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17 novembre 2020

Incarnation et danse trinitaire - 10

L'évangile d'aujourd'hui (Zachée, Luc 19, 1-10) est aussi une belle image de l'incarnation. Comme le soulignent les Pères de l'Églis, le fait de descendre à Jéricho, qui se situe au-dessous du niveau de la mer et géographiquement très en dessous de Jérusalem, évoque un mouvement de Dieu vers l'homme, à l'inverse de la montée à Jérusalem. Non seulement Jésus descend à Jéricho, mais il invite Zachée à descendre lui aussi de son arbre (sa tour) pour se rendre chez « lui, au cœur de lui-même, dans sa maison et en vérité avec lui-même, dans le don de ses biens…

L'incarnation prend ici son sens plein, sa dynamique, à l'instar de cet « où es-tu ? » de Gn 3 où ce « J'ai soif » à lire entre les lignes en Jean 4 (la Samaritaine) où Jésus se met en attitude de demande.

Son « donne-moi à boire » résonne chez Jean, comme chez Luc dans un « j'ai soif de votre humanité» et rejoindra, ainsi le cri du Christ en croix, prononcé avant que ne jaillisse (encore chez Jean) de son sein le fleuve d'eau et de sang, comme un geyser d'amour qui inonde le monde.

Le verbe s'est fait chair, il désire d'un grand désir habiter parmi nous.

L'incarnation se conjugue en plusieurs couleurs dans le NT avec toujours cette dimension de descente et d'humilité si bien décrite par Paul en Ph. 2.

«Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus: bien qu'il fût dans la condition de Dieu, il n'a pas retenu avidement son égalité avec Dieu; mais il s'est anéanti lui-même, en prenant la condition d'esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui; il s'est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. C'est pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et dans les enfers » Philippiens‬ ‭2:5-10‬ ‭

Cette descente de Dieu vers l'homme que l'on appelle kénose est aussi illustrée physiquement par l'agenouillement du Christ devant ses apôtres (Jean 13) tout en s'inscrivant en réponse à une série d'agenouillements que l'on peut contempler depuis Exode 3 - Retires tes sandales, jusqu'à la femme adultère au pied de Jésus, un Christ qui demande à boire ou s'abaisse en Jn 8 pour écrire sur le sol, mais aussi en pas de danse avec tous nos agenouillements jusqu'à celui de Marie de Bethanie à genoux aux pieds de Jésus en Jn 12, où celui sublime, d'Etty Hillesum.(1)

C'est pour moi au cœur de ce que j'appelle la danse trinitaire, une danse qui part de Dieu le Père et remonte à lui... une danse où Dieu nous invite.

C'est pour moi au cœur de ce que j'appelle la danse trinitaire, une danse qui part de Dieu le Père et remonte à lui... une danse où Dieu nous invite.

Simon Pierre Arnold le dit aussi magnifiquement à sa manière : « l'abaissement trinitaire du Père dans le Fils et du Fils dans le monde par l'Esprit : tel est le sens absolu éternellement inachevé de l'Incarnation »(2). Et son commentaire d'un Dieu en manque de l'homme résonne avec cette dynamique trinitaire qui nous invite à sa danse (3).


Commentaire 2 :

« Notre Seigneur s'est hâté de lui faire quitter ce figuier desséché, son ancienne manière d'être, afin qu'il ne reste pas sourd. Pendant que flambait en lui l'amour de notre Seigneur, il a consumé en lui l'homme ancien pour façonner en lui un homme nouveau. » (4)

(1) Etty Hillesum, Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerborck, Paris, Seuil 1995. Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerbrock Seuil 1995.
(2) Dieu est nu - Hymne à la divine fragilité, op. cit. dans mon billet 9
(3) cf. aussi mes nombreuses balises « agenouillement » et « danse trinitaire » in http://chemin.blogspot.com

Pour aller plus loin, mes références préférées sur ce thème :
- Varillon François, L'humilité de Dieu, Centurion, Paris, octobre 1991
- Moingt, Joseph, L'homme qui venait de Dieu, Paris, Cerf, Cogitatio Fidei, 1993-2002 (et autres recueils)
- Urs von Balthasar, Hans Dramatique Divine, Namur, Éditions Culture et Vérité, série «Ouvertures »
- Brown, David, La tradition kénotique dans la théologie britannique, Paris, Mame Desclée, 2010
- Durand, Emmanuel, La Périchorèse des personnes divines. 4) saint Ephrem, Commentaire de l'Évangile concordant, 15, 20-21 ; SC 121 (trad. Louis Leloir; Éd. du Cerf 1966; p. 277-278), source : l'Évangile au Quotidien

06 novembre 2019

Au fil de Luc 14 et Luc 20, Homélie du 32ème dimanche du Temps Ordinaire - année C

Projet 3
De quel côté sommes-nous ?
Du côté de la vie, de la foi, de l’espérance et de la charité
Ou du côté de la mort, de la haine et du jugement ?

Il n’y a pas d’entre deux et saint Luc depuis le récit du Fils prodigue nous conduit vers ce choix.

Un petit mot sur le contexte...
Le cœur de ces trois textes s’ordonne en effet autour de la résurrection.
La première lecture est pratiquement le seul texte de l’Ancien Testament où ce concept effleure et la question posée par les Saducéens montre que le sujet n’était pas partagé par la plupart des Juifs.

S’il n’y a pas de résurrection tout s’arrête. Et l’on peut percevoir le désespoir des Juifs qui sont face aux premiers martyrs.

Et nous que pensons nous du sujet ?
J’ai vu passer une étude qui affirmait qu’une tranche importante des catholiques ne croyait pas à la résurrection. Comment est-ce possible ? Si le Christ est mort sans ressusciter que croire ?

Si Jésus fait allusion à Abraham, Isaac et Jacob comme des vivants et non des morts, c’est pour nous entraîner au delà de notre vision étriquée du monde. Croire en Dieu c’est croire que l’amour dépasse les limites de la mort. C’est croire qu’en dépit de nos erreurs, il continue à crier vers nous.

La question de Dieu au jardin d'Eden dans Gn 3 : «  où es-tu ? ». traduit cette bienveillance de Dieu au delà de nos erreurs. Rappelons nous : L'homme était nu et devant le mal commis, Dieu l'interpellait alors pour le ramener à lui(1)

Depuis Adam, Dieu ne cesse de courir à nous...
Et la Bible n’est qu’un long récit de nos manières de ne pas entendre l’appel...
La résurrection est le cadeau final, ce qui nous inscrit dans l’espérance...

Christ est mort par la faute des hommes, mais Dieu est plus grand que nos erreurs. Dieu ne cesse de nous tendre la main...

Dans les icônes orthodoxes on voit même le Christ relever Adam et Ève des ténèbres de la nuit, signe que Christ est venu pour sauver l’humanité passée et future, alors n’ayons pas peur. Il est vivant !

Croire c’est aussi avancer. Nous  pouvons le fair de deux manières ; une extérieure qui consiste à louer Dieu pour ceux qui ont fait ce choix ultime de le suivre dans une vie totalement consacrée, ce qu’il appelle les anges...
La deuxième est plus essentielle : elle consiste à faire intérieurement ce choix ultime de se dégager du monde pour mettre sa vie au service de Dieu.
Et pour cela, tout baptisé a un chemin à entreprendre : il s'agit de discerner où est notre priorité...

Prendre le temps dans la prière de discerner l'essentiel. Combien de temps prions nous vraiment ? Non pas par des formules toutes faites mais en vérité ?

Laissons nous la « Parole suivre sa course » en nous ? comme le dit Paul dans la deuxième lecture (cf. 2 Th 2).

L'évangile en mettant côte à côte la loi dite du levirat et le choix de la consécration nous interpelle : sous quelle axe organisons-nous notre vie ? Sous l'axe du monde ou sous l'axe de Dieu ? 

Déjà la première lecture à une vision plus exigeante du lévirat puisque les sept frères choisissent la voie du martyre. Cf. 2 M 7, 1-2.9-14)
Choisir le chemin de Dieu, la voix unique dont parle saint Jean de La Croix, c'est voir d'abord nos addictions au matériel, à ce qui nous éloigne de la charité. 

« Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l'amour de Dieu
et l'endurance du Christ. » (2 Th 3,5)

Annexe

Mon projet 1, bien hors sujet... comme quoi l’art de l’homélie reste difficile

Où sont vos priorités ?
C'est la troisième fois que je pose la question dans une de mes homélies depuis septembre, et cela n'est pas anodin. Cela rejoint en effet la question de Dieu au jardin d'Eden dans Gn 3 : «  où es-tu ? ». L'homme était nu et devant le mal commis, Dieu l'interpellait alors pour le ramener à lui(1)

Déjà en Luc 14, que nous venons de relire mercredi, le chemin tracé par Jésus est exigeant ; « celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »

Sur cette voie Saint Macaire à cette exhortation qui dérange : « Comment est-il possible que, malgré de tels encouragements et de telles promesses de la part du Seigneur, nous refusions de nous livrer à lui totalement et sans réserve, de renoncer à toutes choses et même à notre propre vie, conformément à l'Évangile (Lc 14,26), pour n'aimer que lui seul, et rien d'autre avec lui ?
Considère tout ce qui a été fait pour nous : quelle gloire nous a été donnée, que de dispositions en vue de l'histoire du salut faites par le Seigneur depuis les pères et les prophètes, que de promesses, que d'exhortations, quelle compassion de la part du Maître dès les origines ! À la fin, il a manifesté son indicible bienveillance envers nous en venant demeurer lui-même avec nous et en mourant sur la croix pour nous convertir et nous ramener à la vie. Et nous, nous ne laissons pas de côté nos volontés propres, notre amour du monde, nos prédispositions et nos habitudes mauvaises, apparaissant en cela comme des hommes de peu de foi, ou même sans foi aucune.
Et cependant, vois comment, malgré tout cela, Dieu se montre plein d'une douce bonté. Il nous protège et nous soigne invisiblement ; malgré nos fautes, il ne nous livre pas définitivement à la méchanceté et aux illusions du monde ; dans sa grande patience, il nous empêche de périr et guette de loin le moment où nous nous tournerons vers lui »(2)

Nous arrivons aujourd'hui à la fin de la lecture de Luc dans l'année liturgique C, avant dernier dimanche avant le Christ Roi et c'est sur la pointe des pieds que nous pouvons contempler une dernière fois cette demande de tout quitter pour suivre l'appel du Christ. Nous pouvons le faire de deux manières ; une extérieure qui consiste à louer Dieu pour ceux qui ont fait ce choix ultime de dans une vie totalement consacrée.
La deuxième est plus essentielle : elle consiste à faire intérieurement ce choix ultime de se dégager du monde pour mettre sa vie au service de Dieu.
Et pour cela, tout baptisé a un chemin à entreprendre : il s'agit de discerner où est notre priorité...

Prendre le temps dans la prière de discerner l'essentiel. Combien de temps prions nous vraiment ? Non pas par des formules toutes faites mais en vérité ?

Laissons nous la « Parole suivre sa course » en nous ? comme le dit Paul dans la deuxième lecture (cf. 2 Th 2).

L'évangile en mettant côte à côte la loi dite du levirat et le choix de la consécration nous interpelle : sous quelle axe organisons-nous notre vie ? Sous l'axe du monde ou sous l'axe de Dieu ?

Déjà la première lecture à une vision plus exigeante du lévirat puisque les sept frères choisissent la voie du martyre. Cf. 2 M 7, 1-2.9-14)
Choisir le chemin de Dieu, la voix unique dont parle saint Jean de La Croix, c'est voir d'abord nos addictions au matériel, à ce qui nous éloigne de la charité.

« Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l'amour de Dieu
et l'endurance du Christ. » (2 Th 3,5)

(1) cf. mon livre éponyme « où es-tu ?+  mais surtout https://www.amazon.fr/Lire-lAncien-Testament-lecture-pastorale/dp/1533408610
(2) saint Macaire d'Égypte, Homélies spirituelles (trad. Deseille, Coll. Spi.Or. 40, Bellefontaine 1984, p. 114) , source : l'Évangile au Quotidien


04 novembre 2019

Au fil de Luc 19, 1-10 Zachée, homélie du 3 novembre - 31ème dimanche…

Aujourd'hui est un jour de joie, parce que Dieu veut demeurer chez nous.

Il a pitié de tous les hommes, il aime « tout ce qui existe » (...)
  « toi dont le souffle impérissable les anime tous. Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu'ils se détournent du mal et croient en toi, Seigneur. » (Sg 11, 22 – 12, 2)
« Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d'amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres. » (Ps144)

Prenons le temps de réécouter le texte de Luc avec les yeux de cette miséricorde divine... :
« En ce temps-là,  entré dans la ville de Jéricho, Jésus la traversait.
    Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d'impôts,
et c'était quelqu'un de riche.
    Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avantbet grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui allait passer par là.
    Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit :
« Zachée, descends vite :
aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison. »
    Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie.
    Voyant cela, tous récriminaient :
« Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. »
    Zachée, debout, s'adressa au Seigneur :
« Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens,
et si j'ai fait du tort à quelqu'un,
je vais lui rendre quatre fois plus. »
    Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd'hui, le salut est arrivé pour cette maison,
car lui aussi est un fils d'Abraham. En effet, le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Luc 19, 1-10)
Textes liturgiques © AELF.

Il y a une correspondance intéressante entre ce que je disais hier et les textes d'aujourd'hui.
Tout dépend de nos choix, de notre désir de laisser Dieu demeurer en nous.
Comme Zachee, écoutons humblement Jésus nous dire : « descend de ton arbre je veux habiter dans ta maison... »

Notre Dieu [nous] trouve dignes de l'appel qu'il [nous] a adressé ;
par sa puissance,
qu'il [nous] donne d'accomplir tout le bien que [nous] désirons, et qu'il rende active [notre] foi.
Cette dignité n'est pas un dû mais un appel à la responsabilité.

Souvent nous voulons prendre la main sur notre histoire, maîtriser l'autre. C'est la tentation du diacre, comme du mari, de la femme sur sa maison, comme du prêtre ou de certains laïcs sur la paroisse. 
Nous voulons consciemment ou non avoir le pouvoir. 
Le chemin de Dieu passe par une descente de nos tours humaines. Une descente à Jéricho. Les pères de l'église y voit un premier signe dans ce texte... 
Jésus vient nous visiter. Il se met à genoux devant l'homme...
Comme Zachee (Luc 19), écoutons humblement Jésus nous dire : « descend vite, il faut que je demeure chez toi »

Prenons le temps d'entendre Jésus nous dire cela...
Laissez vous habiter par Dieu en commençant par cette eucharistie...
En avançant tout à l'heure vers l'autel tendez vos mains pour signifier cela...
Seigneur viens... viens habiter chez moi. Viens transformer ma vie.

31 octobre 2019

Homélies du 2 et 3 novembre - Messe des défunts et Zachée

  1. Homélie du 2 novembre - Commémoration de tous les fidèles défunts
Projet n.3

Aujourd’hui nous faisons mémoire de nos défunts. l,enjeu pour nous n’est pas de tomber dans une mémoire négative ou un jugement de ceux qui nous ont précédé.
le risque  est d’entrer dans le jugement. c'est notre rapport à la loi...

« La mort a été engloutie dans la victoire.  Ô Mort, où est ta victoire ?
Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ?  L'aiguillon de la mort,c'est le péché ; ce qui donne force au péché, c'est la Loi. » (1, Co 15,56)

Arrêtons-nous nous sur cette dernière phrase. « ce qui donne force au péché, c'est la Loi. » quand nous brandissons la loi comme un étendard nous ne sommes pas dans la miséricorde et l'amour mais dans le jugement et le pouvoir...
Attention à nos poussées moralisatrices.

« ce qui donne force au péché, c'est la Loi. »
« Que celui qui n'a pas péché jette la première pierre ». (Jn 8)
Non  l’enjeu si bien décrit par le livre de la sagesse est de croire, d’espérer et d’aimer.

Ces trois vertus théologales doivent être la clé de l’approche de la mort.

croire en la résurrection 
espérer que nous nous retrouverons dans l’amour
vivre de cet amour:

Qu'est-ce qui nous attend en effet ?
La question que pose ces textes peut nous conduire à entrer dans ce type de considération pour nous-mêmes et dépasser celle que nous nous posons sur ceux qui nous ont précédé.
Peut-être que ce détour est même souhaitable par rapport à une fausse idée sur le mystère de la mort...
Qu'est-ce qui nous attend ?
Finalement, la réponse est double.

1ère réponse
Elle repose d'abord sur ce que nous faisons dans l'orde de l'amour. C'est ce à quoi nous appelle l'évangéliste : tout ce qui est amour nous fait entrer dans l'infini de Dieu amour.
« Car j'avais faim, et vous m'avez donné à manger ;j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ;j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ;j'étais nu, et vous m'avez habillé ;j'étais malade, et vous m'avez visité ;j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi !' »

Nos choix nous donnent la direction. Notons d'ailleurs que selon Matthieu ce n'est pas Dieu qui conduit au châtiment mais l'homme qui y va tout seul par son refus de Dieu : « ils s'en iront, ceux-ci au châtiment éternel »...(Mat 25, 46). Ils s'en iront tout seuls...

C'est là où la 2eme réponse que nous donne la tradition de l'Église est importante et intrinsèquement liée à la première :
Puisque Dieu est miséricorde, il est venu pour sauver en nous ce qui n'est pas encore amour. En nous détournant de l'amour nous choisissons nous mêmes notre mort. En nous laissant transformer par Lui, nous purifions ce qui n'est pas encore amour.
C'est par ce détour que nous pouvons maintenant revenir à ceux qui sont déjà partis.

Ils sont morts à nos yeux et pourtant, comme l'affirme la première lecture ils sont dans le cœur de Dieu.
« Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ;
aucun tourment n'a de prise sur eux. » (SG, 3, 1)
Ce qui a été amour est toujours vivant tel est notre espérance.



Projet 2 : Homélie du 3 novembre

Il y a une correspondance intéressante entre ce que je disais hier et les textes d'aujourd'hui.
Tout dépend de nos choix, de notre désir de laisser Dieu demeurer en nous.

"Notre Dieu [nous] trouve dignes de l'appel qu'il [nous] a adressé ;
par sa puissance, qu'il [nous] donne d'accomplir tout le bien que [nous] désirons,
et qu'il rende active [notre] foi". Nous dit la lecture de 2 Thessaloniciens (1, 11).

Cette dignité n'est pas un dû mais un appel à la responsabilité.

Souvent nous voulons prendre la main sur notre histoire, maîtriser l'autre. C'est la tentation du diacre, comme du mari, de la femme sur sa maison, comme du prêtre sur sa paroisse. 

Nous voulons consciemment ou non avoir le pouvoir. 

Le chemin de Dieu passe par une descente de nos tours humaines. Une descente à Jéricho. Les pères de l'église y voit un premier signe dans ce texte... 

Comme Zachee (Luc 19), écoutons humblement Jésus nous dire : « descend vite, il faut que je demeure chez toi »

Prenons le temps d'entendre Jésus nous dire cela...
Laissez vous habiter par Dieu en commençant par cette eucharistie...
En avançant tout à l'heure vers l'autel tendez vos mains pour signifier cela...
Seigneur viens... viens habiter chez moi. Viens transformer ma vie.



14 avril 2019

Au fil de Luc 22 et 23, dimanche des Rameaux, homélie 3

Troisième ébauche
Frères et sœurs, en ce jour des Rameaux se pose une grande question, comme le point ultime de notre vie : En quoi croyez-vous ? 
Qui est votre roi ? 
Est-ce un roi de toute puissance ou un roi de faiblesse ? 

Une tension apparaît en effet entre le roi acclamé pour les rameaux et ce Christ mort sur une croix. C’est dans l’intervalle entre notre rêve de royaume et de protection et cette faiblesse du Christ en croix que se situe le cœur de notre foi et qu’il nous faut méditer aujourd’hui. 

C'est une question essentielle et qui interpelle aujourd'hui jusqu'à l'essence même de notre Église. [sans plus de commentaire]

Si nous croyons en un roi tout-puissant, alors pourquoi le mal, pourquoi la liberté, pourquoi l'amour...

Méfions nous de nos désirs de puissance, nos projections. Si nous projetons nos désirs sur un Dieu tout puissant c'est que nous avons nous-mêmes un désir de puissance et de pouvoir. Le pouvoir, la toute puissance c'est ce qu'attendaient un peu cette foule qui acclame Jésus aux Rameaux. La protection d'un roi ?

Et nous qu'attendons nous de Dieu ?

Les textes que nous avons entendu, la première lecture, Isaïe 50 et les Philippiens nous aide à rentrer dans cette tension particulière. ces textes nous aide à contempler le Christ dans sa faiblesse, faiblesse qui n’est pas une lâcheté mais une humilité et une faiblesse au sens particulier que lui donne Paul (c’est quand je suis faible que je suis fort" (2 Co 12) et qui nous dévoile l’amour. 

L’amour de Dieu porté jusqu’au bout, jusqu’à son paroxysme. L’amour qui va jusqu’au silence, qui va jusque dans la bienveillance vis-à-vis de Judas, dans ce refus de la violence, un refus de sortir l’épée pour se laisser entraîner comme un agneau à l’abattoir, un silence qui n’a d’autres buts que de montrer l’échec de la violence, le non sens de mon désir de puissance.

La leçon des Rameaux, la leçon de Jésus c’est que ce Dieu tout puissant que nous vénérons n’est pas le vrai Dieu. C’est le Dieu de nos désirs et non le Dieu amour.

Pourquoi en effet Jésus monte-il sur un petit âne fragile et non sur un cheval ?

Pourquoi se laisse-t-il conduire « à l’abattoir ? »
Comme un agneau sans tâche au milieu des loups. Relisons ce que dit Isaïe 
« Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille,
et moi, je ne me suis pas révolté,
je ne me suis pas dérobé.
    J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient,
et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe.
Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.. »

Pourquoi s’enfermer dans le silence devant ses accusateurs 
La clé de lecture des Rameaux se révèle dans l’hymne aux Philippiens, Prenez le temps de méditer cette lettre de Paul cette semaine. Elle est centrale pour comprendre la passivité de Jésus dans sa Passion. Son silence, sa douleur, son abandon de tout pouvoir fait de lui un véritable compagnon de nos souffrances.

« Le Christ Jésus,
    ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.
    Mais il s’est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect,
    il s’est abaissé,
devenant obéissant jusqu’à la mort »

La toute puissance de Dieu n’est pas violence. Elle n’est pas un royaume au sens des hommes. Elle est faiblesse, humilité, kénose. Elle est amour.

« Ai-je autant aimé les anges ? Non, c'est toi, le misérable, que j'ai chéri. J'ai caché ma gloire et moi, le Riche, je me suis fait pauvre délibérément, car je t'aime beaucoup. Pour toi, j'ai souffert la faim, la soif, la fatigue. J'ai parcouru montagnes, ravins et vallons en te cherchant, brebis égarée ; j'ai pris le nom de l'agneau pour te ramener en t'attirant par ma voix de pasteur, et je veux donner ma vie pour toi, afin de t'arracher à la griffe du loup. Je supporte tout pour que tu cries : « Tu es béni, toi qui viens rappeler Adam ».(1)

Dieu n’est qu’amour nous disait le père Varillon (2)
Dieu n’est qu’amour... C’est en contemplant la Croix que se révèle en nous la clé de ce « que ». Et dans cette folie de l’amour divin se joue l’invitation fragile de Dieu à le suivre.

La puissance de Dieu est folie pour les hommes. Elle se contemple sur la croix. Pourquoi le rideau se déchire de haut en bas ? Parce que ce qui était caché aux juifs dans le temple est maintenant dévoilé : l’amour de Dieu est visible. Il est cloué sur la Croix. Il se donne aujourd’hui dans cette eucharistie que nous allons célébré : 
Soyons à notre tour, amour. Ne laissons pas le Christ mourir pour rien (3)

(1) Saint Romanos le Mélode, Hymne 32 (trad. SC 128, p. 31s, rev)
(2) François Varillon, Joie de croire, joie de vivre
(3) Sur ce thème voir mes développements en Sur les pas de Jean et Dieu n’est pas Violent.


22 novembre 2018

Au fil de Luc 19,41-44 - Jésus pleure sur Jérusalem

« En ce temps-là, lorsque Jésus fut près de Jérusalem, voyant la ville, il pleura sur elle en disant (...) « tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait » Luc 19,41-44 

Nous approchons du terme. Après un passage au cœur du monde, voici Jésus qui contemple la ville et probablement le lieu où il va mourir. Tout ce chemin pour quoi ? 

Le voici, le berger d’Israël, le pasteur des brebis, qui s’avance, agneau fragile conduit à l’abattoir. Tout s’inverse pour notre salut.

« Tu es digne, de prendre le Livre
et d’en ouvrir les sceaux,
car tu fus immolé,
rachetant pour Dieu, par ton sang,
des gens de toute tribu,
langue, peuple et nation.
    Pour notre Dieu, tu en as fait
un royaume et des prêtres :
ils régneront sur la terre. » (Ap. 5, 9-10)

Contempler Jésus qui pleure sur Jérusalem, n’est-ce pas aussi un peu le voir pleurer encore sur ce que nous n’avons pas pu faire, pleurer sur tous les signes qu’il nous a fait, par la médiation de l’Esprit et de nos frères, tout ce que le Père nous a donné et que nous avons ignoré.


Pardon Seigneur pour nos lâchetés.



21 novembre 2018

Au fil de Luc 19,11-28 - les dix mines

La parabole rapportée par Luc nous fait prendre conscience que nos vies, notre travail n'a de sens que parce tout est d'abord don de Dieu. 
C'est dans la contemplation des dons reçus que nous pouvons avancer et faire fructifier cela. 
Notre travail n'est pas alors le seul fruit de nos mains, il est participation, construction active à quelque chose de plus grand.
Plus encore, comme le dit Jean Paul II, « dans le travail de l'homme, le chrétien retrouve une petite part de la croix du Christ et l'accepte dans l'esprit de rédemption avec lequel le Christ a accepté sa croix pour nous. Dans le travail, grâce à la lumière dont nous pénètre la résurrection du Christ, nous trouvons toujours une lueur de la vie nouvelle, du bien nouveau (...) auxquels participent l'homme et le monde précisément par la peine au travail. » (1)

(1) Saint Jean-Paul II, Encyclique Laborem exercens, 27 (trad. © copyright Libreria Editrice Vaticana)

21 novembre 2017

Le tressaillement de Zachée

« Je suis un pécheur sur lequel Jésus a posé son regard » Cette phrase de notre pape reprise deux fois par le P. Spadaro dans « Cette Église que j'espère »(1) est particulièrement adaptée en ce jour où l'Evangile nous conduit vers Zachée.

« Jésus leva les yeux et lui dit :
« Zachée, descends vite :
aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison. »(Luc 19,5).

Contempler le Christ descendu à Jéricho jusqu'à Zachée, c'est voir le Christ agenouillé devant l'homme pour demander de demeurer en lui. Un acte qui préfigure le mystère de l'eucharistie et nous fait tressaillir comme a dû le faire le petit homme devant la phrase du Fils de Dieu.

Un monde à l'envers. Il cherche à monter et Jésus descend...

Seigneur, je ne suis pas digne, mais dit seulement une parole et je serais guéri...

(1) Op. cit. p. 47 et 62

31 octobre 2016

Miséricorde - suite

Il y a beaucoup à contempler 
dans le texte de dimanche
(31eme dimanche du temps ordinaire) 
sur la miséricorde divine : 
"tu as pitié de tous les hommes,

parce que tu peux tout.
Tu fermes les yeux sur leurs péchés,
pour qu'ils se convertissent. (...)
 

Ceux qui tombent, tu les reprends 

peu à peu,

tu les avertis, tu leur rappelles en quoi 

ils pèchent,
pour qu'ils se détournent du mal
et croient en toi, Seigneur."  (
Sg 11, 22 – 12)

Le psaume 144 souligne cela avec tendresse, 

reprenant l'affirmation d'Exode 34 :

"Le Seigneur est tendresse et pitié, 

lent à la colère et plein d'amour ; 

la bonté du Seigneur est pour tous, 

sa tendresse, pour toutes ses œuvres."

La tendresse du Christ 

pour Zachée (Lc 19, 1-12), 

se révèle quant à elle quand il 

qui veut habiter chez le publicain.

Que nous dit tout cela ?

La faute de l'homme ne demande 

pas une "expiation infinie" mais 

"qu'il se redresse et se relève 

par lui-même" nous dit saint Anselme (1).

 Et pour offrir ce choix, le seul chemin

tracé par Dieu est la voie 

prise librement par l'homme-Dieu 

et qui interpelle notre liberté 

tout en criant cet "où es-tu ?" (Gn 3)

 qui nous réveille et nous invite 

à la danse. Cette voie n'est pas de l'ordre 

de la réparation, mais de la justification 

au sens paulinien et non français : 

Dieu n'exige rien, il pleure et il souffre

de nos erreurs, il meurt de nos violences,

Il est partout où l'homme souffre et meurt,

Il est crucifié de nos collusions au mal,

Et son cri n'a qu'un but : nous aider à prendre

le chemin de la justice, à suivre le fils

aimant et en cela à nous "justifier", à devenir juste

c'est-à-dire à choisir le destin auquel ils nous appellent.

Cf. Rom 8, 30.


(1) Anselme,  CDH 2, 8 cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 226

20 novembre 2015

Archaïsmes religieux ? - Luc 19, 27 - René Girard 2

Existe-t-il dans le nouveau Testament des traces de l'archaïsme religieux, que l'on trouve plus présent dans l'ancien et qu'il nous faudrait corriger ?  
La phrase sévère de Luc 19, 27, lue mercredi pourrait probablement être classée dedans : "Quant à mes ennemis,ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et égorgez-les devant moi" (1).
Ce texte qui suit la parabole des dix mines est propre à Luc, même si on lui met en parallèle celle des talents en Mat 25. Pourtant, on trouve chez Luc des traces de violence qui contrastent avec les chemins de miséricorde propre au même auteur (Luc 15).
Matthieu envoie celui qui ne fait pas fructifier son talent aux ténèbres, ce qui n'est pas mieux, mais moins violent. L'égorgement ‎propre à Luc serait-il un hapax, c'est à dire un terme unique dans le NT ? Et le terme serait-il de Jésus ou propre à Luc. On peut espérer que la deuxième réponse soit la bonne, tant elle a dans les jours actuels des résonances avec d'autres archaïsme tout aussi violent. En prenant de la distance avec toutes les violences, à l'école de René Girard, on met en lumière ces faiblesses d'une transmission orale et de l'importance d'une exégèse construite.

Pastoralement, ces phrases mériteraient d'être expliquées, plutôt qu'ignorées en oubliant l'impact qu'elles ont sur les âmes sensibles.
En toutes hypothèses, il faut entendre en contrepoint la phrase qui elle vient de l'AT : "Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive". Ezéchiel 18,23

(1) traduction liturgique, source AELF

Ajout du 23/11 qui me semble bien compléter le post ci-dessus :

"Dans une parabole, Jésus se cache souvent et il n'est pas toujours là où on le pense. (...) Dieu n'est pas d'abord celui à qui nous rendons des comptes mais celui que nous avons en dépôt et dont nous avons la charge. Dieu ne nous confie pas son argent, c'est lui même qui se donne à nous" (2).

'2) Patrick Lauder, diacre, la Croix du 17/11/15