14 juillet 2022

Le bon samaritain 2.70

 

Où courons nous ?

La liturgie de cette semaine, si nous avons pris le temps de la méditer nous a alerté. Nous vivons trop vite, nous ne prenons pas le temps du silence, de cette lente manducation de la Parole qui nous fait percevoir que le don prime sur tous nos efforts humains.


« Écoute nous dit la première lecture.

(...) Elle est tout près de toi, cette Parole,

elle est dans ta bouche et dans ton cœur,

afin que tu la mettes en pratique. » Dt 30


Que nous dit elle ce dimanche, cette Parole ? Colossiens 1 nous décrit un Christ royal, premier et vêtu de Gloire. Mais ce n’est pas celui de l’Evangile, celui qui se penche vers nous, nous parle en Parabole.


Nous aussi, nous pouvons être happés par le désir de reconnaissance, par notre propre importance.

Ce n’est pas là le chemin. Augustin reprenait lundi, dans l’office des lectures cette phrase déroutante du psaume. Il nous faut avoir un cœur brisé.

Qu’est ce à dire ?

Peut-être que notre cœur s’est endurci à la souffrance du monde. Cœur de pierre disait Ezéchiel.

Mon cœur s’est retourné, glissait jeudi Osée au chapitre 11. Ce chapitre 11 d’Osée nous dévoile un Dieu presque maternel, dont les entrailles se déchirent à la vue de la souffrance des hommes. 


Ce que nous contemplons, aujourd’hui, c’est peut-être surtout ce cœur transpercé du Christ lui même sur la  Croix.

Peut-être pour nous faire comprendre que ce n’est pas la fonction qui prime. Christ est premier car il s’est agenouillé et est entré jusqu’au bout dans cette danse du don dont je ne cesse de parler. 

Dans la parabole, le prêtre, le lévite (une sorte de diacre de l’époque) ne sont pas plus que d’autres des supers paroissiens s’ils ne sont  pas attentifs à l’appel du monde.

Ce n’est que lorsqu’on médite le fleuve immense des dons de Dieu (cf. 2.69) que nous pouvons entrer à notre tour dans cette attitude particulière et centrale du Christ, comme ce bon samaritain, celui que les juifs méprisaient car infidèle à la loi, est celui qui a perçu l’essentiel.

Au don de Dieu il n’y a qu’une réponse : la charité attentive, délicate, poussée et aidée par la force de l´Esprit.

Il y a quelque jour nous méditions sur cette sculpture sublime du Dieu trinitaire. On y voit Jésus lavant les pieds de l’homme blessé soutenu par le Père sous le souffle de l’Esprit.

C’est cela entrer dans la danse du don. Comprendre que notre chemin n’est pas dans l’obéissance servile de la loi et des rites, mais dans ce cœur retourné et brisé par l’appel des souffrants. 


Le bon samaritain nous disent les Pères de l’Église c’est Jésus lui même, qui « n’as pas retenu le rang qui l’égalait à Dieu » (Ph. 1) mais s’est dépouillé, se faisant serviteur, pour  s’agenouiller devant l’homme (1) blessé pour le porter vers le salut… 



Il y a chez Luc plusieurs symboliques dans ce récit très original. Descendre à Jéricho, c’est pour les Pères se pencher vers la souffrance du monde. 


Le samaritain est l’exclu, l’impur, ce que notre pape appellerait la périphérie. Or tout homme est capable d’aimer. Le Christ nous rejoint tous et nous entraîne dans cette danse du don dont il est l’origine. 


Si le Christ se penche vers le blessé, comme cette brebis perdue évoquée plus loin, c’est que là encore ses entrailles maternelles se déchirent pour l’homme mais plus largement pour toute l’Église. 


Si le Christ EST ce « bon samaritain », c’est qu’il rejoint l’amour, voir qu’il EST amour [je suis]. Quelles sont alors les deux pièces qu’il donne à l’aubergiste. La tradition nous dit que nous recevons deux dons, pour deux tables, celle de la Parole et celle du Corps. Deux dons qui sont autant de grâces pour nous conduire vers le don, le service, l’amour du prochain vers lequel Jésus seul nous conduit…


* Traces fragiles pour une homélie de ce dimanche 

(1) cf. Jn 13 et mon livre éponyme

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