14 juillet 2005

Lien social

"En dehors du lien social, il n'est pas de discours valable sur la liberté". (1) La liberté n'a de sens que conçu dans l'ampleur d'une société à modeler. Dieu n'est pas intervenu pour un homme mais pour l'humanité toute entière, non pour une élite mais pour le monde, afin que tous ensembles, ils aient accès à la joie véritable. C'est pourquoi le jugement ne peut-être qu'eschatologique. Le champ restera porteur du bon grain et de l'ivraie dans la folle espérance que le bon grain attire à lui tous les hommes.
A l'inverse, toute autarcie, tout repliement sur soi n'est finalement qu'une forme d'évasion.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 174

13 juillet 2005

Libertés...

On parvient au paradoxe christologique qui, sans mélange de liberté (cf. le concile de Chalcédoine) "fait habiter la liberté infinie dans la liberté finie et permet ainsi la liberté finie de s'accomplir dans la liberté infinie, sans que ni l'un ni l'autre ne perde son identité. Tel est le point d'arrivée de la théologie dans Maxime le Confesseur qui tire les conséquences dernières des pères de l'Eglise et des impasses des hérésies. C'est en Christ que se trouve le centre du drame divin. En Christ la rencontre et la communion réciproque sans séparation (toujours selon Chalcédoine) est assurément le point culminant de la relation du fini à l'infini" (1) Si l'homme n'a accès de par nature qu'à une liberté finie, l'infini de Dieu est porté en lui... Et le Christ est la médiation véritable qui cristallise en lui la finitude de son humanité et l'ouverture transcendantale vers l'infini de Dieu. Or pour Balthasar, cela ne se fait que parce qu'en lui s'ouvre une possibilité de communion, c'est-à-dire non pas un agir qui se limite au moi mais est ouvert et offert à l'humanité toute entière.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 173

Athéisme

Dans le mystère de la Croix "Dieu est abandonné par Dieu parce que l'homme s'est fait athée vis à vis de Dieu": c'est le noeud du drame divin. (1) On rejoint ici cette idée d'une expérimentation par Dieu de ce qui chez l'homme est le plus difficile, le plus insupportable. Lorsque la souffrance est au plus fort, le sentiment d'abandon est insupportable et le pourquoi, le cri et la révolte comme naturelle. C'est là où le cri de Jésus, cette expérience de l'incarnation n'est pas un simulacre mais le chemin d'un jusqu'au bout de Dieu qui fait l'expérience du néant et vient l'habiter d'une présence. Au coeur de l'abandon, Dieu est là, même quand il semble absent...
Le Christ apparaît comme l'unique et indispensable médiateur mais en même temps "non exigible, qui doit s'accorder avec les deux parties sans trahir l'un ou l'autre". (2) Etre au coeur de l'humain qui n'a plus d'espoir et rester dans le divin. C'est tout le drame qui se joue dans cet incroyable rencontre entre l'homme et Dieu. On est ici à cent lieues d'une philosophie théorique et d'un Dieu loin de tout. Là se joue le drame véritable, paradoxe, mystère mais aussi source de lumière et d'espérance.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 166
(2) ibid p.167

Le Non-Autre

Dieu est tout mais il n'est pas l'autre mais le Non-Autre (cf. Nicolas de Cuse dans Chemins). Nous devons tout, y compris notre liberté au Tout de la liberté divine mais pour lui nous ne sommes pas des autres parce que nous sommes en lui et il n'est pas autre, mais bien au-delà de l'autre proche. C'est pour Balthasar un paradoxe inévitable et à la fois saisissant. Je pense que je n'ai pas fini d'en découvrir le sens...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 165

12 juillet 2005

Tout n'est pas écrit...


Urs von Balthasar s'oppose à la position d'Ephrem le Syrien dans ses hymnes sur le Paradis qui voit l'Adam avant la chute identique à l'Adam eschatologique. Chez Ephrem, le devenir est dissous dans ce qui existe depuis toujours. Mais pour Urs von Balthasar : "contre cette vision des choses, il faut maintenant maintenir que le ciel et la terre dans leur séparation ont été crées en vue d'un acte où chacun des pôles aurait à jouer le rôle positif qui lui revient ". On ne connaît pas la scène avant la fin de l'acte. Il reste des pages à écrire, sinon notre liberté même si elle est limitée n'aurait pas de sens.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 159-60

11 juillet 2005

Pauvreté de Dieu

La pauvreté (2 cor 8,9) et la kénose (ph 2,7) nous dise quelque chose de Dieu, sur sa nature même. Loin de trahir une faiblesse, ce dépouillement exprime "la plénitude et sa liberté d'être le ciel même sur la Terre" (1).
La liberté de l'homme peut de même se révéler dans sa capacité même de se décentrer. C'est-à-dire de ne pas oeuvrer pour sa propre gloire mais au contraire, d'avancer pour un autre et donc de fait, d'être libre de ce qui retient à son Moi pour participer à l'amour véritable. "A une distance infinie de soi-même nous dit Zundel". Le décentrement nous conduit à une plénitude, celle de devenir participant non de nous-mêmes mais de l'amour de Dieu...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 158

10 juillet 2005

Perdre pour gagner

Le procès de Job à Dieu indique obscurément d'avance la Croix de Jésus dans laquelle Dieu semble avoir perdu la partie dans son différent avec l'homme. Quand Dieu semble perdre le procès face à l'homme dans le destin de Jésus, il le gagne à la résurrection comme l'a montré Paul dans Romains 3,4 et comme le développe Jn dans 16, 7-11 (1) : "Si je ne pars pas, le défenseur ne viendra pas vers vous".
Je me demande si cela n'est pas encore une question de décentrement. Pour que le souffle habite nos coeurs, il nous faut aussi partir, quitter notre moi, mourir tel le grain qui meurt pour germer d'une vie nouvelle.... N'est-ce pas là le "toutes choses nouvelles" qu'aurait évoqué Jésus lors de sa passion d'après le film de M. Gibson ?

(1) Urs von Balthasar, ibid p.128

09 juillet 2005

Silence et retrait...

Pour Irénée, Dieu agit toujours par persuasion et jamais par contrainte (cf. IV 39,3, V 1,1, 19,1). La liberté (...) est docilité entre ses mains, (cf. IV 39, 2-3). "Par son comportement et parallèlement dans son idée de Dieu conçu comme abîme et silence, la Gnose condamne l'homme a toujours chercher sans jamais trouver (I, 1,4 III 24,2). Le Dieu chrétien est assez riche pour que même trouvé il soit éternellement recherché et constamment trouvé et donne accès à ses trésors inépuisables de vie.(1)
Cela interpelle ma propre vision du silence, déjà mise à mal par certains. Aurai-je des accents gnostiques dans ma recherche et cette mise en avant du silence de Dieu. La théorie du retrait de Dieu chez H. Jonas a donc ses limites et c'est vrai qu'à force de mettre en avant le silence de Dieu pour exalter la liberté de l'homme, on ne se trouve dans une impasse qui ne permettent plus la révélation. Le silence de Dieu n'est-il pas finalement une invention de l'homme qui refuse de voir en soi la présence et l'auto-communication du verbe. A méditer...

(1) Irénée cité par Urs von Balthasar, ibid p. 121-2

08 juillet 2005

Le plan de Dieu

On ne peut décider d'avance du plan d'ensemble de Dieu; il faut que le Verbe divin le révèle progressivement à l'homme appelé à la maturation de la connaissance parfaite (cf. Irénée, ibid VI,I).
Pour Irénée : "Le drame consiste en ce que la liberté humaine est considérée essentiellement comme liberté en devenir qui doit faire l'expérience de son éloignement contre nature par rapport à Dieu afin de parvenir ainsi à la connaissance intime du Bien, c'est-à-dire l'amour divin. L'expérience de la souffrance, indispensable à l'homme pour que sa liberté mûrisse intérieurement peut, alors même qu'il se détourne de Dieu devenir source du salut du fait que le verbe de Dieu (...) endure sur la croix, réellement et jusqu'en sa profondeur, cette souffrance de l'éloignement." (1)
Cela éclaire un peu pour moi ce qui restait le mystère de l'abandon de Dieu par Dieu. Pour que l'humanité du Christ soit complète et que son incarnation ne soit pas un simulacre, il fallait qu'il ressente en sa chair ce que nous ressentons au plus fort de la douleur, ce sentiment d'abandon de Dieu. Et c'est en cela que le Christ est vrai homme (mais aussi vrai Dieu) comme l'affirme notre credo.
Il y a donc un chemin possible pour l'homme, au plus profond de sa souffrance et le Christ nous en montre la voie, à travers ce combat et surtout par l'ouverture que donne en nous le message de la résurection...

(1) Irénée, cité par Urs von Balthasar, ibid p. 121

07 juillet 2005

Totalité ou pédagogie de l'auto-communication

Si Balthasar s'emporte dans l'exaltation d'une totalité hégelienne retrouvée dans les 26 emplois du mot tous dans le IVème livre de Contre les Hérésies d'Irénée je pense qu'il ne faut pas en tirer une loi. Car si pour moi la totalité a du sens dans une perception intérieure de Dieu elle reste à exclure dans toute la pédagogie de la foi. C'est probablement pour cela que je considère que Rahner et Urs von Balthasar ne sont pas éloignés sur le fond même s'ils diffèrent sur la forme...
A commenter.

06 juillet 2005

Philosophie et révélation

"La religion chrétienne est non seulement l'intégration transcendante de la liberté des logos spermatikos [Germes du verbe - expression utilisée par Justin ] de la philosophie et de l'éthique, chez les païens comme chez les juifs" elle va plus loin. Car cette totalité demeure insurpassable. Elle est en effet l'oeuvre d'un Dieu qui n'a nul besoin du monde mais qui "achève son oeuvre créatrice dans l'économie du salut, en se livrant lui-même en toute liberté" (1)
La pédagogie des mots ne pouvait être porteuse de sens universel qu'à travers sa mise en actes. C'est pourquoi, il fallait presque attendre que tout soit dit et découvert par les germes d'une philosophie secrètement habitée par Dieu, pour que la mise en acte vienne donner l'ultime convergence et en un sens la médiation unique et insurpassable de ce qu'une multitude de signes n'avait fait qu'effleurer.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 117

05 juillet 2005

Délicatesse

"La vérité divine est saisie par une méthode délicate et indirecte (...) toujours livré à la contradiction possible et à la méconnaissance". Urs von Balthasar ajoute "qu'au terme de ces réflexions on voit alors comment la grâce s'enracine dans la philosophie, pour frayer à la liberté par sa lumière, l'accès vers le centre. En cela, pour lui l'homme sans culture a autant de chance que le théologien savant de percevoir la convergence des indices et d'y adhérer si il veut. (1)
Sans cela, la foi serait une affaire d'élite et non crédible à mes yeux. Le Christ de fait était plus compris par Madeleine que par Nicodème, probablement parce que les mots ne prennent sens en l'homme que lorsqu'ils sont mis en actes par le corps. Quand le corps touche le corps par l'intérieur, les mots peuvent raisonner et prendre sens. C'est d'ailleurs ce qui différencie le Christ des philosophes grecs, même si ces derniers pouvaient déjà approcher l'essence du mystère, seul les actes de Dieu pouvait être porteur du sens véritable, en traçant l'hyperbole qui va du corps exposé et souffrant à la révélation en chaque homme de cette lumière indicible de Dieu.

(1) Urs von Balthasar, ibid p.114

04 juillet 2005

Convergence - II

"Ce centre vers lequel convergent les indices théologiques n'est autre que la majesté et l'amour infini de Dieu qui s'offre à l'homme dans sa révélation et qui l'interpelle." J.H. Newman, Sermon du 13/1/1834
Au delà de cette admirable convergence, que je qualifiais il y a déjà quelques mois de conjonction, je note l'utilisation de deux verbes qui raisonnent en mois : offrir et interpeller. C'est bien cette délicatesse qui caractérise pour moi le chemin de Dieu au delà des accents bruyants du drame intramondain.

03 juillet 2005

Décentrement

"Se laisser conduire est essentiellement une attitude de l'humilité, de la simplicité de la foi, seule cette attitude fraye le chemin à la communion divine, seule elle accorde à la lumière de Dieu tout l'espace d'un coeur purifié (Mt 5,8 : "Heureux les purs du coeur car ils verront Dieu" TGL) (1)
C'est d'ailleurs les limites d'une théologie qui a force de chercher à comprendre perd ce naturel de la confiance. Le décentrement véritable n'est-il pas de laisser vibrer en nous autre chose que notre moi, abandonner la quête de puissance pour que vibre une autre voix, qui réside en nous mais dans le silence alors que notre bruit nous occupe, fait résonner les timbales vides de notre soif d'être quelqu'un... Dur combat intérieur.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 108

02 juillet 2005

Souffrance - II

Ni les mots, ni les techniques, ni les bons sentiments prometteurs ne font le poids en face de la souffrance, toujours actuelle et à qui rien n'échappe. Toutes ces démarches sont impuissantes et dépassées "par un acte capable de transmuer de l'intérieur la souffrance et de lui conférer un sens, et cet acte ne pouvait être porté que par Dieu. Cela ouvre une perspective inattendue sur le coeur de la synthèse chrétienne, qui est la divinité du crucifié Jésus de Nazareth. La théologie de la Bible déjà et dans son sillage la patristique ont vu, dans la possibilité que Dieu souffre avec (et pour) l'homme dans l'homme-Dieu, la clef de l'énigme de l'existence humaine, ce qui donne le sens, c'est précisément qu'en Jésus le Dieu impassible peut sans cesser d'être lui-même, faire l'expérience de la mort." En cela le "Pro nobis" est le "pivot de la théologie chrétienne". (1)
J'ajouterais cette phrase du Cardinal Etchegaraï, "qui n'a pas pleuré les larmes de la souffrance ne peut compatir à la souffrance de son frère". Et c'est bien le chemin du Christ, qui a souffert, pour pleurer ensuite avec nous, dès que le mal nous ronge. Pleurer et nous aider à espérer, car cela ne fait plus de doute : "Dieu a vaincu la mort".

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 100

01 juillet 2005

Ancien Testament...

L'Ancien Testament est la "préhistoire" de ce qui "fera un jour éclater toutes les limites du sens, à savoir l'incarnation du Verbe qui donne accès à l'intelligence de la longueur, largeur, hauteur, et profondeur en un mot l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance (Ep 3, 18 sv) (1). On retrouve ici la pédagogie de Dieu qui par petites touches nous conduit à la découverte de l'indicible, cet abaissement de l'infini qui se voile pour devenir accessible à la compréhension de l'homme, sans violer sa liberté mais en lui permettant cette lente conversion intérieure au mystère. A travers la kénose de l'Ecriture pour reprendre les termes de Soloviev, à travers le Fils, puis à travers l'Esprit, c'est le Père qui s'atteste.
On comprend alors que Dieu indique à Moïse qu'il ne pouvait voir sa face. Quelle liberté lui resterait-il ? Comme le dit Hamman, c'est au creux de chacune de nos vies, dans le prolongement de la pédagogie des Ecritures que nous pouvons avancer vers le mystère, jusqu'à atteindre la joie des bienheureux : "le voir de nos yeux".


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 9

30 juin 2005

Silence - IV

"La parole définitive de Dieu est si profonde qu'elle creuse l'espace où peut se faire aussi entendre son silence, de même que les astres révèlent l'immensité du ciel nocturne"(1)

On rejoint ce que j'évoquais sur la pastorale des "passeurs de Dieu" qui en voulant donner la lumière ne doivent pas faire obstacle au travail intérieur en l'homme. Car l'infini n'est accessible qu'au coeur de l'homme et non par l'extérieur.
Il faut pour cela que la parole reste "première et souveraine" tout en "s'offrant au dialogue". Si par le silence de l'extérieur elle a pu pénétrer le coeur de l'homme, la parole peut cheminer, comme la marche au désert et sans qu'on puisse parler pour autant de progression linéaire, jusqu'à ce qu'elle prenne chair.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 88

29 juin 2005

Intelligence de la foi

Il faut que, par l'Esprit qui enseigne le coeur de l'homme pour qu'il entende et qu'il parle, le langage de Dieu devienne intelligible de telle manière qu'il puisse y répondre. C'est le coeur de l'évangélisation.
On peut ajouter à ce stade un bémol. Il s'agit de fait du travail de l'Esprit, ce qui implique que l'on ne se substitue pas à ce dernier par des paroles qui ne seraient pas "habitées". C'est là toute la difficulté d'une pastorale qui ne se substitue pas mais qui reste "passeur de Dieu".

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 75

28 juin 2005

Insondable

Pour connaître l'abîme insondable de l'amour divin il faut les yeux de la foi, mais cela ne doit pas dégénérer en "savoir absolu" c'est pourquoi la dramatique divine prend ses distances par rapport à Hegel. Car le savoir absolu est la mort de la Dramatique Divine tandis que l'amour de Dieu qui surpasse toute connaissance est la mort du savoir absolu. (1)

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 74

27 juin 2005

Drame - II

L' homme est dans une situation bien plus exposée entre Dieu et le mal que l'on ne le croit...(1). On a une tendance naturelle a ne pas voir, probablement parce qu'en nous-mêmes aussi règne l'univers sournois de nos petitesses et de nos finitudes... Prendre conscience de la tension dramatique qui marque notre univers, c'est peut-être aussi faire preuve d'empathie à tout ce qui nous entoure et qui n'a pas les privilèges que nous avons et dans lequel nous reposons dans une trop douce quiétude.
Le mal est à l'oeuvre dès qu'il y a souffrance, jalousie, comparaison. Et nous sommes au sein de cette tourment, parfois les mains de Dieu, quand sa Parole n'est plus entendue. Nous sommes aussi parfois "de l'autre bord"...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 74

26 juin 2005

Figure

"La figure du Christ de l'incarnation à la résurrection est l'expression effective de l'amour que Dieu porte au monde." (1) Cette expression est lumière et c'est à cette bougie fragile que nous sommes invités à nous éclairer. Le voile se déchire pour montrer le silence qui demeure sur un corps déchiré. En apparence, la source ne coule plus visible des crucifix de nos églises. Dans cette épiphanie discrète de la gloire de la révélation se perçoit l'expression effective et délicate de l'amour infini.

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 73

Médiateur

Le Christ est ce "lieu englobant à l'intérieur duquel se déroule tout drame humain". (1) Au sein de ce drame, l'homme est à la fois "comparé" à cette perfection achevée et sauvé par le pouvoir rédempteur de sa présence. Il y a là pour le théologien deux issues possibles. Soit l'acteur est sauvé comme à travers le feu (1 Co 3,15) même si comme le suggère Paul, son oeuvre sera éliminée ou bien par grâce, il sera "reconnu comme" s'inscrivant dans le drame du Christ et dans ce cas il devient partenaire, coopérateur de Dieu (1 Co 3,9). Pour moi, ce jugement "dernier" n'est pas celui de l'homme seul, mais celui de la rencontre entre la liberté finie de l'homme et la grâce. Ce qui fera la différence, c'est peut-être la persuasion de la grâce, sa capacité à réveiller nos finitudes pour les inviter à devenir participant de l'infini transcendant. Le pourquoi du non à la grâce ne peut être qualifié pour l'instant. Il participe seulement à l'agonie du Christ venu pour les pécheurs...

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 72

25 juin 2005

De la norme à l'hyperbole

Balthasar introduit ainsi une distinction qui marque que le normatif de Jésus n'est pas une loi humaine. Face à ceux qui se querellent devant le Christ, celui ci répond : "Je ne suis pas venu régler vos héritages (Lc 12,13-14). Mais cependant, tout de suite après cette affirmation non normative le théologien note que survient la parabole du riche qui veut entreposer son blé...C'est bien là toute la force d'interpellation de la Parole que je qualifie, à la suite de Beauchamp ou de Ricoeur comme une hyperbole. La norme n'est pas une atteinte à la liberté mais bien un éclairage qui libère de nos finitudes pour entrer dans une liberté plus vaste.
"La norme concrète saisit la liberté et en même temps la suscite, mais justement pour garantir la liberté, elle indique la source de la vraie liberté, c'est-à-dire la disponibilité du Fils à l'égard de la volonté du Père" (1)

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 72

Liberté reçue

Il existe "un espace préalable de liberté" où l'homme peut développer sur la base de critère propres un véritable discernement. Mais "cet espace de libre choix, qui fait partie de la condition humaine comme présence au monde et aux hommes n'est nullement réduit à néant ni amoindri par la norme qu'apporte le Christ" Il est ciselé par celle-ci, car "à la lumière de l'Evangile, il devient clair que les choses ont été créés dans la Parole qui allait un jour devenir chair et que par conséquent elle est depuis toujours incluses dans la norme qui devait se manifester définitive dans le Christ. L'appel de la conscience à choisir la valeur la plus haute (...) se place secrètement sous la norme de la [libre] obéissance du Christ à son Père." (1)
Balthasar souligne ainsi notre héritage et en même temps ce chemin de crête qui nous permet, dans le brouillard de comprendre et saisir la direction de nos vies. C'est ce qu'exprime d'ailleurs autrement le "Je suis le chemin, la vérité et la vie" repris par saint Jean.
Le terme de norme utilisé par Balthasar peut paraître un peu désuet dans nos sociétés pour lesquelles la liberté est la seule valeur universelle. On pourrait y substituer une notion plus transcendance d'éclairage. Et l'on rejoindrait alors le concept de "conscience éclairée" donné par Jean-Paul II dans Veritatis Splendor...

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 71

24 juin 2005

Le drame

Le drame du Christ est pour Balthasar à la fois cette descente au plus profond de l'abîme, ce qu'une entreprise purement humaine n'aurait pu réussir et un moment de grâce qui derrière l'horreur de la crucifixion trace déjà une réponse à l'absurdité de la souffrance et que pointe ainsi l'aube de la grâce et de la réconciliation. "Saint Jean rassemble ces deux aspects dans son idée d'élévation sur la croix et pour monter vers Dieu ainsi que dans la notion de Gloire. La Gloire est l'épiphanie de l'amour que le Père porte au monde dans le Fils, assumant le péché du monde et cet acte de pure obéissance au Père appelle intrinsèquement la glorification du Fils par le Père et la promet déjà d'avance." (1) Comme le dit Jean "Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifie lui-même et il le glorifie bientôt" (Jn 13,22).

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 70 et sv.

Solitude

Tout conduit inévitablement à cette scène où l'on est seul dans le drame tant il est vrai que chacun aura à répondre personnellement de ses actes. Mais loin d'être comme un couperet de Damoclès qui pèse sur nos têtes, nous devons rester nourri de l'espérance, qu'au delà de nos efforts humains, Dieu est là avec la tendresse d'un père, pour nous porter dans ces moments les plus intenses de notre solitude. Tel est en tout cas mon espérance de chrétien.

23 juin 2005

Serviteurs inutiles.

"Oubliant le chemin parcouru, je m'élance pour tacher de le saisir..."
Ce texte de Philippiens 3 s'applique à l'Eglise toute entière, comme une course relais. Le fait que nous soyons tous des "Serviteurs inutiles" permet que l'on ne se repose pas sur nos lauriers, mais que l'on poursuive sans cesse cette participation active au drame. Si l'on se focalisait trop sur l'attente du retour, on s'assoupirait dans une espérance molle et sans responsabilisation. On peut concevoir d'ailleurs que les premiers chrétiens qui attendaient le retour imminent puisse s'être laissé bercer par cette illusion, comme tous ceux qui s'arrêtent sur un discours eschatologique en oubliant de retrousser les manches.

Sang versé

"Dans le sang et l'eau, jaillissant du coeur ouvert (...), il n'est plus aucune parole temporelle à prononcer, parce que la dernière objection du Mal, dores et déjà, est assumée et réfutée : mais cela veut dire aussi que cette ultime Parole fait jaillir désormais une source intarissable de discours" (1)
Dans ce signe offert, on peut percevoir combien l'amour du Christ s'étend dans le temps et l'espace pour être dans nos aujourd'hui, à tout moment, un "événement actuel" et non restrictif, un constant passage dans l'aujourd'hui : "c'est maintenant que Jésus promet de l'eau à celui qui a soif, et c'est une eau qui devient source". (2)
S'il n'y a pas de croissance en humanité, on peut dire par contre que l'intelligence de la révélation est en croissance à la mesure de celle de l'inhumanité des hommes. La révélation ne cesse d'être éclairée par la parole renouvelée de tout homme et cette révélation douloureuse s'abreuve à la source du sang versé. Chaque fois que le sang continue à couler, c'est le coté de Dieu qui s'ouvre et interpelle. C'est peut-être cela l'évangile de la souffrance, qu'évoque Jean-Paul II dans Salvifici Doloris.

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 61
(2) ibid.

22 juin 2005

La Parole

"La parole est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur" (Deut 30,14, Rm 10,8). Pour reprendre la phrase célèbre de Saint Augustin (cf. Confessions), longtemps je t'ai cherché beauté si ancienne et pourtant tu étais là et je ne le savais pas. Cette parole nous semble loin quand on se heurte à ce que l'on appelle le silence de Dieu. C'est oublier qu'au delà du bruit du monde, il subsiste le bruit d'un fin silence que l'on ne peut trouver qu'en prenant de la distance par rapport au tourbillon de nos serfs-arbitres... Cela n'est pas pour fuir le monde, mais bien pour être habité de cette parole qui peut à travers nous s'incarner dans le monde.

Dialogue

Le drame chrétien n'est pas un monologue mais bien un dialogue. Ce n'est pas une doctrine tombée du ciel à la différence du Coran mais une concertation, un débat. On ne peut ainsi "attendre la fin" il nous faut nous "laisser pénétrer (dia) d'un bout à l'autre par l'argumentation de l'interlocuteur". (1) La première qualité de Dieu à la différence du peuple de l'Ancien Testament c'est de rester écoutant : "j'ai entendu le cri de mon Peuple"... et donc de continuer avec constance dans son dialogue avec le Peuple. Ce dialogue se poursuit jusqu'au merveilleux échange de la croix. Et après la croix dans le don aux disciples et à l'Eglise de la foi qui les rend capables de dialoguer, dans la prière filiale adressée au Père (Abba) et suscitée par l'Esprit Saint et ainsi permettre que "dans le coeur des fidèles" soit prononcé les mots ineffables qu'ils sont incapables de formuler par eux-mêmes
C'est à travers la capacité humaine de dialoguer qui réside en Jésus que le Père révèle son ouverture divine au dialogue.
Notre mission est de poursuivre ce dialogue, en restant écoutant par toutes les pores de notre peau à ces pas de Dieu en nous et autour de nous dans l'autre.

(1) D'après Urs von Balthasar, ibid p. 59

21 juin 2005

Tous sauvés...

"Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1 Tm 2,4) et non d'un effort humain pour s'arracher au monde et se hausser à Dieu" (1) Il s'agit d'une initiative de Dieu en faveur du monde. Cette initiative est au coeur du drame divin l'affrontement de l'ennemi, que certaines mystiques comme Anne-Catherine Emmerick ont traduit dans leur méditation de la descente aux enfers. On y voit un Christ venu relever toute l'humanité. Cette universalité du salut doit rebondir également sur notre façon d'agir qui est de rester acteur au coeur du drame et non de chercher une évasion du monde dans l'ascèse, la philosophie ou la mystique. Notre aujourd'hui est le conflit avec le mal sous toutes ses formes et dans ce combat seul nous participons à l'Evangile du Christ, y compris à cet évangile de la souffrance dont nous parle Jean-Paul II dans Salvifici Doloris.

(1) Urs von Balthasar, ibid p.59

20 juin 2005

Le Mal

Ce n'est pas "contre les hommes que l'on se bat mais contre les puissance des ténèbres, contre les esprits du mal qui habite les ténèbres". (1) Pour nous ce concept bute pour cause de rationalisme sur les mêmes arguments qui nous font prendre de la distance par rapport à un Dieu cosmologique ou mythique. Mais si Dieu reste pour nous le non-aliud au sens Cusien, pourquoi le mal ne serait-il pas aussi insaisissable que Dieu ? C'est en regardant en arrière, dans les effets de la mimesis, les génocides, ... que l'on prend conscience qu'il y a dans cette lutte autre chose que des volontés humaines déterminées, mais une conjonction aussi forte et destructive que celle qui nous porte à l'amour. Si l'amour est un acte libre mais participant au transcendantal, pourquoi le mal ne fonctionnerait pas dans une "fondamental" inverse, pour reprendre la terminologie de Simmel... A méditer...
"Pour qu'il y ait drame, il faut deux libertés face à face." (2)


(1 et 2) Urs von Balthasar, ibid p. 49 et 51

19 juin 2005

Apathie et discernement

"L'Apatheia est un commun dénominateur subjectif, selon laquelle toutes les religions (la Bible mise à part) cherchent à définir l'attitude de l'homme arrivé à sa maturité. En cela elles se manifestent comme des religions de type épique. Mais l'épique n'est pas supprimé mais intégré dans la dramatique" (1) Il ne s'agit pas d'une résignation passive mais d'une disponibilité à assumer tout rôle défini par Dieu. Selon un principe ignacien, l'apotheia se transforme en indifferentia au sens ignacien.
Un acteur ne s'identifie pas à un rôle seul et unique mais il se dispose à accepter n'importe quel rôle déterminé. De même, le Fils astreint à un rôle a démontré dans ce rôle son universalité catholique.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 48

18 juin 2005

Liberté - IV

Le Beau ne "prétend jamais forcer des résistances, mais captive gracieusement des libertés qui se laissent convaincre (...) c'est la même puissance de l'amour offert gracieusement qui tient aussi le langage du jugement : il suffit pour s'en convaincre d'être attentif au ton des missives aux sept églises". (1)

La douce tendresse de Dieu qui n'est qu'agenouillement devant nos libertés humaines...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 30

Pneuma

Le Pneuma (souffle) est toujours plus grand que le Gramma (lettre), la lettre dont elle se revêt, comme une enveloppe trop étroite pour la contenir "tout les livres du monde ne suffiraient pas" (cf Jn 21,25, 20 30-31) (1)

On retrouve un peu les accents découverts dans Autrement qu'être de Lévinas qui distingue le dire et le dit...


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 48

17 juin 2005

Figure

"Le beau se choisit une figure, par une parole incarnée définitive pour se dévoiler et se répandre à profusion dans le monde. Face à cette figure, saisi par l'action qui la brise pour en faire émaner la puissance victorieuse, personne ne reste insensible ; et si l'on est ému, on ne peut plus demeurer inerte sur son banc de spectateur : on est appelé par la figure à monter soi-même sur la scène : "Si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts" (2 Cor 5,14). (1)

La notion de figure, qui sera développée (et discutée) dans le tome suivant est intéressante à noter à ce stade. Et de fait, je retiens de cette page qui frôle la poésie, le sens véritable du dévoilement. Alors que le voile cachait Dieu, il est maintenant déchiré de haut en bas (cf. Marc 15,38), parce que plus rien ne peut cacher l'amour, visible et élevé sur le bois de la croix...





(1) Urs von Balthasar, ibid p. 28

16 juin 2005

Election

Il te fait changer de vie...
Lorsque l'on est marqué une fois pour toutes par le Beau, comme un contact bouleversant, une élection, tout est regard et ravissement. On est "ravi en Dieu" (1). Entre l'épiphanie qui est d'ordre esthétique et la conversion réelle à une dramatique, il faut probablement le chemin intérieur de l'auto-conversion de l'étant.... "Or le ravissement n'est possible que lorsque Dieu confie une mission", ajoute Balthasar. "Quand le beau est contemplé dans sa réalité vraiment originelle, la liberté s'ouvre en profondeur et fait surgir la décision" (...) "se laisser modeler par l'unique offert à ma rencontre, non séparé de la Parole, l'élection présente son caractère d'universalité. L'élu introduit dans le domaine du Verbe unique (ibid). Le Livre dévoré et la saveur reste dans la bouche. Le Verbe, il lui faut le proclamer." (2)
Ces phrases font raisonner en moi la saveur des psaumes, ce qu'elle disent de Dieu et de cette intimité incomparable entre l'homme et l'infini d'amour, qui conduit à chanter le psaume 139 non pas comme une plainte coupable mais comme la joie d'un homme traversé par le regard aimant de Dieu...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 26
(2) ibid

Clochard...

Le clochard du coin est aussi une oeuvre d'art... Il a une place unique aux yeux de Dieu. En prendre conscience, c'est percevoir le mystère de l'amour infini de Dieu en tout homme, qui au-delà des contingences qui l'ont mis dans cet état, continue de tracer en lui l'espérance d'une vie. Certains sourires, certains échanges me font prendre conscience à la fois d'une profonde solitude et de la fraîcheur de ceux qui ne sont plus rien que des enfants de Dieu. Et cependant, je me sens impuissant... et souvent hypocrite.

15 juin 2005

Esthétique - I

Le pouvoir de l'expression esthétique n'est jamais contraignant. Il est libérateur. On peut passer à côté "A peine ont-ils pris garde à toi". (1) En relisant ce texte, je suis frappé par l'interpellation mondiale qu'a pu généré les obsèques de Jean Paul II... Tant de fidèles et à côté tant d'apparente indifférence, mais aussi des paroles surprenantes, une lente prise de conscience... N'y a t-il pas finalement ici une excellente pastorale...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 24

Eschatologie

Est-ce que Pâques ne relève pas de l'eschatologie ? (1)
On peut s'interroger en effet sur la portée du message de Pâques qui dépasse en soi le récit des évangiles et préfigure cette victoire sur la mort, annoncée et proclamée par l'Eglise.
En cela Pâques reste pour moi un mystère et le signe fragile et hyperbolique d'une annonce de ce qui ne sera révélè qu'à la fin des temps...


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 23

14 juin 2005

Anthropocentrique

"Une esthétique anthropocentriste moderne est plus à même de nous offrir une précompréhension de la manifestation de Dieu dans la figure ultime de sa révélation qui est la mort et la déréliction du Christ. Au coeur de la figure à déchiffrer qui donne la clé de tout, il y a la non figure de la Croix, à partir de laquelle le spectateur croyant devient capable de déchiffrer la sur-figure de l'amour trinitaire qui se manifeste" (1). Je ne sais s'il faut opposer ces deux esthétiques mais s'il ne faut pas au contraire les conjuguer et voir dans la révélation et dans l'auto-manifestation intérieure deux sources fécondes qui conduisent à l'ultime vision.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 22

Dieu nous précède.

Il y a des moments privilégiés, quand nous constatons émerveillés que se révèle à nous une réalité unique et précieuse : l'exemplarité de la rose précède la causalité qui en donne raison mais "la rose a fleuri de tout temps dans l'éternité de Dieu" (1). Ce qui semble être le fruit de notre amour le plus pur n'est-il pas comme la rose, la réalisation d'un projet nourri par Dieu depuis toute éternité et dont nous nous sommes faits les instruments.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 18

13 juin 2005

Identifié au rôle...

"Seul l'homme-Dieu s'est identifié à son rôle. Plus un homme se rapproche de son rôle, plus il devient "interprète" authentique du drame divin. Seul les saints y parviennent." (1) On retrouve dès le début du deuxième tome de cette Dramatique la tension du drame. Mais cela réveille en moi ce qui était déjà noté dans le deuxième tome de la Gloire et la Croix, à propos de Bonaventure, sur la trace, l'image et la ressemblance. Seul le Christ est ressemblance véritable... Qu'est-ce à dire, si ce n'est que nous sommes appelés à ce décentrement qui fait de nous des êtres de lumière, c'est-à-dire que si nous parvenons à rejoindre rôle et agir, si notre amour est véritable, nous pourrons rayonner de cet amour qui nous anime. A défaut, et comme le souligne Lévinas dans difficile liberté, nous masquons la lumière. Quand notre adhésion libre est complète, nous devenons alors participant au drame, membre du Christ, digne de notre baptême dans sa mission de prêtre, prophète et roi.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 11

Révélation

Dieu se révèle en son Fils, axiome fondamental loin d'un Dieu pur énergie : "Il se révèle réellement tout en restant inconnaissable". (1) On est pour moi ici au coeur même du mystère de l'incarnation. La révélation ne peut être totalement explicite au point que l'homme en perdrait sa liberté et cependant il faut qu'elle soit complète pour qu'il ne puisse y avoir d'ambiguïté. C'est pour quoi, au delà d'une incarnation datée il demeure la liberté de rejeter et l'évidence que ce Jésus est Fils de Dieu, pour celui qui au coeur de lui-même prend le temps de s'ouvrir intérieurement à cette présence.


(1) Urs von Balthasar,
Dramatique Divine,
II - Les personnes du drame
1. L'homme en Dieu,


Culture et Vérité, Namur, Editions Lethilleux, Paris, Le Sycomore, Trad. Yves Claude Gélébart et Camille Dumont. (C) Thedramatik, II Die Personnen des Spiel, 1 - Der Mensch ins Gott, Johannes Verlag, Einsiedeln 1976
(c) Pierre Zech Editeur, Paris 1986 pour la Version française

12 juin 2005

Verbe médiateur

Si le monde du cela domine le monde du Tu (1), ce n'est que lorsque Dieu parle que ce "moi" reconnaît son frère et comprend (2). Le Verbe serait donc ce/au bas de la tour, ce lieu de la rencontre entre moi et l'autre, ce lieu après avoir été traversé par la Parole, on devient écoutant d'un autre qui se révèle, épiphanie d'un visage qui apparaît et dont je découvre l'existence. Epiphanie qui comme pour Adam, nous fait crier, nous donne accès à la parole. Voici l'os de mes os, une même chair mais différent, autre.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 545
(2) ibid

Je et Tu

Selon Ebner, Buber, G. Marcel ou Rosenzweig, le principe dialogal, c'est la découverte du Tu qui m'amène moi même à la conscience de mon Je (1). L'irruption de l'autre dans ma vie est le cadeau qui me permettra de sortir de mon enfermement sur moi-même. Encore faut-il que ma relation avec l'autre ne soit pas de nature objectale (l'autre pris comme objet), mais qu'il s'agisse d'une rencontre de personne à personne, c'est-à-dire que je descende de la tour de mon moi pour aller à la rencontre d'un Tu... Ou pour reprendre la terminologie de Gabriel Marcel, que je passe de l'avoir à l'être.
L'existence n'est pas dans le Je mais entre le Je et le Tu, et Dieu est fondateur de cette relation. Car Dieu est le Tu éternel auquel le Tu humain ne peut atteindre. Il peut nous arriver de rencontrer cependant une certains sécheresse, mais note Balthasar, "c'est nous qui ne sommes pas là" (2).

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 534-5
(2) ibid p. 542

11 juin 2005

Péché originel

Pour Schelling, le péché originel est dans la préférence donnée à la volonté propre sur la volonté de l'amour divin, "au dessus du créé"... (1). Je ne comprends pas cela comme un esclavage, mais bien comme un acte de discernement. Cela fait résonner pour moi la phrase de Paul, dans Romains 12 : "Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l'intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait." Ce discernement est peut-être le chemin de notre liberté, celle qui nous éloigne de la volonté du fond et nous permet d'entrer dans celle qui donne vie, et qui est amour.
L'homme pour être bon devrait mourir à toute particularité, subordonner sa volonté propre à la volonté de Dieu. Pour vivre en Dieu, qui est pour chaque volonté particulière un feu dévorant, l'homme doit mourir à toute particularité (2).
On en arrive au paradoxe d'un Dieu qui respecte notre unicité, qui nous a créé unique, mais qui nous appelle à trouver en nous et en l'autre, ce qui deviendra le feu dévorant de l'amour, et ce qui en cela nous libérera de nos servitudes.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 488
(2) ibid p. 489

Dieu, non autre

"Même quand nous sommes en Dieu, subsiste toujours en nous quelque chose qui n'était pas Dieu. Dieu hors de Dieu comme la fleur qui s'élève grâce à la lumière mais qui n'est pas lumière" (1). Cette distinction me semble essentielle, je l'ai déjà soulevé plus haut à partir de La Custode de Theillard de Chardin. On retrouve également le non aliud de Nicolas de Cuse. Dans cet autre que l'on ne peut saisir, on perçoit l'ouverture qui permet à la fois une vision anthropocentrique tout en laissant la place à une transcendance. Peut-être que finalement l'idée de temple de Dieu est ce qu'il y a de plus proche. Dieu repose en nous, en l'autre mais on ne peut le saisir. Toujours peut-on être attentif à cette présence, pour devenir transparent de la lumière.
Cette pensés rejoint celle d'Hegel lorsqu'il note la désespérance pour un particulier d'arriver à la vérité s'il demeure dans son pour soi. D'après Balthasar, il souligne ainsi le plus sévère enseignement de dépassement de soi destiné à une personnalité attachée à elle même. (2)
Mais chez Hegel, trois figures reprennent cette direction.
a) le stoïcisme, ou l'être est chez soi. L'homme n'a pas de contenu propre ce qui le conduit à l'ennui.
b) le scepticisme qui conduit à une conscience de soi confuse
c) ou le chrétien qui fait reddition de son autonomie dans l'obéissance, dans la renonciation. (3)
Mais cette critique de Hegel fait abstraction pour moi de la victoire, celle de Dieu qui unit à l'homme s'inscrit sur le chemin d'une liberté retrouvée, d'une humanité qui par sa conformité libre au désir de Dieu, participe à la victoire de l'amour.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 491
(2) ibid p. 493

10 juin 2005

Liberté et fond...

"Décider entre deux principes qui s'opposent en l'homme". Qu'il y en ait deux est décisif : "la volonté de l'homme et la volonté du fond. De fait, on ne peut supprimer le fond car sinon l'amour ne peut exister et le fond doit être à l'oeuvre indépendamment de l'amour afin que ce dernier existe réellement. Par suite, l'homme est comme quelqu'un qui saisi de vertige sur une cime escarpée éprouve l'angoisse de la vie à cause de la sollicitation du fond en lui et il ne faut pour cela aucun diable (1)
Si je comprends ce passage, on en arrive à estimer que l'existence du mal rend possible la tension dramatique et de ce fait la liberté.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 488

Immuable

Je reste perplexe devant cette affirmation de Schelling : "nous retirer des vicissitudes du temps dans notre intimité, notre foi dépouillée de tout ce qui est venu s'y ajouter de l'extérieur, et là contempler en nous l'éternel sous la forme de l'immuable." (1) Cette immuabilité de Dieu reste pour moi un concept philosophique se heurte foncièrement à ma vision du dialogue Homme-Dieu, même si je reste sensible à l'appel à la contemplation. Le volume 2 de cette dramatique, m'aide finalement à comprendre ce qui reste encore difficile à appréhender dans ce tome. Affaire à suivre donc.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 486

09 juin 2005

Vrai homme et vrai Dieu

A propos de Fichte, Balthasar note que "les deux volontés (Homme et Dieu) s'identifient en Christ au point qu'il n'y en a plus qu'une." (1) Il y a dans cette identité tout le mystère de l'incarnation, mais surtout au moment de l'agonie, cette rencontre cruciale entre volonté humaine, crainte, prière et volonté divine. Je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il y a identité mais conjugaison, mise en résonance, symphonie.
On peut aussi y voir la promesse eschatologique de Genèse 2. Ils ne feront qu'une seule chair. Le nouvel Adam a accompli l'écriture dans cette identité d'une volonté humaine qui vient rejoindre la volonté divine. Et en cela, le Christ fait toutes choses nouvelles... Ce que nous cherchions déjà plus haut, semble s'éclairer dans cette phrase...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 481

Marthe et Marie

On oppose à tort les deux femmes de Béthanie. Pour maître Eckhart, il faut dépasser cette opposition : "le chrétien radical est" pour Eckhart", dans toute sa vie fécond en Dieu" (1). Cela fait résonner quelques phrases notées dans le volume suivant et sur lesquelles nous reviendrons. La tentation de l'ascétisme, de la mystique peut aussi être une fuite. Dans ce domaine, la vertu de tempérance reste à privilégier. Car, il reste important de ne pas fuir le réel, l'autre, même si l'on ressent la fatigue de l'effort (cf. notes sur Olivier Abel, in mariages.blogspot.com).

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 471

08 juin 2005

Liberté - III

Toujours dans cette recherche sur le rôle et la liberté, il semble que pour Balthasar, il faille "aller au delà de la résignation vers autre chose" pour se mettre en Dieu ? (1). Il s'agit donc toujours de ce sur-centrement de la personne qui a abandonné son serf-arbitre pour s'inscrire dans un projet plus vaste. Mais ce projet dépasse la personne, il est une participation non fusionnelle à l'amour.
"En Dieu les créatures sont plus existantes et plus vraies qu'elles-mêmes." (2)

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 462
(2) ibid p. 463

Liberté - II

"Tout individu est en apparence coincé entre les héritages psychologiques et culturels qui font de lui ce qu'il est, ce qu'il apparaît. Il peut cependant changer de rôle. Au delà de la prison sociale qui l'enferme, il peut parvenir à une intériorité suffisante, un Soi-même qui lui permette de retrouver une liberté pour "entreprendre de plein gré le rôle assigné" (1).

C'est ce travail intérieur qui détermine la capacité de tout homme à parvenir à une plus grande humanité. On retrouve ici les accents développés par P. Ricoeur dans Soi-même comme un autre. Je m'interroge cependant à la lumière des pages suivantes sur la place des autres dans cette humanisation. L'enjeu n'est pas d'y parvenir seul, mais de permettre à l'humanité entière de parvenir à cette humanité.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 460

07 juin 2005

L'idéal moteur...

"L'homme tend à une perfection idéale inaccessible" (1) Cela renverse pour Balthasar la causalité freudienne en une orientation vers la finalité.. "Nous ne pouvons penser, sentir, vouloir sans qu'un but soit présent à nos yeux"...(2)
Je sens bien dans mes efforts fragiles pour soutenir une amie suicidaire que ce qui lui manque c'est une orientation vers un idéal qui pourrait paraître accessible. Mais quand la maladie ne permet pas de rendre cela envisageable, quel moteur peut-on introduire... ?
(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 445
(2) ibid p. 447

Rôle et société

En théorie, la communauté sociale peut amener à la rupture du masque, et permettre de "remonter jusqu'à la liberté primitive du projet-sur-soi téléologique". Adler opte pour une socialisation de la personne. Pour lui la socialisation et l'infériorité sont des facteurs essentiels de la progression de l'humanité. C'est un élan vers la vie mais qui reste pour Balthasar limité "car il ne peut concevoir que cette unité peut se recevoir de Dieu". (1)
Adler met cependant au centre l'humain, à la porte du christianisme en affirmant que "l'auxilliaire le plus important de l'éducation est l'amour".
Cette théorie permet d'intégrer à mon humble avis, le phénomène bénéfique de l'environnement. Mais il appelle aussi une thèse inverse. Ainsi si le rôle est un élément de construction sociale du moi, il reste appris, donné à l'avance, et surtout du fait de la distance entre le rôle et l'acteur, il permet d'en jouer plusieurs... Cela conduit pour Balthasar à un dualisme entre le Je et le Moi. (2)
Ralf Dahrendorf dans son Homo Sociologicus de 1958 soutient, à la suite de Kant et contre Hegel que "l'homme entrant dans le rôle que lui donne la société s'aliène" jusqu'à ce qu'en s'érigeant contre elle, il retrouve une liberté propre. Pour Balthasar, "on ferait mieux de parler de fonction qui se développe par suite de l'ambivalence de l'attente et des conflits de rôle qui en résultent." (3). Soit l'homme s'élève derrière la distance qu'il met entre lui et son rôle et la possibilité qu'il a d'en changer, dans une nouvelle dimension, un Soi véritable, soit dans cette distance peut se distinguer la marque de l'individu. (4).
Toute notre théorie sur les tours prend ici un sens intéressant, dans la mesure où il traduit l'enjeu de la distance entre ce moi construit, ciselé par la société et par ses propres choix et perceptions et le Soi profond, la petite flamme intérieure qu'il convient de retrouver en soi et chez l'autre pour atteindre une communion et un amour véritable. Cela conforte aussi notre idée de décentrement, qui ne serait alors que l'abandon du rôle imposé vers un choix libre, une destinée, un appel et de fait une autre hyperbole.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p.448 à 450
(2) ibid p.452
(3) ibid p.455
(4) ibid p.456

06 juin 2005

Immigration

Toujours chez Adler :"L'insécurité et l'inquiétude sont les fondements qui le rend éducable".
L'infériorité permet de limiter la tour de Babel, construite avec le temps. Cela évoque pour moi cette difficulté notable dans l'éducation des enfants de 2ème génération d'immigrés, qui face à des parents déboussolés et loin de leur culture, découvrent en eux un potentiel, par l'acquisition de la langue et de la culture locale.
Ce conflit entre le potentiel qui s'ouvre à eux et la limitation de l'héritage reçu de leurs parents conduit à une absence d'infériorité et expliquerait ainsi cette absence d'éducabilité ?

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 368

05 juin 2005

Inférieur...

Chez Adler, "Etre homme c'est se sentir inférieur" (1) On pourrait en tirer un théorème mathématique. L'homme prenant conscience de sa finitude, parvient à la maturité véritable, celle où en voyant ses limites, il s'ouvre à la transcendance...

(1) Der Sinne des Lebens P.67 cité par Urs von Balthasar, ibid p. 445

Soi-même comme un autre

Je retrouve dans cette analyse du Soi chez Jung : "La transcendance du moi empirique vers le Soi qui lui est sur-ordonné (...) le moi individualisé s'éprouve comme objet d'un sujet inconnu et supérieur. Pensée à l'horizon illimité car l'idée d'un Soi en soi et pour soi est déjà un postulat transcendant" (1) des accents du Soi-même comme un autre de Paul Ricoeur. Balthasar y voit quelques ouvertures vers la grâce et la voix mais pas vers la prière... Que manque-t-il, si ce n'est cette capacité de décentrement ou même de sur-centrement qui pourrait caractériser l'acte de purification ultime où l'on ne fusionne pas dans un tout indifférencié mais bien dans une symphonie où tout en restant soi, on participe à la danse.
Balthasar ajoute que le "Soi individuel de C.J. Jung est en stricte opposition au Sur-moi de Freud (...), le centre de la personnalité à mi-chemin entre conscient et inconscient comme leur haute synthèse". (2) C'est là que l'on rejoint pour moi la longue démarche du Soi-même comme un autre de P. Ricoeur, dans ce qu'il a qualifié plus tard de petite éthique...
Pour Balthasar enfin, "Le dernier mot de Jung pourrait être résignation non dans un rôle ou un masque mais dans le sens ou le "voir Dieu" n'est pas total. "La totalité ne se réalise jamais au point que nous puissions nous identifier à elle". (3)
Cela montre pour moi une saine clairvoyance qui permet de distinguer la démarche de toute totalité, n'en déplaise à Hegel et viva Lévinas...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 440-1
(2) ibid p. 442
(3) ibid...