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25 novembre 2021

Danse tragique avec la royauté ? - 15

Quelle est cette royauté que nous vénérons aujourd’hui ?  Elle est probablement aux antipodes de tout concept humain puisque le trône de notre roi est un gibet…

Non pas une royauté extérieure, mais le règne de la Vérité en nous, qui nous libère de l’apparence et stimule notre humilité par rapport aux dons du Père…


J’ai toujours un peu de mal avec l’expression qui est pourtant au cœur du sacrement de baptême : Dieu fait de nous des rois…

J’ai trouvé un jour cette nuance que je préfère : Dieu fait de nous des serviteurs du Royaume…


Cette réflexion rebondit avec une introspection récente sur la tentation de l’ordonné… Il n’est pas difficile de percevoir que dans notre Église toute initiative de pouvoir conduit à des dérives.

Qu’elle soit pour un prêtre comme pour un laïc engagé… une femme en charge du caté ou un sacristain trop zélé…

C’est peut-être l’enjeu d’une vraie démarche synodale. 

A commencer par moi-même, qui, pendant mon chemin diaconal avait de beau discours sur la tentation d’être clerc et qui ai pris pourtant plaisir parfois à monter en aube à l’autel. Dur souvent de résister… heureusement que ma tendre épouse n’est pas tendre sur ce point. Elle connaît trop les failles de mon humanité 🙂


Ce plaisir est inhérent à la fonction et atisé par le regard des paroissiens qui vous sanctifie sans discernement. Et vous appelle « mon père » alors que Claude est mon prénom 🙂 


C’est probablement pourquoi la quête des prêtres ouvriers ou des séculiers, sans soutane ou croix affichée, des jésuites sans col romain dans le monde, incarnés et discrets reflétera toujours mieux la kénose (dépouillement) christique que tous les ornements liturgiques, la blancheur virginale de certains réguliers et les soutanes rutilantes payées à prix d’or dans certaines boutiques romaines…


La solitude du prêtre de campagne reflète plus pour moi l’Église en marche que le cléricalisme urbain, mis à part certains vieux vicaires méprisés parce qu’ils ont perdu leurs statuts… et qui pourtant sont plein d’une sagesse humble.


C’est ce qui a motivé en tout cas mon désir de quitter la métropole pour prendre la route chaque WE et rejoindre mon curé solitaire et lui apporter mon fraternel soutien…


Ce qui me motive le plus, c’est qu’il a quitté à 64 ans son Afrique natale pour servir l’Église dans sa fragilité et que sa bonne humeur fait revivre 12 petits clochers bien pauvres, même si la paroisse est 1,5 x plus vaste que Paris… 


Pendant ses trois premières années ici, il a vécu dans un presbytère en ruine, avec une bassine dans sa chambre, qui recueillait l’eau qui traversait le toit (heureusement c’est fini, il est au chaud… )


Quel contraste avec les ors parisiens…

A quand une vraie péréquation ?

Pour moi, en dépit de ses faiblesses, de ses coups de cœur, il est en chemin vers cette sainteté ordinaire dont parle François…


Il incarne ce que j’ai écris il y a 15 ans, dans « cette Église que je cherche à aimer ». Je déteste cette expression « donnez nous des saints prêtres » car il serait tellement plus simple de dire, donnez nous des saints…Je pense que parce qu’il est un homme « donné » mon curé marche dans cette direction, dans la dynamique particulière de Ph. 3.


Les vrais saints ne portent pas souvent d’aubes blanches, ils sont trop occupés à laver les pieds des souffrants. Souvent je me dis que ma diaconie n’est que façade à côté de ceux qui sont l’amour agissant…


Combien de fois, en écoutant l’un et l’autre parler de ce qu’il fait pour le royaume je me sens bien petit. Parfois même je glisse à la personne qu’elle est bien plus « diacre » que moi.


Dansez avec le roi de nos vies, c’est découvrir les signes de l’amour chez autrui. 

Reprendre alors le cri d’Augustin : Tu étais là et je ne le savais pas…


Mardi, je vais « monter » à l’autel à la demande appuyée d’un père et d’une mère qui souhaite me voir accompagner leur souffrance (perte d’un enfant de 21 ans). J’aurais préféré rester dans la « fosse commune »… la souffrance d’une mère qui accompagne son fils pendant ses 18 mois de cancer et jusqu’à la fin est une vraie diaconie. Elle est « danse tragique » avec la royauté du Christ souffrant …

05 septembre 2021

Effata ! Ouvre toi.

La danse de Dieu vers l’homme est folie à nos yeux comme celle de David devant l’arche qui déplaît tant à son épouse. Voici Jésus parti à la « périphérie » dans un terrain lointain de la Décapole, loin des juifs et de l’aveuglement de ceux qui croient être le « peuple unique »…

Et c’est là qu’avec des gestes tendres, des gestes très physiques qu’il fait renaître l’espérance d’Isaïe. Le boiteux bondira comme un cerf…

Alors que certains rêvent sur leur rétroviseur, il nous faut continuer de croire que Dieu vient visiter ceux qui sont perdus, sans oreilles et sans voix…

Jésus lève les yeux au ciel et soupire.

Lui le fils peut-il y arriver seul ?

Non c’est dans la danse trinitaire (1) que se joue la guérison.

Ce qui semble impossible à l’homme n’est possible que par la grâce divine. Les semences du Verbe et de l’Esprit (2) sont plus tenaces que nos rites et nos catéchismes, la vengeance de Dieu annoncée par Isaïe n’est pas violence humaine, elle est tendresse de Dieu, lumière dans la nuit.

« Alors se dessilleront les yeux des aveugles et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. »(Isaïe 35)

Ouvre toi…

Je ferai de toi un « apôtre »

Hier, le petit Simon que j’ai baptisé et qui me demandait pourquoi on faisait une croix sur son front à l’entrée de l’Église a bien compris le signe de Jésus sur ses oreilles. Je lui ai dit qu’il pourrait mieux entendre ses parents lui dire je t’aime. Il fallait voir son regard vers son papa et son sourire.

Je n’ai pas entendu ce qu’il a dit à son père. Je deviens sourd, mais Simon a devant lui l’avenir… 

Prions pour lui et pour le petit Milo ce matin, premier enfant du premier mariage que j’ai célébré, baptisé tout à l’heure.

« Je serai qui je serai » Ex 3

Aujourd’hui est un jour d’espérance.

Telle est ma foi…


(1) cf. mon livre éponyme 

(2) voir sur ce point la thèse d’Hans Urs von Balthasar dans la troisième partie de sa trilogie 

(3) beau commentaire de MN. Thabut ce matin à découvrir sur Maison d’Évangile - La Parole Partagée

05 mars 2021

Danse avec Michel Rondet - 38

 Danse avec Michel Rondet -38

Pour continuer dans l’hommage à la spiritualité de Michel Rondet, et en écho à une longue discussion que j’ai eu avec lui à la Baume les Aix il y a plus de 20 ans, je dirais que son souci de l’accompagnement inductif est, d’une certaine manière en phase avec la pastorale d’engendrement longtemps développée par P. Bacq et C. Theobald(1).

Il s’agit d’abandonner un enseignement de certitudes figées pour partir de cette inhabitation en l’homme qui l’appelle et le pousse à aimer.

Un chemin en fait très rahnérien et probablement aussi très ignacien, qui cherche à pousser l’homme au discernement intérieur et le conduit sur ses chemins sans forcer un discours.

Agenouillement devant l’homme(2), pédagogie du polyèdre(3), pastorale du seuil (4) et de la périphérie...?

L’enjeu est finalement d’oublier nos catéchismes trop scolaires pour retrouver l’homme dans son éternelle quête du divin.

N’est-ce pas finalement le chemin kénotique du Christ à Emmaüs, qui rejoint l’homme perdu sur les routes de Palestine, donne un sens à leurs quêtes et disparaît dans la fraction du pain, de peur d’imposer une présence qui est déjà semence en l’homme.

Nos quêtes se rejoignent quand la danse du Verbe vient réveiller chez nous une flamme vacillante, fait vibrer nos cordes intérieures à la musique divine.

C’est ce que j’appelle la danse trinitaire (5).


Ramener au centre(6) n’est-ce pas, comme le souligne aussi Kasper, en venir à résumer le problème en « Jésus-Christ oui, l'Église non ! Ce qui les intéresse, ce n'est pas le Christ que prêchent les Églises ; ce qui les rend attentifs, c'est Jésus lui-même et son affaire[7].» La réponse que l'on tend à donner, selon lui, c'est de montrer que le christianisme est devenu objectif dans l'Église. Mais alors, souligne-t-il, Jésus Christ risque d'être accaparé par l'Église et l'Église risque de prendre la place de Jésus[8] ». 

« La "pastorale d'engendrement" [qui] puise son inspiration dans une certaine manière de se référer aux récits fondateurs ne prétend pas se substituer aux autres modèles pastoraux (…). Elle renvoie à l'expérience humaine (…), évoque tout d'abord les paroles et les gestes de l'homme et de la femme qui s'aiment et qui s'unissent pour donner la vie. En s'offrant ainsi l'un à l'autre (…), ils s'engendrent mutuellement et donnent la vie à un nouvel être qui, à son tour, les engendre à devenir parents[9] ».

Il s'agit de transmettre une manière d'être, faite d'accueil et de don, mais surtout redonner une certaine « fécondité à l'Évangile », susciter une « contagion relationnelle » autour de la Parole de Dieu, vecteur de relecture et d'interpellation personnelle et communautaire. »(10).

On n’est pas éloigné de ce que prêchait aussi Joseph Moingt dans « l’Evangile sauvera l’Église » et finalement de ce que j’ai lancé sur la pointe des pieds dans mon projet de Maison d’Evangile sur FB (11). Un lieu où la Parole danse avec nous.



(1) « Une nouvelle chance pour l'Évangile, Vers une pastorale d'engendrement, sous la direction de Philippe Bacq, sj et Christoph Théobald, sj, Lumen Vitae, Novalis, Éditions de l'Atelier, Bruxelles 2004 »

(2) (4) et (5) cf. mes livres éponymes librement téléchargeables sur Kobo

(3) pour reprendre l’expression fréquente de notre pape.

(6) pour paraphraser le titre d’un beau livre d’Hans Urs von Balthasar

(7) « W. Kasper, Jesu der Christus [Jésus le Christ], Matthaus Grünewald Verlag Mayence 1974, Tr. fr. J. Désigaux et . Lefooghe 4° Edition, Cogitatio Fidéi, Oct 1991, p. 33

[8]     ibid. p. 34

[9]   Une nouvelle chance pour l’Evangile, op. cit. p. 16-17

(10) Extrait de Pastorale du seuil, Claude J. Heriard, op. cit.

(11) https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/

14 juin 2019

Solitude périphérique, effacement et espérance - 5


Nous arrivons à la confluence entre deux sujets déjà développés dans ces pages entre les questions de périphérie et d'effacement. Comme souligne Christoph Theobald (1) en citant Lumen Gentium : « dans ces communautés, même si souvent elles sont petites et pauvres ou vivent la dispersion, est présent le Christ, par la vertu duquel s'assemble l'Église une, sainte et apostolique». LG26.

Même si la dimension cléricale et institutionnelle de l'église est amenée à baisser, voire disparaître (peut-on rêver ?) c'est peut-être là, dans ses périphéries humbles et parfois effacées que le Christ peut rester vivant, rayonner et redonner à l'Église sa fonction et dynamique sacramentelle(2), première et en cela véritablement évangélique. 

L'enjeu est de reconstruire sur l'essentiel : la communauté de base, vivant autant que possible l'Evangile au quotidien loin des positions souvent pharisiennes d'une institution qui en ne cessant de se cléricaliser n'ont cessé de tuer l'esprit du christianisme tel que cherche à le décrire J. Moingt dans son livre éponyme (cf. par ailleurs - ou sa thèse plus ancienne in L'Évangile sauvera l'Église).
Est-ce accessible? Pas humainement mais par le travail de l'Esprit dans les cœurs, en s'effaçant encore plus devant la volonté du Père, kénose de l'Église qui entre en résonance avec la kénose trinitaire. Un chemin ardu mais source de la réelle évangélisation, celle qui agit dans l'intérieur de l'homme.

"L'unité du genre humain ne [passera pas] par la construction d'une civilisation mondiale, elle viendrait, ici et maintenant, dans la plus humble des rencontres... (...) l'Église naît où la foi s'engendre (...) capacité d'un être à faire crédit à la vie, à rester debout", engendrement fragile à l'image de cette naissance évoquée plus haut. (3)




(1) Christoph Théobald, Paroles humaines, parole de Dieu, Salvator, 2015, p. 71
(2) cf. mon livre éponyme 
(3) Christoph Théobald, ibid. p. 73

06 juin 2019

Solitude périphérique - 3

L'enjeu est d'aller au bout du monde à la recherche de ceux qui ne croient plus en Dieu, qui souffrent, qui souffrent sans comprendre. Tel est l'enjeu d'une pastorale du seuil (1) véritable. Le rite n'a pour eux plus aucun sens et pourtant ils sont demandeurs de quelque chose. Quelque chose à trouver, à travailler, à faire naître, à faire revivre.

Comment accueillir ces quêtes, ces peurs, ces besoins de reconnaissance, de bénédictions, de rassemblements, de liturgie qui sont étrangères à tous nos rites et pourtant friands de rituel...

Comment entendre, écouter, faire naître et jaillir, sans imposer, juger, réduire, comparer.

Quelle kénose ? Quelle diaconie ?

Ce ne sont probablement pas les mots qui touchent, mais autre chose, le regard, l’attention, l’écoute, la capacité à les rejoindre comme ils sont...

Le champ reste à labourer et la terre est souvent desséchées, les graines sont en attente, semences dû Verbes enfouies et prête à s’abreuver à la source vive d’un Amour oublié...



(1) cf. mon livre éponyme

12 mai 2019

Solitude périphérique

Aller à la périphérie n'est pas de tout repos.
Après avoir beaucoup dépensé d'énergie, se trouver démuni devant un auditoire d'une petite centaine de personnes qui ne savent pas répondre à « Le Seingneur soit avec vous »...
[Il faut dire que le « et avec votre Esprit » pose alors question....
Est-ce le mien seulement ?]

Enchaîner sur un rituel et terminer sur un Notre Père dit presque tout seul, si ce n'est la voix de ma femme, frêle et chancelante derrière moi... alors que j'ai précisé que le texte était dans le livret en couleur....

Balbutier et trébucher sur ses mots....

Voir les jeunes mariés féliciter les deux chanteuses de gospel et ne rien dire au « ministre »...

Ministre de quoi....?

Et je ne parle pas du vicaire que j'ai « remplacé » qui, un jour, s'est retrouvé tout seul dans une église voisine, avec le corps d'un défunt alors que les pompes Funebres aller fumer leurs cigarettes.

Priez pour nos prêtres de campagne. Quel ministère... !
Cela pourrait être déprimant si « l’espérance ne me faisait marcher plus loin que mes peurs »,
C’est surtout une leçon d’humilité.

Je me trouve chanceux. J’ai une femme, des enfants et des petits enfants qui m’aiment et me soutiennent.

Le chemin de Dieu dans le silence des cœurs nous dépasse.

Claude, jeune diacre de campagne



27 août 2016

Les joies terrestres - Sainte Monique

"Je suis comblée sur ce point, puisque je vois que tu es son serviteur au point de mépriser les joies terrestres. Qu'est-ce que je fais ici? " disait sainte Monique à son fils Augustin...

Cette phrase entre en résonance avec l'homélie de mon curé hier. Les huiles des vierges folles (Mat 25, 1-13) sont d'essence terrestre, alors que les autres s'occupent de la rencontre ultime.  Il ne faut pas en conclure que le monde est à ignorer,  mais percevoir que notre vie n'a de sens qu'orienté vers le rendez-vous final. 

Être serviteur de l'invisible,  c'est se tourner vers l'essentiel. 

Où est l'essentiel ? La confrontation entre Marthe et Marie mérite d'être contemplée dans sa tension féconde. 

"Marie a choisi la meilleure part" (Luc 10, 42), mais Marthe a compris l'essentiel (cf. Jn 11).

L'essentiel nous dit Francois peut être à la "périphérie".  C'est à l'amour que nous serons jugés dignes d'entrer dans la danse.

01 avril 2016

Pastorale du seuil – 8 idées pour la mission


Notre monde a besoin de nouveaux terrains pour rencontrer Dieu. Le mot terrain, en soi, n’est pas choisi au hasard, tant il est vrai que nombreux sont ceux qui ne trouvent plus dans nos églises un attrait suffisant pour rejoindre nos communautés. Il nous faut donc trouver de nouveaux lieux où exercer notre mission de baptisés.

Le pape François nous appelle à partir à la périphérie, à sortir donc de nos murs et installer des hôpitaux de campagne, pour transmettre au monde la « caresse de Dieu »(1). Habitués à cette pastorale du seuil, nous avons à revisiter les lieux et les approches habituels. Il nous faut trouver les clés d’entrée qui peuvent permettre aux chercheurs de Dieu de rejoindre ce qui nous fait vivre. Pour cela, nous devons accepter de quitter les chemins habituels, pour partir, à la suite de Jésus sur les routes qui s’éloignent en apparence de Jérusalem, ces chemins d’Emmaüs (Lc 24, 13-35)  où l’écho d’un tombeau vide résonne encore du cri et de l’absence apparente de Dieu.

Après 25 ans en pastorale urbaine et 5 années passées en zone rurale, un changement qui a donné lieu pour nous à une conversion du regard, tant les populations et les besoins étaient différents, voici huit chemins identifiés comme prioritaires, pour tenter d’atteindre le cœur de ces brebis égarées sur les chemins du monde.

Une pastorale de l’humilité

La première leçon d’Emmaüs est de contempler le Christ qui ne se dévoile pas, ne joue pas les maîtres, mais accompagne sur un chemin dont il ne connaît pas toutes les pierres. Il a soif de la rencontre, interroge, reconnaît à chacun sa valeur propre et ne cherche pas à s’imposer, au point de disparaître à la fraction du pain.

Une pastorale de la joie

La deuxième leçon de l’Évangile est celle d’un Christ qui ne refuse pas de s’assoir à la table des publicains (Mc 2, 16), à boire du vin (Jn 2, 1-12) et à chanter sur les places. À la différence de son cousin, sa pastorale est celle de la joie.

Une pastorale de la création

Une troisième leçon est celle de la contemplation. En mettant l’enfant au centre de son enseignement, il nous conduit à reconnaître que la naissance, l’enfance, la créature de Dieu est lieu de contemplation et d’étonnement. Et ce faisant, elle est chemin vers Dieu. C’est un atout de notre pastorale rurale, où nous rencontrons souvent des couples déjà parents, de les faire parler de la joie de leur paternité, comme lieu de rencontre avec le divin.

Une pastorale de l’amour

L’amour, leur amour est aussi une clé d’entrée à Dieu. En les faisant contempler ce qui est né en eux, ce qu’ils vivent, voire les joies de leurs rencontres, nous pouvons les introduire à cet amour reçu, débordant qui nous vient de Dieu.

Une pastorale de la miséricorde

Être accueillant, sans juger leur passé mais tout tourné vers l’avenir, c’est exercer la miséricorde d’un Dieu qui ne juge pas l’homme, veut guérir ceux qui sont marqués par des échecs et les inviter à une nouvelle danse.

Une pastorale de l’engendrement

L’enjeu n’est-il pas de les rendre actifs, engagés, leur révéler ces clés intérieures qu’ils portent en eux et peuvent libérer sur les chemins de Dieu ? Il est étonnant de voir combien certains, à l’issue de nos rencontres, accueillis, portés par la dynamique d’un groupe qui les a valorisés, souhaitent aller plus loin. C’est cela l’engendrement : réveiller l’envie de faire église.

Une pastorale de la Parole

La Parole de Dieu, partagée, découverte ensemble, quand elle est source de dialogue, d’échange et de vie, réconcilie l’homme avec l’Évangile, lui montre combien il rejoint l’aujourd’hui de chacun.

Une pastorale de la souffrance

Plus délicate, cette dernière clé n’est pas à oublier. Car ceux qui se sont éloignés de Dieu portent en eux une question qui les minent : « Où es-tu, mon Dieu ? ». Souvent la souffrance, la perte d’un proche est le point de blocage de leur relation avec Dieu. Or, à l’âge où ils se marient, c’est souvent la perte d’un grand-parent qui les touche et interpelle leur lien avec l’Église. En ignorant ce point, nous risquons de passer à côté d’un écueil majeur.

Conclusion

On le voit, les clés sont nombreuses et les moyens d’y parvenir semblent délicats. Pourtant, cette petite liste semble prioritaire. Si nous omettons de nous y référer, nous risquons de passer à côté de l’essentiel, de plaquer un discours, une morale, là où ils cherchent des chemins. Le travail de Dieu en l’homme nous échappe. En ouvrant ces huit portes, nous travaillons à le faciliter.



(1) Pape François, Homélie à Sainte Marthe du 7/4/2014

Pour aller plus loin :
1) Pape François, La joie de l'Evangile
2) W. Kasper, La miséricorde
3) Théobald / Bacq, La pastorale d'engendrement
4) C. Hériard Pastorale du seuil /  Où es-tu, mon Dieu ? - Souffrance et création / Chemins d'Evangile / Aimer pour la vie, essai de spiritualité conjugale / Humilité et miséricorde (à paraître)

14 novembre 2015

Aller à la périphérie

Amusante description(1) de l'accompagnement de la mort de Monsieur L. par Madeleine Delbrêl dans sa première expérience de la périphérie(2). Elle lui met des lumignons en croix sur le corps jusqu'à ce qu'arrivent les pompes funèbres qui précisent que cela n'est pas l'habitude de la famille. Il faut alors tout réorganiser pour que l'arrivée des amis communistes s'y retrouvent et qu'une unité soit possible autour du défunt. 
N'est-ce pas le risque de nos projections sur l'autre. Marcher dans la "boue" (3)  à d'autres enjeux. Il s'agit de rejoindre sans perdre son âme mais dans le respect de l'autre.

(1) Gilles François / Bernad Pitaud, Madeleine Delbrêl, Poète, assistante sociale et mystique, op Cit p. 106.
(2) Evangelii Gaudium § 20, 30 et 46
(2) Evangelii Gaudium § 45 

02 octobre 2015

Le risque de la soumission

Sous ce titre se cache le lent travail intérieur de Madeleine Delbrel à la suite de l'interdiction des prêtres ouvriers. Il faudrait citer toutes ces pages (1) ce que le respect des droits d'auteur  m'interdit. Une révolte intérieure s'y lit face à l'incompréhension compréhensible de cette décision qui met un arrêt brutal à 10 ans d'élan ‎missionnaire de ce que notre pape actuel appellerait peut-être (ironie du temps) un essai brillant d'Église en sortie, qui n'hésite pas à "marcher dans la boue" (cf. Evangelii Gaudium).
En 1954, les choses sont moins simples et Madeleine s'interroge intérieurement sur les causes de cet échec. Si l'on sent son attachement à l'Église, souvent cité dans ces pages, elle note qu'il y a aussi une question plus structurelle qui demeure, celle de cet "énorme péché collectif" (2) qui a conduit à ce gouffre entre l'Église et le monde. L'athéisme contemporain n'est pas né par hasard, à nous de percevoir ce qui dans nos indifférences à pu le conforter. Car cette question de la pastorale du seuil, sur laquelle je ne cesse d'écrire reste l'enjeu de notre temps. Je suis sensible à cet égard à ce que dit une étude américaine récente qui interpelle la réalité même de notre vie en Christ. Tant que celle ci reste façade, tant que le Christ ne rayonnera pas dans le jusque au bout de nos choix, nous ne serons que des cymbales qui résonnent. Hier soir je contemplait le chemin de deux amis étudiants en théologie avec moi. L'une est partie en Colombie dans une oeuvre pastorale de première qualité, l'autre est médecin des réfugiés porte de Saint Ouen. Si la théologie conduit à cela, elle est force de l'Esprit. A leurs côtés je me sens petit....

‎(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 133 à 144
(2) ibid p. 144