"Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l'Eglise". Cette phrase de Paul qui introduit la lettre apostolique de Jean-Paul II donne le ton de toute la lettre.
L'idée centrale c'est que la souffrance est la rencontre entre un homme libre et le mal qu'elle que soit sa forme. Quelle que soit la forme de cette souffrance, se trouve "toujours une expérience du mal qui entraîne la souffrance de l'homme. Ainsi donc, la réalité de la souffrance fait surgir la question de l'essence du mal : qu'est-ce que le mal ?"" (§ 7)
Sur la cause du mal, Jean-Paul II souligne qu'il s'agit d'abord de l'absence d'un bien.
On a envie cependant de compléter, à ce stade, par la distinction thomiste entre "mal de peine" (tremblement de terre, maladie) et le "mal de faute" (mal causé par un tiers).
Cette rencontre avec le mal pose la question du pourquoi ? mais aussi du but (pour quoi ?). Alors que pour les amis de Job, cette souffrance semble justifiée par la faute, Job nous fait découvrir le travail de l'homme qui est un chemin de conversion. Déjà dans L'Ancien Testament, nous remarquons une tendance qui cherche à dépasser l'idée selon laquelle la souffrance n'a de sens que comme punition" (§12).
Mais pour comprendre le pourquoi, il faut nous tourner vers le Christ. La souffrance "doit servir à la conversion c'est-à-dire à la reconstruction du bien". (...) "Le Christ nous fait entrer dans le mystère et nous fait découvrir le pourquoi de la souffrance, dans la mesure où nous sommes capables de comprendre la sublimité de l'amour divin." (§ 13).
Le Christ apporte une lumière nouvelle, celle du salut. (§ 15)
Le Christ se fait proche de la souffrance humaine. (§ 16) et son enseignement et notamment les huit béatitudes trace un chemin hyperbolique qui montre que la souffrance participe à l'oeuvre du salut.
Jean-Paul II rejoint ici ce qui pour Hans Urs von Balthasar est le propre de la dramatique divine. Le Christ est au centre du drame, chemin de lutte contre le mal sous toutes ses formes. Chemin et victoire.
Or pour Jean-Paul II, le Christ prend sur lui cette souffrance. "Le Fils de même nature que le Père souffre en tant qu'homme. (...) Il se charge d'une manière totalement volontaire des souffrances" (§18), rejoignant la prophétie du Serviteur Souffrant (Isaïe 53, 5). La réponse du Christ à la souffrance est donc à la fois dans la Bonne Nouvelle mais avant tout par sa propre souffrance". C'est le langage de la Croix.
La souffrance c'est subir le mal mais c'est aussi une participation à l'amour.
Le mystère du mal s'inscrit donc dans le drame. Et comme le souligne Paul, lorsque je souffre "ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. (§20).
On prend alors conscience du paradoxe de la faiblesse et de la force. Je ne peux répondre seul à la souffrance. Il y a un moment où seul Dieu peut l'assumer en moi (faiblesse) et en même temps, ce dé-centrement, ce sur-centrement en Christ me permet d'obtenir sa grâce (force).
Dans ma souffrance, je participe au drame. "Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ . Les souffrants s'inscrivent donc dans la communion des martyrs et des saints, dans le chemin de l'Eglise, celui qu'elle trace dans "l'Evangile de la souffrance . (§25) Ce chemin, Marie fut la première à le tracer, en complétant dans sa chair (comme elle l'avait fait dans son coeur) la souffrance de son Christ, en l'accompagnant sur le chemin du Calvaire.
Cette participation à la souffrance donne une "force particulière qui rapproche intérieurement l'homme du Christ, une grâce spéciale (§26). "Lorsque le corps est profondément atteint par la maladie (...) la maturité intérieure et la grandeur spirituelle deviennent d'autant plus évidentes, et elles constituent une leçon émouvante pour les personnes qui jouissent d'une santé normale .
Le souffrant accomplit ainsi un service irremplaçable et entre dans la communion de l'Eglise, au sein même du drame.
Jean-Paul II rappelle ensuite "la parabole du Bon Samaritain qui appartient à ce même Evangile de la souffrance. Elle indique, en effet, quelle doit être la relation de chacun d'entre nous avec le prochain en état de souffrance. Il nous invite à ne pas passer outre, à ne pas épargner nos moyens, notre coeur, comme nos moyens matériels, être capable de don, libérer en nous ses capacités d'aimer. Et Jean-Paul II rappelle la phrase du Christ : "C'est à moi que vous l'avez fait" (§29).
La relecture de ce texte à l'aune de la vie et de la mort de Jean-Paul II lui donne un sens tout particulier. On perçoit combien sa mort saluée par tant d'hommes et de femmes a tracé à sa manière l'Evangile de l'amour qui est pour reprendre ses propres mots l'Evangile de la souffrance.
Texte Intégral : http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/apost_letters/documents/hf_jp-ii_apl_11021984_salvifici-doloris_fr.html
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