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22 juillet 2022

Marie Madeleine 2.75

Il faut peut-être dépasser certains fantasmes parfois érotiques ou picturaux que 2000 ans de fausse « contemplation » ont accumulés sur cette « figure » du nouveau testament pour redécouvrir la véritable quête spirituelle de celle qui a lavé les pieds du maître avant son départ avec un parfum de grand prix et qui sombre dans la douleur d’un bonheur perdu au point de ne plus reconnaître la lumière du Ressuscité…

« Les leçons de Béthanie » de Sylvaine Landrivon m’ont ouvert à une autre contemplation, celle d’une femme forte, habitée par la contemplation de l’essentiel, goûtant, comme sa sœur, d’une belle clairvoyance sur la mission du Fils. On comprend mieux l’amitié profonde qu’il avait pour elle et son frère, et ces larmes qu’il verse pour Lazare.

Le Christ est sa lumière (cf. 2.76) et de sa tristesse, naît un espoir pour l’Église.




Femme pourquoi pleures-tu ? Va…

L’appel lancé à la première des Témoins n’est pas à effacer d’un trait, il doit encore interpeler notre façon de faire Église dans la richesse polyphonique et polyédrique d’un Corps à [re]construire où les Marthe et les Marie ont toutes leurs places.

15 février 2022

Agenouillement et danse 2-33

Erreur de casting ? Est-ce que l’humanité aurait été sauvée de bien des erreurs si Jean avait précisé que Jésus avait lavé aussi les pieds des femmes au Cénacle, signalant ainsi l’importance de leurs rôles dans la fondation de l’Église ? Dans le contexte juif de l’époque et pendant des millénaires, cela aurait été une bombe !

Il faut lire mon livre sur Jean(1) pour percevoir que l’agenouillement de Jésus devant la femme adultère est un pas d’une danse qui a commencé à Cana et se termine au Golgotha avec la Magdaléenne. Il faut surtout lire les « Leçons de Béthanie » (2) dont je poursuis doucement la lecture, pour compléter cette impression de danse de Jésus avec les femmes de Sion qui, d’une certaine façon, n’ont rien à envier aux hommes dans leur clairvoyance théologique.

Peut-être en tout cas n’avait elle pas besoin de voir Jésus à genoux pour percevoir que la diaconie primait sur le pouvoir… et que le rite est stérile face à l’amour en actes et en vérité…

Marthe ou Marie nous précèdent-elles en Galilée ?

Si les « Marie » de Luc et de Jean, si toutes les femmes évoquées par Marc vont si loin(3), y compris jusqu’à la Croix, c’est qu’elles portent peut-être en elles ce que beaucoup d’hommes n’ont reçu souvent que par grâce (4) : le goût ou l’appel de l’indicible. 

Marie a été « visitée » par l’Esprit et a porté l’indicible bien avant la Pentecôte. Les amies de Béthanie vont bien plus loin que les apôtres dans la pré-compréhension du mystère de la Croix que Pierre, en dépit de l’épisode de la Transfiguration…

La foi des disciples est finalement bien plus fragile. Marc et Matthieu ne les évoquent pas au Golgotha. Ils ont fuit et ne vont pas jusqu’à accompagner celui qui était pourtant leur ami. 

Certes Luc 23, 49 parle des amis à distance, mais probablement pour citer le Ps 38, 12…  

Du coup se pose la question : Jean était il vraiment aux pieds de la croix ? Ou est-ce une revendication tardive ? Une image symbolique instillée par une communauté en lutte avec celle de Pierre. 

Je découvre p.41 que Sylvaine (5) se pose la même question.

L’enjeu n’est pas de dire ici qu’il y a une supériorité de la femme sur l’homme, mais de découvrir enfin que l’Eglise est danse polyédrique, symphonie où chacun à sa place, son rôle, ses talents à porter, pour faire Corps, pour faire grandir cette Église en chemin qui reste à construire, dans le souffle de l’Esprit et la grâce des dons reçus. 

A suivre…


(1) A genoux devant l’homme

(2) Sylvaine Landrivon, Les leçons de Béthanie, De la théorie à la pratique, parution le 17/2 au Cerf, p.30 sq

(3) voir danse 2.32

(4) voir danse 2.34

(5) Les leçons, ibid.

07 juin 2020

Les larmes trinitaires - danse trinitaire 2

En guise de corrigé à mon homélie...

Nous ne pouvons affirmer après Job que tout reste mystère. Qui suis-je pour parler de Dieu ?

« À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas,
5 qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui,
le fils d'un homme, que tu en prennes souci ?
6 Tu l'as voulu un peu moindre qu'un dieu,
le couronnant de gloire et d'honneur ;
7 tu l'établis sur les œuvres de tes mains,
tu mets toute chose à ses pieds (Ps 8, 4-7)



« Ce dont nous parlons, c'est de la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, établie par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire.
08 Aucun de ceux qui dirigent ce monde ne l'a connue, car, s'ils l'avaient connue, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire.
09 Mais ce que nous proclamons, c'est, comme dit l'Écriture : ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas venu à l'esprit de l'homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. 10 Et c'est à nous que Dieu, par l'Esprit, en a fait la révélation. Car l'Esprit scrute le fond de toutes choses, même les profondeurs de Dieu.
11 Qui donc, parmi les hommes, sait ce qu'il y a dans l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui ? De même, personne ne connaît ce qu'il y a en Dieu, sinon l'Esprit de Dieu. 12 Or nous, ce n'est pas l'esprit du monde que nous avons reçu, mais l'Esprit qui vient de Dieu, et ainsi nous avons conscience des dons que Dieu nous a accordés.
13 Nous disons cela avec un langage que nous n'apprenons pas de la sagesse humaine, mais que nous apprenons de l'Esprit ; nous comparons entre elles les réalités spirituelles.
14 L'homme, par ses seules capacités, n'accueille pas ce qui vient de l'Esprit de Dieu ; pour lui ce n'est que folie, et il ne peut pas comprendre, car c'est par l'Esprit qu'on examine toute chose.
15 Celui qui est animé par l'Esprit soumet tout à examen, mais lui, personne ne peut l'y soumettre.
16 Car il est écrit : Qui a connu la pensée du Seigneur et qui pourra l'instruire ? Eh bien nous, nous avons la pensée du Christ ! » 1 Co 2, 7-15)


« Nul n'a jamais vu Dieu,
nul ne sait qu'il est Père,
mais Jésus nous l'a révélé. »

℟ Joie de l'homme sauvé,
monte jusqu'à nos lèvres !

Nul ne connaît le Fils,
nul n'en sait le mystère,
mais les pauvres seront comblés.

Nul ne connaît son cœur,
nul n'en sait la misère,
mais l'Esprit vient pour l'habiter.

Nul ne saurait unir
les enfants de la terre,
mais l'amour veut tout rassembler ».(1)

La contemplation de l'Evangile nous donne juste quelques clés de lecture...

On peut partir, par exemple sur la parabole de la vigne pour contempler les larmes du Père
On peut voir Jésus pleurer devant le tombeau de Lazare (Jn 11)
On peut sentir le jaillissement de l'eau et du sang pour percevoir les larmes de l'Esprit...(Jn 19)

Les larmes trinitaires ne cessent de couler. Ce sont les larmes d'un Dieu qui pleure sur l'homme qui refuse de danser....

J'ai joué de la flûte et vous n'avez pas dansé...(Mat 11)

« Étudions la tradition antique, la doctrine et la foi de l'Église catholique. Le Seigneur l'a donnée, les Apôtres l'ont annoncée, les Pères l'ont gardée. C'est sur elle, en effet, que l'Église a été fondée (...).

Il y a donc une Trinité sainte et parfaite, reconnue comme Dieu dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; elle ne comporte rien d'étranger, rien qui lui soit mêlé de l'extérieur ; elle n'est pas constituée du Créateur et du créé, mais elle est tout entière puissance créatrice et productrice. Elle est semblable à elle-même, indivisible par sa nature, et son activité est unique. En effet, le Père fait toutes choses par le Verbe dans l'Esprit Saint, et c'est ainsi que l'unité de la sainte Trinité est sauvegardée. C'est ainsi que dans l'Église est annoncé un seul Dieu, qui règne au-dessus de tous, par tous et en tous.
 Au-dessus de tous, comme Père, comme principe et source ; par tous, par le Verbe ; en tous, dans l'Esprit Saint. ~

Saint Paul, ~ écrivant aux Corinthiens, à propos des dons spirituels, rapporte toutes choses à un seul Dieu, le Père, comme à un seul chef, lorsqu'il dit : Les dons de la grâce sont variés, mais c'est toujours le même Esprit ; les ministères dans l'Église sont variés, mais c'est toujours le même Seigneur, les activités sont variées, mais c'est toujours le même Dieu, qui fait tout en tous. Car les dons que l'Esprit distribue à chacun sont donnés de la part du Père par le Verbe. En effet, tout ce qui est au Père est au Fils ; c'est pourquoi les biens donnés par le Fils dans l'Esprit sont les dons spirituels du Père. Quand l'Esprit est en nous, le Verbe qui nous le donne est en nous, et dans le Verbe se trouve le Père. Et c'est ainsi que s'accomplit la parole : Nous viendrons chez lui et nous irons demeurer auprès de lui. Là où est la lumière, là aussi est son éclat ; là où est son éclat, là aussi est son activité et sa grâce resplendissante.

C'est cela encore que Paul enseignait dans la seconde lettre aux Corinthiens : Que la grâce de Jésus Christ notre Seigneur, l'amour de Dieu et la communion de l'Esprit Saint soient avec vous tous. En effet, la grâce et le don accordés dans la Trinité sont donnés de la part du Père, par le Fils, dans l'Esprit Saint. De même que la grâce accordée vient du Père par le Fils, ainsi la communion au don ne peut se faire en nous sinon dans l'Esprit Saint. C'est en participant à lui que nous avons l'amour du Père, la grâce du Fils et la communion de l'Esprit Saint.

Nul ne saurait unir les enfants de la terre,
mais l'amour veut tout rassembler. »(2)

« L'Écriture dit que le Père est source et lumière : « Ils m'ont délaissé, moi la source d'eau vive » ; (...) « Tu as abandonné la source de la sagesse », et selon Jean : « Notre Dieu est lumière ». Or, le Fils, en relation avec la source, est appelée fleuve, car « le fleuve de Dieu, selon le psaume, est rempli d'eau ». En relation avec la lumière, il est appelé resplendissement quand Paul dit qu'il est « le resplendissement de sa gloire et l'effigie de sa substance ». Le Père est donc lumière, le Fils son resplendissement (...), et dans le Fils, c'est par l'Esprit que nous sommes illuminés : « Puisse Dieu vous donner, dit Paul, un Esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse vraiment connaître ; puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur ». Mais quand nous sommes illuminés, c'est le Christ qui nous illumine en lui, car l'Écriture dit : « Il était la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde ». Et encore, le Père étant source et le Fils appelé fleuve, on dit que nous buvons l'Esprit : « Tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit ». Mais, abreuvés de l'Esprit, nous buvons le Christ car « ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait et ce rocher c'était le Christ ». (...)
Le Père étant « le seul sage », le Fils est sa sagesse, car « le Christ est la force et la sagesse de Dieu ». Or, c'est en recevant l'Esprit de sagesse que nous possédons le Fils et acquérons la sagesse en lui (...). Le Fils est la vie, il a dit : « Je suis la vie » ; mais il est dit que nous sommes vivifiés par l'Esprit, car Paul écrit : « Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts vivifiera aussi nos corps mortels par son Esprit qui habite en nous ». Mais quand nous sommes vivifiés par l'Esprit, c'est le Christ qui est notre vie (...) : « Ce n'est plus moi qui vis, mais c'est le Christ qui vit en moi ».
Quand il existe, dans la sainte Trinité, une telle correspondance et unité, qui pourrait séparer soit le Fils du Père, soit l'Esprit du Fils ou du Père ? (...) Le mystère de Dieu n'est pas livré à notre esprit par des discours démonstratifs, mais dans la foi et dans la prière pleine de respect. »(3)


℟ Joie de l'homme sauvé,
monte jusqu'à nos lèvres


(1) office des lectures du dimanche de la Trinité
(2) Saint Athanase, Lettre à Séraphion, évêque de Thmius, source ibid.
(3) Saint Athanase, ibid. source l'Évangile au Quotidien

09 avril 2020

Au fil de Jean 13 - contempler le Christ à genoux - Homélie du jeudi…

Projet 1 à critiquer / commenter

Voyons nous vraiment avec les yeux du cœur ?

Si nous avions le regard plus attentif, au lieu de chercher Dieu dans les étoiles ou dans les manifestations de puissance, nous pourrions saisir qu'il est là, devant nous, à genoux, comme Marie (Jn 11) ou la femme pécheresse, comme l'esclave qui faisait le geste à son époque.
Le voici à genoux devant Pierre comme devant Judas.
Le voici à genoux devant l’homme*, devant nous, en train de prendre nos pieds avec délicatesse et d'apaiser la fatigue de nos marches, affermir nos hésitations et, surtout pleurer sur le fait que nous ignorons son geste.

Comme le fils qui oublie la peine de sa mère pendant de longues années, comme l'ingrat qui ignore les dons reçus et les considèrent comme propres, nous avons à contempler cet abaissement divin, comme le sommet de toute révélation. C'est devant ce geste de faiblesse, cet agneau immolé, élevé  suite sur la croix, que nous sommes appelés à prendre de la distance par rapport à ce qui nous éloigne de l'essentiel.

Dieu n'est pas dans le tonnerre ou le feu ( cf. 1Rois 19) il est dans ce repas partagé évoqué par Paul (1 Co 6), dans ce geste d'humilité retracé en Jean 13, dans le jusqu'au bout qui donne sens à une vie...

« Ceci est mon corps, qui est pour vous.
Faites cela en mémoire de moi. »



En ce temps de jeûne eucharistique, prenons le temps de contempler que ce n'est pas tant la consommation physique du Corps qui est l'essentiel mais ce Christ qui se donne et se répand comme un fleuve spirituel immense (Jn 19, Ez 47) et à la fois comme la brise légère et insaisissable qui pénètre notre être au delà de toute corporéité. Le Christ se répand de manière plus essentielle que l'eucharistie dans cette réception toute intérieure qui se joue au delà de la présence réelle dans l'intimité d'un cœur à cœur. La liturgie est au service de la révélation, écrin sublime et fragile d'une réalité insaisissable. C'est pourquoi ceux qui ne peuvent communier ne sont pas privés de l'essentiel. Car l'essentiel est ailleurs, il est dans ce désir immense qu’à Dieu de nous habiter et de nous convertir à l'amour. Le moyen est au delà du geste, du lavement des pieds, du pain, de l'eucharistie et du rite, il ne vise que notre réceptivité toute intérieure et fragile de quelque chose qui nous dépasse et nous transcende...

« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. »
(...) Vous m'appelez "Maître" et "Seigneur",
et vous avez raison, car vraiment je le suis.
Si donc moi, le Seigneur et le Maître,
je vous ai lavé les pieds,
vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
C'est un exemple que je vous ai donné
afin que vous fassiez, vous aussi,
comme j'ai fait pour vous. » (Jn 13)

L'interpellation est plus vaste que mon discours, que tout discours.

« Faites ceci en mémoire de moi » n'est-ce pas plus que le geste qui est en jeu. La dynamique sacramentelle (*) dépasse le sacrement.

L'enjeu c'est l'agenouillement, l'enjeu c'est le don...
Ne sacralisons pas l'accessoire.
En nous privant du rite, réalisons que l'essentiel est l'acte d'aimer...

Et contemplons celui qui est là à genoux quand nous courrons vers l’inutile.
« Marthe tu t’agites... » ta sœur a perçu l’essentiel : l’humilité, l’agenouillement, l’amour du faible et du pécheur.

* cf mes essais éponymes.

25 mars 2020

Homélie du 5eme dimanche de carême - Année À - Ez 37, Rom 8 - Jn 11

Où étais-tu ?

S'il ne faut retenir qu'une phrase de ces lectures c'est peut-être, en ces temps de douleur et d'angoisse celle là : « Jésus, en son esprit, fut saisi d'émotion, il fut bouleversé » Jn 11

Les larmes de Jésus au tombeau de Lazare sont la seule réponse au mal qui nous accablent. Il est à nos côtés...

Et c'est cette miséricorde qui est source de vie pour nous et nous conduit à la foi véritable.

Alors pouvons-nous relire et entrer dans la logique de Jean : « Jésus lui dit :
« Moi, je suis la résurrection et la vie.
Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ;    quiconque vit et croit en moi
ne mourra jamais.
Crois-tu cela ? »
    Elle répondit :
« Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. »
    Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas :
« Le Maître est là, il t'appelle. »
  Marie, dès qu'elle l'entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus.
    Il n'était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l'endroit où Marthe l'avait rencontré.
    Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu'elle allait au tombeau pour y pleurer.
    Marie arriva à l'endroit où se trouvait Jésus.
Dès qu'elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit :
« Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »
    Quand il vit qu'elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi,
Jésus, en son esprit, fut saisi d'émotion, il fut bouleversé, et il demanda :
« Où l'avez-vous déposé ? »
Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. »  Alors Jésus se mit à pleurer. »

Si Dieu pleure c'est qu'il est amour, donc étranger à tout mal...(1)

« Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple,
et je vous ramènerai sur la terre d'Israël.   Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j'ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple !  Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; » (Ez 37)

« si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l'Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes.
    Et si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. » (Rom 8)

« Crois-tu cela ? »
La question de Jésus résonne en nous...
Laissons résonner en nous cette parole...
Sortons de nos tombeaux... Les tombeaux de nos peurs, de nos incroyances, de nos doutes. Le chemin de Marthe est exemplaire. Elle nous appelle à croire en ce Dieu qui vient nous visiter. Elle nous pousse plus loin vers l'espérance d'un Dieu qui nous relève dans le silence de nos nuits.

A l'heure où nous vivons reclus, enfermés dans nos doutes, il nous faut entendre la voix presque étranglée du Christ qui va pourtant lui-même vers la mort. 

« Crois-tu cela ? »

« Que l'appel du Seigneur résonne donc à tes oreilles ! Ne les ferme pas aujourd'hui à l'enseignement et aux conseils du Seigneur. Si tu étais aveugle et sans lumière en ton tombeau, ouvre les yeux pour ne pas sombrer dans le sommeil de la mort. Dans la lumière du Seigneur, contemple la lumière ; dans l'Esprit de Dieu, fixe les yeux sur le Fils. Si tu accueilles toute la Parole, tu concentres sur ton âme toute la puissance du Christ qui guérit et ressuscite. (...) Ne crains pas de te donner du mal pour conserver la pureté de ton baptême et mets dans ton cœur les chemins qui montent vers le Seigneur. Conserve avec soin l'acte d'acquittement que tu as reçu par pure grâce. (...)
Soyons lumière, comme les disciples l'ont appris de celui qui est la grande Lumière : « Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5,14). Soyons des luminaires dans le monde en tenant bien haut la Parole de vie, en étant puissance de vie pour les autres. Partons à la recherche de Dieu, à la recherche de celui qui est la première et la plus pure lumière »(2)


(1) pour aller plus loin voire mes essais sur la souffrance "Où es-tu mon Dieu" et "Quelle espérance pour l'homme souffrant ?"
(2) Grégoire de Naziance, Sermon sur le saint baptême, Discours 40; PG 36, 359-425 (Le baptême d'après les Pères de l'Église; coll. Icthus, t. 5; trad. J. Charbonnier - réviseur(s) : F. Papillon; Publication B. Grasset sous la responsabilité de l'Association J.-P. Migne 1962; p. 138s rev.)

17 octobre 2019

Au fil de Luc 11 - Humilité et miséricorde - 4

« Toi, l'homme qui juge, tu n'as aucune excuse, qui que tu sois : quand tu juges les autres, tu te condamnes toi-même car tu fais comme eux, toi qui juges.
    Or, nous savons que Dieu juge selon la vérité ceux qui font de telles choses.
    Et toi, l'homme qui juge ceux qui font de telles choses et les fais toi-même, penses-tu échapper au jugement de Dieu ?
    Ou bien méprises-tu ses trésors de bonté, de longanimité et de patience, en refusant de reconnaître que cette bonté de Dieu te pousse à la conversion ?
    Avec ton cœur endurci, qui ne veut pas se convertir, tu accumules la colère contre toi pour ce jour de colère, où sera révélé le juste jugement de Dieu, lui qui rendra à chacun selon ses œuvres.
    Ceux qui font le bien avec persévérance et recherchent ainsi la gloire, l'honneur et une existence impérissable,recevront la vie éternelle ; mais les intrigants, qui se refusent à la vérité pour se donner à l'injustice, subiront la colère et la fureur.
    Oui, détresse et angoisse pour tout homme qui commet le mal, le Juif d'abord, et le païen. Mais gloire, honneur et paix pour quiconque fait le bien, le Juif d'abord, et le païen. Car Dieu est impartial. (1)

Les textes d'aujourd'hui vont plus loin :
« En ce temps-là, Jésus disait : « Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue et vous passez à côté du jugement et de l'amour de Dieu. Ceci, il fallait l'observer, sans abandonner cela. Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous aimez le premier siège dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques.
    Quel malheur pour vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu'on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. »
    Alors un docteur de la Loi prit la parole et lui dit : « Maître, en parlant ainsi,
c'est nous aussi que tu insultes. » Jésus reprit : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d'un seul » Lc 11, 42-46 Textes liturgiques © AELF.

Depuis que le chapitre 8 de Jean a été écrit, il nous faut être plus prudent sur notre capacité à juger autrui. « Que celui qui n'a pas péché jette la première pierre ».

Humilité et miséricorde (2) constitue l'une des clés de l'avenir de notre Église. Brandir la morale sur les places publiques ne dessert pas la véritable mission confiée à l'homme. L'annonce du kérigme n'est pas à confondre avec le moralisme pharisien.

Jésus est amour.

Les pères du désert avait compris cela : « Malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter »
Un frère qui avait péché fut chassé de l'église par le prêtre ; abba Bessarion se leva et sortit avec lui en disant : « Moi aussi, je suis un pécheur. » (...)
Un frère fauta une fois à Scété. On tint un conseil, auquel on convoqua abba Moïse. Mais celui-ci refusa de venir. Alors le prêtre lui envoya dire : « Viens, car tout le monde t'attend. » Il se leva, et vint avec une corbeille percée qu'il remplit de sable qu'il mit sur son dos et qu'il porta ainsi. Les autres, sortis à sa rencontre, lui dirent : « Qu'est-ce que cela, père ? » Le vieillard dit : « Mes fautes sont en train de s'écouler derrière moi et je ne les vois pas ; et moi, je suis venu aujourd'hui pour juger les fautes d'autrui ? » Entendant cela, ils ne dirent rien au frère, mais lui pardonnèrent.
Abba Joseph interrogea abba Poemen en disant : « Dis-moi comment devenir moine. » Le vieillard dit : « Si tu veux trouver du repos ici-bas et dans le monde à venir, dis en toute occasion : Moi, qui suis-je ? Et ne juge personne. »
Un frère interrogea le même abba Poemen en disant : « Si je vois une faute de mon frère, est-il bien de la cacher ? » Le vieillard dit : « À l'heure où nous cachons les fautes de notre frère, Dieu lui aussi cache les nôtres, et à l'heure où nous manifestons les fautes de notre frère, Dieu lui aussi manifeste les nôtres. »(3)



(1) Rm 2, 1-11
(2) cf. ma trilogie éponyme
(3) Les Sentences des Pères du désert (4e-5e siècles)
Collection systématique, ch. 9, ; SC 387 (Les Apophtegmes des Pères; trad. J.-C. Guy, s.j.; Éds Cerf 1993, p. 427s), source : l'Évangile au Quotidien