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13 juin 2007

Déréliction - IV

Je n’ose croire que cette impression de vide, ce néant des sens est don de Dieu. Pour moi, il s’agit de l’enfoncement dans le monde, la perte de ce qui faisait l’essentiel de ma foi, de ma vie de prière et de « vérité ». L’acédie m’entoure. Nuit des sens mais aussi abandon de la lutte. Je suis loin en tout cas de cette expérience de la déréliction que partagent certains chrétiens « quand ils sont jugés dignes d’expérimenter « la nuit obscure de la crucifixion », tel le « dolores inferni circumderunt me » de saint Jean de la Croix (1). Pour lui, l’âme sent d’une manière très vive l’expérience de la mort, privé de Dieu.

« Sur l’ordre du Christ qui lui intime de sortir de lui-même, l’homme s’en va à l’extérieur de soi et se trouve pauvre, misérable et délaissé ». (2)

C’est le « Délaissement absolu (...) on ne trouve de secours de personne » (3)

Le fil est fragile, comme cette marche sur les cimes, où le précipice nous entoure mais l’appel du sommet nous attire.

(1) Saint Jean de la Croix in La nuit obscure de l’esprit II, ch. 8. cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 281
(2) Ruusbroec, Geistliche Hochzeit, II, 28, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 282
(3) Henri Caffarel, l’Emprise de Dieu. Paris 1982, 310

25 mai 2007

Souffrance et amour - II

On ne peut pas dire que le Christ est mort sur la croix par pur accident. En fait « le Dieu tripersonnel n’a jamais cessé d’être un et unique » (1). En effet, pour Hans Urs von Balthasar, on ne saurait évoquer l’idée d’une évolution en Dieu comme s’il n’arrivait à la plénitude unique que par le fait du péché du monde.

Je pense en effet que le Fils n’a pas besoin de mourir pour être Fils. Il est comme l’affirme Jean, Verbe depuis l’origine. Ainsi, seul l’amour du Dieu tripersonnel nous fait la grâce de nous en révéler la profondeur et cela au nom de sa confiance et son amour pour l’humanité. C’est pour nous que le Fils révèle cet extraordinaire amour de la Trinité, qui nous aurait échappé totalement sans cette révélation. Mais elle n’est pas en soi constitutive de la réalité de Dieu et n’est pas en soi mouvement des personnes qui restent liés en toutes hypothèses d’un amour indéfectible, en dépit de la distance entre le Père et le Fils fait homme.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 241

24 mai 2007

Souffrance et amour

La souffrance de la croix est sans commune mesure avec le monde tout en montrant par là que le monde lui-même est un chaos. C’est pourquoi, elle révèle, pour Hans Urs von Balthasar « à partir du monde ce qu’est le péché devant Dieu ».

Pour rendre témoignage, la séparation entre le Fils et le Père ne doit pas être pour Hans Urs von Balthasar au seul niveau du corps ou du sensible, elle doit l’être aussi « au plan spirituel sans quoi la passion ne serait qu’une épreuve physique, où le Fils aurait à subir la torture comme un stoïcien ou un fakir ». Pour lui, la déréliction personnelle réciproque du Père et du Fils est ce qui permet « la révélation suprême et avec elle la « foi parfaite » comme saut dans l’espace ainsi ouvert ». Il faut pour lui ce paradoxe absolu pour rendre digne de foi ce fait que « le Père n’abandonne le Fils en aucun instant même dans l’extrême déréliction » et que dans cette séparation, le Fils « demeure toujours plus uni au Père, pour n’être finalement rien d’autre que la révélation du Père » (1)

« C’est seulement dans l’offrande consentie dans la séparation que la réalité de l’amour peut de déployer » (...) « par la privation le Père découvre la grandeur de son amour pour le Fils et la grandeur de l’amour du Fils pour lui ». (2)

Sur cette base, je comprends mieux ce qu’Adrienne von Speyr affirme plus loin sur la trinité économique. En effet, il n’y a pas forcément mouvement, puisque la distance trinitaire pré-existe à l’incarnation. Elle est distance par essence. Par contre, ce qui est ici en jeu est sa révélation, la mise en évidence de cette infinie distance et de cet amour infini, qui sur la croix se révèle, tout en restant conçu par Dieu depuis toute éternité, avec la parfaite adhésion du Fils.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 240
(2) Adrienne von Speyr, Jn II, 127 cité par Hans Urs von Balthasar, p. 241

08 mai 2007

Souffrance de Dieu

Dieu éprouve la souffrance du Fils « à une profondeur qu’aucune créature, aucun homme sauf précisément l’unique qui est son Fils n’a jamais pu atteindre et cela d’ailleurs pour que l’homme ne puisse souffrir aussi excessivement. Cette compassion paternelle de Dieu est le vrai mystère, c’est l’abîme de l’abaissement de son Fils, ce qui constitue en propre l’évènement historique de la mort de ce Fils crucifié » (1)

Barth rejette ici également l’idée que Dieu puisse souffrir jusqu’à l’éternité, comme si l’entrée dans la victoire de la résurrection n’avait pas eu lieu, mais quid alors des phrases de Paul qui parlent d’achever dans sa chair la passion. Est-ce le mystère de la victoire et de l’histoire ?

(1) Barth, KD IV/2 p. 399 cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 217

05 mai 2007

Passion de Dieu

Chez Barth, la déréliction est le « reflet d’une passion de Dieu ».

Dieu ne devient pas pour autant étranger à lui-même, il n’est en rien diminué (...) et il n’y a pas pour lui de conflit entre la colère et l’amour. Pour Barth, la liberté est simplement dépassée et reprise dans le dessein ultime de Dieu. Dieu demeure celui qui agit, même quand il se laisse maltraiter. (1)

(1) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 216

06 février 2007

Obéissance - II

On ne peut comprendre l'expiation que si l'on comprend l'importance de la déréliction au centre même du mystère trinitaire. Pour Balthasar, il faut comprendre "le caractère imposé de ce que Jésus au jardin des Oliviers appréhende comme au delà du supportable mais qu'il assume dans une obéissance aveugle remonte en fin de compte à une décision trinitaire du salut : ainsi le Fils, à ce moment obéissant, y a participé et y participe encore activement autant que le Père et l'Esprit. En un certain sens, il y participe même de la manière la plus active car dans le dessein trinitaire, il a fallu une offre de soi, un réelle initiative parte de lui. Ce qu'il supporte finalement par expiation comme le plus éloigné de sa nature est, sous cet aspect, ou bien le plus propre et qu'il a prémédité pour lui-même"


(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p. 465

06 janvier 2007

Déréliction - III

Pour Balthasar, "Le mystère le plus profond de l'économie du salut, c'est Dieu en face de lui-même et même contre lui-même. Le Père laisse le Fils au milieu des pécheurs souffrir la déréliction la plus totale et de Fils souffrant sous le coup qui lui vient du Père, crie vers lui, alors qu'il n'en demeure pas moins encore, à ce moment la, totalement Dieu, non seulement mû, mais aussi porté et enfermé dans l'amour du Père" (1)

Certes un des points surprenants du mystère est la non réaction du Père devant l'innommable souffrance du Fils, mais c'est là où la colère de Dieu devant notre ignorance, colère qu'il contient pour nous, peut être signe plus grand. Cette contenance est signe de l'immense tendresse. Dans le don du Fils, transparaît pour moi le don du Père, qui accepte de se taire pour que le corps brisé rayonne pour l'éternité et donne tout son sens à l'eucharistie...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.324

04 janvier 2007

Agonie

Pour Balthasar, celui qui se débat dans l'agonie du Mont des Oliviers est révélateur de pathos (de son amour comme de sa colère sur les refus d'amour). Il porte les conséquences de sa médiation pour nous. Pour Urs von Balthasar, c'est ainsi que le rejet du Vendredi Saint est si terrifiant; et c'est aussi pourquoi dans la déréliction, se cache pourtant déjà le oui pascal de la justice de Dieu.

Je retiens personnellement ce lieu de combat intense, que les évangélistes évoquent sur la pointe des pieds, mais qui est pour moi le mystère même de la lutte entre le bien et le mal...

(1) UvB DD 3 p. 321

06 décembre 2006

Déréliction - Suite

Pour Moltmann "la déréliction du Fils sur la croix devient un évènement intrinsèquement Trinitaire : le Père lui-même souffre la douleur de l'abandon (ibid p. 220), la mort est en Dieu (235), la mort de Jésus sur la croix est la mort de Dieu et la passion de Dieu (217ss). Pour lui, La communion la plus profonde du Père et du Fils est "exprimée tout justement dans ce qui fait leur séparation la plus radicale, c'est-à-dire dans la mort abandonnée et maudite de Jésus sur la croix(1).
Pour Balthasar ces interprétations sont inévitables si l'on ne sépare plus le processus interne à la vie Trinitaire, de l'idée d'un progrès dans l'histoire du salut. Mais cette confusion entraîne forcèment Dieu dans le flux du monde et fait de lui un Dieu tragique relevant de la mythologie (2)
Dans ce sens Balthasar rejoint plutôt Boulgakov et parle d'une kénose intra-trinitaire ou Dieu abandonne sa divinité au Christ.

Ces querelles de théologien me dépassent beaucoup, puisqu'il s'agit avant tout d'un mystère. Que l'abandon soit intra ou extra-trinitaire, ou que nous soyons dans le vrai ou dans une vision anthropocentrique du mystère n'enlève pas pour moi le sens même de la kénose ni ce qu'exprime la vision forcèment réductrice de la douleur du Père... Dieu reste amour et n'est-ce pas le coeur du message...

(1) cité par Balthasar, Dramatique divine, III, ibid p.281
(2) ibid p. 299

Pure distance

"C'est au Calvaire et dans la déréliction de Jésus sur la Croix que la distance entre le Père et le Fils devient pour la première fois tout a fait manifeste ; et même l'Esprit, qui les unit tous les deux en formant leur "nous", apparaît précisèment dans le dévoilement de l'unité, comme pure distance. Le Fils portant le péché, c'est-à-dire ce qui constitue l'écart pur et simple par rapport à Dieu, semble avoir perdu le Père au milieu de son abandon" (1)

Cette apologie de la distance nous dérange, de même que l'abandon. Mais comment peut-on ressentir la souffrance de l'abandon sans faire l'expérience, au coeur même du désespoir, que Dieu est possible, si le Christ n'a pas été jusque là sur ce chemin ? Echange sublime de deux kénoses, celle du Père qui laisse aller le Fils et celle du Fils qui va jusque là par amour du Père... Là est le dévoilement, dans la symphonie trinitaire...

Balthasar, ibid p. 296

Balises : Souffrance, kénose, déréliction