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23 août 2019

Croix, mythe et raison

Face face au risque de l'irrationnel ou "les assauts d'une logique du monde, d'un logos lumineseument éclairant et raisonnable, [qui] du coup fait vaciller voire  même annul[er] le récit de ce qui se déploie dans l'histoire (...) Paul met sur le devant de la scène les mè-onta, les gens de rien, les absents du triomphe de la force de la puissance. Logos et mythos : chacune de ces instances a la prétention de s'imposer à l'autre, de lui imposer sa gouvernance, et voici que, sous la figure de la nuit, la croix (stauros) dépasse et annule l'une et l'autre de ces revendications [d'autonomie] et d'hégémonie. Paul parlera même d'un Logos tout staurou , d'un logos de la Croix qui disqualifie les logoï de la sagesse humaine (..)(1) "Dieu n'est pas plus du côté de l'infini de grandeur que de l'infini de petitesse" (2)

La citation de Merleau Ponty me laisse néanmoins rêveur. La Croix n'est elle pas chemin de kenose ? L'infini de petitesse est pour moi le langage de la Croix, le logos tou staurou évoqué. Et c'est pourquoi il relève dans ce mouvement si bien décrit de Ph 2, 12.



(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 594
(2) citation inédite de M. Merleau Ponty, ibid.

02 août 2019

Effacement et contraste - 9 - Beau ou Bon ? - Balayure - Marie de la Trinité

"Un soir d'hiver j'accomplissais comme d'habitude mon petit office, il faisait froid, il faisait nuit… Tout à coup j'entendis dans le lointain le son harmonieux d'un instrument de musique, alors je me représentai un salon bien éclairé, tout brillant de dorures, des jeunes filles élégamment vêtues se faisant mutuellement des compliments et des politesses mondaines ; puis mon regard se porta sur la pauvre malade que je soutenais ; au milieu d'une mélodie j'entendais de temps en temps ses gémissements plaintifs, au lieu de dorures, je voyais les briques de notre cloître austère, à peine éclairé par une faible lueur" (1)

Terrible contraste entre le Beau et le Bon. Tension s'il en est pour ceux qui cherchent dans l'esthétique une porte d'entrée mystique. Ici, pas de fuite possible. Le visage de l'autre m'interpelle toujours. Entre l'exigence de Lévinas et la culpabilité de Sibony, il n'y a pas photo. L'autre est la porte vers l'Autre, même si ce dernier est silencieux... Le chemin parcouru est celui d'une vie. 

Face au silence, y-a-t-il que l'Ecriture ? Avec ou sans grand "E" ?

Entre une auto-justification narcissique et le silence, Pascal a fait le choix, in fine, du silence nous dit Hans Urs von Balthasar dans Gloire et Croix, Styles, tome 3.

A méditer.

C'est en tout cas mon choix, depuis que j'ai compris, à la lumière de Philippiens 3 et de Grégoire de Nysse que je ne suis que balayure (2) sur une course infinie(3).

(1) Marie de la Trinité citée par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 562
(2) ibid. p. 524 et 528 sq et Ph 3
(3) cf. mon livre éponyme 

31 octobre 2017

Une mystique de la rencontre - Pape François

Un point soulevé par le Pape François dans EG 87 est mis en avant par Christoph Théobald (1) avec insistance : la "mystique du vivre ensemble" Pourquoi Christoph Théobald insiste-t-il sur ce point ? Parce que le mot mystique n'est pas commun sur ce thème. Dans un monde où il s'apparente plus à une fuite d'autrui, il y a une diachronie dans l'utilisation de ce terme par le pape.
L'enjeu est la prise en compte d'autrui dans son rapport à Dieu. On rejoint l'imbrication des deux commandements (cf. Mt 22, 40) et le sens même du vivre ensemble. Il fait résonner l'insistance d'un Basile de Césarée pour la vie en communauté plus que la vie érémitique. Le vivre ensemble est notre condition d'accès à Dieu. Le reste est fuite.
C'est dans notre prise en compte d'autrui, dans la réponse à l'appel du visage (cf. Lévinas) que notre coeur peut s'ouvrir à l'intimité de Dieu qui n'est pas solitude mais danse.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 161

14 août 2015

Mystique chrétienne

‎J'aime cette définition large de Balthasar :
"Depuis saint Augustin et saint Bernard ont à coutume de décrire cette dimension à l'aide des catégories du volontaire et de l'affectif [ce qui‎ est pour Thomas d'Aquin] (...) le déploiement de l'Esprit vivant de Dieu dans l'esprit de l'homme : les dons du Saint-Esprit, radicalement donnés avec la grâce [qui] mènent le croyant à une expérience toujours plus profonde aussi bien de la présence divine en lui que de la profondeur de la vérité, de la bonté et de la beauté divines dans le mystère de Dieu."

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la croix, Op. Cit. GC1 p. 140  

09 juillet 2007

Ouverture et mysticisme

Le risque de cette réceptivité est peut-être de tomber dans le sensible, dans l’absolu des sens qui risquent de nous éloigner du réel, du temps et de l’instant. C’est pourquoi le théologien insiste pour dire qu’il n’y a pas d’autre connaissance de Dieu « que celle qu’on obtient par la médiation de la contingence du monde et il n’en existe pas d’autre capable de conduire à Dieu par une voie plus directe » (1) C’est peut-être l’erreur du bouddhisme, qui en nous retirant du réel pense trouver ailleurs ce qui n’existe que dans la communion… Le danger de tout mysticisme est là.

C’est pourquoi, Hans Urs von Balthasar insiste avec raison sur le fait que pour atteindre une quelconque ressemblance avec Dieu tout sujet doit être « premièrement arraché à lui-même et jeté vers le dehors. Il prend conscience de cette ressemblance divine exactement dans la mesure où il constate sa propre présence à l’autre, et donc quand il confesse sa réalité de créature » (2) J’ajouterais que cette réalité de créature ne peut être conçue en soi, sans la prise de conscience des « autres » créatures…

(1) et (2) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, I – Vérité du monde, ibid, p.53

23 juin 2007

Mort mystique ou décentrement

Comme pouvait le dire au premier siècle Ignace d’Antioche : « Il n’y a plus en moi de feu pour aimer la matière, mais en moi une eau vive qui murmure et dit au-dedans de moi : viens vers le Père » (1), l’Eglise a souvent, par ses saints, tendu vers ce que l’on appelle la mort mystique, à l’instar de Thérèse de Jésus qui dit écrit « Je vis sans vivre moi-même et ainsi j’espère de mourir, parce que je ne meurs pas. En moi-même, je ne vis plus, et sans Dieu je peux pas vivre ». (2). Cela peut conduire pour Hans Urs von Balthasar à une aspiration à un anéantissement qui n’a rien de chrétien et peut conduire par exemple au boudhisme. A cela il me semble important d’opposer l’affirmation christique « Mon heure n’est pas encore venue » (Jn 7,32). Il y a un temps pour vivre l’aujourd’hui et un temps pour mourir. Chez saint Paul, existe ainsi un contrepoids qui est l’urgence de la tâche terrestre, de même qu’Ignace d’Antioche qui souligne que malgré son désir du ciel, il travaillerait volontiers sur terre, jusqu’à la fin du monde, si c’est la tâche que le Christ lui confie. Ce qui fait conclure par Hans Urs von Balthasar que le « signe authentiquement chrétien de la participation à la mort et à la déréliction de Christ est moins dans l’extase d’amour que dans la « croix portée quotidiennement » (2)

En quelle sorte, je préfère la notion de décentrement à mort à soi-même. Car il ne s’agit pas de mourir et devenir un automate de Dieu. Il s’agit de mettre le centre de nos pensées, de nos actes et de nos paroles en Christ.

(1) Ignace d’Antioche, Epître aux Romains, 6, 1-7,2 cité par Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 307
(2) cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 308