29 août 2020

Notes pour le Baptême de M

Chers A et E
Chère famille

Vous êtes réunis dans la maison de Dieu autour du petit M.. Et vous demandez son baptême
Je ne crois pas me tromper en disant que cet enfant est le fruit d'un amour que vous tenter de construire. Il va se nourrir de cet amour, s'y abreuver comme à une source.

En choisissant ces textes, vous inscrivez sa vie sur un chemin particulier celui de l'amour.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.
Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même ».Mat. 22

Contempler l'interaction entre ces deux paroles de vie est le chemin d'une vie. Ce sera le chemin de M..
« Ce n'est pas un Dieu du rite, de l'obéissance, mais le débordement bouillonnant de l'amour qui va abreuver M. La première lecture tirée d'Ezechiel 47 parle de l'eau jaillit du Temple. l'Église depuis des siècles considère que cette eau est le signe de l'amour de Dieu qui innonde le monde. Pour elle c'est le premier signe visible de l'amour qui a jailli du cœur du Christ, de son cœur transpercé le jour de sa mort.
M. va être baptisé dans cette eau, à l'intersection entre cette eau jaillie de l'amour immense de Dieu et de cet amour immense qui vous unit. Votre tâche à vous parents, mais aussi parrains, marraines et famille est de lui faire goûter à cette eau, lui donner envie de s'y abreuver. L'amour de M, s'il prend sa source dans votre amour et ce que vous pourrez lui dire de l'amour de Dieu peut changer le monde.
Option 1 abandonnée suite commentaire

Le baptême s'inscrit dans cette dynamique. Ce n'est pas un simple passage, c'est un engagement de tout faire de votre côté pour que ce potentiel d'amour qui repose en lui échappe à toutes les tentations, à toutes les adhérences et toutes les addictions. En renonçant vous-mêmes à ces tentations qui empêchent d’aimer comme vous allez le faire tout à l’heure vous vous engagez à tout faire pour que M. devienne amour, soit signe de l’amour, soit amour. Vous n’avez pas encore célébré votre mariage, c’est votre droit. Sachez néanmoins que par le baptême de M., par ce que vous allez présenter à Dieu aujourd’hui vous avancez dans cette belle dynamique de l’amour. Dieu vous attends. Il respecte vos hésitations. Il vous veut libres, tous les deux, pour qu’un jour quand vous serez prêts il vienne scelller à jamais ce qu’avec M. vous venez de signifier. 

Quant à vous, parrain et marraine, si A et E. vous  ont choisis, c’est parce que quelque chose en vous dis l’amour, rayonne de l’amour. Soyez digne de cet appel. 

Option 2 - préférence 
Le baptême s'inscrit dans cette dynamique. Ce n'est pas un simple passage, c'est un engagement de tout faire de votre côté pour que ce potentiel d'amour qui repose en lui échappe à toutes les tentations, à toutes les adhérences et toutes les addictions. En renonçant vous-mêmes à ces tentations qui empêchent d’aimer comme vous allez le faire tout à l’heure vous vous engagez à tout faire pour que M. devienne amour, soit signe de l’amour, soit amour. M. va boire l’eau que vous lui donnerez. Philippe Julien dit de mémoire que le plus beau cadeau que vous pouvez faire à vos enfants c’est de vous aimer... il sera aimant si vous l’êtes, en le présentant à Dieu vous entrez dans cette belle dynamique de l’amour. Dieu vous y attends. Il vous veut libres, heureux, et sera là dès que vous l’invoquerez (et même quand vous ne le ferez pas...). 


Quant à vous, parrain et marraine, si À et E. vous  ont choisi, c’est parce que quelque chose en vous dis l’amour, rayonne de l’amour. Soyez conscients et portés par cet appel. 

28 août 2020

Homélie Mariage du 29/8

Projet 1 de notes pour le mariage de samedi 

Chers X et Y 
Je reste admiratif devant votre désir d'affronter les éléments et de poursuivre ce projet de mariage jusqu'au bout.

Il traduit quelque chose de profond en vous, cet amour qui vous a rapproché, conduit déjà bien loin, jusqu'à cette belle maison, la naissance de votre fille et aujourd'hui à vous unir devant Dieu.

Dans votre lettre d’intention vous parliez de cette harmonie particulière qui vous unit. J’ai pu le vérifier dans nos entretiens. L'amour qui vous habite n'est pas un feu follet et les choix des textes que nous venons de lire le disent bien.

Je voudrais à ce sujet insister sur deux points.

L'amour dont parle Paul n'est pas non plus ordinaire. Le mot grec utilisé est agape. Dans une autre histoire Pierre va faire à ses dépends la douloureuse expérience de ce terme. Il vient de renier Jésus, il se sent mal et pourtant le voici devant le ressuscité et Jésus lui demande par deux fois : m'aimes-tu d'agape ? [la troisième fois Jésus parle de Philie] Pierre sais bien qu'il n'a pas aimé jusqu'au bout, il lui répond sur le bout des lèvres : je t'aime d'amitié (philo te). 

X et Y  vous allez vous promettre de vous aimer de cet amour immense qui prend patience, ne cherche pas son intérêt, va jusqu'au bout de la vie, ne renie pas, même dans les épreuves. En choisissant ce texte, en échangeant vos consentements, vous manifestez à tous que l'amour est grand, immense et que vous voulez en vivre, en être le signe. Ce sera votre mission impossible et dans 3 minutes se message ne s'autodétruira pas comme dans la série télévisée...
Comment allez jusqu'au bout ? L'évangile donne une réponse ; en restant attaché à la vigne. En mettant Dieu dans votre vie, en contemplant le plus possible l'amour qui s'est donné jusqu'à la Croix. Vous habitez tout près de l'Église de Z, tous les matins en poussant les volets, méditez sur ce qu'elle contient : le signe d'un amour infini qui va jusqu'au bout, jusqu'à en mourir. 

L'amour prend patience ; l'amour rend service ; l'amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d'orgueil ;  il ne fait rien d'inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s'emporte pas ; il n'entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout.

On le sent, cet amour auquel vous êtes appelés est immense. Vous aurez besoin de force pour y parvenir, vos amis, votre fille sera là dans les moments plus difficiles pour tenir le cap. Cet amour particulier qui vous unit se nourrira de cela.
Je vous souhaite quelque chose de grand, à l’image de ce qui, en vous, vous a conduit jusque-là.


22 août 2020

Le message de Jean - une actualité brûlante

Le message de Jean - une actualité brûlante

Une concordance osée entre l'injonction du psaume 40 et Jn 13 mais plus globalement ma lecture actuelle de Jean (*) me conduit à cette conclusion un peu disruptive que je voudrais tester avec vous.

Extrait...
Rappelons le psaume 40 :
«Tu n'as pas pris plaisir au sacrifice ni à l'offrande: tu m'as ouvert les oreilles; tu n'as demandé ni holocauste ni sacrifice pour le péché. Alors j'ai dit: Je viens / [Me voici ] avec le livre-rouleau écrit pour moi. (...)
Moi, je suis pauvre et déshérité; mais le Seigneur pense à moi. Tu es mon secours et mon libérateur: mon Dieu, ne tarde pas! » Psaumes‬ ‭40:7-8, 18‬ ‭

On a déjà noté que, dans le récit de la Passion, les similitudes sont multiples au point que Dodd se demande si la tradition orale du récit de la Passion n'était pas si forte et antérieure à tout écrit évangélique, que les quatre recensions n'ont pu déroger à une lecture semblable[237]. Et cependant, le texte du lavement des pieds est unique. Il n'est raconté que par Jean et remplace, nous l'avons dit, le récit de l'institution de « l'eucharistie. Cette absence donne à penser. Deux hypothèses peuvent être avancées dans ce cadre.
Soit le lavement des pieds, en particulier dans sa deuxième partie est d'une certaine manière, une autre façon de dire ce à quoi nous invite Jésus : une véritable communion et réciprocité dans l'amour.
Soit il se surajoute au mémorial eucharistique, déjà présenté entre les lignes en Jn 6, 22-58 et qui, au temps de la rédaction finale du IV° Évangile, devait déjà être bien établie dans la communauté johannique[238]. Dans ce cas, la finalité est la même. Faire des rencontres eucharistiques, non pas un simple rituel, mais un « signe efficace », un sacrement de l'amour de Dieu et de l'amour des hommes au sein d'une communauté vivante.
Le texte donne cependant une direction particulière, en soulignant l'attention aux frères, aux plus petits et aux plus pauvres, aux esclaves à qui Jésus s'identifie ici.
On se souvient de la remarque de Paul (cf. notamment 1 Co 11, 33) qui déjà notait l'absence de communion véritable dans la jeune église, où les derniers arrivés, les esclaves, n'avaient pas le même traitement que les premiers, les hôtes du repas. En inversant les rôles, Jean nous conduit aux mêmes conclusions.
Cette tension reste un point sur lequel nous ne devrions pas cesser d'attacher de l'importance. Il est au cœur de ce à quoi nous appelle le message de l'eucharistie : une double tension vers Dieu et vers autrui… 
Jean nous conduit aux mêmes conclusions, mais donne une dimension différente. Le rite de l'eucharistie est presque depassé par une dynamique sacramentelle (cf. mon livre éponyme) qui n'est pas centré sur un mime du dernier repas, mais sur l'agenouillement kénotique, qui devient l'exhortation finale de Jean. Entre les lignes, on peut lire une injonction qui prend aujourd'hui une dimension plus urgente et fait écho avec ce que nous dit entre les lignes le pape François : Ne fermons pas la porte. Ne soyons pas "une église fermée" dans laquelle " les gens qui passent devant ne peuvent entrer" et d'où " le Seigneur qui est à l'intérieur, ne peut sortir" ou pire avec des Chrétiens qui ferment à clé et "restent devant la porte‎" et "ne laissent entrer personne"[239]
« allez à la périphérie », sous entendu (mais je force volontairement le trait) ne restez pas dans vos églises à mimer le dernier repas, mais agenouillez vous devant l'homme blessé (Jn 1), criez votre soif (Jn 4), agenouillez vous devant les souffrants (Jn 5), partagez et donnez (Jn 6), agenouillez vous devant les pêcheurs (Jn 8 et Jn 13), les étrangers (Mat 11), pleurez avec les souffrants (Jn 11). Vivez dans l'agapè.

Je rejoins là l'injonction récente de François Cassingena-Trévédy : « Ne faudrait-il pas envisager courageusement, pour l'avenir, et jusque dans nos communautés religieuses encore privilégiées, des messes plus espacées dans le temps, des messes qui viendraient consacrer, non pas un azyme insipide d'habitudes et de vies parallèles, mais le pain chaleureux, laborieux et complet de vies résolues à entrer pratiquement en communion profonde, à soutenir l'effort d'un pardon explicite et réciproque, et surtout ce partage fraternel de la Parole de Dieu » [240]


[237] cf. DODD, La tradition historique du IV° Évangile, Lectio Divina n° 128, Éditions du Cerf, 1987, trad° Maurice et Simone Montabrut, Éd. Originale : Historical Tradition in the Fourth Gospel, Cambridge Press, 1963, p. 38.
[238] On parle déjà de la fraction du pain en Act 20, 7. 
[239] Pape François, messe à Sainte Marthe du 17/10 (2013 ?), cité par Spadaro, p. 93 »
[240] François Cassingena-Trévédy De la fabrique du sacré à la révolution eucharistique - Quelques propos sur le retour à la messe. Publication sur FB du 23/5/20

(*) cf. « À genoux devant l'homme » dont je prépare une troisième édition (disponible déjà en version bêta sur le site de la Fnac)

Qui est Jésus - homélie du 21ème (et 22eme) dimanche du Temps Ordinaire, Année…

Projet 5 - allégé

Pour vous qui suis-je ?
La question que pose Jésus résonne encore aujourd'hui. Il nous la pose personnellement et en même temps la réponse nous échappe et reste ouverte car qui sommes nous pour parler du mystère de Dieu fait homme ?

Trois clés de lecture.
Le contexte
La pédagogie sous jacente
L'enjeu pour Pierre et surtout pour nous.

Paul nous le glisse dans Romains 11, rien n'est réductible quand on aborde la nature de Dieu :
« Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables ! Qui a connu la pensée du Seigneur ? » Tout au plus pouvons nous contempler sa pédagogie.
Si vous n'avez jamais fait l'expérience, je vous invite à lire un évangile de bout en bout, comme le tente dans notre paroisse les maisons d’Évangile. C'est probablement la meilleure façon de préparer votre réponse à cette question du « qui suis-je pour vous? ».
Et en même temps, il ne s'agit pas d'étaler nos connaissances de l'inconnaissable, mais bien de témoigner d'une révélation intérieure comme celle de Pierre. L'idée de Dieu vient à nous du fond de notre cœur.

Le contexte
Il y a notamment une pédagogie propre à chaque évangéliste. Le texte de l'évangile d'aujourd'hui est central, pour Marc 8 (27-30) comme pour Matthieu 16 13-20 et Luc (9, 18-21) qui se lisent souvent en miroir. Ce texte est en effet un point de passage. Les experts (exégètes) le disent : la question posée à Césarée est un point charnière. Il y a l'avant et l'après.
L'avant, c'est le chemin de l'homme. Jésus qui se révèle par ses actes, comme un personnage peu ordinaire. Jusqu'à cet épisode de la multiplication des pains et chez Marc de l'aveugle né. [Que l'aveugle vienne juste avant la question peut être considéré comme un clin d'œil de Marc...
Marc semble dire : Avant vous étiez aveugle. Maintenant c'est officiel : Il est l'oint de Dieu... ]
L'après c'est la marche vers Jérusalem, l'annonce de la mort.
Dans tous ces textes se traduit aussi une pédagogie particulière. Jésus n'est pas arrivé avec fanfare et trompette en proclamant sa divinité ou son titre de Messie.
Non. Il a commencé par être homme, aimant, attentif, vrai en paroles et en vérité. Cette pédagogie s'inscrit dans la pédagogie même de Dieu...
La question qu'il pose à Pierre est donc centrale.
Qui suis-je ?


La réponse de Pierre montre qu'il a compris, qu'en lui s'est révélé quelque chose. Et pourtant, dans le texte suivant que nous verrons dimanche prochain [la liturgie coupe et c’est dommage un ensemble cohérent] Pierre va refuser la Croix.. Paradoxe également pédagogique.
Pierre a une révélation sur la nature du Christ et pourtant il ne saisit pas la Passion. Qui pourrait à ce stade d'ailleurs ?
Soulignons le, c'est entre la révélation et l'erreur de Pierre que Jésus donne à l'apôtre sa mission. Au cœur d'une tension...

Que dire aujourd'hui.
L'erreur est de croire que nous savons répondre.
Je ne sais pas qui est Jésus.
Je suis en recherche.
Nous le sommes tous.
Le danger est de se croire arrivé, d'avoir tout saisi.
Le mystère est plus grand, plus profond, plus large.
Tout ce que nous avons compris est « balayures »  dit Paul, notre course est de « le saisir et de se laisser saisir par lui (Ph 3) ».

Quel est alors notre mission pour aujourd’hui ?
Peut-être réentendre la question du Christ : Pour vous qui suis-je ?
Est-ce un Dieu que l’on vénère du bout des lèvres le dimanche ou au contraire quelqu’un qui transforme nos façons d’agir? Nous émeut et nous met en mouvement ? Pouvons nous affirmer qu’il est le chemin la vérité et la vie.

La semaine dernière nous avons fêté les 40 ans de sacerdoce de notre curé. 40 ans de vie donnée. Gageons que cette mise en mouvement est fondée sur une réponse à la question du Christ. Nous sommes petits face à cette dynamique du don...

La question que nous pose Jésus reste valable et la réponse vient de l’Esprit. Restons attentif à cela, car c’est l’Esprit qui a conduit Pierre, qui conduit l’Église et qui conduit chacun de nous à être des pierres vivantes de cette Église fondée sur Pierre.


14 août 2020

Ouvrons notre cœur -Homélie du 20ème dimanche année

Projet 4 de notes pour l’homélie

Il y a une tension apparente dans les textes d’aujourd’hui entre l’enfermement des hommes et les dons de Dieu qui tourne autour d’une question : « Les « païens » ont-ils une place dans le Royaume du Père ? »

On rejoint une vielle question qui voyait le peuple juif, puis par transition, l’Église comme seul lieu de salut. Mais cette vision étriquée a été corrigée d’une part dans le récit de la Cananéenne, puis par certains pères de l’Église dont saint Justin, un thème repris par Vatican 2 qui élargit la révélation à tous à travers ce que l’on appelle les « semences du verbe », ce dont particulier fait par Dieu à tous les hommes.

Matthieu reprend un texte de Marc 7, 24 qui a un petit ajout intéressant « laisser d’abord les enfants se rassasier » qui explique mieux l’hésitation de Jésus. Il n’empêche que ce texte traduit un changement d’opinion chez Jésus.

Mais avant d’en arriver là, commencions peut-être par cette phrase qui peut faire polémique :
« Dieu, en effet, a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde. » (Rom 11)

Cet « enfermement » dont parle Paul n'est pas une condamnation de Dieu, mais un raccourci de L’apôtre  qu'il a déjà développé au chapitre 5 de la même lettre, dans son célèbre « combien plus... » 
Relisons cet extrait : «Mais il n'en est pas du don gratuit comme de la faute; car si, par la faute d'un seul, tous les hommes sont morts, à plus forte raison la grâce de Dieu et le don se sont, par la grâce d'un seul homme, Jésus-Christ, abondamment répandus sur tous les hommes.»
‭‭Romains‬ ‭5:15‬ ‭
Partant de sa propre expérience de pêcheur Paul veut montrer que le salut est impossible sans Dieu, ce que Matthieu soutient aussi en Mat 19.
Pour lui, plus l'homme se trompe, plus Dieu redouble de grâce et de miséricorde.
Plus nous nous enfermons dans la faute, plus grande est la miséricorde.
Ce constat intérieur nous pouvons le faire nous mêmes. Le libre exercice du don de la liberté nous conduit inexorablement vers le doute, le refus de croire, un entre soi qui passe à côté de la vraie charité . [Et je ne vous demande pas si vous avez profité des vacances pour prier...]

Comment sortir de cet enfermement ?

Une triple réponse se trouve dans les textes d'aujourd'hui

  1. Contempler la miséricorde qui dépasse et surpasse tous nos enfermements
  2. Apprendre à prier et à aimer en vérité 
  3. Contempler ce que Vatican 2 appelle à la suite de Justin, les semences du verbe

Apprends nous à prier

C'est le chemin de la première lecture. Dieu nous conduit sur une haute montagne qui n'évoque pas tant l'escalade que cette quête intérieure qui pourrait être notre chemin...

« je les conduirai à ma montagne sainte,
je les comblerai de joie dans ma maison de prière » (Isaïe 56)

Qu'elle est cette montagne, si ce n'est le lieu le plus intime où Dieu nous parle ? Avons-nous pris le temps, en ce temps de vacances de nous reposer en Dieu...

Il y a une prière très simple que nous pouvons faire chaque jour. Elle se résume en trois mots comme nous l'enseigne notre pape.

Merci
Pardon
S'il te plat....

Elle résonne dans les textes d'aujourd'hui.
Merci pour « les dons gratuits de Dieu » nous glisse saint Paul..

Pardon pour nos refus de croire, pour nos manque de charité...
Donne nous ta miséricorde, continue-il...

La question soulevée par Paul et la Cananéenne vient élargir notre cœur aux dimensions du monde.
On est loin de nos guerres de clocher, de savoir si les « accourus » ont le droit d'être membre de nos églises...

Le cœur de Dieu est vaste...
Parfois c'est l'étranger qui vient nous déranger, le pauvre, l’immigré.
Il ne s’agit pas seulement d’accueillir l’autre, mais de le mettre en premier, de contempler chez lui le don de Dieu. Le texte de la Cananéenne nous montre que Dieu a mis en chaque humain son verbe. Dieu s’agenouille devant l’homme.

Les semences du verbe dépassent l'Église. Elles sont le don de Dieu au monde.
Jésus en fait l'expérience avec la Cananéenne
Il doit se mettre à genoux devant cette foi qui dépasse celle de son peuple...

Je vais vous confier un secret. Mon ministère de diacre est une série ininterrompue d'émerveillement sur ces semences du verbe que je découvre à la périphérie de notre Église...

Les miettes qui tombent de la table sont nombreuses.
Méditons là dessus comme le fils ainé du fils prodigue. Nous allons avoir accès au banquet de Dieu, cessons de juger notre voisin ou l'étranger. Il est dans le cœur de Dieu...
Concentrons nous sur l’essentiel ; la charité vraie, débordante et l’action de grâce.

Dépouillement final - Jn 13 sq

Dépouillement final - Jn 13 sq
Déposer son vêtement pour le lavement des pieds c'est aussi, pour le Christ, commencer le dépouillement final.
On pourrait faire une lecture spirituelle qui voit le dénuement du Christ suivi de son action de verser l'eau dans le bassin puis de s'agenouiller devant l'homme comme une symbolique de la soumission finale et du sang versé.
C'est comme on le verra plus loin sous la plume de Xavier Léon-Dufour (1), comme un premier « mime symbolique » de la croix qui se déroule ici.
Il y a alors dans cet axe de lecture une dimension que Pierre ne comprend pas encore, faute d'en avoir la clé ultime. Le lavement des pieds, c'est déjà la Passion, le don final, le sang versé, c'est le jusqu'au bout de l'amour...
Le refus de Pierre prend alors une autre ampleur : au delà du refus de la kénose c'est le refus de la souffrance et de la mort qui est en jeu.

La deuxième piste à méditer est peut-être celle du signe, du sacrement et de la distance qui peut se créer entre le rite et l'agir.
Le rite du jeudi saint n'est rien s'il demeure un mime, un discours en geste au lieu d'être un amour en actes...
On dit que le lavement des pieds n'est pas un sacrement parce que la vie et la mission de l'Église doit être un éternel lavement des pieds... cela reste à prouver dans l'aujourd'hui de nos vies, de nos agir...
À méditer


(1) Xavier Léon-Dufour, Évangile selon saint Jean, tome 3, p. 26 & 60.

Signes et dépouillement - Correspondances Gn 41 - Luc 15



«Et Pharaon ôta son anneau de sa main et le mit à la main de Joseph, et il le fit revêtir d'habits de fin lin et lui mit au cou un collier d'or.»
‭‭Genèse‬ ‭41:42‬ ‭

Au mitan du cycle de Joseph, alors que tout semble perdu pour lui, alors qu'il semble abandonné de Dieu et des hommes, voici qu'il retrouve l'espoir. Fort de sa capacité à interpréter les songes, un talent qui est la source de son malheur - voici qu'il trouve la grâce de Pharaon et ce dernier lui confie son royaume.

Même si le personnage de Joseph semble arrogant au départ, et qu'il nous semble mériter la jalousie de ses frères, il y a chez lui des traces de la figure du Christ. L'épisode de l'anneau nous interpelle, d'une certaine manière. On retrouvera en Luc 15, cette expression particulière qui redonne au Fils perdu l'anneau du pouvoir. Et c'est dans cette tension entre Joseph et le fils prodigue que l'on pourra contempler l'amour infini de Dieu.
Joseph est, à sa manière, le fils aimé du Père. Il était perdu pour Joseph, vendu comme le sera le Christ pour quelques pièces d'argent. Pourtant le Père n'oublie pas son fils et son amour demeure...
Joseph sera la victime, puis l'instrument du pardon. C'est une page importante de la pédagogie divine.

Dépouillement - ce pain nommé désir

Que cherchons nous ?
Vers quoi courrons nous ?
Y a-t-il un terme à notre faim ?

Notre monde s'est enroulé dans cyclone du même. Nous voulons le même. Nous cherchons le même. Nous courrons dans cette spirale mimétique qui touche jusqu'à nos églises, nos rites, nos façons de faire.

Mais Dieu n'est pas là...
Il est aux abonnés absents de cette quête. Il ne répond pas à ces désirs de mêmeté.

Où est-il ?
On croit le saisir et il nous échappe encore.
Il n'apporte pas « d'émotions volatiles, des consolations immédiates et des certitudes paresseuses »(1). Il ne guérit pas les foules à la volée, ne console pas les affligés sur demande. Il nous précède juste en Galilée, nous accompagne sur les chemins d'Emmaüs puis disparaît, échappe aux tentatives de réduction.
Il se donne en miette de peur de nous rassasier, d'éteindre notre faim et notre soif...

« Travaillez dans le calme » (1), labourez la terre, Dieu est un trésor caché au fond du champ. Il est là où on ne l'attend pas.

Aimez jusqu'au bout, jusqu'à plus soif, jusqu'à ce que cela pèse, car là est l'amour véritable, l'agape, dont l'Eros n'est que l'étincelle...

A la passion du même, aux trains nommés désirs, doivent se substituer la quête ultime, la traversée du désert, la conversion du cœur...

Marchez...
Allez au large...
Quitter le confort du même.
Laissez-vous dépouiller de vos certitudes.
Laissez le travailler en vous jusqu'aux jointures de l'âme.
Ne cédez pas sur le chemin.
Et si vous reculez, laissez-vous porter, embrasser, consoler, car il est chemin, miséricorde et vie.

(1) cf. François Cassingena-Trévédy, La voix contagieuse, 2017, ibid. p. 143

Baptême et dépouillement - Homélie pour le Baptême de K. - 16/8/20


Quel est l'enjeu du baptême de K ? 
Les textes que nous venons de découvrir aujourd'hui nous donnent une piste de lecture particulière.

Commençons d'abord par la deuxième lecture tirée d'une lettre de Saint Paul apôtre aux Romains (8, 28-32)
« Nous le savons,
Quand les hommes aiment Dieu,
Lui-même fait tout contribuer à leur bien,
Puisqu'ils sont appelés selon le dessein de son amour.
Ceux que, d'avance, il connaissait,
Il les a aussi destinés d'avance
A être configurés à l'image de son Fils »

Configuré à l'image du Christ...
Qu'est-ce que cela sous-entend ?
K. rêve d'être une princesse.
Elle va accéder par le baptême à une nouvelle dimension, celle de prophète de prêtre et de serviteur du Royaume, c'est à dire que tout ce qui en elle sera lumière et amour sera le double signe que Dieu est amour et que l'amour l'habite de l'intérieur.

Vous l'avez bien exprimé dans votre demande de baptême, cette joie particulière de K. est déjà lumière d'un amour qui vous dépasse.

Dans la première lecture Ezekiel exprime cela par l'image d'un fleuve. Du temple coule un fleuve immense. Pour nous chrétiens, c'est du cœur transpercé du Christ que jaillit ce fleuve.
En renonçant à tout ce qui conduit à la haine, en choisissant l'amour vous allez aider à faire de K. un ange de lumière, un signe qu'au delà de la mort, l'amour vaincra.
C'est votre tâche à tous, parrain et marraine, parents, mais vous aussi familles rassemblées ici, d'aider K. à rayonner de cet amour là, d'un amour immense qui va jusqu'au bout de la vie, au delà de la mort.
Et votre petit D. qui danse déjà avec les anges vous aidera à cela...
Bien sûr cette tâche est immense

Ce que nous allons célébrer aujourd'hui s'inscrit dans cette dynamique

Entrer dans le Jourdain à la suite du Christ c'est accepter de venir laver ce qui nous empêche d'aimer, c'est renoncer à tout ce qui fait obstacle à notre vocation originelle, c'est nous laisser modeler dans la forme originale et nue de l'homme créé par Dieu et pour Dieu.
C'est se dépouiller de tout ce qui conduit au mal pour choisir l'amour.

Dépouillement qui conduit à la vie, renoncement pour un plus grand bien.

La suite de la lettre de Paul prend tout son sens : Ceux qu'il avait destinés d'avance,
Il les a aussi appelés ;
Ceux qu'il a appelés,
Il en a fait des justes ;
Et ceux qu'il a rendus justes,
Il leur a donné sa gloire.
Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous,
Qui sera contre nous ?
Il n'a pas épargné son propre Fils,
Mais il l'a livré pour nous tous :
Comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ?





13 août 2020

Le vent du Verbe...

Quand vient le souffle,
n'oublie pas de contempler ce Verbe qui vient en toi.
Il fait frissonner les drisses de ton navire intérieur.
Il fait gonfler tes voiles .
Il t'emmène glisser sur l'océan de la vie.

Entre amers et rochers il te fait tracer sa route
Il te remet sur le bon cap...
Vers les horizons lointains il t'attire.
Te voilà agile face aux lames, brisant l'écume de la vie, porté au delà des tempêtes.

Mais ne perd pas ton cap.
Car déjà la force première se perd et t'échappe et le grand calme peut briser ton élan, les sargasses du monde arrêter ta course.

Il faut alors serrer tes voiles, virer de bord, parfois, chercher la brise fugace. Il faut surtout couper ces lianes qui ont repris le dessus, enserré la barre et détourné ta course.

Comment avancer quand la force du Verbe s'est perdu en toi ?
Prendre à nouveau les rames...
Ramer à contre courant.
Se dépouiller de ce qui alourdit la barque.
Écoper les eaux saumâtres qui encombrent ton esquif.
Guetter le vent.

Avance au large.
Lève les yeux.
Écoute.
Cherche au milieu des frémissements du monde, ce qui est bon, ce qui est vrai.

Ne te laisse pas détourner par les sirènes.
N'écoute pas leurs chants trompeurs.
Ne perds pas espoir.

Il te faut prendre les rames, malgré la chaleur, la solitude, le silence.
Ramer en dépit des mains calleuses, du dos meurtri.
Avancer...

Il est là.
Il t'attend.
Il suffit de tourner ton oreille vers le Verbe, guetter l'appel, surprendre sur l'onde son frémissement, pour qu'à nouveau ta barque s'agite et que le vent divin regagne ce qui était perdu.

Murmure.
Murmure léger.
Courant d'air.
Souffle fragile qui naît en toi.
Flamme de la lampe qui s'agite.
Feu qui s'éveille.

Il est là.
Bientôt le vent te fera bondir à nouveau.
Et sur les lames tourmentées tu avanceras.
Jusqu'à ce port ultime où le vent et les vagues, dansent à l'unisson.
Jusqu'au lieu où la brise devient souffle de Dieu.


12 août 2020

De dépouillement en dépouillement - à genoux devant l’homme

Il y a une danse presqu'éternelle entre l'homme et Dieu. Elle commence par le don et l'appel d'un « où es-tu ? » (Gn 3, 9) où Dieu cherche l'homme en dépit de sa faute. Y répond les pas de l'homme vers son Dieu qui l'appelle. On les entr'aperçoit dans le « quitter » et l'agenouillement qu'entreprend Abraham (cf. Gn 12 et Gn 18)
Dans ce mouvement, c'est à la fois Dieu qui se penche vers l'homme et demande son amour en dépit de ses fuites et du mal qui l'habite, mais aussi l'homme qui retire ses sandales (Ex 3) ou son vêtement (Ex 33) pour s'agenouiller devant son Dieu.
En premier, nous avons, comme le souligne sainte Catherine « cet amour incompréhensible qui t'a poussé à créer l'homme à ton image et ressemblance. ~ Quel motif avais-tu d'établir l'homme dans une telle dignité ? Certainement, c'est uniquement l'amour incompréhensible par lequel tu as considéré ta créature en toi-même et tu t'en es épris.(1) »
Mais l'amour infini de Dieu n'est pas resté sans réponse, sa pédagogie et son dépouillement (2) ne cesse de briser le cœur fier de l'homme.
La dynamique est bien double.
L'agenouillement de l'homme est plus habituel. On l'aperçoit dans chacune des théophanies. Celui de Dieu est plus discret dans l'Ancien Testament, on le sent pourtant entre les lignes. Il se révèle dans cette miséricorde qui affleure déjà chez les prophètes (3), devient plus visible dans cet agenouillement de l'ange devant la Vierge qui dans l'émerveillement d'un « fiat »(c'est en tout cas l'interprétation de Fra Angelica ou d'Arcabas - cf. Luc 1, 26-38) esquisse un mouvement vers le sol. Ce n'est que lorsque le voile de la kénose se déchire que Dieu pudique laisse apparaître enfin Jésus à genoux devant Pierre ou Judas.



On retient souvent l'agenouillement des Maries de Béthanie ou d'ailleurs... on ignore trop souvent que l'humilité de Dieu et son dépouillement est esquissé bien avant la Croix, dans cette alliance improbable et presqu'incompréhensible qu'il tente avec l'homme en dépit de tous ses reniements depuis David jusqu'à Pierre, depuis Abraham jusqu'à Judas...
Contempler l'agenouillement de Dieu, c'est prendre conscience de son amour infini. Le livre que je viens de mettre en ligne gratuitement n'est qu'une fenêtre sur un mystère qui nous dépasse, ce Dieu « à genoux devant l'homme » (4) qui nous demande de l'aimer comme il nous aime.
Il constitue l'essence de ma foi...

(1) sainte Catherine de Sienne, dialogue sur la providence, source office des lectures du 9/8.
(2) cf. Pédagogie divine in Dieu dépouillé
(3) cf. Osée 11sq. Voir aussi lire « lire l'ancien testament, tome 1 »
(4) voir le lien ou sur le site de la Fnac

11 août 2020

Le premier lavement des pieds - Gen 18, 4

Tradition culturelle d'hospitalité, le lavement des pieds proposé par Abraham, n'est pas à la hauteur du lavement des pieds proposé par Jésus en Jean 13.
Pourtant...
Pourtant il s'inscrit dans cette dynamique même de dépouillement en dépouillement, d'agenouillement en et agenouillement qui conduira Jésus à prendre la place, à la suite des femmes de Galilée à celle qui revient à l'esclave, pour nous montrer la voie de l'amour humble de Dieu.
C'est ce que nous avons peut-être à méditer dans le silence et dans l'attente d'Abram au chêne de Mambré.
Sur le sable fragile d'un homme et d'une femme stérile malgré leur union, Dieu veux construire un peuple, une descendance.
Leçon d'humilité s'il en est que cette stérilité de Sarah qui va jusqu'à rire du projet de Dieu et découvrir pourtant en sa chair que Dieu peut faire germer une graine sur un terrain aride.
Dieu a besoin de nous.
Si nous prêtons nos corps stériles et voués à la ruine à la construction d'un Corps, nous devenons participants, malgré notre indignité à l'édification du Temple.
Il ne s'agit pas d'une Babel éphémère si notre dépouillement reste entier. Il faut accepter de mourir à nos rêves humains pour que le grain prenne corps. C'est dans l'argile de nos échecs que le Seigneur dessine un chemin amoureux...
C'est dans le terreau de nos échecs que Dieu fait jaillir le grain du Verbe.
C'est sur le reniement d'Abram que jaillira la descendance.
C'est sur le reniement de Pierre que se construit l'Église.
Nous ne sommes que des pêcheurs pardonnés.
De nos échecs Dieu fera des victoires.
Sur l'argile du potier, Dieu modèle des amphores.
De la quête attentive de l'homme, de l'accueil humble d'autrui jaillit le signe ultime, l'agenouillement de Dieu devant l'homme qui crie que l'amour est possible.
Si tu veux...
Laisse Dieu agir.
Laisse le te dépouiller de tes désirs humains, de ta quête de pouvoir, pour qu'au fond d'un vase brisé, d'un rideau déchiré, d'un corps mutilé, d'un rêve cassé, d'un cœur transpercé, jaillisse une source nouvelle...

08 août 2020

Dépouillement et participation - Méditation sur les textes du 19ème…

Il y a dans ces textes une contemplation particulière de Dieu, comme une tension entre plusieurs facettes apparement contradictoires. Dans l'Evangile se révèle un Christ ayant apparemment toute puissance sur les éléments alors qu'1 Rois 19 fait apparaître la caresse discrète de Dieu, loin des éléments violents.

Et pourtant ces deux opposés se rejoignent. Dieu n'est pas dans la colère. Il nous apporte la paix.

Pour comprendre cela il faut probablement aller très loin en arrière dans ce qu'on appelle le cycle d'Élie, le voir égorger les prêtres de Baal en croyant faire la volonté de Dieu puis le suivre dans la fuite, le désespoir et la faim jusqu'à comprendre que la colère ne mène à rien, que Dieu n'est pas dans la violence mais dans le « bruit d'un fin silence (1) », que Dieu est amour. Le chemin d'Élie va être celui des disciples. Il peut être notre chemin.
Loin de nos tentations de puissance la contemplation de la croix conduit au déchirement du voile...
Dieu apparaît vraiment dans la nudité d'un corps défiguré qui nous guérit de toute violence.

Paul, comme souvent, apporte une touche finale. Il souffre de voir ses frères juifs « qui ont l'adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; (...) les patriarches,
» ne pas comprendre ce que Jésus révèle par la Croix.

Dans cette croix offerte, dans cette « maison » fragile d'un Dieu dépouillé qui n'a plus d'endroit où reposer sa tête, se dévoile, derrière le déchirement du voile, l'invitation finale d'un Dieu qui nous invite à participer à notre manière à la vie divine, à la « danse amoureuse » de Dieu. Il s'agit bien, comme le souligne saint Jean de la Croix de devenir participants de cette unité fragile et amoureuse qui s'offre à nous.
La danse des personnes divines, circumincession des amours divins et trines, nous invitent à une symphonie qui dépassent l'illusion des tempêtes extérieures.
Dieu nous invitent à la danse. « Les âmes possèdent donc par participation les mêmes biens que lui par nature : d'où elles sont véritablement dieux par participation, égales à Dieu et ses compagnes. C'est ce que dit saint Pierre par ces paroles : Que la grâce et la paix vous soient accordées en abondance par la véritable connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur. En effet, sa puissance divine nous a fait don de tout ce qu'il faut pour vivre en hommes religieux, grâce à la véritable connaissance de Celui qui nous a appelés par la gloire et la force qui lui appartiennent. Ainsi, Dieu nous a fait don des grandes richesses promises et vous deviendrez participants de la nature divine. Ces paroles montrent que l'âme participe à la nature de Dieu, en accomplissant en lui et avec lui l'œuvre de la Très Sainte Trinité, de la manière dont nous avons parlé, à cause de l'union substantielle qu'il y a entre l'âme et Dieu. »(2)

(1) 1 Rois 19, la traduction est d'Emmanuel Lévinas. Voir sur ce thème mon essai éponyme.
(2) saint Jean de la Croix, cantique spirituel, source office des lectures du 7/8.

31 juillet 2020

Hommage à Joseph Moingt


Pour ne citer que deux ouvrages (et sans évoquer la puissance de réflexion de « l'esprit du christianisme », j'ai trouvé dans les trois tomes de « Dieu qui vient à l'homme » une réflexion riche sur un thème qui m'habitait depuis longtemps, mais qui cherchait des mots. Après avoir passé beaucoup de temps à lire la trilogie de Balthasar, Rahner, Congar et Lubac, j'ai découvert chez J. Moingt une façon bien particulière de rejoindre le monde, il s'agenouillait comme le Christ à genoux
devant Judas et Pierre.

Il n'arrachait pas l'ivraie (comme le rappelle le texte médité plus bas), mais contemplait le travail de Dieu, sa douce pédagogie et la triple kénose... Un dépouillement particulier que j'ai cherché de mon côté à contempler de bien des manières et qui m'a conduit, à sa suite, à oser écrire beaucoup plus maladroitement probablement sur ce thème (1).

Dans « l'Evangile sauvera l'Église » il y a aussi un retour aux sources de notre foi, une contemplation de l'essentiel qui dépasse nos querelles superficielles sur rite, cléricalisme et traditions pour reprendre l'élan originel, la Dynamis du Verbe. Cette liberté particulière de Moingt a construit ma vocation diaconale...

Voir aussi ce bel hommage de C. Theobald : https://www.jesuites.com/deces-du-p-joseph-moingt-sj/

Paru dans La Croix, extrait qui me touche le plus et que je « pratique » à sa suite depuis 20 ans : « Il avait mis en place « des groupes de laïcs fréquentant l’eucharistie mais ayant besoin de se retrouver pour des partages d’évangile ou des relectures de vie », annonçait une « Église en diaspora », fondée sur des chrétiens, certes bien moins nombreux, mais mieux formés et vivant une vie spirituelle et apostolique réelle.

Car, pour Joseph Moingt, ce n’est pas en se focalisant sur l’institution ecclésiale que l’on pourra mener une réforme radicale du catholicisme, mais en revenant à l’Évangile. « Il y a urgence à repenser toute la foi chrétienne pour dire ”Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme” dans le langage d’aujourd’hui et en continuité avec la Tradition », répétait-il en puisant dans son immense culture théologique et biblique pour confirmer que l’Église ne peut s’imaginer un avenir avec des réponses dogmatiques et qu’il faut qu’en son sein des théologiens « fassent du neuf sans être menacés d’excommunication ». En ce qui le concerne, sa plume n’a jamais été motivée par la peur d’une sanction ecclésiale, mais plutôt par le désir d’écrire en accord avec sa foi. Et puis, « à mon âge, on ne risque plus grand-chose ! ».(2)

(1) cf. notamment « À genoux devant l'homme » en téléchargement libre sur Kobo et Fnac.com qui s'inspire bcp de Dieu qui vient à l'homme
Voir aussi les 36 balises sur Moingt dans ce blog
(2) La Croix du 28/7

30 juillet 2020

Recevoir et donner - homélie du 18ème dimanche du Temps Ordinaire…


Projet 2 à discuter 

Pourquoi êtes-vous là aujourd'hui ?
La question mérite d'être posée alors que nos églises se vident...

Pourquoi sommes nous là ?
Sans vouloir répondre à votre place, je répondrai de mon côté  « parce que nous avons faim et soif d'amour.
C'est probablement ce qui mouvaient les foules au temps de Jésus.
Pourquoi sont-ils là ? Que cherchent-ils?
L'épisode raconté aujourd'hui se situe après la mort du Baptiste. On comprend que la foule est perdue, sans berger.
[Précisons peut-être qu’il y a deux récits de multiplication des pains chez les synoptiques. Celle des douze corbeilles (Mat 14) est celle qui évoque les 12 tribus d'Israël.]

Celle racontée aujourd'hui s'inscrit dans la quête juive et il faudrait idéalement contempler dans le silence ce peuple qui marche dans le désert pendant 40 ans, pour trouver la terre promise.

A cette soif, à cette soif d’amour Dieu répond t-il ?
La prophétie d'Isaie que nous trouvons dans la première lecture entame une réponse « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l'eau ! » Isaïe 55,1
Quelle eau ?


A la soif de la Samaritaine Jésus promet l'eau vive
A la faim des hommes en marche, Jésus donne du pain...

Et nous que cherchons nous ?
De avons-nous faim ? de Dieu ?
A notre faim, Jésus se présente à vous sous la forme d'une hostie...
Cela ne comblera pas votre appétit humain
Cela nous conduit par contre, à la suite du peuple juif à marcher sur les pas de nos frères juifs dans la recherche de l'amour.

Il y a surtout un basculement dans l'évangile que je vous invite à méditer. Le Christ invite les disciples à être acteur : « Donnez leur à manger ». 
Le don de Dieu à besoin de nos mains [ comme le disait si bien Etty Hillesum dans ses lettres du camp nazi de Westerbroch]
Si nous n'avons pas la charité cela ne sert à rien.
Si nous ne venons pas ici sans nous tourner vers vos frères, sans nous soucier d'eux en profondeur, cela ne sert à rien....
Le pain que Dieu nous donne c'est son corps, démembré et partagé à l'infini. Manger son pain, c'est faire corps, c'est A LA FOIS recevoir et donner...
Le pain est Signe d'un don
Signe d'un amour donné
Signe d'un jusqu'au bout de l'amour
Signe de cette croix, de ce cœur transpercé qui fait jaillir l'amour de son cœur transpercé...

Si vous n'entrons pas dans cette dynamique du recevoir et du don le pain restera stérile
Si la graine semée en nous ne nous fait pas entrer dans le don et l'amour partagé, cela ne sert à rien.
Si nous repartons d'ici sans nous connaître, sans partager avec notre voisin, l'inconnu, l'étranger cela ne sert à rien
L'amour donné, partagé multiplié est le pain que Dieu nous donne, sans mesure, sans intérêt, sans retour
Il en reste 12 corbeilles signe de l'amour immense de Dieu...
La surabondance du don, soulignée par le chiffre de 12 (que ce soit les 12 tribus ou les 12 apôtres) nous conduit à une méditation : celle de l’abondance des dons de Dieu...
Nous sommes invités, comme l'évoqua si bien Bonaventure à être comme une amphore dans le fleuve : le don de Dieu, l'amour de Dieu est immense, si nous devenons ce que nous recevons le don de Dieu sera immense et débordant...


Laissons nous embraser par ce don qui vient à nous.
Si nous mangeons ce pain, si nous devenons corps, si l’amour nous habite alors « ni la mort ni la vie, (...) ni le présent ni l'avenir,(...) ni aucune autre créature, [aucun virus, aucun malrien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »(Rom 8)
   

23 juillet 2020

Amour en toi - 79 - Dieu intérieur

Quel est l'enjeu du demeurer en moi ? Demeurer, c'est entrer dans les profondeurs, dans l'océan intérieur où Dieu se cache.

Au delà des vagues, des tempêtes, il y a un calme inattendu, un lieu de paix qui nous attend. Comme ce rayon inattendu qui illumine la mer démontée et fait apparaître l'essence du divin.


« Tu étais là et je ne le savais pas » (1).

Il faut le silence, un silence profond, pour que le Verbe résonne au fond de soi, au plus profond de soi. C'est là que Dieu se révèle.

« Deus interior intimo meo », Dieu plus intérieur que le plus intime de moi-même (1). C'est dans le silence qu'il me parle, me bouscule, jusqu'au jointures de l'âme. Écoutons-le !

(1) Saint Augustin, Les Confessions.
(2) ibid. III, VI, 11

Sur le même thème...

Dépouillement 25 - homélie du 17ème dimanche

Où courons nous ?

Que nous dit Jésus sur le marchand de perles dans l’Evangile de Matthieu ?  « il va vendre tout ce qu'il possède et achète cette perle.»»
‭‭Matthieu‬ ‭13:46‬ 
« Tu t'agites pour beaucoup de choses, une chose est essentielle » glisse Jésus en écho à Marthe (Lc 10, 41). Il faudrait maintenant se taire et méditer sur ce qui est essentiel. Entendre le discours de Jésus au jeune homme riche : « une seule chose te manque : va vends tous tes biens et suis moi ».(Mc 10, Mat 19, Luc 18). Selon certaines interprétations Marc est probablement celui des trois évangélistes Synoptiques qui a le mieux compris cela au point qu'on l'associe à ce jeune homme qui s'enfuit tout nu au jardin de Gethsémani. Pourquoi Marc nous raconte t il cette scène non reprise par Matthieu et Luc ? Peut-être a-t-il compris le message ultime. Tout vendre, renoncer, se dépouiller, se mettre à nu... Jusqu'au déchirement du voile qui révèle l'amour.

La nudité à laquelle nous sommes appelés est celle qui nous oblige à sentir qu'il n'y a qu'une voie, qu'une sagesse, qu'un chemin, qu'un trésor, qu'un médiateur, Jésus Christ, celui qui s'est dépouillé de tout parce qu'en faisant cela il va jusqu'au bout de l'amour.

La route est longue et ardue... Au bout du chemin, quand on a fait, en nous, le tri final, il ne reste qu'une voie de sagesse, insiste à sa manière saint Jean de La Croix : suivre le Christ. Cette voie, est celle que décrit Salomon (1Rois 3), c'est celle qui peut faire de nous des « justes » comme le dit saint Paul en Romains 8.

Combien de fois nous arrêtons nous pour voir la frénésie de notre agir, de nos agitations ?
La porte est étroite et la question lancée par Matthieu sur le tri des anges doit nous interpeller. Sommes nous prêts comme les jeunes filles et leurs lampes ?
Prendre la voie du Christ est « impossible à l'homme mais possible en Dieu » glisse Mat. 19... le Christ lui-même a eu besoin d'être poussé par l'Esprit au désert pour prendre de la distance sur cette agitation intérieure qui nous éloigne du Chemin.

« Seul l'Esprit, parle à notre esprit dans le silence ». Sommes nous des « écoutants » ? Laissons nous place à l'Esprit pour agir ? Entrouvrons-nous la porte à ce « courant d'air (1) » qui pénètre au fond de notre cœur et nous fait découvrir la perle, le trésor, le royaume.

Entrons dans le silence et écoutons Dieu interpeler notre cœur. Où est ta priorité ?





« Il s'agit [alors] de transporter notre cœur dans la vie du ciel, en sorte qu'on puisse dire : « Notre patrie est dans les cieux » (Ph 3,20). Surtout c'est commencer à devenir semblable au Christ, « qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour nous » (2Co 8,9).(2)

Le grand enjeu devient, dans la dynamique de la troisième parabole d’entrer dans un véritable discernement, trier ce qui nous empêche d’aller dans ses pas, ce qui est « balayure » et nous laisser « saisir » par lui (cf, Ph 3)

(1) François Cassingena-Trévédy, pour toi quand tu pries, op.cit. 
(2) Saint Basile Grandes Règles monastiques, § 8 (trad. L. Lèbe osb, Éd. Maredsous, 1969, p. 71 rev.)

22 juillet 2020

Dépouillement 27 - Détachement et nudité (18eme Dimanche - Année C revisité)

Quel est notre attachement aux biens de ce monde ?

L'insistance de la Parole est presque abusive. Elle est comme un cri de Dieu lancé dans le désert et qui retentit depuis le premier cri de Dieu au jardin.

Où es-tu ? Que cherches -tu ? Où es-ta priorité ?

On peut passer à côté, refuser de l'entendre.

Mais c'est se détourner de l'essentiel. Se détourner de la croix qui crie encore ce « Que cherches -tu ? »

Le matin de Pâques les disciples entendront encore ce qui cherchez-vous qui nous ramène à notre quête.

L'essentiel n'est pas dans l'avoir, la vanité ou la puissance. Il est dans le dépouillement, la nudité, le don...

L'inversion à laquelle nous conduit ce texte c'est le don....

Chez Marc, au jeune homme riche, Jésus redit, comme il le fait à sa manière viens et suis moi.
Donne...
Donne sans compter
Donne sans attendre de retour
Donne jusqu'au bout

Donne jusqu'au bout de ta vie
Car donner c'est aimer.

Le mariage, dis-je souvent à ce que je marie est signe de ce don.
Je me donne à toi..... et je ne le reprendrai pas.
Il est signe seulement de l'indicible don qui jaillit du cœur du Christ et continue de se donner à chaque eucharistie...

L'amour est don
L'amour est dépouillement
L'amour ne cherche pas son intérêt
L'amour prend patience
L'amour c'est donner sans retour

Dieu est amour.

Paul nous fait aller, comme souvent, un pas de plus...
« vous vous êtes revêtus de l'homme nouveau
qui, pour se conformer à l'image de son Créateur,
se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance"
.
Tout est rien, pourrait il dire comme l'a fait la grande Thérèse tout est rien, tout est vanité
« mais il y a le Christ :  il est tout, et en tous. »

Quand nous communions avec lui, il ne s'agit pas de recevoir, mais d'entrer dans la dynamique de Dieu, dans le don...

Porter le Christ c'est être nu, à genoux devant l'homme et donner le meilleur de soi-même. Le dépouillement du Christ qui enlève ses vêtements en Jn 13 pour s'agenouiller devant l'homme et laver les pieds devient le signe du don ultime, du dépouillement d'un Dieu nu, exposé sur la Croix. C'est là où Dieu se révèle, c'est là où Dieu apparaît derrière le déchirement du voile...

20 juillet 2020

La danse des brebis - dépouillement 24

« J'ai joué de la flûte » (Mat 11,17)
Quel écho cela a-t-il pris en nous ?

Tendre l'oreille.
Entendre la musique du Verbe.

« Aussitôt que la voix de ta salutation à atteint mon oreille, voici que l'enfant a tressailli en moi » (Luc 1,42)

Entendre et tressaillir.
Sentir le Verbe en soi...

Entendre la voix de Dieu, en reconnaître les notes.
Reconnaître la voix.
La laisser vibrer en nous.

«Le gardien lui ouvre la porte et les brebis écoutent sa voix. Il appelle ses brebis chacune par son nom et les mène dehors. Quand il les a toutes fait sortir, il marche devant elles et les brebis le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix.» Jean‬ ‭10:3-4‬ ‭

Tressaillir aux échos de Dieu dans les profondeurs intérieures de notre être.
Secouez les résistances, les fausses notes, les contre-temps.
Se dépouiller des ornements (Ex33,5) qui freinent l'écho de Dieu...
Entrer en résonance avec le Verbe.
Entrer dans la danse.
Participer à la symphonie du Verbe.

Quitter nos enclos et nos terres...
Quitter nos enfermements et nos doutes...
Quitter son père et sa mère
Se lever...
Porter le fardeau léger
Prendre son bâton
Se laisser conduire au désert.
N'emporter ni bourse, ni rechange
Marcher dans les pas de Dieu.
Entrer dans sa danse.

Avancer, un pas après l'autre.
Trébucher et se relever.
Se laisser porter.
Découvrir ses chemins de miséricorde
Ne pas se laisser distraire par les bruits alentours.
Se concentrer sur la mélodie.
Danser avec son Dieu...
Se laisser emporter par la danse trinitaire
Quitter son vêtement de fête
Retirer ses sandales.
Aimer et se laisser aimer.
Jusqu’au bout
Mourir à soi même
Espérer contre toute espérance



(1) Variation et hommage au « maître de chant », in François Cassingena-Trévédy, la voix contagieuse, chap. VII, op. cit.

Kénose de l’Eglise - dépouillement 23

La sainteté de l’Église est plus que jamais en question.
Comment y rester fidèle après les révélations récentes ?
Pourquoi et comment évoquer encore le mot de sainteté ?
Quelles sont les pistes d’une réforme ?
Peut on parler d’une nécessaire kénose de l’Église au sens d’un dépouillement salutaire...
Comment interpréter l’incendie de nos cathédrales, la désertion des fidèles...
Autant de sujets brûlants qui nécessitent une prise de hauteur.
Le livre suivant, écrit à partir de 2010, dans la foulée de celui du Père Vidal « Cette église que je cherche à comprendre » ne perd pas sa pertinence.
Reprenant les analyses de J. Moltmann, de H de Lubac ou Y. Congar, il trace aussi un chemin très personnel en tension entre contemplation et révolte.
Il est maintenant disponible gratuitement sous ce lien chez Fnac.com et kobo au format ePub :


La liste des 13 ouvrages déjà mis en ligne gratuitement est disponible plus bas ou sous ce lien...


« De même donc que le Seigneur n'a rien fait, ni par lui-même ni par ses Apôtres, sans son Père, avec qui il ne fait qu'un, ainsi vous-mêmes ne faites rien sans l'évêque et les presbytres. N'essayez pas de donner une apparence de raison à vos activités privées, mais faites tout en commun : une seule prière, une seule supplication, un seul esprit, une seule espérance dans la charité, dans la joie irréprochable ; un seul Jésus Christ, qui est au-dessus de tout. Concourez tous à former comme un seul temple de Dieu, autour d'un seul autel, en l'unique Jésus Christ, qui est sorti du Père unique, qui était auprès du Père unique, et qui est retourné à lui ». (1)

(1) saint Ignace d’Antioche, lettre aux Magnésiens, source : office des lectures de la 16 semaine 

19 juillet 2020

Dépouillement 22 - le bon grain, l’ivraie et La Croix


Il y a une lecture pascale et johannique du texte de Matthieu 13 en Jean 13. Elle illustre et complète la parabole du bon grain et de l'ivraie, dans l'agenouillement du Christ devant Pierre et Judas.
C'est « l'où es-tu ? » final de Dieu devant l'homme, lancé depuis Gn 3....Le Christ a vécu dans sa chair, ce dépouillement. Il s'est mis à genoux devant les deux « graines » qu'était Judas et Pierre, il a lavé les pieds des deux apôtres.
Judas a refusé l'amour et s'est pendu dans la géhenne, la vallée maudite qui jouxte Jérusalem
Pierre a renié le Christ jusqu'au bout, par trois fois, mais le Verbe semé en lui a étouffé l'ivraie de la discorde, le germe de violence qui cohabitait en lui. Pierre n'a pas pris pas l'épée, il accepte de se laisser laver tout entier par les larmes... Au lieu de choisir la mort, il a choisi douloureusement le repentir puis la vie.


Dans la mort du Christ Pierre a entamé son dépouillement ultime. Aux triple questions du Christ qui répondent à son triple reniement, s'amorce la naissance de la plante fragile et immense qui sera l'Eglise (Jn 21).
« Pierre m'aimes-tu ? »
De Jean 13 à  Jean 21 s'étend la clé qui ouvre et met à jour l'amour de Dieu pour l'homme.
Je l'ai compris dans la chair le jour où j'ai senti le Christ à genoux devant moi. Cette révélation, à Penboc'h un jour de retraite ignatienne il y a une dizaine d'années est le germe ultime de ma vocation de diacre.
Ne soyons pas source de discorde, laissons l'Église entamer le dépouillement final...poussé par l'Esprit qui travaille sans cesse en l'homme pour faire jaillir les semences du Verbe.

Nos cathédrales peuvent être réduites en cendres... le germe divin ne sera pas atteint. La moisson vient, le grain semé germe au fond de l'homme. l'Église est le creuset, le Corps de l'espérance de Dieu, le fruit ultime de son agenouillement et de son dépouillement 
Le dépouillement et l'agenouillement de Dieu est la clé cachée de la parabole. Écoutons le Christ à genoux nous demander « m'aimes-tu ? ». « Supportez-vous les uns les autres avec amour. Ayez à cœur de garder l'unité dans l'Esprit par le lien de la paix » (Ep 4,2-3). N'y a-t-il rien en toi qu'un autre n'ait à supporter ? (1)

(1) Saint Augustin Commentaire sur le psaume Ps 99, 8-9, PL 37, 1275-1276 (Saint Augustin, maître de vie spirituelle; trad. A. Tissot, S.J.; Éd. X. Mappus 1960, p. 115-116 rev.), source  : l'Évangile au Quotidien 




18 juillet 2020

Le bon grain et l’Ivraie - 16eme dimanche année A

Projet d'homélie - 2 
Le livre de la sagesse et surtout le psaume 85 donne le ton. Il nous fait contempler d'abord cet amour de Dieu tendre et miséricordieux qui prend patience et regarde l'homme en espérant le meilleur de lui-même. Il y a quelque part une forme d'agenouillement et de dépouillement devant l'homme. Une espérance...
Une espérance que tout ce qu'Il a donné, tous les signes, toute la pédagogie de Dieu va donner naissance à une plante, à une graine, à quelque chose qui va porter du fruit.
Laisser pousser l'ivraie, n'est-ce pas croire à la victoire de l'amour sur la mort.
Face à cette espérance de Dieu, face aussi à l'Esprit qui a été donnée à l'homme, quelle est notre attitude ?
Comment faire ?
Deux pistes :
  1. Ne pas tomber dans le jugement sur autrui
  2. Regarder le chemin parcouru et avancer...

L'Esprit vient au secours de nos faiblesses sur ces deux chemins. Il nous aide à espérer en l'homme comme Dieu espère en nous.
Il nous aide à trouver la force d'avancer...
Laissons nous traverser par cette espérance.
Laissons nous surtout porté par Dieu, pour échapper aux pièges du jugement, pour nous concentrer sur la tâche qui nous est impartie, pour nous laisser saisir par le Christ, en oubliant le chemin parcouru...(au sens donné par Ph 3).

L'ivraie du voisin est une fausse piste. Par la prière Dieu nous conduit à voir ce qui en nous est à transformer. Par sa tendresse, son amour et son pardon, Dieu nous conduit à la vie. Laissons nous transformer par l'Esprit qu'il a déposé en nous.

Ce n’est qu’à ce prix que Dieu pourra rendre justice. Abandonner le jugement sur autrui, c’est laisser agir le Dieu de tendresse et de miséricorde qui guide l’homme vers la victoire du bien. Ce n’est pas notre combat.


17 juillet 2020

Nudité ultime - Dépouillement 21

Il y a un verset du chapitre 33 d'Exode que je ne cesse te contempler et méditer. Il suit Ex 32, et l'épisode du veau d'or et prépare Ex 34 et la révélation lumineuse du Dieu de tendresse à Moïse, dernière marche des épiphanies avant la Transfiguration.
Ce verset invite à « enlever ses vêtements de fête » (Ex 33,5) (1).
Qu'est-ce à dire ? Si ce n'est entrer dans ce dépouillement qui permet d'aller jusqu'à la vision de Dieu. Quel est le point ultime de ce mouvement, si ce n'est contempler la nudité du Christ dans son premier dépouillement, celui de l'enfant donné, dans le vêtement retiré du laveur de pieds, jusqu'à son dernier dépouillement, un Christ défiguré de l'amour versé, un Christ transpercé par nos violences et nos abandons, un Christ révélé derrière le rideau déchiré du Temple, un Christ lumineux de la grâce jaillissante d'un cœur brisé ?

Le dépouillement de Dieu est le prélude musical de la kénose de l'Église qui ne fait que commencer.
Il s'inscrit dans la dynamique même de la « séparation » entre ciel et terre de Gn 1 ou du « quitter » de Gn 2 où l'homme quitte père et mère pour ne faire qu'une seule chair avec l'aimé(e), et parvenir à cette nudité sans honte de l'être dépouillé qui danse avec autrui et y découvre une autre danse plus essentielle, celle qui le fait parvenir à l'en Christo(2), l'en Christ où le don danse avec son Donateur et devient co-createur de l'amour, passeur, engendrement de l'autre (3) à qui il insuffle l'amour reçu d'ailleurs et qu'il ne peut conserver sans perdre. La manne ne dure pas. Le pain reçu ne persiste que partagé...
La dynamique sacramentelle part de l'aride liturgie pour nous propulser de dépouillement en dépouillement jusqu'au don de soi, l'ultime diaconie...

La danse nuptiale du Christ et de son Église va de dépouillement en dépouillement(4).



(1) cf. L'amphore et le fleuve
(2) Hans Urs von Balthasar développe abondamment ce thème dans la deuxième partie de sa trilogie.
(3) au sens charnel mais surtout au sens spirituel donné par P. Bacq et C. Théobald dans leur Pastorale de l'engendrement...
(4) « Dépouillement » est la web série qui complète la publication récente de « Dieu dépouillé », une exclusivité gratuite de 1200 pages sur fnac.com

Aride liturgie - dépouillement 20

Aride liturgie - dépouillement 20

Combien de fois la liturgie nous rebute, les symboles nous échappent, les gestes passent à côté de nos réalités humaines.

Je suis un des premiers à la décrier et la conspuer, à avoir en horreur ses fastes et ses excès. Et en même temps je dois avouer que parfois l'aridité de ces répétitions, la profondeur de sens de ce qui est prononcé, la face cachée des gestes et des symboles révèlent autre chose que l'apparence et le rideau se déchire (1). Arrière Satan...!

Dans l'aridité d'un chemin du désert (2), dans le dépouillement attendu d'un carême, dans la symbolique d'une misérable hostie offerte, Dieu se fait signe.

Paradoxe et oxymore que cette liturgie que nous détestons souvent sans en chercher le sens caché. Benoît XVI, avant d'être pape avait cette phrase assassine qui interpelle dans l'esprit du christianisme : « le prêtre peut-être un imbécile, le sacrement reste valide » (3) ce qui tempère nos ardeurs jalouses et notre aptitude fréquente à jeter le cœur du symbole avec l'eau du bain.

« Si ce que tu admires est une ombre, une préfiguration, combien grande est la réalité dont l'ombre excite déjà ton admiration. Écoute bien : ce qui s'est réalisé pour nos ancêtres n'était que l'ombre de la réalité à venir. Ils buvaient à un rocher qui les accompagnait, et ce rocher, c'était le Christ. Cependant la plupart n'ont fait que déplaire à Dieu, et ils sont tombés au désert. Ces événements se sont réalisés en figure à notre intention. Tu sais maintenant ce qui a le plus de valeur: la lumière l'emporte sur les ténèbres, la vérité sur la figure, le corps du Créateur sur la manne venue du ciel.(4)

Je dois reconnaître qu'il m'a fallu près de 50 ans de pratique brouillonne et revêche avant de découvrir à travers l'enseignement lumineux d'un moine de Lérins à l'ICP (5) le sens caché de cette échange entre les fidèles et le prêtre qui ouvre la consécration et donne à ce dernier le droit temporaire et fragile de monter à l'autel pour célébrer le mystère eucharistique. (6)

Nous passons bien souvent à côté de l'essentiel. Et pourtant, combien de fois, au cœur d'une assemblée brouillonne, malgré mes réticences et mes distractions Dieu soudain m'a fait signe et s'est révélé soudain dans sa fragilité me faisant tomber à genoux devant lui, en dépit de mon orgueil et de ma suffisance.

« Tu étais là et je ne le savais pas » (7) résonne alors en nous les phrases d'Augustin, alors qu'un « Seigneur je ne suis pas digne » traverse notre esprit et nous découvre l'amour et notre faiblesse mêlée.

Le cléricalisme est-il le prix à payer, la pilule amère de ce mystère qui se cache derrière des années de tradition accumulées...?

L’eucharistie est le sommet d’une dynamique qui commence et rejoint l’agir. Elle cristallise en un temps et un lieu un double mouvement de Dieu vers l’homme, agenouillement sans fin et de l’homme vers Dieu, agenouillement rare et fragile, comme celui auquel Etty Hillesum s’est retrouvée conduite à adopter (8) suite au long travail intérieur de Dieu.


L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse,
car nous ne savons pas prier comme il faut. » (Rom 8, 26)

(1) cf. Le rideau déchiré ou mon livre fleuve « pédagogie divine » in « Dieu dépouillé » gratuit sur Fnac.com
(2) cf. Le chemin du désert ibid.
(3) je cite de mémoire
(4) Ambroise de Milan, traité sur les mystères, source office des lectures du 16/7, 15ème semaine du temps ordinaire
(7) confessions, chap. VIII
(8) cf. Une vie bouleversée

Le titre de cet article m’a été partiellement inspiré par la méditation de François Cassingena-Trévédy sur l’aridité in « La voix contagieuse »

16 juillet 2020

Ordination des femmes - Dépouillement 19 - espoir et conversion

Jusqu’où l’Eglise doit-elle se dépouiller ?
Le premier pas reste un appel toujours personnel adressé à chacun, dans la foulée de ce que je décris dans ma web série...(Dépouillement 1 à 18).

Il y en a un autre, plus difficile et double à mon avis :
1. celui des clercs (dont je fais maintenant partie) qui ne doivent jamais renoncer à s’éloigner de l’éternelle tentation du pouvoir et de l’orgueil qui s’attache à la fonction très symbolique de « ministre » - fonction qui est par essence d’abord une fonction de serviteur à l’image du Christ décrit par Jean (1).
2. et celui du féminisme qui s’attache à une égalité forcenée alors que les femmes ont des qualités qui leur sont propres...(ce qui n’exclut pas, comme on le verra plus loin une nécessaire réforme).

Depuis la candidature d'Anne Soupa au primat des gaules, des arguments valables ont été émis dans les deux sens, mais un chemin ardu est, j'espère, avancé. J´ai moi même souligné l'intérêt que l’on pourrait trouver dans une distanciation de plus en plus nécessaire entre pouvoir, surveillance, autorité, service et responsabilité.

A cette occasion je soulignais combien le rôle de surveillance attribué aux évêques par la plus ancienne des traditions pourrait fort bien échoir à des femmes, dans une urgence nettement appuyée par la crise récente.

Plus généralement c’est la notion même de sacrement qu’il serait nécessaire d´étendre pour ne pas réduire aux rites ce qui devrait être une dynamique sacramentelle (2)

Il y a enfin une dynamique post conciliaire à soutenir en faveur de la collégialité.

Je découvre tardivement un article de Charles Delhez qui a précisé notamment en juin dans La Croix que « Jésus a donné aux femmes une place plus importante que ses contemporains. Saint Paul (...) ajoute-t-il, « a proclamé haut et clair l'égalité de l'homme et de la femme.(...)(3)Réserver la prêtrise aux hommes est pour elle une question de cohérence symbolique [soulignant] deux manières différentes d'être au monde. » le jésuite belge précise néanmoins que  « Si l'on veut maintenir le dialogue avec la culture moderne et si on promeut une conception moins sacrée du prêtre, ordonner des femmes serait un pas en avant dans la ligne du tournant opéré par Jésus. Cela irait dans le sens de l'histoire et lèverait une réserve importante de nos contemporains vis-à-vis de l'institution ecclésiale. Ce ne serait pas un non-sens, me semble-t-il. (...)  La première étape serait dès lors la réinstauration de diaconesses et le choix de femmes cardinales. L'onction des malades pourrait aussi être donnée par le baptisé, femme ou homme, qui a mission d'accompagner spirituellement la personne souffrante. Ne doit-on pas desserrer l'étau sacramentel devenu un quasi-monopole sacerdotal et masculin (exception faite pour le mariage et le baptême) ? (...) La première question n'est cependant pas, selon moi, celle du sacerdoce, féminin ou masculin – ce serait encore du cléricalisme –, mais celle de la vitalité des communautés appelées à être davantage responsables et adultes. On peut d'ailleurs se demander si la figure actuelle du clergé n'est pas dépassée » (4)
Cette question rejoint ce que j'ai noté dans mon livre de 2013 : « Cette église que je cherche à aimer » (5) un plaidoyer que je ne renie pas en dépit de mon changement d'état.
S'il est important pour chacun de comprendre l'étendue de sa différence il n'est pas incompatible de concevoir l'intérêt pour chacun d'une certaine humilité entre fonction reçue et place effective, pouvoir donné et humilité.
Je reste persuadé qu'une conversion intérieure des clercs doit se faire pour réaliser l'impasse où nous sommes, comme il est utile, pour la femme de percevoir que la fonction n'est qu'un leurre et que l'important est d'aimer.

On relira sur ce thème la notion de polyèdre souvent soulignée dans ce blog, à la suite des propos de François.

Le plus urgent reste de percevoir que notre Église reste pécheresse, tout en espérant sa conversion individuelle et collective. L'ampleur des dégâts mis en avant par la commission Sauvé devrait interpeller sur les dérives du pouvoir.

La noirceur de l'Église est-elle chemin de salut ? Rappelons ce que disait saint Ambroise

« Le Seigneur dit par la bouche d'Isaïe : Si vos péchés sont comme la pourpre, je les rendrai blancs comme neige. L'Église, qui porte ces vêtements blancs pour les avoir endossés grâce au bain de la nouvelle naissance, dit dans le Cantique des cantiques : Je suis noire et belle, filles de Jérusalem. Noire par la fragilité de la nature humaine, belle par la grâce ; noire parce que composée de pécheurs, belle par le sacrement de la foi. En voyant ces vêtements, les filles de Jérusalem disent, dans leur stupéfaction : Qui est celle-ci qui monte toute blanche ? Elle qui était noire, comment est-elle devenue blanche tout à coup ?

Quant au Christ, voyant son Église en vêtements blancs — c'est pour elle, dit le prophète Zacharie, qu'il avait pris des vêtements sales —, ou bien voyant l'âme purifiée et lavée par le sacrement de la nouvelle naissance, il lui dit : Que tu es belle, mon amie, que tu es belle : tes yeux sont beaux comme ceux de la colombe, cette colombe dont le Saint-Esprit avait pris l'apparence pour descendre du ciel. (...)
Aussi rappelle-toi que tu as reçu l'empreinte de l'Esprit : Esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de piété, esprit de crainte religieuse, et garde bien ce que tu as reçu. Dieu le Père t'a marqué de son empreinte, le Christ Seigneur t'a confirmé, et il a mis l'Esprit dans ton cœur, comme un premier don, ainsi que tu l'as appris par la lecture de l'Apôtre. » (6)

(1) cf. mon livre « à genoux devant l’homme »
(2) cf. Dynamique sacramentelle 
(3) cf. aussi, dans ce sens, l’exégèse du P. Morin qui distingue deux rédactions différentes au sein des lettres de Paul entre ce qui semble égalitaire  (qu’il attribue à Paul) et misogyne (plus tardif) voir aussi mon « serviteur de l’homme »
(4) Charles Delhez sj, Ordination des femmes, une évolution possible (La Croix, jeudi 4 juin 2020)
(5) en téléchargement libre sur Fnac.com à partir du 18/7
(6) Ambroise de Milan, traité sur les mystères, source office des lectures du 16/7, 15ème semaine du temps ordinaire

15 juillet 2020

Dépouillement 18 - baptême du Christ (Matthieu 3, Mc 1, Luc 3)

 S'il y a un dépouillement à contempler, c'est peut-être celui du baptême du Christ. Le voici en effet qui s'avance, se met à nu pour se plonger dans l'eau du monde, se plonger dans le monde. Dénuement total (Kénose) que celui d'un Dieu qui accepte de plonger dans l'eau du Jourdain jusqu'à nous rejoindre dans ce qu'il y a de plus humain. Dénuement premier et symbolique de Celui qui a accepté de mourir à sa nature divine pour rejoindre notre humanité dans ces eaux usées, dans ces eaux de la mort, pour nous permettre de renaître dans l'Esprit (cf. Jn 3) jusqu'au déchirement des cieux...

Plongée jusqu'à l'homme, agenouillement sublime de celui qui préfigure l'agenouillement final qui le portera à la croix.

Il y a dans le déchirement du ciel, la même symbolique que le déchirement du voile du Temple (cf. Mc 15, 38) et le cri divin qui reconnaît dans le nouveau baptisé la filiation première « Celui ci est mon Fils bien aimé en qui j'ai mis tout mon amour » est celui qui annoncera la résurrection et résonne dans le « c'est pourquoi » de l'hymne au Philippiens (cf. 2, 12 sq).

Le baptême du Christ est le prélude symphonique de la Croix. Et la colombe qui étend ses ailes est la symbolique synoptique du jaillissement de l'eau et du sang qui inonde encore le monde de sa grâce.

Symphonie de l'Évangile que cette révélation multiple qui rime avec ce que nous perpétuons dans le baptême de nos enfants.

Entrer dans le Jourdain à la suite du Christ c'est accepter de venir laver ce qui nous empêche d'aimer, c'est renoncer à tout ce qui fait obstacle à notre vocation originelle, c'est nous laisser modeler dans la forme originale et nue de l'homme créé par Dieu et pour Dieu.

Se laisser baptiser à nouveau dans chacun des lavement des pieds que le Christ nous propose au travers du sacrement de la réconciliation c'est accepter de laisser laver « tout entier »(cf. Jn 13), nous séparer de ce qui nous retient par le péché à ce qu'il y a de plus humain pour rentrer enfin dans la danse symphonique de Dieu avec l'homme, pour rentrer dans la vie en Christ, dans l'Esprit.

Renaître est à ce prix...

PS : méditation à la suite de « la voix contagieuse », chapitre 4, de François Cassingena-Trévédy, op. cit.
Dans la foulée et en 17ème complément de mon livre « Dieu dépouillé »

Dépouillement 17 - saint Bonaventure

Le chemin de l'homme vers Dieu n'est pas un chemin intellectuel, mais de l'ordre du dépouillement nous dit en substance Bonaventure en écho avec Mat 11, 25-27 : « Quittant l'Égypte, il entre au désert pour y goûter la manne cachée et reposer avec le Christ au tombeau, comme mort extérieurement mais expérimentant dans la mesure où le permet l'état de voyageur - ce qui a été dit sur la croix au larron compagnon du Christ : Aujourd'hui avec moi tu seras dans le paradis.
En cette traversée, si l'on veut être parfait, il importe de laisser là toute spéculation intellectuelle. Toute la pointe du désir doit être transportée et transformée en Dieu. Voilà le secret des secrets, que personne ne connaît sauf celui qui le reçoit, que nul ne reçoit sauf celui qui le désire, et que nul ne désire, sinon celui qui au plus profond est enflammé par l'Esprit Saint que le Christ a envoyé sur la terre.
Et c'est pourquoi l'Apôtre dit que cette mystérieuse sagesse est révélée par l'Esprit Saint.
Si tu cherches comment cela se produit, interroge la grâce et non le savoir, ton aspiration profonde et non pas ton intellect, le gémissement de ta prière et non ta passion pour la lecture, interroge l'Époux et non le professeur, Dieu et non l'homme, l'obscurité et non la clarté ; non point ce qui luit mais le feu qui embrase tout l'être et le transporte en Dieu avec une onction sublime et un élan plein d'ardeur. Ce feu est en réalité Dieu lui-même dont la fournaise est à Jérusalem.
C'est le Christ qui l'a allumé dans la ferveur brûlante de sa Passion. Et seul peut le percevoir celui qui dit avec Job : Mon âme a choisi le gibet, et mes os, la mort. Celui qui aime cette mort de la croix peut voir Dieu ; car elle ne laisse aucun doute, cette parole de vérité : l'homme ne peut me voir et vivre.
Mourons donc, entrons dans l'obscurité, imposons silence à nos soucis, à nos convoitises et à notre imagination.
Passons avec le Christ crucifié de ce monde au Père. Et quand le Père se sera manifesté, disons avec Philippe : Cela nous suffit. Écoutons avec Paul : Ma grâce te suffit. Exultons en disant avec David : Ma chair et mon cœur peuvent défaillir : le roc de mon cœur et mon héritage, c'est Dieu pour toujours. Béni soit le Seigneur pour l'éternité, et que tout le peuple réponde : Amen, amen. »


(1) Saint Bonaventure, itinéraire de l'âme vers Dieu, source office des lectures - fête du 15/7
Cf. aussi, sur le même thème mon « chemin du désert »


12 juillet 2020

Le bon grain - Dépouillement trinitaire - Mat 15 - 15ème dimanche ordinaire A

Le bon grain - Dépouillement trinitaire Mat 13 - 15ème dimanche du Temps Ordinaire

Contemplation, Projet 1

Dépouillement de Dieu que ce grain jeté en terre, dans la profusion des dons et l'espoir que quelque chose sortira de ce don immense et gratuit.



Dépouillement que ce grain jeté
Dépouillement qui va jusqu'au don du Fils et de l'Esprit
Retrait de Dieu après le don.
Un Dieu qui s'efface et laisse pousser en nous le fruit de ses dons.
Espérance de Dieu, aussi...
Espérance du Père qui va jusqu'à la désespérance du Fils et jusqu'au silence de la déréliction
Espérance du Fils contre toute espoir dans un Gethsémani renouvelé à chaque eucharistie donnée et dépouillée jusqu'au cœur de l'homme.
Espérance et dépouillement de l'Esprit qui a mis en nous le grain et rêve du grain qui pousse.
Espérance de Dieu qui observe en nous la semence et rêve de la plante.
Espérance et dépouillement trinitaire donc de Dieu qui attend nos premiers pas de danse et se réjouit de nos petits pas vers lui, comme un Père qui regarde son enfant marcher et tituber pour la première fois...
Joie immense quand le fruit germe, l'enfant marche, la brebis trébuche et se retourne vers le berger en pleurant...


PS : voir en contrepoint mon hommage à une amie d'hier, comme la joie des anges devant un fruit mûr et une plante qui porte des fruits...

11 juillet 2020

Pourquoi ? - dernier hommage à une amie

Pourquoi C. nous a t elle quitté ?

Nous sommes en droit de nous poser cette question ?
Nous avons même le devoir de nous interroger sur ce pourquoi.
Nous avons le droit de crier ?
Le silence apparent de Dieu est toujours mis en cause....
Il n'y a pas de réponse directe, évidente à cette question...
Mais il nous reste des traces,
Des graines,
Des semences...
Si le grain ne meurt, nous dit l'évangile il ne peut porter de fruit...
Vous le savez plus que moi, le grain ne meurt pas vraiment
Au contraire, planté en terre, abandonné à la terre, il prépare une plante, il germe et porte du fruit...
Et quel fruit...
C. tu as été confié à la terre et tu n'as cessé de porter du fruit
Tu es vivante encore, c’est notre espérance
Tu resteras vivante,,, en nous...
Comme tu l'as été avec nous....
Je me souviens de toi comme quelqu'un de droit,,,
Non pas rigide, mais droit....
Ta droiture, je dirais même ta verticalité, venait d'une longue histoire, difficile, douloureuse parfois, joyeuse certainement mais toujours nourrie de cette verticalité.
Dieu avait sa place chez toi...
Une place immense
Une quête
Combien de fois, assise en face de moi, ouvrant la Bible, tu as cherché à mieux connaître ce Dieu qui reposait caché au fond de ton cœur ?
Ce Dieu fragile, discret, silencieux, t'a toujours habité
Dans cette église de N. comme celle de ton village, tu étais toujours là...
Au premier rang,,,
Dieu était en toi,,, au fond de toi
Tu l'as semé à ta manière dans tout qui était amour chez toi.
Dans ton amour pour ton mari, tes enfants, petits enfants...les enfants du catéchisme, tes amis...
Ce qui était amour chez toi, ne mourra pas, en nous car il ne pouvait mourir en toi.
Tu étais, par bien des manières, amour...
Tu portais l'amour. Or l'amour ne meure pas...
Il y a une demeure préparée pour toi la haut, nous dit l’Évangile choisi aujourd’hui (Jn 14)
Comme tu demeureras en nous, dans cette verticalité qui t'as caractérisé
Ce Dieu souffrant planté en croix que tu n'as jamais renié t'attends.
Il est amour et il est chemin.
Tu as laissé en nous ta trace, parce que l’amour qui vibre en toi est chemin, il est vérité
L'amour a fini par t'emporter,
Mais il reste en nous comme un manque.
Une semence
Une quête, un cri...
Dieu est amour
Il est semence
Il est vie
Tu es partie mais tu vies en nous, tu vivras par la mémoire de ton sourire et de ta joie.
Parce que l'amour est plus fort que la mort...
Amen