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30 juillet 2019

Nuit et solitude périphérique ? - 8

La suite de la lecture de l'œuvre de Mère Térésa sous le regard de F. Marxer interpelle notre vision du monde actuel, de cette victoire apparente de l'athéisme comme de nos solitudes à sa périphérie.
On rejoint pour lui la lucidité prophétique de Dietrich Boenhoffer : « Dieu nous fait savoir qu'il nous faut vivre en tant qu'hommes qui parviennent à vivre sans Dieu. Le Dieu qui est avec nous est celui qui nous abandonne (Mc 25, 34 : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?) (...) Devant Dieu et avec Dieu, nous vivons sans Dieu. Ce à quoi réponds le « qu'il est douloureux d'être sans lui » de mère Thérèsa. Ainsi la nuit serait-elle la condition évangélique de l'existence chrétienne dans la modernité d'aujourd'hui, au prix, selon Bonhoeffer, d'une rupture »(1)

Quelle rupture ? Renoncer à une réussite humaine, voire cléricale, pour « se mettre pleinement entre les mains de Dieu » (...) « prendre au sérieux [les souffrances des hommes et] de Dieu dans le monde [et veiller] avec le Christ à Gethsémani (...) c'est ça la foi, c'est cela la metanoia [la conversion] » ultime. (1)

Est-ce que je déforme le message ? Peut-être un peu, à l'aune de ma désespérance sur l'état du monde. Mais pas vraiment sur le chemin, je pense, de la conversion à accomplir.

« Même Dieu ne pouvait pas offrir de plus grand amour qu’en Se donnant Lui-même comme Pain de vie, pour être rompu, pour être mangé, afin que vous et moi, puissions manger et vivre, puissions manger et satisfaire ainsi notre faim d’amour. Pourtant Il ne semblait pas satisfait, car Lui aussi avait faim d’amour. Il s’est donc fait l’Affamé, l’Assoiffé, le Nu, le Sans-logis, et n’a cessé d’appeler (2)

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 457-8

(2) Mère Teresa, Ibid. p. 461

27 juillet 2019

Homélie du 17ème dimanche du Temps Ordinaire - Gn 18, Col 2, Luc 11 - Demander, Prier

Notes pour la version finale prononcée à Saint Sansom  d’Allainville

3 déplacements dans les Lectures de ce jour :
1. Quelle miséricorde ?
Entre entre la perception d’Abraham, à l’origine  de l’histoire juive et ce que nous dit Paul dans sa lettre aux Colossiens, c’est toute notre idée de Dieu qui est à modifier. Dieu est miséricorde nous dit Paul. « Il pardonne toutes nos fautes... ». Du Dieu d’Abraham à celui que Jésus nous révèle il y a un grand déplacement à faire...

2. Osons demander
La fin de Luc 11 est clair, nous n’osons pas demander à Dieu. Est-ce par orgueil, parce que nous voulons tout faire seul ?
Oser demander, c’est oser accueillir Dieu en nous, c’est laisser une place à l’Esprit saint...
Deuxième déplacement...

Où es-tu ?
Où es-tu mon Dieu ?

C'est la question qu'on se pose et elle est légitime. Je lisais cette semaine une méditation de mère Teresa qui se plaignait du silence de Dieu dans sa vie et qui pourtant n'a cessé de croire dans sa présence...

Elle vivait dans le silence de Dieu et pourtant elle agissait comme jamais...
Notre relation avec Dieu est ambivalente. parfois, comme Abraham, on craint de s'adresser à lui, on négocie, on fait presque du chantage et pourtant, c'est notre foi, il est là, il nous entend, même si sa réponse n'est peut-être pas là où on voudrait qu'il soit. Que faire...?
Je n'ai pas de réponse.
Car Dieu n'est jamais prévisible.

On dit de plus en plus qu'il est absent. Certains osent dire que Dieu est mort....
La réponse est oui. Et là je n'hésite pas. il est mort.... sur une croix.
Et cette croix vaut toutes les réponses...

Alors comment prier le Père de Celui qui est mort pour nous ?
Jésus nous livre sa réponse dans ce texte de Luc 11 et je vous invite à méditer ensemble cette prière....
Elle commence par « Notre Père ».
On raconte qu'un jour la petite Thérèse a étonné une soeur en passant deux heures à méditer les deux premiers mots...
Je suis loin de l'égaler mais je vous invite à méditer de la même manière les deux premières phrases
Ce sera notre troisième déplacement...

Notre Père
Dire « notre » et pas « mon père » est déjà un enjeu.
Notre prière n'est jamais personnelle
Elle est par nature communion...

Qui est au cieux
Cela semble bien loin... cela nous conduit surtout très haut
Et sur ce chemin Jésus nous invite à monter, comme il est monté lui aussi, sur le bois d'une croix

Que ton Nom soit sanctifié
Ton nom et pas mon nom
Ta gloire et pas ma gloire
Ta prière et pas ma prière
Ton désir et pas mon désir
sanctifier le nom de Dieu c'est revenir à sa place

Que ton règne vienne
Nom pas mon désir de pouvoir
d'avoir ou de valoir
mais le règne de Dieu

Je pourrais continuer sur ce registre jusqu'au bout
mais je pense que vous avez compris l'enjeu.
Le notre Père agis comme une autocorrection de nos prières humaines en les conduisant à l'essentiel
certes on a parfois le sentiment qu'il ne répond pas...
mais la demande n'est peut-être pas ajustée.
je vous laisse méditer là dessus




25 juillet 2019

Solitude et absence du Père - De Speyr à Teresa - 8

Il faut revenir à l'analyse d'Adrienne von Speyr sur la place du « non-voir » qu'évoque le dialogue entre Moïse et Dieu en Exode 33 pour comprendre ce qu'elle contemple en Christ face à l'expérience de la déréliction. « Le non-voir est la condition même de la contemplation de la croix, de ce Dieu dont aucune image ne peut être donnée (1) ». La privation du voir est vision sur le mode de la non vision. Le refus du visage, la solitude est le chemin du mystère... La nuit contemporaine résiste à toute assimilation.
Elle conduit à la foi véritable évoqué à Thomas : « heureux qui croit sans avoir vu ». N'est-ce pas le chemin de nos solitudes...?

« il s'en est allé, l'amour pour quoi que ce soit, pour quiconque ; et, malgré cela, je brûle jalousement de désir pour Dieu, à L'en aimer de chaque atome de vie en moi. Je veux L'aimer d'un amour profondément personnel. Je ne peux pas dire que j'en suis distraite, car mon esprit, mon cœur sont ordinairement avec Dieu. Tout cela vous paraît délirant devant tant de contradictions ! »(2)
Et pourtant il y a l'essence de la déréliction speyrienne.

(1) Adrienne von Speyr, le visage du Père, p. 68-69, cité par Hans Urs von Balthasar et François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 438

(2) ibid p. 439

Solitude périphérique 7 - Mère Térésa

Comme en écho à mes 6 premiers billets sur le thème de la solitude, cette affirmation de mère Térésa vient résonner à mes oreilles : « En moi, rien d'autre que ténèbres, conflit, et cette si terrible solitude. Je suis parfaitement heureuse d'être comme ça jusqu'à la fin de ma vie »(1)

Sans commentaire

(1) cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 437

23 juillet 2019

Amour en toi - 37 - Mère Teresa

Au milieu de sa nuit, Mère Teresa rejoint à sa façon le chemin d'Etty Hillesum dans les camps de la mort : « Aucune joie, aucun attrait, aucun zèle dans mon travail (...) Je fais de mon mieux. Je me dépense, mais je suis plus que persuadée que cet ouvrage n'est pas le mien. Je n'ai aucun doute : c'est Vous qui m'avez appelée, et avec tant d'amour et de force ! C'était Vous, je le sais. C'est pourquoi cet ouvrage est le Vôtre et c'est encore Vous maintenant... » (1)

«Non pas que de nous-mêmes nous soyons capables de considérer quoi que ce soit comme venant de nous-mêmes: notre capacité vient de Dieu. C’est lui aussi qui nous a rendus capables d’être ministres d’une alliance nouvelle » (2 Corinthiens‬ ‭3:5-6‬ ‭NBS‬‬)

« Ne vous gonflez pas d’orgueil, car vous avez Jésus Christ en vous » (2)

Une leçon d’humilité...

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 434
(2) Saint Ignace d’Antioche, Lettre aux Magnésiens.

16 juillet 2019

Nuit et espérance - Mère Teresa

Au coeur de sa nuit mère Teresa aurait trouvé un soulagement dans une biographie d'un frère jésuite, fray Benito de Goes : « l'espérance tient à bout de bras deux évidences incompatibles : l'impossibilité d'un Dieu injuste ou cruel, et pourtant son retrait, son incontestable absence. Mais « le temps viendrait où Dieu remplirait ce qu'il a vidé »(1)

Ce vide est-il comme le suggère François Marxer une opération purificatrice afin que soit réalisée une plénitude plus que jamais attendue ? « Lorsque le temps viendra, l'obscurité de la nuit sera dissipée par les éclairs de la miséricorde divine ». Ce texte résonne chez mère Teresa comme le signe possible de l'« épiphanie intense, brutale et soudaine d'une Présence » possible. (...) Présence oui, mais si lointaine » (2) pour celui qui souffre ou voit souffrir autrui et se retrouve si démuni.

Mon Dieu que ton absence est douloureuse, pourrait-on ajouter même si en cette absence c'est nous qui sommes interpellés pour être à notre tour présence et disponibilité...

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p.431
(2) p. 432

27 janvier 2017

Mère Térésa et l'Église

Je ne peux m'empêcher de citer cette anecdote reprise par Flipo (1): "un journaliste demanda un jour à mère Térésa : "que faudrait-il changer dans l'Église pour la réformer ?" Après in silence, elle le regarda et lui dit : "vous et moi !". Heureux, conclut Flipo celui qui, comme Simon-Pierre reconnaît sa propre faiblesse et renonce à sa suffisance".

Heureux celui qui reconnaît sa "docte ignorance", disait hier mon curé...

Bienheureuse humilité...
Chemin inaccessible à l'homme, mais grâce donnée par Dieu ?

(1) Claude Flipo, ibid. p. 117-8

10 février 2016

Humilité et vérité -2

Cette prière de soeur Térésa nous conduit aussi au décentrement véritable : "Laisser l'amour de Dieu prendre entière et absolue possession d'un cœur ; que cela devienne pour ce cœur comme une seconde nature ; que ce cœur ne laisse rien entrer en lui qui lui soit contraire" 

Si l'on suit ses propos, la contemplation de Dieu "produit l'amour, et la connaissance de soi produit l'humilité.
L'humilité n'est rien d'autre que la vérité. « Qu'avons-nous que nous n'ayons reçu ? » demande saint Paul (1Co 4,7). Si j'ai tout reçu, quel bien ai-je par moi-même ? Si nous en sommes convaincus, nous ne relèverons jamais la tête avec orgueil. Si vous êtes humble, rien ne vous touchera, ni louange ni opprobre, car vous savez ce que vous êtes. Si l'on vous blâme, vous n'en serez pas découragé. Si l'on vous proclame saint, vous ne vous placerez pas sur un piédestal. La connaissance de nous-mêmes nous met à genoux." (1)

(1) Mère Teresa et Frère Roger, La prière, fraîcheur d'une source,  Bayard, 2003, p. 81

14 janvier 2016

Marc 1 - résonances avec Mat 25 et Luc 10

Le texte de l'évangile d'aujourd'hui entre en résonance avec la parabole du bon Samaritain (Luc 10) et l'interpellation de Mathieu 25. Dans le commentaire offert aujourd'hui par l'Aelf on y trouve un autre écho,  le cri de mère Thérèsa : "Les pauvres ont soif d'eau, mais aussi de paix, de vérité et de justice. Les pauvres sont nus et ont besoin de vêtements, mais aussi de dignité humaine et de compassion pour les pécheurs. Les pauvres sont sans abri et ont besoin (...) aussi d'une main secourable et d'un sourire accueillant. Les exclus, ceux qui sont rejetés, ceux qui ne sont pas aimés, les prisonniers, les alcooliques, les mourants, ceux qui sont seuls et abandonnés, les marginalisés, les intouchables et les lépreux..., ceux qui sont dans le doute et la confusion, ceux qui n'ont pas été touchés par la lumière du Christ, les affamés de la parole et de la paix de Dieu, les âmes tristes et affligées..., ceux qui sont un fardeau pour la société, qui ont perdu toute espérance et foi dans la vie, qui ont oublié comment sourire et qui ne savent plus ce que c'est que de recevoir un peu de chaleur humaine, un geste d'amour et d'amitié –- tous, ils se tournent vers nous pour recevoir un réconfort. Si nous leur tournons le dos, nous tournons le dos au Christ." (1)

( 1) Bienheureuse Teresa de Calcutta, Lettre à ses collaboratrices du 10/04/1974 

02 décembre 2014

La charité

Je reviens d'un samedi fort instructif chez les dominicains, au 222 rue du Faubourg sur le thème de la justice, organisé par le GPCF. Nous y avons débattu de la question de notre responsabilité, à la lumière de l'intervention d'un philosophe, qui nous a rappelé ces textes d'Emmanuel Lévinas, que j'aime tant.

Nous y avons eu une discussion intéressante sur le don. Nous n'étions pas tous d'accord. J'ai entendu une phrase qui m'a frappé : "Ce n'est pas parce que je suis un catho qu'il faut tout me demander'. Une réaction qui interpelle.

La logique du don, que j'évoquai à la lumière d'Etant donné de Jean-Luc Marion est-elle inaccessible ? N'est-ce possible qu'en Dieu, avec Dieu.. En Christo  ?
La charité n'est-elle qu'une utopie. Et quels sont nos pauvres ?
Lévinas est excessif, nous dit, un peu abruptement Sibony. Le Christ l'est peut-être aussi pour le monde d'aujourd'hui ! Mais est-il mort pour rien ?

La pauvreté n'a pas disparue... Elle est multi-forme...

A propos des pauvres d'aujourd'hui, je retombe sur ce petit texte de Mère Térésa, qui met peut-être les choses en perspectives...

"Vous qui habitez en Occident, bien plus que la pauvreté matérielle, vous connaissez la pauvreté spirituelle, et c'est pour cela que vos pauvres sont parmi les plus pauvres. Parmi les riches, il y a souvent des personnes spirituellement très pauvres. Je trouve qu'il est facile de nourrir un affamé ou de fournir un lit à un sans-abri, mais consoler, effacer l'amertume, la colère et l'isolement qui viennent de l'indigence spirituelle, cela demande beaucoup plus de temps."

Bienheureuse Teresa de Calcutta (1910-1997), fondatrice des Sœurs Missionnaires de la Charité, No Greater Love, p. 93