11 juillet 2021

Prédestination et danse

La deuxième lecture de ce dimanche m’a toujours interpellé. 

Qu’est ce que vise l’auteur de cette lettre, 

probablement un disciple de Paul ? 

Que veut dire ce mot « prédestiné » qui écorche ma lecture par le sens détourné du mot français ? 


Comme le souligne MN Thabut « Paul y déploie la grande fresque du projet de Dieu, et il nous invite à nous associer à sa contemplation émerveillée. Ce projet que nous avons pris l’habitude (avec la traduction oecuménique TOB) d’appeler « le dessein bienveillant de Dieu » est de rassembler l’humanité au point de ne faire qu’un seul Homme en Jésus-Christ, à la tête de la création tout entière : « récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre. »(1) 


Prenons le temps d’entendre ce que nous dit Paul, son insistance sur le mot « par le Christ », sur cette notion de « récapitulation » qui donne en Christ la clôture d’une pédagogie divine(2), voire d’un agenouillement (3). 


      « Il nous a choisis, 

DANS le Christ,

       avant la fondation du monde,

POUR  que nous soyons saints, immaculés 

DEVANT lui, 

DANS l’amour.

       Il nous a prédestinés

       à ÊTRE, 

POUR lui, des fils adoptifs

PAR Jésus, le Christ.

        Ainsi l’a voulu sa bonté,

        à la louange de gloire de sa grâce,

        la grâce qu’il nous donne

DANS le Fils bien-aimé.

EN lui, 

PAR son sang,

        nous avons la rédemption,

        le pardon de nos fautes.

        C’est la richesse de la grâce

        que Dieu a fait déborder 

JUSQU’A nous

EN toute sagesse et intelligence. 

        Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté,

        selon que sa bonté l’avait prévu 

DANS le Christ :

POUR mener les temps à leur plénitude,

         récapituler toutes choses 

DANS le Christ,

         celles du ciel et celles de la terre.

EN lui, nous sommes devenus

          le domaine particulier 

DE Dieu,

          nous y avons été prédestinés 

          selon le projet de celui qui réalise 

          tout ce qu’il a décidé :

          il a voulu  que nous vivions 

          à la louange de sa gloire,

          nous qui avons d’avance espéré 

DANS le Christ. »


(Eph 1)


J’ai souligné certains conjonctions qu’il faut déguster doucement, en soulignant cet « en Christo » qui rappelle les longs développements d’Hans Urs von Balthasar dans sa dramatique divine.


En Christ, par Lui, dans son amour…

Pour nous.

Dans… pour…


« Providentiellement, la liturgie de ce dimanche nous fait chanter le psaume 84/85 qui est une variation sur le même thème ; et c’est peut-être bien le meilleur écho à la méditation de Paul » (4) 

« J’écoute : que dira le SEIGNEUR Dieu ? 

Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple. 

Son salut est proche de ceux qui le craignent, et la gloire habitera notre terre. 

Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ; 

la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice. 

Le SEIGNEUR donnera ses bienfaits, 

et notre terre donnera son fruit. 

La justice marchera devant lui, 

et ses pas traceront le chemin. »


« Première bonne nouvelle, Dieu a un projet sur nous et sur l’ensemble de la création ; l’histoire humaine a donc un sens, ce qui veut dire à la fois direction et signification ; pour les croyants, les années ne se succèdent pas toutes pareilles, notre histoire avance vers son accomplissement : nous allons, comme dit Paul, vers « la plénitude des temps ». Ce projet, nous ne l’aurions pas deviné tout seuls, c’est un « mystère » pour nous, car il nous dépasse infiniment, alors Dieu nous le révèle.(5)


Cette notion de prédestination dans Ephesiens est intéressante à contempler, non comme nous l’entendons en une voie rectiligne qui nous enlèverait toute liberté mais comme le « rêve de Dieu » (6) pour l’homme, ce pourquoi il est prêt à tout donner à commencer par son Fils.


En contemplant le don de Dieu, nous percevons ce rêve - celle d’un Dieu qui a sorti sa flûte et aimerait nous voir danser….


Et nous pouvons entendre, comme une musique de fond, ténue et fragile, cet « où es-tu ? » de Dieu qui résonne depuis l’appel de Dieu au jardin de Gn 3 (7)


Alors que l’office des lectures nous fait entrer dans le cycle d’Elie et avant de goûter et sentir la brise légère du chapitre 19 de Rois, goûtons à l’espérance d’un Dieu qui aime et nous invite à aimer…


Être prédestiné, n’est pas être forcé mais bien invité. Je m’énerve parfois sur cette prière trop insistante : « donne nous des saints prêtres ». Ce dont nous avons besoin est plus vaste : Seigneur, donne nous des marcheurs, qui portent la nouvelle de ton amour, avec une seule paire de sandale et dansent ainsi avec leur Dieu. 


(1) Marie Noëlle Thabut, https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/517019-commentaires-du-dimanche-11-juillet/

(2 et 3) voir sur Fnac mes livres éponymes 

(4 et 5) Marie Noëlle Thabut, ibid

(6) expression chère à François, cf. notamment un temps pour changer 

(6) cf mon post https://www.facebook.com/100003508573620/posts/3884736641653250/

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