22 décembre 2021

Noël autrement, les limites du rite ? 2 - 22


Qu’allons nous célébrer à Noël ? 

Une fête païenne ou la Parole fragile, le silence ténu, le cri d’un enfant ? Prendre le temps de ruminer lentement Luc 2,1-18 (*), nous conduit « Ailleurs ». Noël est bien autre chose. C’est surtout, dans l’axe du cri de Marie [« il relève les humbles »] une semence d’espérance pour les pauvres, loin de nos excès et probablement de nos suffisances ? 


La liturgie a trop découpé le sens donné par Luc 2.

Il faut peut-être aller plus loin… 

Nos rites désuets ne remplaceront jamais ce que révèle la paille rêche d’une crèche. 

Dans le silence de la nuit se murmure à nouveau en effet le psaume dit de David : « tu n'as demandé ni holocauste ni sacrifice. Alors j'ai dit: Je viens / [Me voici ] avec le livre-rouleau écrit pour moi. (...) Moi, je suis pauvre et déshérité; mais le Seigneur pense à moi. Tu es mon secours et mon libérateur: mon Dieu, ne tarde pas! » Psaumes‬ ‭40:7-8, 18‬ ‭

Le dépouillement de Noël est d’une certaine manière le même que celui de Jésus lors du dernier repas.

Avant d’ouvrir des yeux faussement béa sur l’enfant né, n’oublions pas ce qu’il ouvre dans l’espace temps. N’oublions pas de tracer dans nos cœurs la ligne qui va du bois de la mangeoire à celui de la Croix jusqu’à un geyser, signe du fleuve immense des dons de Dieu.

Noël est le prélude discret de la Passion. 

Luc prépare Jean dans la même danse spirituelle.

Quand le fils de l’homme retire son vêtement en Jn 13, il redevient l’enfant pauvre, au milieu des pauvres. Noël n’est pas un simple rituel, mais d’une certaine manière le premier « signe efficace », un sacrement de l'amour de Dieu et de l'amour des hommes au sein d'une communauté vivante, car il nous révèle l’essentiel : ce qui prime est l'attention aux frères, aux plus petits et aux plus pauvres, aux migrants, aux nouveaux esclaves à qui Jésus s'identifie ici. 

Et cette direction est celle là même qui est évoquée par l’appel des bergers, de ces parias du judaisme de l’époque, rejetés car impurs, [au contact des animaux]. 


Que célébrons-nous ? Et avec qui ?

Noël n’est pas le confinement familial qu’il est devenu, mais le lieu même du don.

On se souvient de la remarque de Paul (cf. notamment 1 Co 11, 33) qui déjà notait l'absence de communion véritable dans la jeune église, où les derniers arrivés, les esclaves, n'avaient pas le même traitement que les premiers, les hôtes du repas. En inversant les rôles, Luc nous conduit aux mêmes conclusions que Jean par son évangile de l’enfance. Il est peu historique mais très spirituel.


Cette tension reste un point sur lequel nous ne devrions pas cesser d'attacher de l'importance. Il est au cœur de ce à quoi nous appelle le message de l'eucharistie : une double tension vers Dieu et vers autrui… 

Notre communion est stérile si elle se contente de satisfaire notre entre soi.

Comme Luc en introduction, Jean dans sa conclusion nous conduit au même décentrement, mais ajoute une dimension différente. Le rite de l'eucharistie est depassé par une dynamique sacramentelle (cf. mon livre éponyme) qui n'est pas centré sur un mime du dernier repas, mais sur l'agenouillement kénotique et la croix, exhortation finale de Jean. 

Entre les lignes, on peut lire une injonction qui prend aujourd'hui une dimension plus urgente et fait écho avec ce que nous dit entre les lignes le pape François : Ne fermons pas la porte. Ne soyons pas "une église fermée" dans laquelle " les gens qui passent devant ne peuvent entrer" et d'où " le Seigneur qui est à l'intérieur, ne peut sortir" ou pire avec des Chrétiens qui ferment à clé et "restent devant la porte‎" et "ne laissent entrer personne"[3] comme cette auberge de Béthleem chez Luc.

« Allez à la périphérie », sous entendu (mais je force volontairement le trait) ne restez pas dans vos églises à mimer le premier  Noel ou le dernier repas, mais agenouillez vous devant l'homme blessé (Jn 1), criez votre soif (Jn 4), agenouillez vous devant les souffrants (Jn 5), partagez et donnez (Jn 6), agenouillez vous devant les pècheurs (Jn 8 et Jn 13), ou courrez vers eux (Luc 15), comme vers les étrangers (Mat 11), pleurez avec les souffrants (Jn 11). Vivez dans l'agapè.


Je rejoins là d’une certaine manière la belle l'injonction de François Cassingena-Trévedy qui nous a longuement préparé au désert par la contemplation des terres froides de son pays avant de nous offrir ses roses de Noël… https://www.facebook.com/100006435460424/posts/3746631415561337/ Elles font écho aux danses fragiles de mes « tulipes » trinitaires développés dans les 75 billets précédents :-)


[1] Pape François, messe à Sainte Marthe du 17/10 (2013 ?), cité par Spadaro, p. 93 »

Voir aussi François Cassingena-Trévédy De la fabrique du sacré à la révolution eucharistique - Quelques propos sur le retour à la messe. Publication sur FB du 23/5/20

* Cf. nos essais fragiles dans la Maison d’Évangile - La Parole Partagée




[1] Pape François, messe à Sainte Marthe du 17/10 (2013 ?), cité par Spadaro, p. 93 »

Voir aussi François Cassingena-Trévédy De la fabrique du sacré à la révolution eucharistique - Quelques propos sur le retour à la messe. Publication sur FB du 23/5/20

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