Affichage des articles dont le libellé est cléricalisme. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est cléricalisme. Afficher tous les articles

28 juillet 2021

Du cléricalisme à la danse ? - 7

Si l’on contemple la première lecture donnée hier dans son contexte complet (Exode 33),  il faut peut-être méditer sur quatre  points. 

 1. Ce texte suit l’épisode du veau d’or, un rite stérile 

 2. Il commence par une invitation à se dépouiller de nos vêtements d’apparat (Ex 33,5)

 3. Moïse ne verra pas Dieu mais son dos

 4. La rencontre de Dieu ne peut se faire qu’en abandonnant ses certitudes, quittant ses tours d’ivoire pour aller à la rencontre de Dieu sous une tente légère. Et c’est cette « tente de la rencontre » qui préfigure la direction à prendre, est un lieu ouvert à l’Esprit et non fermé sur lui même. La tente n’est pas d’ailleurs dans le camp, donc dans les murs établis, au sein même du savoir, des certitudes humaines, mais hors du camp. 

Ce mouvement est d’ailleurs souligné par l’attitude du peuple dans les déplacements de Moïse vers la tente. Il doit regarder, se prosterner, sans pouvoir participer. Il n’est donc plus au centre du récit, mais accompagne cependant, par le regard et donc la pensée, le mouvement de médiation.(1)


Cette « réduction » au sens donné par Jean-Luc Marion (2), ce « décentrement » est à la fois un appel et un risque. 


Il y a en effet un travers dans ce mouvement qu’on note déjà chez Cyrille de Jérusalem dans une vieille catéchèse : « le Seigneur ordonne dans le Lévitique : Convoque toute la communauté à l'entrée de la Tente du Témoignage. Il est à noter que le mot « convoque » (ekklèsiason) est employé ici pour la première fois dans l'Écriture, lorsque le Seigneur établit Aaron dans la charge de grand prêtre. Et dans le Deutéronome, Dieu dit à Moïse : Convoque devant moi le peuple, et qu'ils entendent mes paroles pour apprendre à me craindre. Il fait encore mention de ce nom d'Église, quand il dit au sujet des tables de la Loi : Sur elles étaient écrites toutes les paroles que le Seigneur vous a dites sur la montagne, au jour de l'Ekklèsia (de la convocation), ce qui revient à dire, plus explicitement : « Au jour où vous vous êtes réunis sur la convocation du Seigneur ». Le Psalmiste dit aussi : Je te rendrai grâce dans la grande assemblée (ekklèsia), dans un peuple nombreux je te louerai. (...)  Mais, dans la suite, le Sauveur institua, à partir des nations païennes, une seconde assemblée : notre sainte Église, celle des chrétiens, celle dont il a dit à Pierre : Et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et la puissance de la Mort ne l'emportera pas sur elle. (...) Lorsque la seule « Église » qui était en Judée a été rejetée, les Églises du Christ se sont multipliées par toute la terre.

(...) C'est de la même Église sainte et catholique que Paul écrit à Timothée : Tu dois savoir comment te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Église du Dieu vivant, colonne et soutien de la vérité. »(3)


Un travers possible dans la lecture de Cyrille est probablement celui de toute institution : se prendre pour le Christ qui est le seul médiateur (cf. Heb), le Corps, la seule assemblée. 

De même que le peuple juif a institutionnalisé la fonction de médiation en donnant des successeurs à Moïse, de même l’Église peut faire des successeurs de Pierre des substituts à la Personne du Christ.


La question centrale est peut-être de se poser pour comprendre que le « faites ceci en mémoire de moi », n’est pas l’institution rituelle du geste mais de ce qu’il représente : le don total du corps sur une croix.

Jean en déplaçant en Jean 6 le rituel vient mettre une faille dans le parallélisme synoptique. Il décrit aussi un Christ qui enlève ses vêtements (Jn 13,1), mais surtout substitue le lavement des pieds à l’eucharistie pour déplacer le risque institutionnel (4)…


En méditant cela, nous déplaçons le sacré ailleurs que dans le rite pour le placer dans l’imitation du don christique par excellence dont la Croix est le signe ultime, indépassable et non reproductible car il n’y a qu’un seul sacrifice, l’unique, celui du Christ qui ne souhaite pas être dépassé mais qui indique la direction vectorielle de l’amour. 


En disant cela je ne nie pas le sommet eucharistique mais je tente d’en dépasser la cristallisation rituelle vers autre chose que le célébrant, vers un ailleurs qui n’est pas dans le rite, la manière ou la personne, mais dans l’essentiel, la direction, la visée : la présence réelle n’est pas contenue dans le pain et le vin, elle devient chemin commun, assemblée, corps, insaisissable, fragile, extase éphémère, danse, buisson ardent, que nous ne pouvons contenir, conserver, enfermer, car déjà Il nous échappe alors même qu’Il danse avec nous… (5).


(1) cf. Dieu dépouillé 

(2) Ailleurs la révélation 

(3) cf. Saint Cyrille de Jérusalem, catéchèse pré-baptismale, Office des lectures d’aujourd’hui 

(4) voir mon « A genoux devant l’homme » en téléchargement gratuit à la Fnac

(5) Dans un certain monastère on ne conserve pas d’hostie, car le Christ n’est pas enfermable…comme le dit si bien Teilhard dans son « Custode », il nous échappe si l’on veut le retenir…

16 juillet 2020

Ordination des femmes - Dépouillement 19 - espoir et conversion

Jusqu’où l’Eglise doit-elle se dépouiller ?
Le premier pas reste un appel toujours personnel adressé à chacun, dans la foulée de ce que je décris dans ma web série...(Dépouillement 1 à 18).

Il y en a un autre, plus difficile et double à mon avis :
1. celui des clercs (dont je fais maintenant partie) qui ne doivent jamais renoncer à s’éloigner de l’éternelle tentation du pouvoir et de l’orgueil qui s’attache à la fonction très symbolique de « ministre » - fonction qui est par essence d’abord une fonction de serviteur à l’image du Christ décrit par Jean (1).
2. et celui du féminisme qui s’attache à une égalité forcenée alors que les femmes ont des qualités qui leur sont propres...(ce qui n’exclut pas, comme on le verra plus loin une nécessaire réforme).

Depuis la candidature d'Anne Soupa au primat des gaules, des arguments valables ont été émis dans les deux sens, mais un chemin ardu est, j'espère, avancé. J´ai moi même souligné l'intérêt que l’on pourrait trouver dans une distanciation de plus en plus nécessaire entre pouvoir, surveillance, autorité, service et responsabilité.

A cette occasion je soulignais combien le rôle de surveillance attribué aux évêques par la plus ancienne des traditions pourrait fort bien échoir à des femmes, dans une urgence nettement appuyée par la crise récente.

Plus généralement c’est la notion même de sacrement qu’il serait nécessaire d´étendre pour ne pas réduire aux rites ce qui devrait être une dynamique sacramentelle (2)

Il y a enfin une dynamique post conciliaire à soutenir en faveur de la collégialité.

Je découvre tardivement un article de Charles Delhez qui a précisé notamment en juin dans La Croix que « Jésus a donné aux femmes une place plus importante que ses contemporains. Saint Paul (...) ajoute-t-il, « a proclamé haut et clair l'égalité de l'homme et de la femme.(...)(3)Réserver la prêtrise aux hommes est pour elle une question de cohérence symbolique [soulignant] deux manières différentes d'être au monde. » le jésuite belge précise néanmoins que  « Si l'on veut maintenir le dialogue avec la culture moderne et si on promeut une conception moins sacrée du prêtre, ordonner des femmes serait un pas en avant dans la ligne du tournant opéré par Jésus. Cela irait dans le sens de l'histoire et lèverait une réserve importante de nos contemporains vis-à-vis de l'institution ecclésiale. Ce ne serait pas un non-sens, me semble-t-il. (...)  La première étape serait dès lors la réinstauration de diaconesses et le choix de femmes cardinales. L'onction des malades pourrait aussi être donnée par le baptisé, femme ou homme, qui a mission d'accompagner spirituellement la personne souffrante. Ne doit-on pas desserrer l'étau sacramentel devenu un quasi-monopole sacerdotal et masculin (exception faite pour le mariage et le baptême) ? (...) La première question n'est cependant pas, selon moi, celle du sacerdoce, féminin ou masculin – ce serait encore du cléricalisme –, mais celle de la vitalité des communautés appelées à être davantage responsables et adultes. On peut d'ailleurs se demander si la figure actuelle du clergé n'est pas dépassée » (4)
Cette question rejoint ce que j'ai noté dans mon livre de 2013 : « Cette église que je cherche à aimer » (5) un plaidoyer que je ne renie pas en dépit de mon changement d'état.
S'il est important pour chacun de comprendre l'étendue de sa différence il n'est pas incompatible de concevoir l'intérêt pour chacun d'une certaine humilité entre fonction reçue et place effective, pouvoir donné et humilité.
Je reste persuadé qu'une conversion intérieure des clercs doit se faire pour réaliser l'impasse où nous sommes, comme il est utile, pour la femme de percevoir que la fonction n'est qu'un leurre et que l'important est d'aimer.

On relira sur ce thème la notion de polyèdre souvent soulignée dans ce blog, à la suite des propos de François.

Le plus urgent reste de percevoir que notre Église reste pécheresse, tout en espérant sa conversion individuelle et collective. L'ampleur des dégâts mis en avant par la commission Sauvé devrait interpeller sur les dérives du pouvoir.

La noirceur de l'Église est-elle chemin de salut ? Rappelons ce que disait saint Ambroise

« Le Seigneur dit par la bouche d'Isaïe : Si vos péchés sont comme la pourpre, je les rendrai blancs comme neige. L'Église, qui porte ces vêtements blancs pour les avoir endossés grâce au bain de la nouvelle naissance, dit dans le Cantique des cantiques : Je suis noire et belle, filles de Jérusalem. Noire par la fragilité de la nature humaine, belle par la grâce ; noire parce que composée de pécheurs, belle par le sacrement de la foi. En voyant ces vêtements, les filles de Jérusalem disent, dans leur stupéfaction : Qui est celle-ci qui monte toute blanche ? Elle qui était noire, comment est-elle devenue blanche tout à coup ?

Quant au Christ, voyant son Église en vêtements blancs — c'est pour elle, dit le prophète Zacharie, qu'il avait pris des vêtements sales —, ou bien voyant l'âme purifiée et lavée par le sacrement de la nouvelle naissance, il lui dit : Que tu es belle, mon amie, que tu es belle : tes yeux sont beaux comme ceux de la colombe, cette colombe dont le Saint-Esprit avait pris l'apparence pour descendre du ciel. (...)
Aussi rappelle-toi que tu as reçu l'empreinte de l'Esprit : Esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de piété, esprit de crainte religieuse, et garde bien ce que tu as reçu. Dieu le Père t'a marqué de son empreinte, le Christ Seigneur t'a confirmé, et il a mis l'Esprit dans ton cœur, comme un premier don, ainsi que tu l'as appris par la lecture de l'Apôtre. » (6)

(1) cf. mon livre « à genoux devant l’homme »
(2) cf. Dynamique sacramentelle 
(3) cf. aussi, dans ce sens, l’exégèse du P. Morin qui distingue deux rédactions différentes au sein des lettres de Paul entre ce qui semble égalitaire  (qu’il attribue à Paul) et misogyne (plus tardif) voir aussi mon « serviteur de l’homme »
(4) Charles Delhez sj, Ordination des femmes, une évolution possible (La Croix, jeudi 4 juin 2020)
(5) en téléchargement libre sur Fnac.com à partir du 18/7
(6) Ambroise de Milan, traité sur les mystères, source office des lectures du 16/7, 15ème semaine du temps ordinaire

09 mai 2020

Dépouillement - 2 - méditation du 5eme dimanche de Pâques


Projet 2
Il y a une leçon à tirer de cette situation particulière qui voit l'effondrement de nos babylones anciennes : « Malheur ! Malheur ! la grande ville, Babylone, ville puissante : en une heure, ton jugement est arrivé ! » Et les marchands de la terre pleurent et prennent le deuil à cause d'elle, puisque personne n'achète plus leur cargaison : cargaison d'or, d'argent, (...) « Les fruits mûrs de tes convoitises sont partis loin de toi, tout ce qui était brillance et splendeur est perdu pour toi, et cela plus jamais ne se retrouvera. » (...) « Malheur ! Malheur ! La grande ville, vêtue de lin fin, (...) toute parée d'or, (...) , car, en une heure, tant de richesses furent dévastées ! » Ap 18, 10 sq
De quoi parle l'apôtre Jean si ce n'est toute nos constructions humaines, notre monde financier certes mais peut-être aussi nos églises de pierre maintenant vidées de son peuple. Face à ce désert et ce dépouillement il nous faut revisiter ce qui est essentiel, ce qui compte vraiment, au delà des « cymbales retentissantes »(1Co 13).
Ce qui demeure est ce qui dépouillé du faste. C'est ce qui est de l'ordre de l'amour. Le rideau est déchiré (1) et seule la croix nue et décharnée sur un ciel sombre luit de vérité. « je suis le chemin, la vérité et la vie ». (Jn 14).
La croix est loin de tout faste et de tout or, elle est cet amour désintéressé d'un donateur qui s'efface et meurt après avoir tout donné.
Christ est humilité et kénose...loin de nos splendeurs factices et peut-être même du faste ancien de nos liturgies. Abandonnons l'or et contemplons le bois transpercé, la chair meurtrie de ceux qui donnent et se taisent, de nos soignants épuisés et vidés. Ils brlllent d'un amour plus essentiel que nos ors et nos paroles humaines, voire de certains de nos discours ou de nos prières machinales qui oublient ce qui est voilé et silencieux au fond de nous-mêmes : l'appel à l'humilité et à l'agenouillement.

« Le Christ Jésus, +
ayant la condition de Dieu, *
ne retint pas jalousement
le rang qui l'égalait à Dieu.
7 Mais il s'est anéanti, *
prenant la condition de serviteur.
Devenu semblable aux hommes, +
reconnu homme à son aspect, *
8 il s'est abaissé,
devenant obéissant jusqu'à la mort, *
et la mort de la croix.
9 C'est pourquoi Dieu l'a exalté : *
il l'a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
10 afin qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse *
au ciel, sur terre et aux enfers,
11  et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur » *
à la gloire de Dieu le Père.(Ph 2, 5-11)

Le suis le chemin...
Et quel chemin. L’humilité de Dieu, la kénose du Père puis du Fils qui se répand ensuite silencieusement dans nos cœurs et loin de tout discours surfait.
Il est vérité et vie.
À quelle vie nous appelle le Christ sinon de tenter cette voie ardue, presqu’inacessible de l’amour donné et partager.
Je suis...
Il est chemin, il est présent.
Présent dans le cri du frère, dans l’appel ténu que nous ne savons pas entendre, dans cette main que nous refusons et ignorons sans cesse...

(1) cf. mon livre éponyme



01 mai 2020

Le bon berger... Méditation pour le 4eme dimanche de Pâques


Projet version 5 à discuter (merci à Georges pour sa contribution)

Qui est le bon pasteur ?
Le droit de l'Église qu'on appelle le droit canon distingue fort bien (canon 516sq) celui à qui est donné la tâche de diriger, des autres ministres de l'Église. Cela appelle au moins une double réflexion :
  1. D'où vient ce pouvoir ?
  2. Qu'est-ce que l'autorité ?
Peux-t-on distinguer les deux ?
La réponse à la première question est a priori simple. Elle se trouve directement dans l'évangile de la Passion dans le dialogue avec Pilate : «Tu n'as aucun pouvoir (...) à part celui que Dieu t'a accordé.» Jean‬ ‭19:11‬ ‭
De cette réponse peut dériver celle que l'on peut faire à la deuxième question. L'autorité viendrait de Dieu,. Mais le risque est d’abuser de cette affirmation. En réalité l’enjeu n’est pas  d’imposer une autorité, mais que cette autorité rejoigne l’agapè qui « prend patience, est longanime et ne cherche pas son intérêt » (1 Co 13), c'est-à-dire qu'elle dérive de l'amour, est amour, n'est qu'amour(1)

Toute autorité qui n'est pas pétrie de cela sort de la « porte sainte », ne vient pas de Dieu. Depuis Luc et Matthieu 4, nous savons que le pouvoir est l'une des tentations centrales de l'homme. Elle n'échappe pas à Jésus lui même tenté au désert. Le Christ a dépassé cette tentation en prenant le chemin de l'humilité (kénose) et de l'amour jusqu'à la Croix, c'est pourquoi l'autorité lui est donnée par Dieu, non pour ses mérites et sa connaissance mais parce que l'amour est la véritable autorité, le chemin, la vérité et la vie.

Les épîtres pastorales complètent cette direction : « si quelqu'un souhaite la fonction de dirigeant dans l'Église, il désire une belle tâche. Il faut qu'un dirigeant d'Église soit irréprochable, mari d'une seule femme, sobre, raisonnable et convenable, hospitalier, capable d'enseigner; qu'il ne soit ni buveur ni violent, mais doux et pacifique; qu'il ne soit pas attaché à l'argent; qu'il soit capable de bien diriger sa propre famille et d'obtenir que ses enfants lui obéissent avec un entier respect. En effet, si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre famille, comment pourrait-il prendre soin de l'Église de Dieu? Il ne doit pas être récemment converti; sinon, il risquerait de s'enfler d'orgueil et de finir par être condamné comme le diable. Il faut aussi qu'il mérite le respect des non-chrétiens, afin qu'il ne soit pas méprisé et qu'il ne tombe pas dans les pièges du diable.»
‭‭1 Timothée‬ ‭3:1-7‬ ‭BFC‬‬

Nous avons besoin d’une autorité qui reste collégiale et qui surtout demeure un agenouillement (2) devant l’inviolable nature d’autrui.
C’est tout le la difficulté. L’autorité n’a de sens que si elle est au service de l’unité. C’est le projet de l’Église, toujours visé, souvent manqué. Chacun doit travailler à y contribuer.

L’éternel risque est de désirer le pouvoir que nous apporte une éventuelle autorité en oubliant que la kénose (cf. Ph 2) est la porte étroite : le Christ en renonçant à l’autorité nous montre la « porte étroite », celle du bon berger, qui met ses brebis avant lui-même..., s’agenouille pour les soigner, cours après les perdus et les aime plus que lui-même, jusqu’à en mourir. La croix est la porte étroite, comme nous le rappelle la lettre de Pierre de la liturgie d’aujourd’hui (1P2, 20-25). Le Christ est l’unique pasteur, parce qu’il a été jusqu’au bout de l’amour.
Dans l’échange qui précède la consécration, le peuple s’efface devant le prêtre et lui confie le dialogue liturgique, mais cet effacement ne lui enlève rien, car ni le peuple, ni le prêtre n’a autorité pour reproduire le sacrifice unique, célébré par le Christ : « Ceci est mon corps, donné pour la multitude ».

(1) François Varillon, joie de vivre, joie de croire
(2) cf mon livre https://www.amazon.com/genoux-devant-lhomme-French-ebook/dp/B00HKTU838

Annexe :

Ajout tardif : pour Alain Madelin, cf. Heurs et malheurs de l’autorité (Éd. Lessius, 2018), l’autorité se mesure « à la capacité de faire grandir autrui pour lui permettre de donner sa pleine mesure ».

Pour mémoire : Can. 516 - § 1. Sauf autre disposition du droit, la quasi-paroisse est équiparée à la paroisse: elle est une communauté précise de fidèles dans l'Église particulière qui est confiée à un prêtre comme à son pasteur propre, mais n'est pas encore érigée en paroisse à cause de circonstances particulières2. Là où il n'est pas possible d'ériger des communautés en paroisse ou en quasi-paroisse, l'Évêque diocésain pourvoira d'une  autre manière à leur charge pastorale.
Can. 517 - § 1. Là où les circonstances l'exigent, la charge pastorale d'une paroisse ou de plusieurs paroisses ensemble peut être confiée solidairement à plusieurs prêtres, à la condition cependant que l'un d'eux soit le modérateur de l'exercice de la charge pastorale, c'est-à-dire qu'il dirigera l'activité commune et en répondra devant l'Evêque.
§ 2. Si, à cause de la pénurie de prêtres, l'Évêque diocésain croit qu'une participation à l'exercice de la charge pastorale d'une paroisse doit être confiée à un diacre ou à une autre personne non revêtue du caractère sacerdotal, ou encore à une communauté de personnes, il constituera un prêtre pour être muni des pouvoirs et facultés du curé, le modérateur de la charge pastorale.

01 avril 2020

Homélie du dimanche des Rameaux et de la passion année A - Isaïe 50…

Projet 2


Jusqu'où peut-on aimer ?

À l'heure où de nombreux soignants donnent tout ce qu'ils peuvent et parfois leur vie pour sauver les plus fragiles d'entre nous, il nous faut rentrer dans le silence et la contemplation de la Passion.

« Ceci est mon corps (...) et mon sang versé »

On cherche trop Dieu dans les miracles et les bonheurs apparents alors qu'il est là dans le don, la souffrance, les outrages (cf. Is. 50, 6) et se révèle sur la croix. Dieu est nu...

Jamais Dieu ne se révèle mieux que dans la croix.

Si le rideau du temple se déchire de haut en bas, (Mat 27, .Mc 16) c'est que Dieu lui-même dévoile ce qui était caché.

C'est ce que nous dit Paul dans cet hymne magnifique des Philippiens 2 qui révèle le cœur du mystère :


Le Christ Jésus,
 ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l'égalait à Dieu.
    Mais il s'est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect,
    il s'est abaissé,
devenant obéissant jusqu'à la mort,
et la mort de la croix.
    C'est pourquoi Dieu l'a exalté :
il l'a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
    afin qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse
au ciel, sur terre et aux enfers,
    et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur »
à la gloire de Dieu le Père.

Il n'y a rien à ajouter... Sauf peut-être à ne pas fermer notre porte. Dieu se fait proche, petit, faible pour que nous puissions le laisser germer en nous. Ne laissons-pas cette lumière sous le boisseau, laissons-là transparaître.

Il y a une interaction subtile entre la lente révélation de Dieu et la prise de conscience intérieure de sa présence et surtout l'ouverture du cœur qui en résulte.
Ceux qui on compris cela ne demeure pas dans une contemplation stérile, mais deviennent acteurs, co-créateurs, mains de Dieu.

C'est peut-être ce que nous contemplons aujourd'hui dans cette belle mobilisation des aidants.
Nos soignants sont, par leur sacrifice, les nouveaux prêtres du saint mystère de l'amour donné, livré et nu, car fragile et exposé...

Nous autres clercs n'arriverons pas forcément à égaler cela. Ce que nous symbolisons virtuellement ils le rendent visible par leur vie.
Prions pour eux

14 février 2020

Querido Sacerdocio

En écoutant le débat sur RND, il semblerait que le pape François a eu raison de ne pas mêler la question du célibat des prêtres à l’Amazonie qui nécessitait une attention particulière.
Peux-t-on espérer que c’est reculer pour mieux sauter et que la question de l’ordination des hommes mariés voire même le diaconat ou à terme une certaine forme de sacerdoce féminin soit abordée plus tard ?

À suivre.

Querida Amazonia - pape François


Un texte d'une grande richesse à découvrir sous ce lien : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20200202_querida-amazonia.html
On y retrouve la spiritualité particulière du pape, sont attachement aux petits, à l'écologie au sens large, sa vision polyèdrique de l'Église (cf. le mot clé polyèdre dans ce blog) et sur une culture du dialogue.
Si son insistance sur le rôle du prêtre est déjà critiquée par ceux qui attendaient une disruption en faveur des diacres ou des hommes mariés, il faut peut-être méditer le chapitre sur l'inculturation de l'Eucharisrie et notamment le numéro 85 qui me semble caractéristique de l'ensemble de l'approche : « L'inculturation doit aussi se développer et se traduire dans une manière incarnée de mettre en œuvre l'organisation ecclésiale et la ministérialité. Si l'on inculture la spiritualité, si l'on inculture la sainteté, si l'on inculture même l'Évangile, comment ne pas penser à une inculturation de la manière dont les ministères ecclésiaux se structurent et se vivent ? La présence pastorale de l'Église en Amazonie est précaire, en partie à cause de l'immense extension territoriale, avec de nombreux lieux d'accès difficiles, une grande diversité culturelle, de sérieux problèmes sociaux, et avec l'option, propre à certains peuples, de s'isoler. Cela ne peut nous laisser indifférents et exige de l'Église une réponse spécifique et courageuse. »

Construisons cette réponse, non seulement pour l'Amazonie, mais pour toute l'Église qui a besoin que se poursuive l'élan de Gaudium et Spes et ce que j'appelle dans la lignée de Theobald la dynamique sacramentelle (1) qui ne se limite pas aux 7 sacrements mais fait entrer toute la communauté dans une marche salutaire et ecclésiale.

(1) cf. mon essai éponyme

06 février 2020

Déconstruire pour reconstruire ? - Tribune libre

Qu'est-ce qui demeure de l'immense travail de déconstruction opéré par l'actualité récente de l'Église ? Il faut nous réparer notre maison commune titrait La Croix récemment en substance.
Peut-être que les derniers soubresauts de défense d'un cléricalisme viril et omnipotent, en se déconsidérant par leurs excès ouvrent la voix à une véritable révolution intérieure de l'Église, plus féminine sans excès, plus conviviale sans mièvrerie, plus évangélique sans perdre son âme et la structure qui en fait sa force...


12 octobre 2019

La tradition apostolique ? - Hyppolite de Rome - Pouvoir et religion

« Ordination et office cultuel, canons liturgiques (...) Tout cela remontrait à un petit livre écrit vers 215 par Hipolyte, evêque de Rome (...)  un livre qui ne tarda pas à faire loi en tout lieu, sans doute à cause de son titre, La tradition apostolique. Titre trompeur en ce sens que rien de ce qu'il prône n'était pratiqué ni imposé du temps des apôtres (...) ni de leurs successeurs immédiats ni même plus lointains (...) nom mensonger toutefois parce que les réformes qu'il préconise ont été acceptées partout sans contestation sous l'impulsion et l'autorité de la foi des apôtres victorieuse de la gnose et des troubles qu'elle avait engendrés. Il est beaucoup plus hasardeux de faire remonter cette institution religieuse à Jésus lui-même, qui attendait la venue imminente du Royaume de Dieu dont il rassemblait déjà les élus (Mt 16,18), sans jamais avoir laissé entendre qu'il préparait une religion nouvelle destinée à supplanter le judaïsme et à durer jusqu'à la fin des temps. (1)

Et si le cléricalisme était le fruit d'une tentation de pouvoir, loin du message évangélique originaire et auto-entretenu par ceux qui s'y retrouvent.. Depuis que je suis clerc, moi-même, je me méfie de cette tentation inhérente à ma fonction qui me fait chercher une autorité qui serait personnelle et non « donnée » comme tout charisme.
À méditer en ces temps de crise de l'Église.

« Le monde est rempli de prêtres, mais on rencontre rarement un ouvrier dans la moisson de Dieu ; nous acceptons bien la fonction sacerdotale, mais nous ne faisons pas le travail de cette fonction. »(2)

(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 114
(2) Saint Grégoire le Grand, Homélie sur l’évangile, source office des lectures du 12/10/19 Aelf

10 juillet 2019

Autoritarisme, cléricalisme (5) et crise de l’Église - Joseph Moingt

Je poursuis ma lecture...

L'analyse que fait J. Moingt de notre Église est sans concession. Elle part d'une longue interrogation sur l'autorité que j'ose retranscrire presque entièrement : 
« Le relâchement du sentiment religieux qui s'était accru depuis deux siècles sous la pression du laïcisme, de la sécularisation et de la philosophie athée, [s'est] répercuté partout où l'esprit du christianisme avait imprimé ses traces, pour les effacer de la société.

Les structures d'autorité de l'Église (…) furent évidemment les premières victimes de ce raz-de-marée : de nombreux prêtres quittèrent leur ministère, des religieux et religieuses abandonnèrent leurs couvents (...) et les communautés paroissiales perdirent également un grand nombre de fidèles, qui ne supportaient plus d'être tenus en tutelle par leurs curés. (...) Il faut donc admettre que la perte de la foi venait principalement du dedans de l'église, d'un refus croissant du discours d'autorité le plus souvent employé par le clergé pour l'imposer au nom de l'obéissance (...) au lieu d'encourager une démarche de foi et de confiance dans la bonté de Dieu. Cela signifie que l'Église enseignait plus volontiers le dieu de la Loi (...) que celui de Jésus, afin de soutenir sa propre autorité (...) de mandatrice de Dieu chargée par lui de répandre  la foi en Jésus son fils. (...) Ce langage était vide de sens pour des esprits désormais formés dans un climat de rationalité critique et de libre examen. (1) 

En suit une considération des faits similaires qui ont conduit à la perte des jeunes, des femmes et des laïcs engagés (Rejets des ADAP) au profit d'une structure encore très cléricale faite de prêtres et de diacres tenant l'autorité(2) au dépit d'un travail plus pragmatique qui redonnerait aux laïcs une véritable mission de co responsabilité. Tout risque de demeurer dans cette illusion que seuls ceux qui sont formés et ordonnés sont les tenants de la foi au lieu d'avoir un véritable sensum fidei, un peuple de Dieu auto-éduqué accompagné et éveillé par une maïeutique véritable...
Quel est l'enjeu ? Une véritable kénose ? L'auteur de « l'Evangile sauvera l'Église » avance en tout cas ses arguments.

(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p.43
(2) p.44-47 

12 octobre 2018

La tentation cléricale - 2

« Évoquer le saint peuple fidèle de Dieu revient à évoquer l'horizon vers lequel nous sommes invités à regarder et à partir duquel réfléchir. C'est le saint peuple de Dieu que, en tant que pasteurs, nous sommes appelés à regarder, protéger, accompagner, soutenir et servir. Un père ne se conçoit pas lui-même sans ses enfants. Il peut être un excellent travailleur, professionnel, mari, ami, mais ce qui fait de lui le père a un visage : ce sont ses enfants. Il en est de même pour nous, nous sommes pasteurs. Un pasteur ne se conçoit pas sans un troupeau, qu'il est appelé à servir. Le pasteur est pasteur d'un peuple, et c'est de l'intérieur que l'on sert le peuple. Bien souvent, l'on avance en ouvrant la route, d'autres fois, l'on revient sur nos pas afin que personne ne demeure en arrière, et souvent l'on se trouve au milieu pour bien sentir le pouls des gens. 
Regarder le saint peuple fidèle de Dieu et sentir que nous en faisons partie intégrante nous positionne dans la vie, et par conséquent, dans les thèmes qui nous occupent, de manière différente. Cela nous aide à ne pas sombrer dans des réflexions qui peuvent, en soi, être très bonnes, mais qui finissent par homologuer la vie de notre peuple et par théoriser au point que la spéculation finit par tuer l'action. Regarder continuellement le peuple de Dieu nous sauve de certains nominalismes déclarationnistes (slogans) qui sont de jolies phrases, mais qui ne parviennent pas à soutenir la vie de nos communautés. (...)
Regarder le peuple de Dieu signifie rappeler que nous faisons tous notre entrée dans l'Église en tant que laïcs. Le premier sacrement, celui qui scelle pour toujours notre identité et dont nous devrions toujours êtres fiers, est le baptême. À travers lui et avec l'onction de l'Esprit Saint, (les fidèles) « sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint » (Lumen gentium, n. 10). Notre consécration première et fondamentale prend ses racines dans notre baptême. Personne n'a été baptisé prêtre ni évêque. Ils nous ont baptisés laïcs et c'est le signe indélébile que personne ne pourra jamais effacer. Cela nous fait du bien de nous rappeler que l'Église n'est pas une élite de prêtres, de personnes consacrées, d'évêques, mais que nous formons tous le saint peuple fidèle de Dieu. Oublier cela comporte plusieurs risques et déformations dans notre expérience, à la fois personnelle et communautaire, du ministère que l'Église nous a confié. Nous sommes, comme le souligne bien le Concile Vatican II, le peuple de Dieu, dont l'identité est « la dignité et la liberté des fils de Dieu, dans le cœur desquels demeure l'Esprit Saint, comme dans un temple » (Lumen gentium, n. 9). Le saint peuple fidèle de Dieu est oint par la grâce de l'Esprit Saint, et c'est pour cela qu'au moment de réfléchir, de penser, d'évaluer, de discerner, nous devons être très attentifs à cette onction.(1)
La tentation, poursuit notre pape, est de « sous-évaluer la grâce baptismale que l'Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple »
(1)  cf. Pape François, lettre au Cardinal Ouellet, Du Vatican, le 19 mars 2016

Source : http://m.vatican.va/content/francescomobile/fr/letters/2016/documents/papa-francesco_20160319_pont-comm-america-latina.html

La tentation cléricale

L'Esprit de Dieu ne nous appartiens pas. Il n'est pas nécessairement transmis par voie hiérarchique, auto-attribué aux clercs par un sacrement. Plus foncièrement, il continue de « souffler où il veut ». (Jn 3). L'ordre n'est pas une distinction mais une imitation et une responsabilité. La tentation qu'exploite bien le Malin est de laisser croire qu'on est des purs. Notre purification n'est qu'illusion. La véritable pureté est dans la kénose. Un long et difficile chemin pour celui qui reçoit le sacrement de l'ordre.
La tentation du cléricalisme n'est-elle pas d'oublier que l'Esprit souffle autant chez les laïcs, que le sensum fidei (1) est une réalité de l'Église.

(1) relire à ce sujet la lettre de notre pape François au cardinal Ouellet (voir post 2 ou lien )

http://m.vatican.va/content/francescomobile/fr/letters/2016/documents/papa-francesco_20160319_pont-comm-america-latina.html

17 avril 2018

La tête et le corps

Une petite remarque de Mgr Rouet qui donne à penser : chez Paul, la Tête n'avait pas forcément la suprématie sur le corps (1). Il faut, pour lui, attendre Gatien au 2eme siecle pour que cela prenne sens. Le Christ tête n'exclut pas une dimension polyèdrique de l'Église comme le dirait le pape François. À méditer à l'aune de nos tentations cléricales.

(1) Mgr Albert Rouet, Diacres, une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 98

02 décembre 2016

La tentation cléricale - Pape François

Suite à une conférence donnée par Guzman Carriquiry à l'institut catholique, je découvre avec bonheur cette lettre apostolique du pape François au cardinal Marc Ouellet du 19 mars 2016, où le pape commence, dans la lignée d'Evangelium Nuntiandi de Paul VI à nous alerter sur la "mémoire et le flair" (1) du peuple de Dieu qu'un cléricalisme exacerbé priverait de considérer au nom d'un mépris pour la piété populaire.
"La foi de notre peuple (...) manifeste une présence authentique de l'Esprit" (2)

(1) pape François, Les laïcs, messagers de l'Evangile - lettre apostolique du pape François au cardinal Marc Ouellet du 19 mars 201, Paris, Salvator, 2106 (ci-après LME).
(2) ibid.