25 décembre 2021

Double agenouillement et ouverture - 2.23

Avant d’arriver au cœur du mystère de l’incarnation, peut-être fallait-il descendre jusqu’au point où l’on écoute, dans le silence, le bruit du monde, sa plainte, son désarroi, ses impasses et ses chemins stériles, ses fausses joies, son désespoir et plus fondamentalement la violence qui demeure. 

Ce chemin je viens de tenter de le parcourir. Ce n’est en effet qu’en descendant très bas, aussi bas que possible, dans le silence de la nuit, quand le cri de l’enfant martyrisé, abusé, violenté, ou plus sournoisement nié et tué que l’on peut comprendre l’agenouillement de Dieu devant la femme qui va porter en son sein un Sauveur.

Au delà de toutes polémiques, il est demandé à l’homme de s’interroger pour savoir comment il est possible que le Père s’agenouille aussi bas…

C’est quand on perçoit le double agenouillement de Dieu et de la femme qui,  dans leur « me voici / fiat » mêlés, que peut apparaître une lueur, un fragile rayon de lumière et que l’espérance jaillit.

La lecture très spirituelle de Luc et de Matthieu n’est-elle pas finalement au dessus de toute rationalité historique et charnelle ? 

Ne devient elle pas chemin d’espérance ? 

La kénose du Père et la réponse mariale mérite d’arrêter tout discours et de contempler à la fois dans le silence, l’innommable, l’impossible, l’imposture et l’insaisissable…

Comment l’infini s’approche-y-il de l’humain, au plus loin de toutes « périphéries » pour rejoindre sans violence ce monde pris dans le tumulte d’une suffisance.

Le double agenouillement de la femme et de Dieu, l’intercession, la rencontre, la danse, au sein même de la circumincession des Personnes divines, laisse finalement une seule voie fragile, celle de notre propre agenouillement…


À l’épaisseur du mystère et du voile qui recouvrent l’incarnation et cette question souvent discutée de celle qui s’ouvre à ce mystère, que cherche à percer les deux « évangiles de l’enfance », répond pour moi, comme en écho, deux voies / voix tout aussi fragiles, celles qui :

1. aboutit au cri / sommet sorti de la gorge du centurion infidèle (Mc 15, 39) que Marc fait suivre au déchirement du voile (*) 

2. ou l’agenouillement sponsal d’un Christ (*) qui se dépouille de son vêtement pour laver les pieds de l’homme en Jn 13, dans ce X. Leon Dufour appelle un mime d’une extrême densité symbolique.

C’est au creux de ces quatre voies, dans la polyphonie des Écritures que prend chair, pour moi, la symphonie fragile des Évangiles…(1) et que peut se concevoir ce que l’Église cherche à contempler, y compris sur la virginité. 


En ce jour du martyre des saints innocents peut on dire plus, espérer plus que de tracer un chemin fragile qui va d’un souffrant à l’autre jusqu’à la contemplation de la déréliction, ce silence de Dieu qui accompagne la mort du crucifié et nous appelle à croire que Dieu est vainqueur de la mort par ce mystère fragile qui va de l’incarnation à la résurrection ? Et qui, ce faisant, « a besoin de nos mains », comme le disait Etty Hillesum au camp de Westerbroch (2)


(*) cf. mes essais « Le voile déchiré » et « À genoux devant l’homme »

(1) un beau thème développé par Hans Urs von Balthasar dans la fin de sa trilogie 

(2) cf. Une vie bouleversée

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