31 janvier 2020

Au fil de Marc 4,26-34 - semence et pédagogie divine - amour en toi - 52

« Il en est du règne de Dieu comme d'un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D'elle-même, la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi.
Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »
Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences.
Mais quand on l'a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. » (Marc 4, 27-32)

On peut lire cette parabole sur deux niveaux ; en mode contemplatif pour voir le chemin de Dieu dans l'humanité depuis l'origine, comme une graine fragile qui suscite un vent de fécondité dans une terre libre et réceptive. On entre alors en résonance avec ma recherche déjà commentée plus haut sur la pédagogie divine.

On peut lire aussi cela sous le mode méditatif à la suite de Maxime le Confesseur : « La parole de Dieu (...) paraît bien petite (...) Mais quand elle a été cultivée comme il faut, elle se montre si grande que les raisons nobles des créatures sensibles et intelligibles se reposent sur elle. Car elle embrasse les raisons de tous les êtres. Mais elle-même, aucun être ne peut la contenir. C'est pourquoi celui qui a la foi comme un grain de sénevé peut, par la parole, déplacer la montagne, comme l'a dit le Seigneur (cf. Mt 17,20), c'est-à-dire chasser le pouvoir que le diable a sur nous et changer le fondement.
Le Seigneur est un grain de sénevé, semé en esprit par la foi dans les cœurs de ceux qui le reçoivent. Celui qui l'a soigneusement cultivé grâce aux vertus, déplace la montagne du souci terrestre. Puis, lorsqu'il a chassé de lui-même l'habitude du mal, si difficile à infléchir, il fait se reposer en lui les paroles des commandements et les modes d'existence ou les puissances divines, comme les oiseaux du ciel. (...) Ce n'est pas en dehors de ceux qui cherchent qu'il faut chercher le Seigneur, mais ceux qui cherchent doivent le chercher en eux-mêmes, par la foi qu'ils mettent en œuvre.
Car il est dit : « La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur » (Rm 10,8), c'est-à-dire la parole de la foi, comme le Christ lui-même : la parole de Celui qu'on cherche. »

L'amour est en toi comme un germe, une musique qui t'invite à « danser » sur les places. Ne refusons pas la valse de Dieu.

(1) Saint Maxime le Confesseur, Centurie sur la théologie II, n ° 10-11, 35 (Philocalie des Pères neptiques ; trad. J. Touraille, éd. DDB-Lattès), source : l'Évangile au Quotidien

30 janvier 2020

Marchez vers la lumière - Jean de Naples - Amour est en toi - 51

Il y a une déchirure nécessaire, ce que Paul appelle une circoncision du cœur à la suite de Deutéronome 30, 6ss que je vous propose de contempler : « Le Seigneur ton Dieu te circoncira le cœur, à toi et à ta descendance, pour que tu aimes le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, afin de vivre ; le Seigneur ton Dieu fera tomber toutes les malédictions sur tes ennemis et sur ceux qui te haïssent et te persécutent.
Quant à toi, tu reviendras et tu écouteras la voix du Seigneur, tu mettras en pratique tous ses commandements que je te donne aujourd'hui.
Le Seigneur te comblera de bonheur en toutes tes œuvres : il fera fructifier ta famille, ton bétail et ton sol ; oui, de nouveau le Seigneur prendra plaisir à ton bonheur, comme il prenait plaisir au bonheur de tes pères, pourvu que tu écoutes la voix du Seigneur ton Dieu, en observant ses commandements et ses décrets inscrits dans ce livre de la Loi, et que tu reviennes au Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme.
Car cette loi que je te prescris aujourd'hui n'est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte.
Elle n'est pas dans les cieux, pour que tu dises : « Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? »
Elle n'est pas au-delà des mers, pour que tu dises : « Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? »
Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique.
Vois ! Je mets aujourd'hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur.
Ce que je te commande aujourd'hui, c'est d'aimer le Seigneur ton Dieu, de marcher dans ses chemins, de garder ses commandements, ses décrets et ses ordonnances. Alors, tu vivras et te multiplieras ; le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession.
Mais si tu détournes ton cœur, si tu n'obéis pas, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d'autres dieux et à les servir, je vous le déclare aujourd'hui : certainement vous périrez, vous ne vivrez pas de longs jours sur la terre dont vous allez prendre possession quand vous aurez passé le Jourdain. Je prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c'est là que se trouve ta vie, une longue vie sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. »

L'oraison de l'office des lectures continue ainsi : « Jésus, le Seigneur, est venu pour que nous ayons la vie. Si tu reviens au Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, il te rassemblera à nouveau du milieu des peuples. Serais-tu égaré à l'extrémité des cieux, même là le Seigneur ton Dieu viendra te prendre. Je te propose aujourd'hui la vie ou la mort : choisis la vie, en aimant le Seigneur ton Dieu.

Ce choix est celui de la lumière, comme le suggère Jean de Naples : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je peur ? C'était un grand serviteur, celui qui savait comment on était éclairé. Il voyait la lumière, non pas celle qui baisse sur le soir; mais cette lumière que l'œil ne voit pas. Les âmes éclairées par cette lumière ne courent pas vers le péché, ne trébuchent pas dans le vice.
Le Seigneur disait en effet : Marchez tant que vous avez la lumière. De quelle lumière parlait-il, sinon de lui-même ? Il a dit en effet : Moi, la lumière, je suis venu dans le monde, afin que ceux qui voient ne voient plus, et que les aveugles reçoivent la lumière. C'est donc lui, le Seigneur, qui est notre lumière, notre soleil de justice, lui qui a fait rayonner son Église catholique répandue partout, et c'est pour l'annoncer que le Prophète s'écriait : Le Seigneur est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je peur ?
L'homme éclairé intérieurement ne boite pas, il ne s'écarte pas du chemin, il supporte tout. Celui qui voit de loin la patrie endure les difficultés, ne s'attriste pas des épreuves temporelles mais trouve sa force en Dieu : il abaisse son cœur, et il endure : son humilité entraîne la patience. Cette lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde se donne à ceux qui craignent Dieu, se répand en celui que le Fils veut, partout où il veut, elle se révèle à qui le Fils de Dieu veut.
Celui qui était assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort — dans les ténèbres du mal et dans l'ombre du péché — lorsque la lumière se lève, a horreur de lui-même, s'humilie, se repent, rougit de honte et dit : Le Seigneur est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je peur ? Ce salut est une grande chose, mes frères. Ce salut ne craint pas la faiblesse, ne redoute pas la fatigue, ne voit pas la douleur. ~ Nous devons donc crier de toutes nos forces, non seulement vocales mais spirituelles : Le Seigneur est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je peur ? Si c'est lui qui éclaire, si c'est lui qui sauve, de qui aurais-je peur ? Que viennent les brouillards des tentations, le Seigneur est ma lumière. Elles peuvent venir, elles ne peuvent pas gagner ; elles peuvent assaillir notre cœur, mais non le vaincre. Que vienne l'aveuglement des passions, le Seigneur est ma lumière. Il est notre force, lui qui se donne à nous ; aussi donnons-nous à lui. Accourez au médecin pendant que vous le pouvez, pour éviter de le vouloir quand vous ne le pourrez plus. » (1)

Vers toi j'ai les yeux levés,
Seigneur qui te tiens au ciel.
Le jour du Seigneur arrive
comme un voleur en pleine nuit.
Vous qui êtes enfants de la lumière,
enfants du jour, restez éveillés et sobres.
Toujours joyeux, priez sans cesse,
en toute condition, soyez dans l'action de grâce.

Ne mettons pas la lumière sous le boisseau.

(1) Jean de Naples, Homélie, source AELF, office des lectures du 30/1/20

Distance comme devenir - Bernard Sesboué

Par rapport à l'affirmation aux multiples traductions d'Exode 3,14 : « Je suis celui qui suit » sainte Catherine attribue au Christ ce commentaire : « Je suis celui qui suis, tu es celle qui n'est pas », nous rapporte Bernard Sesboué(1) en soulignant « cette différence absolue (...) [la] finitude crée (...) [le] devenir » de l'homme où se joue la prise de « distance par rapport à soi-même », ce que Grégoire de Nysse appelle la diastasis, Basile de Césarée le diastèma et Augustin la distensio, un passage du néant à l'être. (1)

Quel est l'enjeu ? Est-ce « l'autrement qu'être » de Levinas, le décentrement, la fission du cœur dont parlait Ratzinger au JMJ de Cologne ?

Tout passe probablement d'abord par une contemplation, celle du créateur qui se donne et s'efface pour conserver notre liberté, première théophanie du buisson ardent qui précède le don et la nudité du Christ à une distance infinie de lui-même...

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 52ss

28 janvier 2020

Création et pédagogie divine - Sesboué

Je trace ici la suite d'un travail en cours sur la « pédagogie divine », déjà entamé il y a quelques années que je reprend doucement. Comme le souligne Bernard Sesboué, les premiers chapitres de la Genèse sont dans ce cadre, « des mythes au sens positifs (...) des contes inventés (...) intégrés dans [le] projet narratif et historien » (1) de Dieu. Ils préparent à la révélation et sont, en un sens, partie intégrante de la pédagogie divine.

L'articulation (2) entre les histoires surnaturelles racontées par la Genèse, l'histoire de l'homme et du péché et la personne du Christ constitue en fait pour lui une « matrice » (2) dans laquelle se construit cette pédagogie divine. Dès le chapitre 1, l'articulation entre image (bə·ṣal·mê·nū) et ressemblance ( kiḏ·mū·ṯê·nū) donne le ton, longtemps commenté par les pères de l'Église, de cette double dynamique et distance entre les pas de Dieu vers l'homme et ceux de l'homme vers Dieu qui trouvent leur symbiose symphonique en Christ.(3)

C'est en un sens tout l'enjeu de la rencontre entre Dieu et l'homme qui se joue déjà. Dieu a déjà, par essence, une dimension d'altérité dans sa dimension trinitaire. L'arrivée de l'homme est un autre enjeu ou se conjugue distance et liberté. Dieu et l'homme vont petit à petit se pencher l'un vers l'autre : Dieu par amour, l'homme par cette révélation progressive extérieure et intérieure qui le conduit progressivement à ressentir ce Dieu qui se livre à lui, dans une nudité et une exposition dynamique où culmine la Croix.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 41
(2) p. 42 ss
(3) cf. mes travaux sur la « danse trinitaire ».

PS : « kid mut » à 2 seules occurrences dans la bible, dont Dan 10, 16, qui introduit cet être particulier à l’apparence humaine ; le fils de l’homme ?

« Que ta volonté s’accomplisse en moi ! » - la prière

« Que ta volonté s'accomplisse en moi ! »
Il y a là tout l'enjeu d'une conversion intérieure et d'un abandon ou un décentrement que l'on se refuse souvent de faire.

Est-ce une soumission ou juste les derniers soubresauts de l'orgueil qui résistent en nous et nous empêchent de prendre « la voie » dont parle saint Jean de la Croix ?

Écoutons un moine égyptien du IV eme siècle, Evagre : « Ne prie pas pour l'accomplissement de tes volontés ; car elles ne correspondent pas nécessairement avec la volonté de Dieu. Mais plutôt, suivant l'enseignement reçu, prie en disant : Que ta volonté s'accomplisse en moi (cf. Mt 6,10) ; et ainsi en toutes choses, demande-lui que sa volonté se fasse, car lui, il veut le bien et l'utilité de ton âme, mais toi, tu ne cherches pas nécessairement cela.
Souvent dans mes prières, j'ai demandé l'accomplissement de ce que j'estimais bon pour moi, et je m'obstinais dans ma requête, violentant sottement la volonté de Dieu, sans m'en remettre à lui pour qu'il ordonnât lui-même ce qu'il savait m'être utile ; et pourtant, la chose reçue, grande fut ensuite ma déception de n'avoir pas demandé plutôt l'accomplissement de la volonté de Dieu, d'avoir demandé de préférence l'accomplissement de mon vouloir, car alors la chose ne fut pas trouvée telle que je me l'étais figurée.
Qu'il a-t-il de bon, si ce n'est Dieu ? Par conséquent, abandonnons lui tout ce qui nous concerne et nous nous en trouverons bien. Car celui qui est bon, est nécessairement aussi pourvoyeur de dons excellents. Ne t'afflige pas si tu ne reçois pas immédiatement de Dieu ce que tu demandes ; c'est qu'il veut te faire encore plus de bien par ta persévérance à demeurer avec lui dans la prière. Quoi, en effet, de plus élevé que de converser avec Dieu et d'être abstrait dans son intimité ? (…) Ne veuille pas que ce qui te concerne s'arrange selon tes idées, mais selon le bon plaisir de Dieu ; alors tu seras sans trouble et plein de reconnaissance dans ta prière (1)

(1) Évagre le Pontique, Chapitres sur la prière n° 31-34, 89 attribués à tort à Nil l'ascète (Philocalie des Pères neptiques ; trad. J. Touraille, Ed. DDB-Lattès), source : l'Évangile au Quotidien

Prière, décentrement, abandon, amour en toi, volonté, orgueil, Évagre

26 janvier 2020

Lumière du Christ et conversion intérieure - Saint Colomban


« Sur ceux qui habitaient dans le pays de l'ombre et de la mort, une lumière s'est levée »
Christ, daigne allumer toi-même nos lampes, toi notre Sauveur plein de douceur ; fais-les brûler sans fin dans ta demeure, et recevoir de toi, lumière éternelle, une lumière indéfectible. Que ta lumière dissipe nos propres ténèbres, et que par nous elle fasse reculer les ténèbres du monde. Veuille donc, Jésus, je t'en prie, allumer ma lampe à ta propre lumière, et qu'ainsi, à cette clarté, m'apparaisse le Saint des saints où toi, Prêtre éternel des temps éternels, tu fais ton entrée sous les portiques de ce temple immense (He 9,11s). Qu'à ta lumière je ne cesse de te voir, de tendre vers toi mon regard et mon désir. Alors, dans mon cœur, je ne verrai que toi seul, et en ta présence ma lampe sera toujours allumée et ardente.
Fais-nous la grâce (...), puisque nous frappons à ta porte, de te manifester à nous, Sauveur plein d'amour. Te comprenant mieux, puissions-nous n'avoir d'amour que pour toi, toi seul. Sois, nuit et jour, notre seul désir, notre seule méditation, notre pensée continuelle. Daigne répandre en nous assez de ton amour pour que nous aimions Dieu comme il convient. Remplis-nous de ton amour (…), pour que nous ne sachions plus rien aimer sinon toi, qui es éternel. Alors les grandes eaux du ciel, de la terre et de la mer ne pourront éteindre en nous une si grande charité, selon cette parole du Cantique des cantiques : « Les grandes eaux n'ont pas pu éteindre l'amour » (8,7). Qu'en nous se réalise, en partie tout au moins, ce progrès de l'amour par ta grâce, Seigneur Jésus » (1)

Ruminatio
Oratio
Contemplation



Comme le disait de manière imagée Mgr Christory dans son homélie d'hier, tournons nos paraboles vers le Christ, il est la vraie lumière....

Qu'en ce premier dimanche de la Parole, nous soyons éclairés par cette source unique du Verbe fait chair.

(1) Saint Colomban (563-615), moine, fondateur de monastères, 12e Instruction spirituelle, 2-3 (Livre des jours – Office romain des lectures ; Le Cerf – Desclée de Brouwer – Desclée – Mame ; © AELF Paris 1976 ; 28e mar.), source : l'Évangile au Quotidien

18 janvier 2020

Quelle prière ? Jaques Ellul

Un petit rappel de Jacques Ellul, trouvé par Gilles Boucomont, que je ne résiste pas de reproduire ici... Tentation pharisienne, vieille comme le monde ?
——
La prière obligée ouvrant des réunions d’administration de l’Eglise. Conseils presbytéraux, régionaux, etc. Les hommes, chargés d’un ministère, qui gèrent les finances, font la stratégie de l’Eglise, exercent l’autorité, se sentent obligés de prier lorsqu’ils se réunissent. Assurément l’intention est bonne : placer ce que l’on va faire dans ce domaine « sous le regard de Dieu ». Assurément, ces responsables doivent pouvoir prier ensemble. Pourquoi donc cela paraît-il aussi formel, aussi extérieur, aussi insignifiant ? Je ne puis plus supporter ces innombrables invocations au Saint-Esprit. Je ne puis plus croire à une action quelconque de cet ordre de prières. Alors que nous sommes si manifestement dénués de la présence et de la force du Saint-Esprit, que signifient ces prières de requête dont on sait d’avance que si elles étaient exaucées, si jamais le Saint-Esprit était donné, cela bouleverserait tous les plans financiers, toutes les prévisions, toutes les sages administrations ?Prières de pure forme, même quand celui qui la prononce est plein de piété, pour couvrir la médiocrité de nos décisions. Prière officielle qui nous permet ensuite de gérer selon nos propres idées, avec nos faiblesses, nos incapacités quelque chose que nous reconnaissons être à Dieu sans lui laisser la moindre place pour y exprimer sa volonté. Prière qui sert à nous donner bonne conscience en acceptant que l’Eglise soit encore la médiocre affaire que nous savons. Prière fictive, qui affirme des lèvres que nous sommes au service du Seigneur alors que nous faisons très bien nos affaires tout seuls. Prière de couverture : en règle avec Dieu au début de la séance parce que nous l’avons invoqué, nous nous sentons d’autant plus libre de ne pas tenir compte du Seigneur dans la suite des discussions… Et j’ai toujours considéré que ces prières tombaient dans un grand silence — et que seul le vide nous répondait. Et j’ai toujours été humilié lorsque j’étais chargé, dans de telles séances, de faire de telles prières, acceptant par convention sociale de faire ce que je voyais clairement être en fait une atteinte à l’honneur de Dieu. »(1)

(1) Jacques Ellul L’impossible prière, éditions Le Centurion, 1970, pp. 27-28

03 janvier 2020

Au fil de Luc 10, l’amour du prochain ?

« L'amour de Dieu est premier dans l'ordre des préceptes ; l'amour du prochain est premier dans l'ordre de la pratique. Car celui qui t'a prescrit cet amour en deux préceptes ne t'a pas recommandé le prochain d'abord, et Dieu ensuite ; mais Dieu d'abord, et le prochain ensuite.

Quant à toi, parce que tu ne vois pas encore Dieu, c'est en aimant le prochain que tu mérites de voir Dieu ; en aimant le prochain, tu purifies ton regard pour voir Dieu. C'est ce que saint Jean dit de façon évidente : Si tu n'aimes pas ton frère, que tu vois, comment pourrais-tu aimer Dieu, que tu ne vois pas ?

Voici que l'on te dit : Aime Dieu. Si tu me dis : Montre-moi celui que je dois aimer, que répondrai-je, sinon ce que dit saint Jean : Dieu, personne ne l'a jamais vu ? Mais ne t'imagine pas que tu es absolument exclu de la vie de Dieu ! Saint Jean nous dit : Dieu est amour, et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu. Aime donc le prochain, regarde en toi d'où te vient cet amour du prochain ; là tu verras Dieu, dans la mesure où cela te sera possible.

Mets-toi donc à aimer le prochain. Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne méprise pas ton semblable. ~

En agissant ainsi, qu'obtiendras-tu ? Alors ta lumière jaillira comme l'aurore. La lumière, c'est ton Dieu. C'est une aurore, parce que son avènement se produira pour toi après la nuit de ce monde. Car cette lumière-là ne se lève pas, ne se couche pas : elle demeure toujours.

En aimant le prochain, en prenant soin de ton prochain, tu es en route. Où cela, si ce n'est vers le Seigneur Dieu, vers celui que tu dois aimer de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit ? Car nous ne sommes pas arrivés jusqu'au Seigneur, mais nous avons le prochain avec nous. Porte donc celui avec qui tu marches, pour parvenir à celui avec qui tu désires demeurer. »



(1) Saint Augustin, commentaire de l'Evangile de Jean, source AELF


02 janvier 2020

Gilles Rebêche - Tu as dressé devant moi une table

En tant que diacre, je ne peux que souscrire au fait que l'art du « service des tables » est l'art d'apporter, « au nom de Dieu, du réconfort aux épuisés et aux déprimés, de l'énergie vitale à ceux qui sont découragés d'eux-mêmes et de leur vocation sur cette terre »? C'est « la signature prophétique d'une Présence de confiance », celle que réalise Jésus lorsqu'il vient s'asseoir « à la table des publicains et des pécheurs ». C'est l'éternel dialogue de Marthe et de Marie, du savoir-faire et du savoir-être. Jésus ne compare pas mais « il met en perspective ce qui est le plus important ». (1)

Un agenouillement...

À chaque fois que je soulève le calice, dans la doxologie finale, quelque chose de cet ordre est sugnifié

Gilles Rebêche, Tu as dressé devant moi une table
Éditions de l'Atelier, 109 p., 13 €, source article de Pascal Ruffenach in La Croix du 2/1/20

Solitude de la plume - Vladimir Volkoff

"Certains écrivains affectent de mépriser la publication de leurs écrits, affirment qu'ils travaillent pour eux-mêmes, prétendent même voir là quelque noblesse, mais je n'en crois rien : cela dépasserait les capacités de l'égoïsme humain. Tout homme qui crée a le sentiment justifié de composer une oeuvre unique qu'aucun être ne pouvait produire à sa place. Et il aurait l'incroyable avarice d'en priver autrui ? Non ; écrire pour soi ne peut être qu'une forme de dépit, ou alors fiction commode, du genre échafaudage qu'on effacera soigneusement, l'œuvre achevée. En vérité, nous écrivons pour ceux qui nous ressemblent plus que pour nous-mêmes ou pour le reste de l'humanité ; et, s'il se trouve que, temporairement nous n'avons pas de frère spirituel à portée de lecture, il faut bien nous dédoubler et, afin de travailler pour l'autre, feindre de travailler pour nous" (1)

Beaucoup de vérité dans cette introduction de Volkoff. Même si je me cache souvent derrière l'affirmation que j'écris pour moi je dois confesser, soit que je trouve peu de ceux qu'il appelle les "frères spirituels", soit une grande solitude et frustration, soit la simple constatation que mes écrits doivent être bien pauvres.

Si certains de mes romans ont un certain succès avec plusieurs dizaines de ventes par mois (65 pour le tome 1 de ma saga de 19 tomes en décembre), ceux auxquels je tiens le plus sont tirés à raison de deux ou trois par an et mes essais n'intéressent personne.
Et pourtant chaque page est souvent le meilleur de moi-même...

Les limites de l'écriture... et de l'autopublication à laquelle j'ai cédé après trop de portes fermées dans un monde de surabondance.

Ma joie provient du sourire de mes proches les plus fidèles, ceux qui vibrent encore à chaque page, même si je ne connais que deux ou trois personnes qui ait lu plus de 3000 de mes pages..

Merci aux quelques lecteurs qui me font parfois la joie de témoigner de leur intérêt...

Pourquoi est-ce que je m'accroche ?
Probablement parce que ma quête me dépasse, que l'écriture cisèle en moi quelque chose et que mon côté introverti trouve ici un exutoire.

Et puis il y a l'interaction constante entre le réel, mes lectures, ma foi, l'Ecriture et l'écriture... c'est peut-être cela qui me conduit.

Alors à toi l'inconnu qui liras ces lignes, j'espère qu'au delà de l'orgueil inévitable de l'auteur, tu trouveras dans ces pages une voie intérieure.




(1) Vladimir Volkoff, les humeurs de la mer, Olduvaï, p. 7