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06 avril 2021

Danse fragile, nudité et rencontre - 49

Un article d’Elodie Maurot dans La Croix du 18 mars sur un livre récent de Tiziano Ferraroni sj (1) fait écho pour moi à des travaux entrepris et abandonnés faute de temps sur la fragilité.(2)

Il y aurait bcp à dire sur ce thème de la fragilité, comme source de rencontre spirituelle. J’ai un peu creusé ce sujet suite à Osée 2 dans mon « Chemins du désert ».

Ferraroni l’étudie chez Ignace de Loyola avec ce commentaire admirable aux accents lévinassien que je vous laisse découvrir : 

. « La vulnérabilité étant l’exposition radicale à l’autre, à l’impondérable, à l’imprévisible, elle garde toujours un côté surprenant, voire menaçant, précise le théologien. On peut néanmoins réaliser un chemin qui permet de ne pas lui résister a priori, de ne pas en avoir peur, de ne pas se barricader ; en somme on peut rester ouvert à ce qui arrive, en sachant que cela demandera, à chaque nouvelle manifestation, de faire un nouveau travail d’intégration. » (3)


Cela résonne pour moi avec l’interpellation du visage dans « Autrement qu’être » (4) mais aussi à ce que le fondateur de l’Arche disait fort bien sur la fragilité. Dommage que son passé bien triste efface ce qu’il disait magnifiquement sur ce thème.

Quel est l’enjeu ?

 Se laisser surprendre comme Jacob lors de son passage du gué, à un instant clé et délicat de sa vie (avant sa rencontre d’Esaü) (5) par l’inattendu qui vient briser nos tours humaines et nous conduit à tomber à genoux.

Retirer nos sandales (6) ou nos vêtements comme nous y invite Ex 33, 5 puis Jn 13...

Etty Hillesum traduit bien cela dans ses écrits (7). La danse fragile d’un Dieu fragile, l’agenouillement de Dieu sera toujours un lieu de rencontre si nous acceptons de prendre conscience de nos fragilités...


Dans « Aimer pour la vie - essai de spiritualité conjugale » (8) je poursuis cette quête en contemplation de Gn 2, 25. 

Pourquoi la Genèse parle-t-elle d’une nudité qui n’a pas de honte, si ce n’est pour nous introduire à ce que la vulnérabilité partagée des époux peut générer d’harmonie et de symphonie, loin de toute puissance et de violence... ? 

Rêve d’une rencontre inaccessible ? 

« Le mythe donne à penser » glissait avec justesse Paul Ricoeur dans son Conflit des interprétations.

Cette nudité que nous cachons bien vite est peut-être un chemin de conversion et d’humilité.

Si Pierre rechigne à dévoiler ses pieds à Jésus, est-ce que parce qu’il n’est pas prêt encore à l’agenouillement et à l’humble nudité qu’il n’atteindra qu’en Jean 21 ? (9)

Est-ce que Marc y parvient avant lui à Gethsémani ?

C’est souvent l’interprétation que l’on fait de cet épisode saugrenu de Mc 14, 52 (10)

À creuser...


(1) La Brèche intérieure de Tiziano Ferraroni

Facultés jésuites de Paris, 358 p., 30 €, citée par Elodie Maurot.

(2) voir mon roman « Léa » 

(3) La Croix du 18/3, ibid.

(4) Emmanuel Lévinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, Poche

(5) cf. mon analyse dans Pédagogie divine

(6) voir Ex 3 et mon livre éponyme 

(7) Etty Hillesum, une vie bouleversée 

(8) cf. version téléchargeable sur Kobo

(9) cf. mon « A genoux devant l’homme »

(10) cf. Le rideau déchiré 


Photo de mon jardin ce matin

30 septembre 2015

Misère de l'esprit - 2

"Il nous faut prendre conscience des ruptures de pont entre l'homme et le mystère de tout ce qui est. Le pont homme terre est rompu. L'homme de la terre (...) et de la mer, même s'il n'est pas chrétien [voit son esprit conduit] à quelque chose qui le dépasse. C'est une orientation du même ordre qui serait à rétablir entre chaque homme et le mystère du réel avec lequel il est en contact. Ce n'est certes pas donner la foi. Mais où est la capacité de recevoir la foi chez celui pour qui Dieu est absurde ? "

On retrouve dans cette citation ce que Danielou signalait sur ces failles qui conduisent à Dieu (amour, naissance, mort). Autant de lieu que l'on doit travailler car ils sont au coeur du lien ténu entre humanité et transcendance. Une piste pastorale à creuser.

Cf. mes développements sur ce point #pastorale

Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op. Cit p. 125