditant la foi du patriarche qui avance, aveugle, vers un Dieu qui semble lui demander l'impossible et l'improbable que se révèle le sens même de la Croix. 
L'erreur serait de croire en un Dieu sadique qui exige le sacrifice des premiers nés (tentation des religions pré-judaïque). Le récit du sacrifice d'Abraham, à la lumière de celui du Christ est une conversion du regard. Dieu ne demande pas l'impossible. Écoutons sur ce point Origène (v. 185-253), prêtre et théologien : « Abraham a tressailli d'allégresse dans l'espoir de voir mon jour. Et il l'a vu »
« Abraham prit le bois de l'holocauste et le chargea sur son fils Isaac ; lui-même prit en mains le feu et le couteau, et ils s'en allèrent tous deux ensemble. Isaac dit à son père : Voilà le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste ? À quoi Abraham répondit : L'agneau pour l'holocauste, Dieu y pourvoira, mon fils » (Gn 22,6-8). Cette réponse d'Abraham, à la fois exacte et prudente, me frappe. Je ne sais pas ce qu'il voyait en esprit, car il ne s'agit pas du présent mais de l'avenir quand il dit : « Dieu y pourvoira ». À son fils qui l'interroge sur le présent, il parle de l'avenir. C'est que le Seigneur lui-même devait pourvoir à l'agneau dans la personne du Christ...
« Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils. » Rapprochons de cela les paroles de l'apôtre Paul où il est dit de Dieu qu'il « n'a pas épargné son propre Fils, mais qu'il l'a livré pour nous tous » (Rm 8,32). Voyez avec quelle magnifique générosité Dieu rivalise avec les hommes : Abraham a offert un fils mortel qui en fait ne devait pas mourir, tandis que Dieu a livré à la mort pour les hommes un Fils immortel...
« Et, se retournant, Abraham leva les yeux, et voici qu'un bélier était retenu par les cornes dans un buisson. » Le Christ est le Verbe de Dieu, mais « le Verbe s'est fait chair » (Jn 1,14)... Le Christ souffre, mais c'est dans sa chair ; il subit la mort, mais c'est sa chair qui la subit, dont le bélier est ici le symbole. Comme le disait Jean : « Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde » (Jn 1,29). Le Verbe au contraire est demeuré dans l'incorruptibilité ; c'est lui le Christ selon l'esprit, celui dont Isaac est l'image. Voilà pourquoi il est à la fois victime et grand prêtre. Car, selon l'esprit, il offre la victime à son Père, et selon la chair, lui-même est offert sur l'autel de la croix. (2)

Ne croyons pas ceux qui exige un sacrifice impossible. « «Tu n’as pas pris plaisir au sacrifice ni à l’offrande: tu m’as ouvert les oreilles; tu n’as demandé ni holocauste ni sacrifice pour le péché. Alors j’ai dit: Je viens avec le livre-rouleau écrit pour moi. Je désire faire ta volonté, mon Dieu, et ta loi est au fond de mes entrailles (Psaumes‬ ‭40:7-9‬) », c'est en méditant le psaume 39 (40) que s'éclaire à la fois la folie salvatrice du Fils et l'amour souvent incompris du Père. (3)





(1) Traduction Liturgique de la Bible, AELF, Paris
(2) Origène, Homélies sur la Genèse, VIII, 6, 8, 9 : PG 12, 206-209 (trad. Orval)
(3) cf. sur ce point Paul Beauchamp, d'une Montagne à l'autre et mon commentaire in « J'ai soif » repris dans Dieu n'est pas violent.

09 avril 2019

Prologue 2

Qu'est-ce que cette mansarde ? Où nous conduit le rejet brutal que relate Simone Weil dans son Prologue. Est-ce «la foi obscure ? Cette obstination ne serait-elle pas la trace de cette présence que Simone aurait sentie et qui, parce qu'elle est « inaccessible et au sens et à l'imagination », ne peut être saisie (pensée) que grâce à la simple approximation  de l'analogie qu'en offre « le plus tendre souvenir d'être aimé ? » (…) Simone convoque d'un coup toute la tradition mystique de la nuit : ce « fond »cher à Maître Eckhart et à l'école rhéno-flamande ; ce point passionnément recherché par Pétrarque, exploré par Jean de la Croix, centre de gravité, centre de l'âme. (1)

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 209

Prologue - Simone Weil

Comme le précise François Marxer, un texte a visiblement beaucoup  inspiré Simone Weil dans sa conversion :
« Amour m'a dit d'entrer, mon âme a reculé 
Pleine de poussière et péché.
Mais amour aux yeux vifs, en me voyant faiblir, 
De plus en plus, le seuil passé, 
Se rapprocha de moi et doucement s'enquit
Si quelque chose me manquait.

Un hôte, répondis-je, digne d'être ici.
Or, dit Amour, ce sera toi.
Moi, le sans-cœur, le très ingrat ? Oh mon aimé,
Je ne puis pas te regarder. 
Amour en souriant prit ma main il me dit :
Qui est donc fit les yeux sinon moi ?

Oui, mais j'ai souillé les miens, Seigneur.
Que ma honte s'en aille où elle a mérité.
Ne sais tu pas, dit Amour, qui a porté la faute ?
Lors, mon aimé, je veux servir.
Assieds toi, dit Amour, goûte ma nourriture.
Ainsi j'ai pris place et mangé. (1)

Ce poème mérite qu'on s'y arrête effectivement. Mais le plus surprenant nous dit F. Marxer c'est qu'il la conduit beaucoup plus loin, dans une juxtaposition créatrice et libérante entre joie et malheur, présence et silence jusqu'à cet étonnant Prologue que je vous invite à méditer :

« Il entra dans ma chambre et dit : « Misérable qui ne comprend rien, qui ne sait rien. Viens avec moi et je t'enseignerai des choses dont tu ne te doutes pas ». Je le suivis. Il m'emmena dans une église. Elle était neuve et laide. Il me conduisit en face de l'autel et me dit : « Agenouille-toi. » Je lui dis. « Je n'ai pas été baptisé. » Il dit : « Tombe à genoux devant ce lieu avec amour comme devant le lieu où existe la vérité. » J'obéis.
Il me fit sortir et monter jusqu'à une mansarde  d'où l'on voyait par la fenêtre ouverte toute la ville, quelques échafaudages de bois, le fleuve où l'on déchargeait des bateaux. Il me fit asseoir.
Nous étions seuls. Il parla. Parfois quelqu'un entrait, se mêlait à la conversation, puis partait. 
Ce n'était plus l'hiver. Ce n'était pas encore le printemps. Les branches des arbres étaient nues, sans bourgeons, dans un air froid et plein de soleil.
La lumière montait, resplendissait, diminuait, puis les étoiles et la lune entraient par la fenêtre. Puis de nouveau l'aurore montait.
Parfois il se taisait, tirait d'un placard un pain, et nous le partagions. Ce pain avait vraiment le goût du pain. Je n'ai jamais plus retrouvé ce goût. Il me versait ce verset du vin qui avait le goût du soleil et de la terre où était bâtie cette cité.
Parfois nous étendions sur le plancher de la mansarde, et la douceur du sommeil descendait sur moi. Puis je me réveillais et je buvais la lumière du soleil.
Il m'avait promis un enseignement, mais il ne m'enseigna rien. Nous causions de toutes sortes de choses, à bâtons rompus, comme font de vieux amis.
Un jour il me dit : « Maintenant va-t'en. » Je tombait à genoux, j'embrassai ces jambes, je le suppliai de ne pas me chasser. Mais il me jeta dans l'escalier. Je le descendis sans rien savoir, le cœur comme en morceaux. Je marchai dans les rues. Puis je m'aperçus que je ne savais pas du tout où se trouvait cette maison.
Je n'ai jamais essayé de la retrouver. Je comprenais qu'il était venu me chercher par erreur. Ma place n'était pas dans cette mansarde. Elle est n'importe où, dans un cachot de prison, dans un de ces salons bourgeois plein de bibelots et de peluches rouges, dans une salle d'attente de gare. N'importe où mais pas dans cette mansarde.
Je ne peux pas m'empêcher quelquefois, avec crainte et remords, de me répéter un peu de ce qu'il m'a dit. Comment savoir si je me rappelle exactement ? Il n'est pas là pour me le dire.
Je sais bien qu'il ne m'aime pas. Comment pourrait-il m'aimer ? Et pourtant au fond de moi quelque chose, un point de moi-même, ne peut pas s'empêcher de penser en tremblant de peur que peut-être, malgré tout il m'aime ».(2)

Qu'en est-il ? Une fable ? Une histoire intemporelle ? Ceux qui ont eu la joie de lire le livre longtemps cité ici de François Cassingena-Trévédy (Pour toi quand tu pries) auront-ils peut-être comme moi cette clé particulière d'interprétation qui voit dans « la mansarde » l'évocation de la chambre intérieure où Dieu se glisse et nous séduit avant de laisser en nous pleine liberté et responsabilité. Notre auteur ne pense pas différemment : «  Prologue est une fable, une fable mystique, authentiquement, qui fait parler, qui déverrouille et engendre notre parole à nous, lecteurs, car loin d'être un témoignage autobiographique de Simone - avez-vous remarqué le : « je ne suis pas baptisé… » au masculin, neutralisé en quelque sorte ? – Cette fable, en faisant jouer les facettes des symboles, me révèle, dans la condensation de cette trajectoire, les profondeurs et les abîmes, joie et malheur mêlés, de ma destinée, de tout destinée humaine ». (3)

(1) George Herbert, Love, traduction de J. Mambrino, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 194
(2) Simone Weil, Prologue, Œuvres p. 806-807, cité par Marxer, ibid. p. 200sq
(3) Marxer, ibid. p. 202

07 avril 2019

Au fil de Jean 8

« La Loi avait ordonné de lapider les adultères. Or la Loi ne pouvait prescrire une injustice ; et si quelqu'un parlait contre ce que la Loi commandait, il était coupable d'injustice. Aussi les pharisiens se dirent-ils entre eux à propos de Jésus : « Il a réputation d'être vrai, il respire la douceur ; c'est sur la justice qu'il nous faut l'attaquer. Amenons-lui une femme prise en flagrant délit d'adultère et disons-lui ce que la Loi ordonne à son sujet. » ~

Que répond le Seigneur Jésus ? Que répond la Vérité ? Que répond la Sagesse ? Que répond la Justice elle-même ainsi mise en cause ? Jésus ne dit pas : « Qu'elle ne soit pas lapidée », car il ne veut pas avoir l'air de parler contre la Loi. Cependant, il se garde bien de dire : « Qu'elle soit lapidée », car il est venu non pour perdre ce qu'il a retrouvé, mais pour chercher ce qui est perdu. Alors, que répond-il ? Voyez comme il est rempli de justice, de douceur et de vérité ! Que celui d'entre vous qui est sans péché, dit-il, lui jette la première pierre. Réponse de sagesse. Comme il les fait rentrer en eux-mêmes ! ~ Leurs manœuvres étaient extérieures, mais ils ne regardaient pas au fond de leur propre cœur. Ils voyaient l'adultère, mais ils ne s'observaient pas eux-mêmes. Or quiconque s'observe attentivement se découvre pécheur. C'est inévitable. Donc, ou bien rendez la liberté à cette femme, ou bien subissez avec elle le châtiment de la Loi.

Si Jésus avait dit : « Qu'on ne lapide pas l'adultère », il aurait été convaincu d'injustice. S'il avait dit : « Qu'elle soit lapidée », il aurait paru manquer de douceur. Il dira donc : Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre. C'est la voix de la justice. Que la coupable soit punie, mais non par des coupables ; que la Loi soit mise à exécution, mais non par ceux qui violent la Loi. C'est tout à fait la voix de la justice. Frappés par cette justice comme par un fer de lance, ils rentrèrent en eux-mêmes et, se découvrant pécheurs, ils se retirèrent l'un après l'autre. ~

La femme restait donc seule. Tous étaient partis. Et Jésus leva les yeux sur la femme. Nous avons entendu la voix de la justice, écoutons celle de la douceur. Je pense en effet que cette femme devait être bien effrayée par cette parole du Seigneur : Que celui d'entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre. Ces hommes étaient rentrés en eux-mêmes, et leur départ était un aveu. Mais ils avaient laissé la femme avec sa grande faute à celui qui était sans péché. Et comme elle avait entendu cette parole de Jésus, elle s'attendait à être châtiée par celui en qui ne se trouvait aucun péché. Mais lui, après avoir repoussé ses adversaires par la voix de la justice, lève sur elle les yeux de la miséricorde et lui demande : Personne ne t'a condamnée ? — Personne, répond-elle. — Moi non plus, dit Jésus, je ne te condamnerai pas. Moi par qui tu croyais être condamnée parce que tu n'as pas trouvé en moi le péché, moi non plus je ne te condamnerai pas. Quoi, Seigneur ? Tu favorises le péché ? Certes non. Écoute ce qui suit : Va, et désormais ne pèche plus. Le Seigneur a porté condamnation, lui aussi, mais contre le péché, et non pas contre l'homme. (1)
A méditer 
(1) Saint Augustin, commentaire de l'Évangile de Jean, source bréviaire du 5 émérite dimanche de carême 

04 avril 2019

Inaccessible chasteté ?

Peut-on vivre sans tendresse, dans le don de soi pur, sans compensation ni joie immédiate ? Le décentrement, l'abnégation, la chasteté sont ils inaccessibles à l'homme ? Peut-être pas sans Dieu.
Si l'Église souffre dans sa chair c'est parce que la barre est haute, très haute.
Honneur à ceux qui donnent vraiment et totalement leurs vies à cet agapè et prions pour ceux qui tombent sur le chemin.
Prions aussi pour les victimes de cette illusion.
a prye est étroite pour les riches de Dieu, comme pour les riches d’autres richesses. Ala croix il ne restait qu’un homme et quelques femmes

31 mars 2019

Au fil de Luc 15, un temps de réconciliation

Une après-midi sur la réconciliation


Méditer les dons de Dieu
Entrer au cœur du carême dans un chemin de réconciliation c'est s'inscrire dans une dynamique de joie et de grâce. Cela commence par un temps intérieur où je remercie le Seigneur  pour les dons, toujours immenses qu'il m'a fait. Et c'est dans cette constatation de l'immensité de l'amour de Dieu que je prends conscience de ce qu'il me reste à accomplir. La méditation de la parabole des talents s'inscrit là dedans.
Silence

Lecture de Matthieu 25 - Les talents
Jésus parlait à ses disciples de sa venue; il disait cette parabole: «Un homme qui partait en voyage appela ses serviteurs et leur confia ses biens. À l'un il donna une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul, à chacun selon ses capacités. Puis il partit. Aussitôt, celui qui avait reçu cinq talents s'occupa de les faire valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres. Mais celui qui n'en avait reçu qu'un creusa la terre et enfouit l'argent de son maître. Longtemps après, leur maître revient et il leur demande des comptes. Celui qui avait reçu les cinq talents s'avança en apportant cinq autres talents et dit: "Seigneur, tu m'as confié cinq talents; voilà, j'en ai gagné cinq autres. — Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître." Celui qui avait reçu deux talents s'avança ensuite et dit: "Seigneur, tu m'as confié deux talents; voilà, j'en ai gagné deux autres. — Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître." Celui qui avait reçu un seul talent s'avança ensuite et dit: "Seigneur, je savais que tu es un homme dur: tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain. J'ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t'appartient." Son maître lui répliqua: "Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n'ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l'ai pas répandu. Alors, il fallait placer mon argent à la banque; et, à mon retour, je l'aurais retrouvé avec les intérêts. Enlevez-lui donc son talent, et donnez-le à celui qui en a dix. 
Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l'abondance. Mais celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a. " »(1)
Silence et méditation sur les dons que Dieu m'a fait.
Dieu m'a fait des dons et j'ose les reconnaître, tout en réalisant que ce trésor reste enfoui parfois parmi d'autres préoccupations, que j'oublie de faire grandir, de partager, de faire fructifier.

Le temps du désert


Le jeûne est source de joie, car il se fonde sur la vraie joie, celle qui nous conduit à l'Époux. Écoutons sur ce point ce que nous dit Jean Paul II :

« Parmi les pratiques pénitentielles que nous propose l'Église, surtout en ce temps de Carême, il y a le jeûne. Il comporte une sobriété spéciale (...), pratiqué en signe de conversion, il facilite l'effort intérieur pour se mettre à l'écoute de Dieu. Jeûner, c'est réaffirmer à soi-même ce que Jésus répliqua à Satan qui le tentait au terme de quarante jours de jeûne au désert : « L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Aujourd'hui, spécialement dans les sociétés de bien-être, on comprend difficilement le sens de cette parole évangélique. La société de consommation, au lieu d'apaiser nos besoins, en crée toujours de nouveaux, engendrant même un activisme démesuré... Entre autres significations, le jeûne pénitentiel a précisément pour but de nous aider à retrouver l'intériorité.
L'effort de modération dans la nourriture s'étend aussi à d'autres choses qui ne sont pas nécessaires et apporte un grand soutien à la vie de l'esprit. Sobriété, recueillement et prière vont de pair. On peut faire une application opportune de ce principe en ce qui concerne l'usage des moyens de communication de masse. Ils ont une utilité indiscutable mais ils ne doivent pas devenir les « maîtres » de notre vie. Dans combien de familles le téléviseur semble remplacer, plutôt que faciliter, le dialogue entre les personnes ! Un certain « jeûne », dans ce domaine aussi, peut être salutaire, soit pour consacrer davantage de temps à la réflexion et à la prière, soit pour cultiver les rapports humains.
Quel est l'enjeu sinon de nous libérer de toutes ces addictions, de toutes ces adhérences qui nous retiennent vers le « monde » et nous privent de la double dimension qui nous conduit à Dieu et aux autres ?
Au nom d'un certain confort et d'une quête addictive aux distractions qui s'enchaînent et nous enchaînent nous oublions que tout vient de Dieu et qu'il appelle à répondre au cri de nos frères.
Quel est l'enjeu du jeûne si ce n'est de trouver au fond de soi la véritable prière qui est lumière de l'âme ? Écoutons sur ce point une vieille homélie du Vème siècle :
« Le bien suprême, c'est la prière, l'entretien familier avec Dieu. Elle est communication avec Dieu et union avec lui. De même que les yeux du corps sont éclairés quand ils voient la lumière, ainsi l'âme tendue vers Dieu est illuminée par son inexprimable lumière. La prière n'est donc pas l'effet d'une attitude extérieure, mais elle vient du cœur. Elle ne se limite pas à des heures ou à des moments déterminés, mais elle déploie son activité sans relâche, nuit et jour.
En effet, il ne convient pas seulement que la pensée se porte rapidement vers Dieu lorsqu'elle s'applique à la prière ; il faut aussi, même lorsqu'elle est absorbée par d'autres occupations — comme le soin des pauvres ou d'autres soucis de bienfaisance —, y mêler le désir et le souvenir de Dieu, afin que tout demeure comme une nourriture très savoureuse, assaisonnée par l'amour de Dieu, à offrir au Seigneur de l'univers. Et nous pouvons en retirer un grand avantage, tout au long de notre vie, si nous y consacrons une bonne part de notre temps.
La prière est la lumière de l'âme, la vraie connaissance de Dieu, la médiatrice entre Dieu et les hommes.
Par elle, l'âme s'élève vers le ciel, et embrasse Dieu dans une étreinte inexprimable ; assoiffée du lait divin, comme un nourrisson, elle crie avec larmes vers sa mère. Elle exprime ses volontés profondes et elle reçoit des présents qui dépassent toute la nature visible.
Car la prière se présente comme une puissante ambassadrice, elle réjouit, elle apaise l'âme.
Lorsque je parle de prière, ne t'imagine pas qu'il s'agisse de paroles. Elle est un élan vers Dieu, un amour indicible qui ne vient pas des hommes et dont l'Apôtre parle ainsi : Nous ne savons pas prier comme il faut, mais l'Esprit lui-même intervient pour nous par des cris inexprimables.
Une telle prière, si Dieu en fait la grâce à quelqu'un, est pour lui une richesse inaliénable, un aliment céleste qui rassasie l'âme. Celui qui l'a goûté est saisi pour le Seigneur d'un désir éternel, comme d'un feu dévorant qui embrase son cœur.
Lorsque tu la pratiques dans sa pureté originelle, orne ta maison de douceur et d'humilité, illumine-la par la justice ; orne-la de bonnes actions comme d'un revêtement précieux ; décore ta maison, au lieu de pierres de taille et de mosaïques, par la foi et la patience. Au-dessus de tout cela, place la prière au sommet de l'édifice pour porter ta maison à son achèvement. Ainsi tu te prépareras pour le Seigneur comme une demeure parfaite. Tu pourras l'y accueillir comme dans un palais royal et resplendissant, toi qui, par la grâce, le possèdes déjà dans le temple de ton âme.(2)

Long cri vers Dieu dans la détresse,
mains levées, cœur ouvert,
remise totale au Père,
force de la faiblesse,
Jésus, notre prière,
ouvre-nous le chemin vers le Père.
Que ta bienveillance nous accompagne, Seigneur, durant ces jours de privation, pour que la discipline imposée à nos corps soit vraiment pratiquée avec amour.

Le jeûne n'est pas une fin en soi. La prière nous aide à en trouver le sens. Ce dernier est inscrit dans une histoire d'alliance. je jeûne parce que je veux retrouver cet amour perdu.
Ensuite, viens le temps où je me souviens aussi de ce qui m'a éloigné de ce chemin qui va de la réception au don.

Ces adhérences au monde, ce mal, ces addictions dont nous sommes complices, volontaires ou parfois malgré nous peuvent être de trois ordres, comme le souligne saint Jean dans sa première lettre : ce qui est de l'ordre de l'avoir (j'ai et je ne partage pas, ou j'en veux plus : gourmandise, avarice, concupiscence), ce qui est de l'ordre du pouvoir (violence, abus, médisance, jugement), ou enfin du valoir (orgueil, mépris, etc.)…
Silence

Écoutons maintenant ce texte qui nous décrit Jésus poussé par l'Esprit au désert. Pourquoi d'ailleurs y est-il poussé sinon parce qu'il veut connaître et vivre ce qui fait notre lot d'homme, la tentation, la solitude....

Lecture du texte (tentations du Christ)

01 Jésus, rempli d'Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l'Esprit, il fut conduit à travers le désert 02 où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim. 03 Le diable lui dit alors : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. » 04 Jésus répondit : « Il est écrit : L'homme ne vit pas seulement de pain. » 05 Alors le diable l'emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre. 06 Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m'a été remis et je le donne à qui je veux. 07 Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. » 08 Jésus lui répondit : « Il est écrit : C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. » 09 Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d'ici jette-toi en bas ; 10 car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l'ordre de te garder ; 11 et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » 12 Jésus lui fit cette réponse : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. » 13 Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s'éloigna de Jésus jusqu'au moment fixé.
Silence et méditation

A - Temps de discussion en petit groupe


  1. Quels sont les tentations du Christ ?
  2. Comment les qualifierions nous aujourd'hui ?
  3. Qu'est-ce que cela dit sur nous, ce qui nous détourne de Dieu
  4. Comment s'en sortir ?

Pour aller plus loin :
« Le diable s'est attaqué au premier homme, notre parent, par une triple tentation : il l'a tenté par la gourmandise, par la vanité et par l'avidité. Sa tentative de séduction a réussi, puisque l'homme, en donnant son consentement, a été alors soumis au diable. Il l'a tenté par la gourmandise, en lui montrant sur l'arbre le fruit défendu et en l'amenant à en manger ; il l'a tenté par la vanité, en lui disant : « Vous serez comme des dieux » ; il l'a tenté enfin par l'avidité, en lui disant : « Vous connaîtrez le bien et le mal » (Gn 3,5). Car être avide, c'est désirer non seulement l'argent, mais aussi toute situation avantageuse, désirer, au-delà de la mesure, une situation élevée...
Le diable a été vaincu par le Christ qu'il a tenté d'une manière tout à fait semblable à celle par laquelle il avait vaincu le premier homme. Comme la première fois, il le tente par la gourmandise : « Ordonne que ces pierres se changent en pains » ; par la vanité : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas » ; par le désir violent d'une belle situation, quand il lui montre tous les royaumes du monde et lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si tu tombes à mes pieds et m'adores »...
Il est une chose qu'il faut remarquer dans la tentation du Seigneur : tenté par le diable, le Seigneur a riposté par des textes de la Sainte Écriture. Il aurait pu jeter son tentateur dans l'abîme par le Verbe qu'il était lui-même. Et pourtant il n'a pas eu recours à son pouvoir puissant ; il a seulement mis en avant les préceptes de la Sainte Écriture. Il nous montre ainsi comment supporter l'épreuve, de sorte que, lorsque des méchants nous font souffrir, nous soyons poussés à recourir à la bonne doctrine plutôt qu'à la vengeance. Comparez la patience de Dieu à notre impatience. Nous, quand nous avons essuyé des injures ou subi une offense, dans notre fureur nous nous vengeons nous-mêmes autant que nous le pouvons, ou bien nous menaçons de le faire. Le Seigneur, lui, endure l'adversité du diable sans y répondre autrement que par des mots paisibles ».
Alors que Dieu au jardin cherche l'homme, dans un « où es-tu ? » qui résonne encore dans le jardin, Jésus, par le jeûne et la prière nous conduit vers un « me voici » qui fait écho au psaume 50, et aboutit sur une croix. La seule réponse valide au diviseur qui cherche à mettre en avant nos désirs de pouvoir, de valoir ou d'avoir est l'abaissement, la faiblesse, l'humilité, la kénose.
Méditons sous ce prisme les trois réponses du Christ :
« L'homme ne vit pas seulement de pain. »
« Il est écrit : C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. »
« Il est dit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Elles nous conduisent au delà du désert vers l'essentiel : l'écoute de la Parole vraies nourriture, l'humilité devant le très haut, et la faiblesse.
Les pas du Christ au désert nous conduisent à méditer sur ce que nous avons fait, depuis le début du carême pour nous libérer de ce qui nous empêche d'aimer Dieu et nos frères...

Lecture du psaume 50

03 Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché.  04 Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. 05 Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi.  06 Contre toi, et toi seul, j'ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait. Ainsi, tu peux parler et montrer ta justice, être juge et montrer ta victoire.  07 Moi, je suis né dans la faute, j'étais pécheur dès le sein de ma mère. 08 Mais tu veux au fond de moi la vérité ; dans le secret, tu m'apprends la sagesse. 09 Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur ; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige.  10 Fais que j'entende les chants et la fête : ils danseront, les os que tu broyais. 11 Détourne ta face de mes fautes, enlève tous mes péchés. 12 Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. 13 Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint.  14 Rends-moi la joie d'être sauvé ; que l'esprit généreux me soutienne. 15 Aux pécheurs, j'enseignerai tes chemins ; vers toi, reviendront les égarés. 16 Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur, et ma langue acclamera ta justice. 17 Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. 18 Si j'offre un sacrifice, tu n'en veux pas, tu n'acceptes pas d'holocauste.  19 Le sacrifice qui plaît à Dieu, c'est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un coeur brisé et broyé. 20 Accorde à Sion le bonheur, relève les murs de Jérusalem. 21 Alors tu accepteras de justes sacrifices, oblations et holocaustes ; alors on offrira des taureaux sur ton autel.
Silence et méditation personnelle
Pour se libérer de ces trois adhérences, il nous faut entrer dans un chemin de conversion qui se nourrit des sacrements de la réconciliation, comme de l'eucharistie, tous deux indissociables. Cette dynamique est celle d'une vie. La réconciliation nous remet dans la réception et le don…
On ne peut oublier que rencontrer un prêtre pour nous aider à cela, c'est entrer dans la joie de Dieu.
Je prends le temps de méditer sur la dernière fois que j'ai rencontré un prêtre. Que s'est-il passé depuis. Si j'y allais ce soir, que lui dirais-je ?

Lecture d'un extrait de Luc 15 (jusqu'à l'attitude du père...)

11 Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils.  12 Le plus jeune dit à son père : "Père, donne-moi la part de fortune qui me revient." Et le père leur partagea ses biens.  13 Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu'il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.  14 Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. 15 Il alla s'engager auprès d'un habitant de ce pays, qui l'envoya dans ses champs garder les porcs.  16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. 17 Alors il rentra en lui-même et se dit : "Combien d'ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim !  18 Je me lèverai, j'irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi. 19 Je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. Traite-moi comme l'un de tes ouvriers." 20 Il se leva et s'en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.  21 Le fils lui dit : "Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d'être appelé ton fils." 22 Mais le père dit à ses serviteurs : "Vite, apportez le plus beau vêtement pour l'habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, 23 allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, 24 car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé." Et ils commencèrent à festoyer.
Silence et méditation

B - Temps de discussion en petit groupe

  • Que dit l'histoire ?
  • Que veut-dire Jésus ?
  • Comment vivre cela ?
Il est difficile de voir notre péché. Plus encore de le faire sans juger les autres. Écoutons ce que nous dit Jésus à ce sujet

Lecture de Luc 6, 36-38(Ne jugez pas....)

36 Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. 37 Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés.
38 Donnez, et l'on vous donnera : c'est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »
Silence et méditation

Lecture de Matthieu 7, 1-5 (paille et poutre) -

« Ne jugez pas, pour ne pas être jugés ; 02 de la manière dont vous jugez, vous serez jugés ; de la mesure dont vous mesurez, on vous mesurera. 03 Quoi ! tu regardes la paille dans l'œil de ton frère ; et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? 04 Ou encore : Comment vas-tu dire à ton frère : "Laisse-moi enlever la paille de ton œil", alors qu'il y a une poutre dans ton œil à toi ? 05 Hypocrite ! Enlève d'abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l'œil de ton frère.
Musique

Lecture de la fin de Luc 15...

Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses.  26 Appelant un des serviteurs, il s'informa de ce qui se passait. 27 Celui-ci répondit : "Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu'il a retrouvé ton frère en bonne santé."  28 Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d'entrer. Son père sortit le supplier. 29 Mais il répliqua à son père : "Il y a tant d'années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis.  30 Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !" 31 Le père répondit : "Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. 32 Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !" »  
Je médite en mon coeur ce que je vais faire pour progresser. Si je le souhaite, j'avance à l'autel, pour exprimer ma décision d'avancer sur ce chemin et je pose une bougie pour demander à Dieu de m'aider...

Lecture de Luc 17, 13-19 - les dix lépreux

Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s'arrêtèrent à distance 13 et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. »  14 A cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés. 15 L'un d'eux, voyant qu'il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix.  16 Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c'était un Samaritain. 17 Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n'ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ?  18 Il ne s'est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » 19 Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t'a sauvé. »

Silence et méditation

C - Temps de discussion en petit groupe

  1. Qu'est-ce que ces lectures ont fait jaillir en nous ?
  2. Comment résister au jugement ?
  3. Jusqu'où pardonner ?
« Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés » (Ps. 31,5). Chaque pas est un acte de liberté, qui nous remet dans l'Église. Et quand le prêtre ouvre ses bras à l'image d'un père qui court au-devant du fils prodigue (Luc 15), nous ne pouvons que sentir monter en nous l'émotion de ce Dieu qui nous aime, envers et contre tout, dans sa miséricorde infinie et débordante.
Quel que soit notre faute, si nous voulons grandir, il nous faut contempler où mène nos refus, nos lâchetés et nos égoïsmes.
Nous contemplons pour cela la Croix
Silence

Lecture de Luc 23 - 33-47 - Père pardonne leur....

Lorsqu'ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l'un à droite et l'autre à gauche. 34 Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font. » Puis, ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort.  35 Le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » 36 Les soldats aussi se moquaient de lui ; s'approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, 37 en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »  38 Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » 39 L'un des malfaiteurs suspendus en croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » 40 Mais l'autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! 41 Et puis, pour nous, c'est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n'a rien fait de mal. »  42 Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » 43 Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » 44 C'était déjà environ la sixième heure (c'est-à-dire : midi) ; l'obscurité se fit sur toute la terre jusqu'à la neuvième heure, 45 car le soleil s'était caché. Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. 46 Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira.  47 À la vue de ce qui s'était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : « Celui-ci était réellement un homme juste. »

Silence et méditation

Lecture de Matthieu 18,21-35 - Pardonner


Me voici avec toi Seigneur. Avec mes désirs, mes préoccupations, mon histoire, mon corps. Je désire écouter ta parole et me laisser façonner par elle. Oui Seigneur, je désire mieux te connaître : ouvre mon cœur et mes mains pour mieux t'accueillir tel que tu te révèles. Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Prions qu'au cœur de notre prière cet amour vienne vraiment nous transformer, pour que nous devenions chaque jour un peu plus miséricordieux, comme le Père est miséricordieux.
La lecture de ce jour est tirée du chapitre 18 de l'évangile selon St Matthieu
En ce temps-là, Pierre s'approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu'à sept fois ? »
Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à 70 fois sept fois. Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Il commençait, quand on lui amena quelqu'un qui lui devait dix mille talents (c'est-à-dire soixante millions de pièces d'argent). Comme cet homme n'avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette.
Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : "Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout." Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.
Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d'argent. Il se jeta sur lui pour l'étrangler, en disant : "Rembourse ta dette !" Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : "Prends patience envers moi, et je te rembourserai." Mais l'autre refusa et le fit jeter en prison jusqu'à ce qu'il ait remboursé ce qu'il devait.
Ses compagnons, voyant cela, furent profondément attristés et allèrent raconter à leur maître tout ce qui s'était passé. Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : "Serviteur mauvais ! je t'avais remis toute cette dette parce que tu m'avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j'avais eu pitié de toi ?" Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu'à ce qu'il eût remboursé tout ce qu'il devait.
C'est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur . »

1 « Pardonner jusqu'à 70 fois sept fois ». Je réfléchis en moi même : Ai-je fait une expérience de pardon récemment ? Comment ? Est-ce qu'il me vient à l'esprit des pardons à donner ? Je demande au Seigneur de m'éclairer.
2 « Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette ». Je regarde la scène avec mon imagination, je laisse résonner en moi ces mots. Ai-je vécu des moments semblables de libération, de légèreté, d'avoir été pardonné ? Je laisse monter en moi les mots et les sentiments qui viennent.
Introduction à la deuxième écoute
A nouveau, je me prépare à écouter ce récit. Je laisse à chaque mot la possibilité de me rejoindre, de me réjouir, de me surprendre.
En ce temps-là, Pierre s'approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu'à sept fois ? »
Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à 70 fois sept fois. Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Il commençait, quand on lui amena quelqu'un qui lui devait dix mille talents (c'est-à-dire soixante millions de pièces d'argent). Comme cet homme n'avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette.
Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : "Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout." Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.
Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d'argent. Il se jeta sur lui pour l'étrangler, en disant : "Rembourse ta dette !" Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : "Prends patience envers moi, et je te rembourserai." Mais l'autre refusa et le fit jeter en prison jusqu'à ce qu'il ait remboursé ce qu'il devait.
Ses compagnons, voyant cela, furent profondément attristés et allèrent raconter à leur maître tout ce qui s'était passé. Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : "Serviteur mauvais ! je t'avais remis toute cette dette parce que tu m'avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j'avais eu pitié de toi ?" Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu'à ce qu'il eût remboursé tout ce qu'il devait.
C'est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur."
Invitation à une prière personnelle
Ce temps de prière a peut-être été un moment pour m'interroger sur Dieu, sur ses appels dans ma vie. Avec mes mots je demande au Seigneur de pouvoir entrer dans ce mouvement du pardon, reçu et donné, dans cet amour reçu et donné (3)

« Et toi, tu as enlevé l'offense de ma faute » (Ps. 31, 5) continue le psalmiste. Ce que le Père nous donne n'est autre que le fruit merveilleux de la mort et de la résurrection de son Fils. En s'élevant de terre, il nous a conduits vers l'amour. Cet amour rendu visible et glorifié par le Père et porté et amplifié par le don infini de l'Esprit Saint revient en nous dès que nous ouvrons nos portes à son souffle guérisseur et joyeux.
Silence

Lecture du psaume 35

Heureux l'homme dont la faute est enlevée, * et le péché remis !  02 Heureux l'homme dont le Seigneur ne retient pas l'offense, * dont l'esprit est sans fraude !  03 Je me taisais et mes forces s'épuisaient à gémir tout le jour : + 04 ta main, le jour et la nuit, pesait sur moi ; * ma vigueur se desséchait comme l'herbe en été.  05 Je t'ai fait connaître ma faute, je n'ai pas caché mes torts. + J'ai dit : « Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés. » * Et toi, tu as enlevé l'offense de ma faute.  06 Ainsi chacun des tiens te priera aux heures décisives ; * même les eaux qui débordent ne peuvent l'atteindre. 07 Tu es un refuge pour moi, mon abri dans la détresse ; * de chants de délivrance, tu m'as entouré.  08 « Je vais t'instruire, te montrer la route à suivre, * te conseiller, veiller sur toi. 09 N'imite pas les mules et les chevaux qui ne comprennent pas, + qu'il faut mater par la bride et le mors, * et rien ne t'arrivera. »  10 Pour le méchant, douleurs sans nombre ; * mais l'amour du Seigneur entourera ceux qui comptent sur lui. 11 Que le Seigneur soit votre joie ! Exultez, hommes justes ! * Hommes droits, chantez votre allégresse !
L'absolution du prêtre nous donne l'expérience que le pardon et la paix  rejaillissent en nous comme une source d'eau vive (Jean 4) et nous apporte la joie.
Cela peut alors devenir une autre quête, plus enivrante celle-là : goûter, à nouveau, à la joie d'être des enfants de Dieu. Plus je m'inscris dans la réconciliation, plus je vis en Christ… Alors l'eucharistie prend un sens nouveau, je deviens temple de Celui qui est revenu habiter chez moi, ou plutôt, qui habite en moi, mais que j'oubliais d'entendre…
(1) Textes d'Évangile, traduction liturgique source AELF
(2) Homélie du Vème siècle, source AELF, office des lectures du 3eme jour de carême
(3) Source, Prier en chemin