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11 novembre 2021

Danse fragile dans la nuit étoilée - 14

Méditation pour dimanche, v7

Ce 33eme dimanche qui vient, termine l’année liturgique avant le Christ-Roi. On ne doit pas pour autant entrer dans la noirceur d’un discours apocalyptique, mais trouver ensemble un chemin vers la joie, vers ces feuilles de figuier au vert tendre qu’évoque l’Evangile. Notre chemin est peut-être de contempler le passé avec distance, de se serrer les coudes et de tracer un chemin de charité partagée (en cette journée mondiale des pauvres), mais aussi d’espérance et de miséricorde.  Dieu ne veut pas la souffrance et la mort de personne disait Ezechiel, mais la vie… (cf. Ézékiel‬ ‭18:32‬ )


Quels sont les pas de danse que nous allons entreprendre pour mettre en nous et en nos frères des traces de cet amour et de cette espérance qui viennent de Dieu ?


J’ai joué de la flûte, allez-vous danser demande Jésus ? Mais quelle danse ? Une danse macabre où une danse fraternelle et joyeuse ? 


À leur manière, les textes de ce dimanche tracent ce sentier sinueux que l’on peut probablement mieux contempler à l’aune des pépites de la liturgie de cette semaine…


Nous avions notamment mardi un beau texte sur le temple d’où coule un torrent de vie…(Ez 47), ce torrent vient de Dieu, mais donne du fruit en se mêlant à la terre, il n’est pas une eau magique à regarder de loin, mais vient au contraire abreuver et donner de la force à notre agir. 

Dans notre nuit, sachons découvrir ce Dieu qui semble si loin et qui est pourtant si proche…


Nous pouvons rester dans la nuit, nous attacher à des étoiles et les lumières anciennes. Elles ont perdu de leur éclat, mais ne désespérons pas pour autant. Écoutons la première lecture.


« Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront (...)  pour la vie éternelle » nous dit-elle.

    Ceux qui comme nous se rassembleront pour recevoir et écouter la Parole ensemble pourront transpirer voire resplendire de la lumière qui vient d’en haut, à condition de s’évider d’eux-mêmes pour laisser place à l’amour véritable à « la splendeur du firmament » et redonner ainsi place à ce Dieu qui nous aime pour toujours et à jamais.


« Garde-moi, mon Dieu,

j’ai fait de toi mon refuge.

Seigneur, mon partage et ma coupe :

de toi dépend mon sort….

De toi dépend mon sort..


Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;

il est à ma droite : je suis inébranlable.

Mon cœur exulte, mon âme est en fête,

ma chair elle-même repose en confiance :

tu ne peux m’abandonner à la mort

ni laisser ton ami voir la corruption.

Tu m’apprends le chemin de la vie :

devant ta face, débordement de joie !

À ta droite, éternité de délices ! (Ps 15 (16), 5.8, 9-10, 11)


Nous avons vu, au bout de la nuit LA lumière, dressée sur le bois, seul signe de l’amour véritable, sacrifice unique, pour qu’à sa suite, un peuple se mette en marche, une communauté de priants, les pierres vivantes d’un monde à reconstruire se nourrissent des trois dons de Dieu : amour, foi et espérance.


Nous savons que Christ est notre victoire, alors marchons, courons vers le but (cf. Ph 3), auquel Dieu nous appelle.


Le pain rompu ensemble, la parole partagée*, ce don de Dieu caché en nous dans le silence, cette eau vive, ce fleuve immense nous appellent à devenir le signe d’un demain meilleur, la danse scintillante des pierres vivantes que nous sommes, appelés à aimer, espérance pour les souffrants, à condition de ne pas nous cacher sous le boisseau et de faire grandir les dons reçus…


Feux follets ou scintillements de lumière ? Quel est ce firmament qu’évoque le livre de Daniel. La lumière divine sera Lumière si nos bougies fragiles allument ensemble un nouveau buisson ardent. Ce feu de l’amour et de la fraternité ne vient pas de nous. Il s’est allumé dans nos nuits obscures, dans nos soupirs et nos peines, mais il a réchauffé en nous ce cœur brûlant qui est don de Dieu et déjà une joie nouvelle brille en nos cœurs. Laissons là nous embraser…


Seul l’amour reçu et partagé sera lumière. L’eucharistie n’est rien si elle ne fait pas de nous un Corps, une charité vivante et agissante.


* cf. la Maison d’Évangile - La Parole Partagée

24 juin 2021

Caïn et Abel - contemplation 3

 

Et si toute la difficulté venait d’un problème d’interprétation ? Car, de fait, ce n’est pas Dieu qui a dicté aux scribes, mot pour mot le texte de la Bible. Il s’en est bien gardé. Nous n’aurions plus de liberté. Comment pourrions-nous être libres, si Dieu avait écrit : « Voilà, je suis comme ceci et cela…  Vous n’avez plus qu’à croire voire à obéir…» ? 

Non, la trame de la révélation est plus subtile. Comme le rappelait Claudel dans le Soulier de Satin, Dieu écrit droit avec des lignes tortueuses…

Qu’est-ce à dire, si ce n’est qu’il a utilisé les méandres et les croyances humaines, pour distiller avec tendresse et patience, le chemin vers une révélation ? 

Mais sans jamais forcer le trait, ce qui nous laisse une grande latitude, mais aussi un risque… Celui de nous tromper sur la nature de Dieu. C’est le prix à payer de notre liberté.

Contemplons un instant le texte suivant. 

Gn 4… 

Caïn et Abel. Ils ne méprisent pas Dieu puisqu’ils lui font des offrandes. Mais le connaissent-ils vraiment ce Dieu qu’ils vénèrent ? 

On peut en douter.


En apparence, Dieu aurait préféré le berger au cultivateur. Mais revenons aux conditions de l’écrit.

C’est un peuple de bergers qui nous donne ce récit. 

Il pense qu’il est le peuple élu et il essaye d’interpréter pourquoi, son voisin, le cultivateur n’est pas « l’élu de Dieu »… Le texte donne à penser. Mais Dieu est-il pour autant un ingrat, un Dieu injuste ? 


Nous sommes dans un récit mythique. Il ne s’agit pas d’une histoire vraie, mais d’une recherche de sens, un travail d’interprétation sur l’origine de l’homme,

de la violence et la place de Dieu dans tout cela.

On note qu’il insiste sur la jalousie, cette comparaison mauvaise qui génère la violence et le meurtre. Peu importe en fait la vérité du regard initial sur Dieu. A-t-il vraiment préféré l’un à l’autre ?

C’est ce qu’a cru Caïn. Mais, au-delà des croyances humaines, de ces jalousies qui naissent de notre éternelle tendance à imiter l’autre, à le jalouser et à le juger, Dieu ne nous abandonne pas. Le plus surprenant en effet, n’est pas la première idée de Dieu, mais la révélation qui se joue après le nœud de l’histoire. Dieu ne veut pas la mort de Caïn, même s’il est « errant et fugitif ». Il met un signe sur lui « afin que quiconque le rencontre ne le tue pas ». 

Ma haine de l’étranger, du différent, la peur qu’il génère, la violence, qui naît en moi et me conduit au racisme, a une limite. Elle est dans le « tu ne tueras pas » qui résonne au-delà de ma violence. Et c’est la pointe du texte, une nouveauté

majeure au-delà de l’observation du monde. Elle fait résonner une autre affirmation qui vient qui vient éclairer ce premier texte et que l’on ne trouvera que dans Ezéchiel :« Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive » (Ez 18).


À la violence qui naît du mimétisme et de l’éternelle comparaison de nos acquis, quand la jalousie vient réveiller chez nous la haine, un interdit se dessine, non pas comme une loi qui s’impose par la force, mais comme un appel, une interpellation.

Ton ennemi ne mérite pas la mort… Subtile inversion d’un Dieu qui en appelle, au-delà du mal qui m’habite, à une autre justice. 


De quoi suis-je jaloux ?

Si la question résonne vraiment en nous elle dévoile ce qui est souvent bien caché dans nos process intérieurs depuis les profondeurs de notre enfance jusqu’aux frustrations de vie d’homme et de femme…


N’est ce pas là que se dessine la lente pédagogie de Dieu qui part de nos plus viles tentations pour les retourner, les convertir, les transformer. 


Un long chemin… 

qui mène à la contemplation de cette croix où toute violence, toute jalousie est exposée comme le serpent au désert de Nb 11.


Méditation à partir du chapitre 3 de L’amphore et le fleuve…

20 novembre 2015

Archaïsmes religieux ? - Luc 19, 27 - René Girard 2

Existe-t-il dans le nouveau Testament des traces de l'archaïsme religieux, que l'on trouve plus présent dans l'ancien et qu'il nous faudrait corriger ?  
La phrase sévère de Luc 19, 27, lue mercredi pourrait probablement être classée dedans : "Quant à mes ennemis,ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et égorgez-les devant moi" (1).
Ce texte qui suit la parabole des dix mines est propre à Luc, même si on lui met en parallèle celle des talents en Mat 25. Pourtant, on trouve chez Luc des traces de violence qui contrastent avec les chemins de miséricorde propre au même auteur (Luc 15).
Matthieu envoie celui qui ne fait pas fructifier son talent aux ténèbres, ce qui n'est pas mieux, mais moins violent. L'égorgement ‎propre à Luc serait-il un hapax, c'est à dire un terme unique dans le NT ? Et le terme serait-il de Jésus ou propre à Luc. On peut espérer que la deuxième réponse soit la bonne, tant elle a dans les jours actuels des résonances avec d'autres archaïsme tout aussi violent. En prenant de la distance avec toutes les violences, à l'école de René Girard, on met en lumière ces faiblesses d'une transmission orale et de l'importance d'une exégèse construite.

Pastoralement, ces phrases mériteraient d'être expliquées, plutôt qu'ignorées en oubliant l'impact qu'elles ont sur les âmes sensibles.
En toutes hypothèses, il faut entendre en contrepoint la phrase qui elle vient de l'AT : "Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive". Ezéchiel 18,23

(1) traduction liturgique, source AELF

Ajout du 23/11 qui me semble bien compléter le post ci-dessus :

"Dans une parabole, Jésus se cache souvent et il n'est pas toujours là où on le pense. (...) Dieu n'est pas d'abord celui à qui nous rendons des comptes mais celui que nous avons en dépôt et dont nous avons la charge. Dieu ne nous confie pas son argent, c'est lui même qui se donne à nous" (2).

'2) Patrick Lauder, diacre, la Croix du 17/11/15