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28 mars 2006

Eglise et Ecriture

Je découvre cette phrase admirable de Rahner pour qui l'Ecriture est le livre de l'Eglise parce que "seul l'être vivant de l'Eglise, qui possède l'Ecriture sainte comme son livre propre et le porte à travers les siècles est capable d'attester qu'elle est son essence et son extension, cette essence et cette extension n'ayant pas d'autres voie pour se faire connaître que le témoignage vivant de l'Eglise" ET VII p. 83 (1)
Cela rejoint ce que je disais sur ces coques vides, ou ces sarments reliés à la sève. L'Eglise d'aujourd'hui n'est pas l'Eglise eschatologique. Elle est imparfaite, constituée d'hommes et de femmes fragiles, mais quand ces êtres fragiles se laissent remplir par l'amour infini de Dieu, l'Eglise devient, à travers eux le coeur du message et la chaîne discrète mais sublime qui complète et actualise ce que le Christ a vécu dans sa chair... Le rapport entre l'Ecriture et l'Eglise devient alors "co-originant" et c'est en quelque sorte cette interaction mystérieuse entre le dire et le dit, que soulignait Lévinas dans autrement qu'être qui se perpétue au travers de cette église fragile. Depuis l'origine, depuis le reniement de Pierre, Jésus savait que cette fécondation se ferait dans la douleur. Mais le résultat qui se dessine, et qui s'étend, sans hégémonie, mais à travers la kénose discrète de ces hommes et ces femmes qui sont signes (Hillesum, Stein, mère Thérésa pour ne citer que les étincelles féminines) se dessine l'Eglise universelle, le corps du Christ en marche...
(1) cité par Holzer, ibid p. 132

17 mars 2006

La pastorale de l'attente...

On ne peut forcer l'homme au delà de sa conscience intérieure. Et c'est pourquoi la pastorale de l'attente rejoint le principe de l'attente théologique.
C'est le mouvement qui permet de rejoindre la liberté fondamentale de chaque homme perçu comme une histoire sacrée. On retrouve là l'idée lévinassienne du "Comment Dieu vient-il à l'idée ?". Mais aussi d'une certaine manière la croissance de l'empètrement dans le mal et du besoin d'un "salut" qui va faire irruption. L'homme est en recherche tout en essayant de l'ignorer et de repousser à la périphérie cet Eros enfoui qui le pousse vers un ailleurs.

21 octobre 2005

Don et réponse...

Pour Balthasar, le don du Christ, nouvel Adam, ne peut être "achevé" que lorsqu'il y a réponse (Ant-Wort) de la femme [Eglise]. Il établit alors un parallèle intéressant entre Ant-wort et Ant-litz (voir) visage... (Ant - Anti, contre).
Cela évoque pour moi, comme toujours, une relecture du sens du sacrement de mariage. Comme le fait Paul dans Ephésiens, le dialogue entre Christ et Église s'inscrit dans la même dynamique que le "je te reçois et je me donne à toi". De fait, je devrais dire d'ailleurs l'inverse, puisque le sacrement dérive de cette correspondance. Mais il y a dans la kénose, cette dimension archétypique qu'il me semble important de méditer. Il ne s'agit pas seulement d'agir, mais cet acte n'a de sens que s'il conduit à une réponse. La passion ne serait pas "efficace" si elle n'avait été précédée de cet accompagnement des coeurs. Et cependant, comme le démontre Emmaüs, il restait encore un chemin à parcourir. La réponse de l'Eglise ne pouvait venir d'elle-même que dans la mesure où le souffle l'habite et lui "souffle" la réponse. Le dialogue Christ-Eglise pourrait être ainsi presque réduit au dialogue intra-trinitaire, à la symphonie des hyspostases... Et à cette symphonie, Dieu, dans sa miséricorde inépuisable, nous convie à devenir les instruments.
La deuxième remarque résulte du parallèle entre An-Wort et An-Sicht... Entre les mots et le visage. Visage du Christ, Verbe du Christ, verbe de l'Eglise, visage du Christ. Cela évoque bien sûr les accents lévinassiens de l'exposition du visage, qui sommes toutes ne sont pas étranger à mon premier point (cf. lien)
Plus loin (1), Balthasar évoque la création d'Eve, comme n'étant pas une création extérieure, ou un processus naturel, mais comme venant de l'intérieur et d'en haut. Cette approche prend tout son sens pour l'Eglise, nouvelle Eve, qui naît du désir du Christ et de Dieu. Elle ne lui est pas étrangère mais vient bien du dedans et c'est aussi pour cela et comme cela que nous sommes en Christ (en christoî).
La mission de l'Église, comme la mission de la femme, est continuation et conséquences de sa procession à partir du nouvel Adam. C'est pour Balthasar "accueillir et mener à la plénitude la fécondité de l'homme au sens large". Et pour l'Église, c'est bien de cela qu'il s'agit.
Ce que je trouve le plus éclairant demeure cependant cette vision pleine de signification : "Du côté (blessé) de celui qui sommeille (sur la croix) est tiré et façonné le "visage" répondant de la femme (Ep. 5,27) dont l'homme (vir) ne peut pas se passer. Le mystère de l'homme et de la Femme de la première création le montre mais ce mystère ne reçoit sa mystérieuse plénitude que dans le mystère du Christ-Eglise (Ep. 5, 27-33)." (2). Rappelons que ce sang versé est à la fois celui évoqué dans l'institution de l'Eucharistie, mais aussi ce fleuve qui coule du Temple dans la vision du prophète...
Alors, le cri de Jean-Paul II à Lourdes en 2005 prend un double sens : "Femme/Eglise, sentinelle de l'invisible.
(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 227 et 229
(2) ibid p. 231