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02 février 2021

Danse nuptiale - 33.2

Je poursuis ici l’analyse d’Ephesiens 5.

Ce qui me ramène encore à Gn 2 que l’on n’a pas fini d’explorer. Il faudrait presque écrire à deux voix sur ce texte tant nos travaux se parlent pour intégrer pleinement nos complémentarités de vue. La thèse de. Sylvaine m’a ouvert les yeux sur bien des points (conversion nécessaire du masculin vers cette « sensibilité différente » qu’évoque Caroll Gilligan ? 😉

J’ai complété mon texte d’hier, mais je reviens encore dessus.

D’abord sur Gn2 et cette danse qui est projet de Dieu pour l’homme, sur laquelle on passe trop vite. Il faudrait mettre ici ce que j’ai longuement développé dans Pédagogie divine (p. 70sq) et notamment la dimension large du mot basar (chair) que l’hébreu, plus vaste ds son acception, me pousse à traduire « faire une seule chair » par « symphonie ». Je  reviendrai dessus.

Un petit clin d’œil dans la thèse de S. Landrivon me ramène à Gn 3. Son interprétation de cette Ève qui écrase le serpent peut être méditée. Si le serpent est violence, toute puissance ou double jeu, oui, elle peut l’écraser de son pied. Sans réduire la faute à une condamnation de l’acte sexuel, ou comme le suggère Balmary à un non dialogue, on pourrait s’amuser à voir dans la non véritable condamnation de la femme (5) que le vrai coupable est l’homme, responsable soit d’une absence de réciprocité dans le lien, soit d’une toute puissance sur la femme. C’est en tout cas une chute fréquente à défaut d’être LA chute. 

La réciprocité passe, de fait, et bien au contraire par ce nécessaire double agenouillement du don et du recevoir (6), de la mort d’un désir solitaire pour entrer dans une communion véritable. Ce que j’ai décrit déjà ici comme la double « descente de tours » ou le double agenouillement kénotique, danse nuptiale ? L’Eros est antichambre de l’agapè.


L’enjeu n’est-il pas de sortir de l’animalité pour atteindre une symphonie où tous les instruments de nos différences et de nos ressemblances s’ordonnent dans une danse sublime et féconde.


On peut se demander à la suite de Barth (7) si la mauvaise interprétation d’Éphesiens 5 participe à cette exclusion de la dynamique particulière de Gn2 (et du Cantique des Cantiques) de la réflexion théologique sur les liens entre nuptialité, alliance et révélation.

En insistant sur le seul axe de la procréation on a réduit l’ouverture qu’apportait une vision symphonique du conjugal...


De même en lui donnant un sens eschatologique (8) la situation décrite en Gn 2 perd son sens immédiat. L’enjeu n’est ni disparu, ni à venir, mais demeure toujours une invitation à percevoir que l’homme et la femme sont appelés conjointement, par leurs agenouillements réciproques devant l’autre, à construire, pas à pas, un Corps, une symphonie qui peut être petite église et donc signe du Corps...


La grande difficulté de ce discours reste la question de la symétrie des mouvements. Il n’y a symphonie que s’il y a réciprocité et pourtant l’agapè peut être asymétrique. En soulignant une primauté du don et de l’absence de la peur de la mort, Marie-Etiennette Bély trace une ouverture intéressante dans cette contemplation(9). En réduisant l’animalité chez l’homme, en domptant le serpent et creusant en lui l’au-delà du désir érotique, a-t-elle une force particulière, contagieuse et constructive pour faire de la relation une ?


À suivre - la voix royale - Dane kénotique 34...


(5) Sylvaine Landrivon La femme remodelée, p. 372

(6) cf. aussi p. 388 les liens entre Saraï et Abram. 

(7) ibid. p. 344-5

(8) vision que je découvre chez Barth, ibid. p. 348 comme je crois chez X. Lacroix dans Le corps et l’Esprit.

(9) Landrivon, ibid. p.351

01 février 2021

Ephesiens 5 - une épine douloureuse ? Danse nuptiale 33

 

Ma grand-mère m’a dit, il y a bien des années, qu’une phrase d’Ephesiens 5 était le plus grand obstacle à sa foi. De quoi parlons-nous ? Voici l’extrait dans sa totalité : «Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte du Christ; ainsi les femmes à leur mari, comme au Seigneur; car l’homme est la tête de la femme, comme le Christ est la tête de l’Église, qui est son corps et dont il est le Sauveur; en tout cas, comme l’Église se soumet au Christ, qu’ainsi les femmes se soumettent en tout à leur mari. Maris, aimez votre femme comme le Christ a aimé l’Église: il s’est livré lui-même pour elle, afin de la consacrer en la purifiant par le bain d’eau et la Parole, pour faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut. De même, les maris doivent aimer leur femme comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même.» Éphésiens 5:21-28 (traduction NBS)

Comment interpréter cet appel à la soumission des femmes devant leur mari ? 

Au bout de quelques centaines de pages d’Aimer pour la vie(1), je trace un chemin possible d’interprétation que j’aimerais confronter à votre sagacité. Sans vous redonner la totalité voici un (trop long) extrait retravaillé d’un texte complexe. 

Pour moi la difficulté vient du fait que l’auteur (puisqu’il semble admis que ce n’est pas Paul) est d’avoir mis les versets dans le mauvais sens... ou, pour nous, de ne pas comprendre que ce qui compte d’abord dans ce texte, c'est la notion de réciprocité (cf. v 27). « Soumettez-vous les uns aux autres » est la clé.

Encore faut-il prendre le temps de percevoir ce que soumettre veut dire de compromission, de dialogue, de pardon et de joies mêlés dans ce lent tissage que constitue une vie conjugale. Soumettre une requête n’est pas soumettre l’autre à sa volonté.

La communauté ou l’unité, que les époux peuvent constituer, se réalise dans la donation réciproque et mutuelle de leur vie.

Éphésiens va loin dans cette dynamique en évoquant « Le bain d'eau qu'une parole accompagne » (Ch. 5 v. 26) comme double expression de l'amour nuptial et de ce que le Christ prépare pour l'Épouse (l'Église) dans son union avec l'Époux. 

Si l’on y retrouve probablement une double allusion au baptême et à la réconciliation, il peut aussi et surtout y avoir un lien avec le lavement des pieds. Après ce bain d'eau, l’auteur présente l'Épouse et l'Église comme toute belle, sans tâche dans la métaphore d'une noce (cf. aussi le jeu des jarres à Cana en Jn 2). C'est cette Épouse que l'Époux (le Christ) va nourrir (cf. verset 29) et cette nourriture sera pour la tradition une allusion claire à l'Eucharistie. 

On peut partir alors dans l’idéalisme ou concevoir qu’il y a là une tension créatrice (2) voire même une dynamique sacramentelle (3). 

Évoquer le lavement des pieds n’est pas anodin, car il prépare l’union nuptiale à l’ultime agenouillement dont il n’est que le premier mime : la croix, le don total. De fait, chronologiquement la mort précède le baptême, le don de l’Époux est la primauté et le privilège du Fils. Il est la « tête », le premier que parce qu’il précède l’église dans l’amour et le don ! 

Dire que l’homme est la tête sous-entendrait il qu’il est le premier à devoir descendre de sa toute-puissance (ou de son animalité) pour réaliser qu’en mourant à son désir de puissance sur l’autre il s’inscrit dans la dynamique christique du renoncement, du don et d’un agapè au bout du bout d’un passage qui va de l’éros en philo puis en agapè dans la dynamique donnée par Jean 21 (par le biais non d’exclusion d’un stade à l’autre, mais de conjugaison : l’éros ne disparaît pas en agapè, il l’alimente et le fait grandir, comme le montrent à leurs manières JL Marion ou Benoît XVI).

Que vise vraiment l’auteur d’Éphésiens 5 ? Dans son amour "conjugal" pour l'Église, le Christ va prendre soin de celle-ci par sa mort puis, par son rappel, dans l'Eucharistie. Signe visible et invisible de son Amour. Présence sublime d'un Christ qui continue de recevoir et de donner, d'être présent dans nos cœurs, de diviniser ce que nous avions humanisé par notre démarche volontaire d'attention et de réconciliation. » (...) « La primauté du "je te reçois" sur le "je me donne à toi" est d'ailleurs intéressante à noter. Elle sous-entend en effet que le fait de recevoir ne se limite pas à la seule enveloppe corporelle de l'autre, mais bien l'état où l'on se met à genoux devant une "cathédrale", celle qui englobe à la fois l'être aimé et l'étincelle de Dieu qui l'habite (cf. 1 Co 3, 16-17). Recevoir devient alors autre chose et justifie cet agenouillement. En te recevant, je reçois et rends gloire à ce don que Dieu me fait. Je m'agenouille devant cette grâce sans laquelle je n'aurais pas pu avoir la joie de cette rencontre... » (...) « Nous sommes alors invités au bain purificateur, au lavement des pieds de Jean 13, que saint Paul étend à toute l'Église dans Éphésiens 5 (v. 25-27) en nous invitant à renouveler ainsi notre baptême par la prière pénitentielle : "Vous maris, aimez vos femmes, « comme le Christ a aimé l'Église et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, après l'avoir purifiée dans l'eau baptismale, avec la parole, pour la faire paraître, devant lui, cette Église, glorieuse, sans tache, sans ride, ni rien de semblable, mais sainte et immaculée. ». Nous reconnaissons ainsi que nos jarres (cf. Cana en Jn2) sont vides et imparfaites.


C’est devant cet agenouillement que la première phrase d’Ephesiens 5 peut seule prendre sens. Puisque tu t’es fait don, je consens à mon tour à cet agenouillement et dans la réciprocité de nos agenouillements, dans une soumission qui contemple ton offrande et tes renoncements je peux avancer vers la symphonie de nos nudités, vers cet « une seule chair » qui nous fait parvenir au Royaume... au bout du chemin dans la relation qui se tisse entre nos personnes et nos différences (4)


Un petit clin d’œil nous ramène à Gn 3. La femme écrasera le serpent. Si le serpent est violence, toute puissance ou double jeu, oui, elle peut l’écraser de son pied. Sans réduire la faute à une condamnation de l’acte sexuel, on pourrait s’amuser à voir dans la non véritable condamnation de la femme (5) que le vrai coupable est l’homme, responsable soit d’une absence de réciprocité dans le lien, soit d’une toute puissance sur la femme. C’est en tout cas une chute fréquente à défaut d’être LA chute. 

La réciprocité passe de fait par ce double agenouillement du don et du recevoir (6), de la mort d’un désir solitaire pour entrer dans une communion véritable. L’Eros est antichambre de l’agapè.


L’enjeu n’est-il pas de sortir de l’animalité pour atteindre une symphonie où tous les instruments de nos différences et de nos ressemblances s’ordonnent dans une danse sublime et féconde.


On peut se demander à la suite de Barth (7) si la mauvaise interprétation d’Éphesiens 5 participe à cette exclusion de la dynamique particulière de Gn2 (et du Cantique des Cantiques) de la réflexion théologique sur les liens entre nuptialité, alliance et révélation.

En insistant sur le seul axe de la procréation on a réduit l’ouverture qu’apportait une vision symphonique du conjugal...


De même en lui donnant un sens eschatologique (8) la situation décrite en Gn 2 perd son sens immédiat. L’enjeu n’est ni disparu, ni à venir, mais demeure toujours une invitation à percevoir que l’homme et la femme sont appelés conjointement, par leurs agenouillements réciproques devant l’autre, à construire, pas à pas, un Corps, une symphonie qui peut être petite église et donc signe du Corps...


La grande difficulté de ce discours reste la question de la symétrie des mouvements. Il n’y a symphonie que s’il y a réciprocité et pourtant l’agapè peut être asymétrique. En soulignant une primauté du don et de l’absence de la peur de la mort, Marie-Etiennette Bély trace une ouverture intéressante dans cette contemplation(9). En réduisant l’animalité chez l’homme, en domptant le serpent et creusant en lui l’au-delà du désir érotique, a-t-elle une force particulière, contagieuse et constructive pour faire de la relation une ?


(1) cf. mon livre éponyme 

(2) ces propos me sont inspirés par la lecture de la thèse de Sylvaine Landrivon, La femme modelée, Cerf 2016, p. 338

(3) cf. mon autre essai éponyme 

(4) analogia relationis et non analogia entis, comme le souligne à juste titre, Sylvaine Landrivon, op. cit. p. 332. Une relation qui peut aller jusqu’à ce qu’elle appelle bien justement une « dépendance essentielle »

(5) p. 372

(6) cf. aussi p. 388 les liens entre Saraï et Abram. 

(7) ibid. p. 344-5

(8) vision que je découvre chez Barth, ibid. p. 348 comme je crois chez X. Lacroix dans Le corps et l’Esprit.

(9) Landrivon, ibid. p.351

19 décembre 2020

De l’agenouillement au relèvement ? - danse 19

Il y a une ligne ténue à ne pas franchir entre agenouillement et sacrifice, humilité et soumission et il ne faut pas tomber dans cet excès fréquent qui fait que tout s’effondre dans l’asservissement. il ne faudrait pas interpréter mon billet 18 dans le mauvais sens. 

La clé est complexe à comprendre. C’est peut-être dans une dynamique conjugale qu’elle s’éclaire le mieux. L’échange sacramentel se dit dans un seul sens, je te reçois et je me donne à toi. 


L’interprétation d’Ephesiens 5 cristallise cette difficulté. Loin d’une soumission délétère de la femme à l’homme c’est dans la compréhension de la réciprocité essentielle qui fait que l’homme est invité au don total de sa vie, comme le Christ, que la logique de l’auteur de l’épître peut être acceptable.



Mais on néglige trop souvent cette réciprocité et l’on sombre alors dans l’asservissement.


Il faut concevoir les choses comme deux tours moyenâgeuses. Deux tours où le dialogue ne se fait pas parce que nos carapaces humaines sont coriaces. On peut s’envoyer des flèches ou des fleurs du haut de la tour, on n’atteindra pas l’autre. L'enjeu est dans cette "descente de tour", où l’on atteint le même niveau de vérité que celui évoqué dans Gn 2,25. 

Etre nu devant l'autre et ne pas en avoir honte. 

S'exposer dans la nudité de celui qui ose s’agenouiller, perdre sa superbe, demander pardon, entrer dans le déssaisissement pour que le dialogue et la réciprocité se fasse. 

Le dépouillement du Christ que nous contemplons à la crèche, ce qu’on appelle kénose, n’est finalement que le premier pas de danse. C’est quand la magie de la réciprocité se fait que la danse devient joie, symphonie, partage, une seule chair, un seul corps.... avec un grand C au bout du voyage. Mais je résume trop ici ce que je développe en plusieurs centaines de page ici... 

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Peut-être est-ce Philippiens 2 auquel on doit revenir pour saisir que l’agenouillement est la clé du « c’est pourquoi Dieu lui a donné le nom de Dieu sauve ».

Ce n’est qu’à ce prix que le lavement des pieds du Christ, en Jn 13, est le premier geste ecclésial et sublime du Christ car il devient, loin de tout « cléricalisme », la clé centrale d’interprétation de Jean 15, 15 : je ne fais pas de vous des serviteurs mais des amis... :


« 12 Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. 13 Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

14 Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. 15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. »

18 mars 2020

Homélie du quatrième dimanche de carême - guérison de l’aveugle né…

Projet 2

Nous qui entrons dans le confinement et la peur, nous pourrions avoir deux tentations. 
  1. Celle de nous replier sur nous-mêmes en oubliant ceux qui vont souffrir plus encore de l'isolement. 
  2.  Celle d'oublier que Dieu est là, à nos côtés, malgré son silence apparent.

Le mal semble frapper le monde et la tentation de certains serait de dire que Dieu se venge de nos aveuglements.
Non l'aveugle né n'avait pas subi la faute de ses pères comme le pensait les juifs de l'époque.
Non Dieu ne regarde pas comme les hommes, nous dit le livre de Samuel.
Non, le temps de la justice divine n'est pas venu.
Malgré l'ombre qui s'étend comme le virus, n'oublions pas que la lumière est ailleurs.

« Conduisons nous comme des enfants de lumière » nous dit Paul (Eph 5)

« Crois-tu au Fils de l'homme ? » nous demande Jésus dans ce texte de Jean 9. Laissons résonner en nous cette question avant de répondre comme le fit un jour la juive Etty Hillesum au camp de Westerbock. : « Dieu a besoin de nos mains. »

Dieu est là.
Dieu est là dans la solidarité qui se met en place.
Dieu est là dans ce dévouement extraordinaire des soignants.
Dieu est là dans ces petits appels que nous faisons, faute de mieux.
Dieu est là qui pleure à côté des proches que nous sommes en train de voir partir et qui doivent souffrir de notre absence.

Dieu est là comme il s'est révélé - déchiré, déchiqueté sur le bois de la croix.
Ne cédons pas à la peur.



Contemplons au contraire les signes d'espérance.
L'espérance c'est de croire que l'amour va vaincre face à nos tentations d'enfermement.
L'espérance c'est de percevoir que Dieu ouvre nos mains.
L'espérance c'est de sentir au fond de nous que l'amour vaincra...

Méditons ce magnifique psaume 22/23 :

Le Seigneur est mon berger : (...) Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure.
Tu prépares la table pour moi (...) tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante.
Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie ; j'habiterai la maison du Seigneur. »

Dieu tout-puissant, Bienfaiteur, Créateur de l'univers,
écoute mes gémissements, moi qui suis en danger.
Délivre-moi de la crainte et de l'angoisse ;
libère-moi par ta force puissante, toi qui peux tout (...).
Seigneur Christ, (...) coupe les mailles de mon filet par l'épée de ta croix victorieuse, l'arme de vie.
De tous côtés ce filet m'enveloppe, moi captif, pour me faire périr ;
conduis vers le repos mes pas chancelants et biaisants.
Guéris la fièvre de mon cœur qui étouffe.
Je suis coupable envers toi, ôte de moi le trouble, fruit de l'invention diabolique,
fais disparaître l'obscurité de mon âme angoissée (...) !
Renouvelle en mon âme l'image de lumière de la gloire de ton nom, grand et puissant.
Intensifie l'éclat de ta grâce sur la beauté de mon visage
et sur l'effigie des yeux de mon esprit, moi qui suis né de terre (Gn 2,7).
Corrige en moi, rétablis plus fidèlement, l'image qui reflète la tienne (Gn 1,26).
Par une pureté lumineuse, fais disparaître mes ténèbres, pécheur que je suis.
Inonde mon âme de ta lumière divine, vivante, éternelle, céleste,
pour qu'en moi grandisse la ressemblance au Dieu Trinité.
Toi seul, ô Christ, es béni avec le Père
pour la louange de ton Esprit Saint
dans les siècles des siècles. Amen (1)

(1) Saint Grégoire de Narek Le Livre de prières, n° 40 (SC 78 ; trad. Isaac Kéchichian, s .j. ; Éds du Cerf 2000 – réimpression de la 1e édition de 1961 revue et corrigée, p. 237-239, – rev.), source  : l’Évangile au Quotidien 

23 février 2020

Divinisation ou invitation à la danse - Bernard Sesboué

 Le terme de divinisation surprend, même si je l'avais déjà rencontré chez Varillon dans Joie de croire, joie de vivre qui l'évoque à partir de l'eucharistie : « Dieu vient diviniser ce que nous humanisons ».

Pour Sesboué le concept rejoint l'idée que nous sommes « enfants de Dieu » (Rom 8, 16 et 1 Jn 3,1), mais aussi cette grande image nuptiale déployée dans Eph 5. Pour lui, il « ressort de ces textes que nous sommes invités à entrer dans l'intimité affectueuse de la famille divine dont nos liens d'amour les plus forts sont une image. Le paradoxe veut que cette entrée dans l'amour même de Dieu ne nous arrache en rien à notre humanité. Parce que nous sommes ainsi faits de par notre création, notre divinisation est le accomplissement dernier de notre humanisation » (1)

Notre salut se destine à cette divinisation. Il rejoint là peut-être ce que disait à sa manière Fra Angelico par sa danse des anges dans son tableau du jugement dernier, une image qui entre en résonance avec ce que je développe dans « danse trinitaire »(2), cette idée que Dieu, dans sa bonté, rêve de nous voir participer à sa danse.



(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 284
(2) cf. notamment l'Amphore et le fleuve.

30 mars 2019

Au fil de Jean 9, Troisième dimanche de carême, Année A - Aveugle né - Homélie du 31/3/19

Sommes-nous aveugles nous aussi ?
Est-ce que ce que nous voyons, nous nous le voyons vraiment ?

Il y a une correspondance intéressante entre les trois textes. Je vous propose de les contempler dans un premier temps, avant de voir ce qu'ils nous disent sur notre chemin.

L'Histoire de Samuel nous introduit à la différence entre l'apparence et la réalité. Samuel se fie sur l'apparence, mais Dieu l'aide à voir, derrière, la véritable beauté du cœur.

Celui que Dieu aime est un petit jeune homme fragile. Certes, il deviendra roi, et son pouvoir ne sera pas dénué d'erreurs et de péchés. Pourtant Dieu l'a choisi pour sa pureté du cœur, des capacités qu'il développera pendant la phase qui précède son accession au royaume. Rappelons nous l'histoire de Saül et de David, l'épisode de la lance et de la gourde, où il refuse la violence. David a, au fond de lui, ce qui fait que Dieu a posé sur lui ce regard. 

Il en est de même aussi de l'aveugle, celui que tout le monde méprise dans une société où la maladie était considérée comme une malédiction de Dieu. C'est cet aveugle en apparence sur lequel Jésus porte son regard. À la différence d'autres malades, cet aveugle n'a rien demandé. Il est sur le chemin de Jésus. Ce qui interpelle Jésus n'est pas l'apparence, mais cette pureté du cœur que l'on retrouve dans tout le reste du récit. L'aveugle n'a pas besoin de grandes phrases, de grandes théories, il est guéri, il croit quand il comprend enfin que c'est Jésus qui lui a donné la vie.

Et nous ?
Que croyons-nous ? Sommes-nous attentif à la lumière, à cette lumière qui nous vient de Dieu ? Pouvons-nous voir, chez l'autre, la lumière intérieure, qui dépasse toute lumière.

Cherchons-nous la lumière, la lumière plus que tout, la lumière au-delà des ténèbres, cette lumière qui vient de Dieu et qui nous conduit à Dieu ?

Comme Moïse au désert, en ce temps de carême, grimpons sur la Montagne, par nos efforts, nos dépouillements, pour dépasser les zones d'ombre et chercher la lumière. 

Moïse est monté sur la montagne et quand il a vu le Seigneur, il est redescendu tout tout illuminé. Il avait vu la lumière de Dieu. Son visage devait être aussi lumineux que celui de l'aveugle né. Il était né à une vie nouvelle, comme le serons nos catéchumènes au jour de Pâques, au bout de leur quête. 

Relisons ce texte : « Lorsque Moïse descendit de la montagne du Sinaï, ayant en mains les deux tables du Témoignage, il ne savait pas que son visage rayonnait de lumière depuis qu'il avait parlé avec le Seigneur. Aaron et tous les fils d'Israël virent arriver Moïse : son visage rayonnait.
Comme ils n'osaient pas s'approcher, Moïse les appela. Aaron et tous les chefs de la communauté vinrent alors vers lui, et il leur adressa la parole.
Ensuite, tous les fils d'Israël s'approchèrent, et il leur transmit tous les ordres que le Seigneur lui avait donnés sur la montagne du Sinaï.
Quand il eut fini de leur parler, il mit un voile sur son visage.
Et, lorsqu'il se présentait devant le Seigneur pour parler avec lui, il enlevait son voile jusqu'à ce qu'il soit sorti. Alors, il transmettait aux fils d'Israël les ordres qu'il avait reçus, et les fils d'Israël voyaient rayonner son visage. Puis il remettait le voile sur son visage jusqu'à ce qu'il rentre pour parler avec le Seigneur. » (Exode 34, 35)

Prenons le temps de méditer, en ce temps de carême, ce qui nous conduit à la lumière et ce qui nous emmène dans les ténèbres. Voyons, en vérité, ce qui au-delà des apparences trompeuses est le vrai chemin.

Regardons la Croix, élevée au-dessus du monde, cette croix qui nous introduit à la lumière de la résurrection. Que nous dit-elle ?

« Dieu est amour ». 

Si nous vivons dans l'amour de Dieu, nous sommes dans la lumière. Si nous sommes d'amour, nous serons aimés de Dieu.

Relisons la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Frères, autrefois, vous étiez ténèbres ;
maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ;
conduisez-vous comme des enfants de lumière   – la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité – (...) 
Réveille-toi, ô toi qui dors,
relève-toi d'entre les morts,
et le Christ t'illuminera.


« Si tu me dis : Montre-moi ton Dieu, je pourrais te répondre : Montre-moi l'homme que tu es, et moi je te montrerai mon Dieu. Montre donc comment les yeux de ton âme regardent, et comment les oreilles de ton cœur écoutent.

Ceux qui voient avec les yeux du corps observent ce qui se passe dans la vie et sur la terre ; ils discernent la différence entre la lumière et l'obscurité, le blanc et le noir, le laid et le beau ; entre ce qui est harmonieux, bien proportionné, et ce qui manque de rythme et de proportion ; entre ce qui est démesuré et ce qui est tronqué ; il en est de même pour ce qui tombe sous le sens de l'ouïe : sons aigus, ou graves, ou agréables. On pourrait, de la même façon, dire des oreilles du cœur et des yeux de l'âme qu'il leur est possible de saisir Dieu.

Dieu, en effet, est perçu par ceux qui peuvent le voir, après que les yeux de leur âme se sont ouverts. Tous ont des yeux, mais certains ne les ont que voilés et ne voient pas la lumière du soleil. Si les aveugles ne voient pas, ce n'est pas parce que la lumière du soleil ne brille pas. C'est à eux-mêmes, et à leurs yeux, que les aveugles doivent s'en prendre. De même toi : les yeux de ton âme sont voilés par tes fautes et tes actions mauvaises.

L'homme doit avoir une âme pure, comme un miroir brillant. S'il y a de la rouille sur le miroir, l'homme ne peut plus y voir son visage. Ainsi, lorsqu'il y a une faute dans l'homme, cet homme ne peut plus voir Dieu. ~

Mais, si tu le veux, tu peux guérir. Confie-toi au médecin et il opérera les yeux de ton âme et de ton cœur. Qui est ce médecin ? C'est Dieu, qui guérit et vivifie par le Verbe et la Sagesse. C'est par son Verbe et sa Sagesse que Dieu a fait toutes choses. Comme dit le Psaume : Le Seigneur a établi les cieux par sa Parole, et leur puissance par le Souffle de sa bouche. Cette Sagesse est souveraine. En effet : Dieu a fondé la terre par sa Sagesse ; il a disposé les cieux par son intelligence ; c'est par sa science que furent creusés les abîmes, que les nuées ont distillé la rosée.

Si tu comprends cela et si ta vie est pure, pieuse et juste, tu peux voir Dieu. Avant tout, que la foi et la crainte de Dieu entrent les premières dans ton cœur, et alors tu comprendras cela. Quand tu auras dépouillé la condition mortelle et revêtu l'immortalité, alors tu verras Dieu selon ton mérite. C'est ce Dieu qui ressuscitera ta chair immortelle, en même temps que ton âme. Et alors, devenu immortel, tu verras le Dieu immortel, à condition d'avoir cru en lui maintenant. » (1)

(1) saint Théophile d'Antioche, lettre à Autolycus 

14 janvier 2019

Au fil de la première lettre aux Corinthiens 11 et 14 - La parole des femmes dans l’Église

Intéressante contradiction sur l'accès de la parole aux femmes dans l'Église qui implique et impose presque la nécessité d'une interprétation.
«Mais toute femme qui prie ou qui parle en prophétesse la tête non couverte d'un voile fait honte à sa tête: c'est comme si elle était rasée
1 Corinthiens 11:5
«Que les femmes se taisent dans les Eglises, car il ne leur est pas permis d'y parler; qu'elles soient soumises, comme le dit aussi la loi.»
1 Corinthiens 14:34

On le voit bien, dans la même lettre de Paul aux accents pourtant similaires, l'accès de la parole est donnée (sous conditions de voile) puis refusée. 

Comment aller plus loin, 2000 ans plus tard. L'interprétation du P. Morin dans son cours au Bernardins du 15/12/11 est éclairante à plusieurs titres. Pour lui, le verset 14,34 que l'on trouve à différents endroits selon les manuscrits serait une note latérale ajoutée par un disciple de Paul. 
Qu'est-ce à dire ? Selon lui, cela traduit surtout une évolution au sein de la société romaine et un durcissement sur la place des femmes dans la communauté, cohérent avec d'autres positions du même genre dans les lettres pastorales.

Comment se positionner maintenant. Ces textes sont marqués dans un contexte précis et une récupération littérale est exclue. A nous de comprendre que le dire est plus grand que le dit. Jamais Paul ne validerait un tel discours sur les femmes s'il vivait au XXeme siècle, tant le regard sur la femme a évolué. Il nous faut tout faire pour que ceux qui refuse cette évolution prennent conscience de la faiblesse de leurs arguments. La femme est un formidable atout pour l'Église. Ne le cachons pas sous un voile.

Il n'y a ni supériorité de l'un sur l'autre, ni soumission possible. L'enjeu est une réciprocité dans l'agenouillement, car l'homme comme la femme, dans leurs différences, leur humilité et leurs danses communes peuvent prendre pleinement leur dimension co-sacrementelle de porte-Christ.


30 décembre 2018

Sainte Famille - Corrigé - Paul VI


En guise de corrigé à mes essais d’homélie, deux leçons apportées par l’office des lectures (source AELF) :

  1. Une contemplation d’Eph 5 25-26 sur l’agenouillement réciproque des époux 
« Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau baptismale, accompagné d’une parole »

  1. L'exemple de Nazareth
Nazareth est l’école où l’on commence à comprendre la vie de Jésus : l’école de l’Évangile. Ici, on apprend à regarder, à écouter, à méditer et à pénétrer la signification, si profonde et si mystérieuse, de cette très simple, très humble et très belle manifestation du Fils de Dieu. Peut-être apprend-on même insensiblement à imiter. Ici, on apprend la méthode qui nous permettra de comprendre qui est le Christ. Ici, on découvre le besoin d’observer le cadre de son séjour parmi nous : les lieux, les temps, les coutumes, le langage, les pratiques religieuses, tout ce dont s’est servi Jésus pour se révéler au monde. Ici, tout parle, tout a un sens. Ici, à cette école, on comprend la nécessité d’avoir une discipline spirituelle, si l’on veut suivre l’enseignement de l’Évangile et devenir disciple du Christ. Oh, comme nous voudrions redevenir enfant et nous remettre à cette humble et sublime école de Nazareth, comme nous voudrions près de Marie recommencer à acquérir la vraie science de la vie et la sagesse supérieure des vérités divines !

Mais nous ne faisons que passer. Il nous faut laisser ce désir de poursuivre ici l’éducation, jamais achevée, à l’intelligence de l’Évangile. Nous ne partirons pas cependant sans avoir recueilli à la hâte, et comme à la dérobée, quelques brèves leçons de Nazareth.

Une leçon de silence d’abord. Que renaisse en nous l’estime du silence, cette admirable et indispensable condition de l’esprit, en nous qui sommes assaillis par tant de clameurs, de fracas et de cris dans notre vie moderne, bruyante et hyper sensibilisée. Ô silence de Nazareth, enseigne-nous le recueillement, l’intériorité, la disposition à écouter les bonnes inspirations et les paroles des vrais maîtres ; enseigne-nous le besoin et la valeur des préparations, de l’étude, de la méditation, de la vie personnelle et intérieure, de la prière que Dieu seul voit dans le secret.

Une leçon de vie familiale. Que Nazareth nous enseigne ce qu’est la famille, sa communion d’amour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable ; apprenons de Nazareth comment la formation qu’on y reçoit est douce et irremplaçable ; apprenons quel est son rôle primordial sur le plan social.

Une leçon de travail. Nazareth, maison du fils du charpentier, c’est ici que nous voudrions comprendre et célébrer la loi sévère et rédemptrice du labeur humain ; ici, rétablir la conscience de la noblesse du travail ; ici, rappeler que le travail ne peut pas avoir une fin en lui-même, mais que sa liberté et sa noblesse lui viennent, en plus de sa valeur économique, des valeurs qui le finalisent ; comme nous voudrions enfin saluer ici tous les travailleurs du monde entier et leur montrer leur grand modèle, leur frère divin, le prophète de toutes leurs justes causes, le Christ notre Seigneur.


(1) Paul VI, Homélie à Nazareth du 5/1/64

03 octobre 2018

Théologie du corps - L’amour est en toi 17

C’est peut-être dans la première lettre aux Corinthiens que se dévoile le mieux la théologie chrétienne du corps. D’abord dans les premiers chapitres où Paul parle de notre corps comme temple de l’Esprit et met de fait tout notre rapport au monde en tension avec notre ouverture au divin.
«Ne le savez-vous pas? Votre corps est le sanctuaire de l’Esprit saint qui est en vous et que vous tenez de Dieu; vous ne vous appartenez pas à vous-mêmes, car vous avez été achetés à un prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps.»
‭ (1 Co ‭6:19-20‬)
Cette théologie est héritage du premier Testament. L’hébreu est lui-même objet d’interprétation puisque le mot « basar » est en grec traduit soit par sarx (chair) ou soma (corps) alors que cette chair est habitée par nephesh (le souffle de vie) et ruah (relation disposée vers Dieu)
Bien sûr, on peut passer aux côtés de cette théologie, mais c’est faire impasse sur Gn 2, don du souffle et appel à faire une seule chair.
Il y a dans le don du corps à l’homme à la fois une infinie liberté et une invitation : être signe d’une danse symphonique entre l’homme et Dieu dans la « chair même » d’une danse des corps.
Saint Jean Paul Il l’a bien compris dans ses catéchèses, « l’union conjugale peut être liturgie » dit-il.
Si nos corps à corps deviennent symphonie, c’est qu’en portant du fruit, ils participent à la création du monde. J’entends cela au sens le plus large du mot fécondité.
Et c’est là où les chapitres 12 et 13 de Corinthiens entrent en compte. Si je n’ai pas l’amour je ne suis rien. « L’amour prend patience, ne cherche pas son intérêt », est don total (agape) qui s’oublie dans une fécondité sans retour, qu’elle soit dans une autre chair ou d’un autre ordre.
Alors pouvons-nous comprendre Ephesiens 5 : «Maris, aimez votre femme comme le Christ a aimé l’Eglise: il s’est livré lui-même pour elle,»
‭‭(Eph. 5:25‬),
L’amour humain est tremplin vers l’agape. S’en priver n’a de sens que s’il est don renouvelé de soi. S’y consacrer à l’inverse n’est pas chemin de perdition. Il est don pour une même diaconie : l’amour conjugal devient sacrement dans l’effacement de la chair qui devient temple de la vie reçue et donnée (1)

  1. en résonance avec un cours d’Eric Morin aux Bernardins sur 1 Co 7 (https://www.collegedesbernardins.fr/content/saint-paul-la-premiere-lettre-aux-corinthiens-2017) et mes travaux publiés sous le titre de Aimer pour la vie, essai de spiritualité conjugale



03 juin 2016

L'eau et le sang

Qu'est-ce qui apparaît au terme de notre étude sur la dynamique sacramentelle ? L'analogie sponsale de l'auteur de la lettre aux Éphesiens‎ à elle-même ses limites. Elle s'approche seulement du mystère central du rapport entre le Christ et l'Église qui se nourrit de l'Écriture comme les anciens tableaux du Moyen-âge le représentaient : à genoux devant la Croix, tendant la coupe vers le fleuve irremplaçable du coeur transpercé d'où jaillit le sang et l'eau. Si la tradition y voit, outre le fleuve décrit par Ezechiel le baptême et l'Eucharistie, il serait réducteur de s'arrêter au signe. C'est le Christ qui est sacrement-source et l'imitation prêchée par Paul est la voie vers celui qui est chemin, vérité et vie.

13 avril 2016

Famille et sacrement - La joie de l'amour 6

Le pape François reprend ce beau texte de Paul VI prononcé à Nazareth en 64  : "toute famille, malgré sa faiblesse, peut devenir une lumière dans l’obscurité du monde" (AL 66). Il parle bien sûr de la "sainte famille", mais je me doute que sous la plume de François,  ses propos sont plus larges et sonnent comme une exhortation.
C'est ce qui apparaît dès le n.70, dans sa citation de Deux caritas est : “Le mariage fondé sur un amour exclusif et définitif devient l’icône de la relation de Dieu avec son peuple et réciproquement: la façon dont Dieu aime devient la mesure de l’amour humain ” (n. 11).

On rejoint ici ce lien particulier mis en avant par Éphésiens 5 et récemment commenté (cf tags).

C'est ce qu'on peut lire juste après :"Le Christ a (...) aussi élevé le mariage au rang de signe sacramentel de son amour pour l’Église (cf. Mt 19, 1-12 ; Mc 10, 1-12 ; Ep 5, 21-32). C’est dans la famille humaine, réunie par le Christ, qu’est restituée ‘‘l’image et la ressemblance’’ de la Sainte Trinité (cf. Gn 1, 26), mystère de tout amour." (AL 71).

Nous rejoignons là ce que j'ai longuement évoqué dans la "dynamique sacramentelle".

15 mars 2016

Le côté du Christ - soumission ou amour

Nous pouvons lire la création d'Éve comme une soumission à Adam, de même que nous pouvons buter sur la prétendue soumission de la femme à l'homme dans Éphésiens 5. Mais il peut en être autrement quand nous entendons véritablement ce que demande Paul, quand nous réalisons qu'il demande à l'homme d'aimer sa femme comme le Christ a aimé l'Église.  Alors ce que dit saint Jean Chrysostome sur la création d'Éve prend aussi du sens :

"Aussi saint Paul dit-il : Nous sommes de sa chair et de ses os, désignant par là le côté du Seigneur. De même en effet que le Seigneur a pris de la chair dans le côté d'Adam pour former la femme, ainsi le Christ nous a donné le sang et l'eau de son côté pour former l'Église. Et de même qu'alors il a pris de la chair du côté d'Adam, pendant l'extase de son sommeil, ainsi maintenant nous a-t-il donné le sang et l'eau après sa mort. 

Vous avez vu comment le Christ s'est uni son épouse ? Vous avez vu quel aliment il nous donne à tous ? C'est de ce même aliment que nous sommes nés et que nous sommes nourris. Ainsi que la femme nourrît de son propre sang et de son lait celui qu'elle a enfanté, de même le Christ nourrit constamment de son sang ceux qu'il a engendrés." (1)

Sous cet angle, l'enjeu n'est plus soumission mais amour.

(1) Saint Jean Chrysostome,  catéchèse baptismale, source AELF

08 octobre 2015

Colossiens 3 et Éphésiens 5

J'ai une amie qui est si outrée par le machisme de ces deux textes, qu'elle refuse d'assister à la messe les jours où ils sont lus.
Une lecture littérale peut conduire à cela
 Mais Colossiens 3, 18 s'eclaire par Éphesiens 5 qui lui même s'éclaire par la contemplation des noces éternelles et par l'invitation de Paul à entrer dans la kénose qui répond à la kénose. La soumission de la femme a son mari (à lire dans le contexte de l'époque) n'a de sens qu'en réponse à l'amour du mari pour sa femme, qui s'eclaire par l'amour du Christ pour son Église
 Si l'on coupe ce lien, on coupe le sens et la réciprocité...

Bien sûr la lettre à Timothée enfonce le clou. Mais la lecture spirituelle reste utile.