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02 octobre 2021

Présence et danse - 6

Dieu s’invite-t-il à notre table ? 

Je complète ici une réflexion sur Réflexion théologique car elle mérite d’être poursuivie. 

Nous attachons, non sans raison, une importance particulière aux sacrements, qui ont une place privilégiée dans l’Eglise, en faisant passer le jeune baptisé par des étapes d’initiation qui le rende de passif à acteur et « passeur » (1) confirmé. 

Il faut pour moi néanmoins distinguer la construction rituelle, théologique et sacramentelle de l’Église qui garantit conceptuellement une Présence réelle en dépit de la nature du célébrant (ie qu’il soit un  prêtre imbecile ou pas - comme le précise Ratzinger dans un de ses livres) (2) d’un acte non sacramentel mais chargé de sens, qui ne garantit rien, mais reste ouvert à cette insaisissable grâce de la présence. 

À partir de cette distinction se pose deux questions : 


1) est-ce que l’eucharistie valablement célébrée pour un catholique va se traduire par une conversion intérieure et réaliste du récipiendaire (c’est-à-dire la présence réelle au. Récipiendaires, quelque qu’il soit,  bourreau argentin ou nazi qui communie. Sera t il habité/touché et converti par l’amour qui vient le visiter ?)


2) est-ce qu’une célébration non catholique, qu’elle soit une cène protestante, une « ecclesiola domestique » (3) ou une messe sur le toit du monde à la Teilhard, est une récupération et un détournement du sens profond visé par le Christ en instituant le « faire mémoire » ? 


Entre ces deux visions volontairement poussées à l’extrême, le Christ qui est don, trouve probablement sa place, insaisissable, qui relève de l’inhabitation toute intérieure (4) chez l’homme d’un Dieu qui veut danser avec tout homme et y faire sa demeure, comme chez un Zachée pour le rendre aimant… Zachée n’était ni baptisé ni confirmé 😉 et pourtant le Christ est venu chez lui, tout voleur qu’il était, et a transformé sa vie..


« À toute chair, il donne le pain,

éternel est son amour ! » (Ps 135, 25)


Lévinas disait, dans « Difficile liberté », que le monde serait lumineux quand les chrétiens arrêteront de croire qu’ils détiennent seuls la lumière (5). 

Ce qui va s’annoncer le 5/10 va faire s’effondrer nos temples… 


Nos constructions humaines sont bien fragiles et il va nous falloir prouver plus que jamais que nous sommes les pierres vivantes d’une Église universelle et en même temps que nous croyons qu’hors de l’Église le salut peut trouver sa place, fragile, dans ce que Justin appelait les « semences du Verbe ». Une expression probablement reprise par Congar dans Gaudium et Spes et que Hans Urs von Balthasar complète utilement en parlant des semences de l’Esprit.(6)


Nos rites sont limités.

Nos hiérarchies sont fragiles.

Nos sacrements, disait Moingt, réduise la dynamique réelle du christianisme. Il insistait même pour souligner que le lavement des pieds « en actes » (7) dépassent les 7 sacrements car il est le cœur de la diaconie de l’Église. L’Église est amour ou n’est pas (8)

À la suite de Theobald, j’ai longuement montré dans « Dynamique sacramentelle » (9) qu’il est urgent de dépasser cette cristallisation rituelle pour ouvrir et rejoindre le monde dans ce qui fait de lui le signe d’une présence.

Le couple modèle de l’alliance que nous célébrons dimanche est un chemin, soutenu par le cadre fécond du Sacrement de mariage, mais un couple de remariés, des célibataires peuvent être parfois un signe plus lumineux que l’Amour est grand et dépasse les frontières de nos églises (10).


(1) allusion au livre de Ph. Bacq & Chr. Theobald (dir.), Une nouvelle chance pour l'Évangile. Vers une pastorale d'engendrement (coll. Théologies pratiques). 2004 et Passeurs d’engendrement, de 2008.

(2) Les principes de la théologie catholique

(3) je fais allusion à une célébration familiale évoquée par Bruno Amel sur RT

(4) voir sur ce point la thèse de Rahner dans le TFT

(5) je cite de mémoire 

(6) dans la fin de sa trilogie 

(7) c’est-à-dire pas le mime du jeudi saint mais la diaconie d’un agenouillement devant l’homme (cf. mon livre éponyme). 

(8) cf, cette Église que je cherche à aimer

(9) téléchargement libre sur Fnac.com

(10) voir aussi, au même endroit mon roman « Le désir brisé » 

Voir aussi, sur ce même thème : Tressaillement et danse https://www.facebook.com/groups/reflexiongh/permalink/4710458732361907/

30 juillet 2020

Recevoir et donner - homélie du 18ème dimanche du Temps Ordinaire…


Projet 2 à discuter 

Pourquoi êtes-vous là aujourd'hui ?
La question mérite d'être posée alors que nos églises se vident...

Pourquoi sommes nous là ?
Sans vouloir répondre à votre place, je répondrai de mon côté  « parce que nous avons faim et soif d'amour.
C'est probablement ce qui mouvaient les foules au temps de Jésus.
Pourquoi sont-ils là ? Que cherchent-ils?
L'épisode raconté aujourd'hui se situe après la mort du Baptiste. On comprend que la foule est perdue, sans berger.
[Précisons peut-être qu’il y a deux récits de multiplication des pains chez les synoptiques. Celle des douze corbeilles (Mat 14) est celle qui évoque les 12 tribus d'Israël.]

Celle racontée aujourd'hui s'inscrit dans la quête juive et il faudrait idéalement contempler dans le silence ce peuple qui marche dans le désert pendant 40 ans, pour trouver la terre promise.

A cette soif, à cette soif d’amour Dieu répond t-il ?
La prophétie d'Isaie que nous trouvons dans la première lecture entame une réponse « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l'eau ! » Isaïe 55,1
Quelle eau ?


A la soif de la Samaritaine Jésus promet l'eau vive
A la faim des hommes en marche, Jésus donne du pain...

Et nous que cherchons nous ?
De avons-nous faim ? de Dieu ?
A notre faim, Jésus se présente à vous sous la forme d'une hostie...
Cela ne comblera pas votre appétit humain
Cela nous conduit par contre, à la suite du peuple juif à marcher sur les pas de nos frères juifs dans la recherche de l'amour.

Il y a surtout un basculement dans l'évangile que je vous invite à méditer. Le Christ invite les disciples à être acteur : « Donnez leur à manger ». 
Le don de Dieu à besoin de nos mains [ comme le disait si bien Etty Hillesum dans ses lettres du camp nazi de Westerbroch]
Si nous n'avons pas la charité cela ne sert à rien.
Si nous ne venons pas ici sans nous tourner vers vos frères, sans nous soucier d'eux en profondeur, cela ne sert à rien....
Le pain que Dieu nous donne c'est son corps, démembré et partagé à l'infini. Manger son pain, c'est faire corps, c'est A LA FOIS recevoir et donner...
Le pain est Signe d'un don
Signe d'un amour donné
Signe d'un jusqu'au bout de l'amour
Signe de cette croix, de ce cœur transpercé qui fait jaillir l'amour de son cœur transpercé...

Si vous n'entrons pas dans cette dynamique du recevoir et du don le pain restera stérile
Si la graine semée en nous ne nous fait pas entrer dans le don et l'amour partagé, cela ne sert à rien.
Si nous repartons d'ici sans nous connaître, sans partager avec notre voisin, l'inconnu, l'étranger cela ne sert à rien
L'amour donné, partagé multiplié est le pain que Dieu nous donne, sans mesure, sans intérêt, sans retour
Il en reste 12 corbeilles signe de l'amour immense de Dieu...
La surabondance du don, soulignée par le chiffre de 12 (que ce soit les 12 tribus ou les 12 apôtres) nous conduit à une méditation : celle de l’abondance des dons de Dieu...
Nous sommes invités, comme l'évoqua si bien Bonaventure à être comme une amphore dans le fleuve : le don de Dieu, l'amour de Dieu est immense, si nous devenons ce que nous recevons le don de Dieu sera immense et débordant...


Laissons nous embraser par ce don qui vient à nous.
Si nous mangeons ce pain, si nous devenons corps, si l’amour nous habite alors « ni la mort ni la vie, (...) ni le présent ni l'avenir,(...) ni aucune autre créature, [aucun virus, aucun malrien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »(Rom 8)
   

13 juin 2020

Dépouillement et danse - Saint Sacrement - Marie Noēlle Tabut

Projet 2

Que cherchez vous quand vous vous présentez à la table du Christ ?

La contemplation de cette fête particulière du Saint Sacrement n'est pas dans la quête d'un remède magique à tous nos maux, ni dans la vénération d'une idole. Elle rejoint bien au contraire une dynamique (*) particulière, toute intérieure, proche de cette entrée dans la danse que j'évoquais dimanche dernier.

Il y a, pour cela plusieurs mouvements.

Notre quête passe, d’abord,  par « la reconnaissance de notre pauvreté fondamentale (...) préalable à toute rencontre de Dieu en vérité : quand nous nous abandonnons à son action, alors il peut nous combler. Si nous cessons de croire que nous avons des forces par nous-mêmes, alors nous découvrons des forces insoupçonnées, qui sont les siennes. L'Esprit Saint nous a été donné pour cela. Et la fête du Corps et du Sang du Christ nous rappelle que Jésus nous propose beaucoup mieux, c'est d'habiter en nous.(1) ».

Que veut dire manger le corps ?
C’est peut-être entrer dans le mystère qui nous unit à ce mouvement particulier qui vient de Dieu et y retourne, comme ce Verbe qui ne descend pas en nous sans le faire vibrer intérieurement. De même qu’un micro ondes fait entrer en résonance les atomes pour les réchauffer, Christ vient faire vibrer en nous ce qu’il a déposé en nous, l’Esprit de Charité.

Il faut donc entrer dans cette danse particulière où nos mouvements se laisse conduire par la musique de l'Esprit, chercher avant tout cette harmonie et cette unité qui fait de nous un Corps.
« La coupe d'action de grâce que nous bénissons est communion au sang du Christ ; le pain que nous rompons est communion au corps du Christ. 1 Co 10, 16 »

« Le mot que Paul emploie, « koinônia » en grec, évoque un lien d'intimité, d'appartenance, une solidarité profonde. »(2)

Entrer dans cette danse particulière où tout est don. Se dépouiller de nous-mêmes, de ce qui nous retient au monde (au sens paulinien) pour contempler et s’inscrire dans la dynamique trinitaire d'un Père qui s'efface derrière son Fils, d'un Fils qui se donne pour nous laisser parvenir à la musique de Dieu que l’on appelle Esprit.

Contempler « le mystère de Jésus à la fois homme et Dieu : en Lui, Dieu propose son amour, en lui, l'humanité répond par l'action de grâce. En Lui Dieu parle, se révèle (il est le Verbe, la Parole du Père) ; en Lui l'humanité répond à la Parole. En Lui, Dieu se donne ; en Lui l'humanité accueille le don de Dieu. » (,,,) C'est là que Pierre a répondu « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle ».

Voilà le paradoxe de la foi : ces paroles sont humainement incompréhensibles et pourtant elles nous font vivre. Il nous faut suivre le chemin de Pierre : vivre de ces paroles, les laisser nous nourrir et nous pénétrer, sans prétendre les expliquer. Il y a là déjà une grande leçon : ce n'est pas dans les livres qu'il faut chercher l'explication de l'Eucharistie ; mieux vaut y participer, laisser le Christ nous entraîner dans son mystère de vie.
Le mot qui revient le plus souvent dans ce texte, c'est la vie : « Le pain que je donnerai, c'est ma chair, (c'est-à-dire ma vie) donnée pour que le monde ait la vie. »

Comprendre cela c'est aussi percevoir le sens nouveau donné par le Christ au mot sacrifice. Entrer dans la « pédagogie des prophètes : pour eux, l'important, bien plus que l'offrande elle-même, c'est le coeur de celui qui offre, un coeur qui aime. Et ils n'ont pas de mots trop sévères pour ceux qui maltraitent leurs frères et se présentent devant Dieu, les mains chargées d'offrandes. « Vos mains sont pleines de sang » dit Isaïe (sous-entendu « le sang des animaux sacrifiés ne cache pas aux yeux de Dieu le sang de vos frères maltraités ») (Is 1,15). Et Osée a cette phrase superbe que Jésus lui-même a rappelée « C'est la miséricorde que je veux et non les sacrifices » (Os 6,6). Michée résume magnifiquement cette leçon : « On t'a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR réclame de toi. Rien d'autre que de respecter le droit et la justice et de marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6,8).j

L'étape finale de cette pédagogie(**), ce sont les fameux chants du Serviteur du deuxième Isaïe : à travers ces quatre textes, on découvre ce qu'est le véritable sacrifice que Dieu attend de nous ; sacrifier (faire du sacré), entrer en communion avec le Dieu de la vie, ce n'est pas tuer ; c'est faire vivre les autres, c'est-à-dire mettre nos vies au service de nos frères. Le Nouveau Testament présente souvent Jésus comme ce Serviteur annoncé par Isaïe ; sa vie est tout entière donnée pour les hommes. Elle est le sacrifice parfait tel que la Bible a essayé de l'inculquer à l'humanité. « Le pain que je donnerai ; c'est ma chair donnée pour que le monde ait la vie ». Et désormais, dans la vie donnée du Christ, nous accueillons la vie même de Dieu : « De même que le Père qui est vivant m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi ».(4)

Entrer dans la danse de Dieu, c'est se dépouiller de tout ce qui n'est pas don. Loin d'un sacrifice stérile ou d'une réponse forcée il y a là un pas différent à faire, une docilité à Dieu, un laisser faire, un décentrement qui laisse Dieu agir, jusqu’à devenir ce que saint Ignace d’Antioche appelle le « froment de Dieu »(5)

Nous sommes corps, lorsque notre être tout entier est don, que notre vie est don, que nous nous laissons saisir (Ph 3) par le Christ dans ce don pour autrui, loin de toute introspection stérile. 

Et pour cela il nous faut contempler ce dépouillement même de Dieu, dans dynamique même de Philippiens 2 et 3, comprendre que le don du corps est l’ultime humilité de Dieu à laquelle Dieu nous invite. Se laisser saisir par cette danse du don ( danse kénotique des personnes divines) pour ne plus faire qu’un avec cet amour donné et devenir amour. « Devenez ce que vous recevez », nous suggère saint Augustin. Chemin inaccessible et en même temps unique et essentiel auquel nous sommes invités, banquet ultime, danse des anges...



(1 à 4) Marie Noëlle Tabut, commentaires des textes de la fête du Saint Sacrement cité dans l'application liturgie sur iOS cf. https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/500513-commentaires-du-dimanche-14-juin-2/

(*) cf, aussi la dynamique sacramentelle, mon livre éponyme 

(**) voir aussi danse trinitaire et pédagogie divine, in Dieu dépouillé sur Fnac.com
(5) cf. le texte intégral dans mon billet de cette semaine 

Rappel : l'interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l'interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets 

11 juin 2020

François Cassingena-Trévédy - réflexion sur l’Eucharistie

S'il y a un auteur qui a traversé ma vie et m'enchante et que je voudrais vous faire découvrir, c'est bien François Cassingena-Trévédy. Je l'ai découvert dans « pour toi quand tu pries » un livre que je considère comme une révélation de la spiritualité du XXIeme siècle et que j'ai savouré délicatement pendant plus de six mois. J'en ai déjà publié quelques verbatim sur mon blog il y a deux ou trois ans. Il m'a inspiré dans l'écriture de plusieurs billets sur ce que j'appelle maladroitement « l'amour en toi » - contemplation d'un Dieu caché au fond de nous et qui nous appelle à aimer.
Il reste parfois difficile à lire, tant ses propos sont denses (j'aimerais le traduire pour le rendre plus accessible à la « périphérie »).
Je lui dois aussi le titre de mon dernier recueil « Dieu depouillé » à la suite d'un article paru dans Etudes.
Il vient de faire paraître une série de méditations qui m'enchante, notamment celle-ci, bien en phase avec mon livre sur « la dynamique sacramentelle » - où je cherchais à développer l'idée portée par Theobald d'une dimension plus large et dynamique des Sacrements - loin du seul rite et ancré dans l'éthique d'une responsabilité. Sa clairvoyance et la pertinence de son analyse mérite le détour. Je vous laisse suivre le lien.

https://m.facebook.com/notes/fran%C3%A7ois-cassingena-tr%C3%A9vedy/de-la-fabrique-du-sacr%C3%A9-%C3%A0-la-r%C3%A9volution-eucharistique-quelques-propos-sur-le-ret/3198309117060239/

06 mai 2020

Jeûne eucharistique et dynamique sacramentelle - 80 - Saint Hilaire


En ces temps de jeûne eucharistique il est bon de contempler ce que Dieu a déposé en nous par la grâce reçue du sacrement de notre première communion qui fait de nous des porte-Christ (1) dans le mystère particulier de notre vocation de baptisés.

Ce jeûne est l'occasion de revisiter la "puissance structurante" qui jaillit de la faiblesse d'un Dieu qui s'offre à nous dans la double manducation de son Verbe fait chair et de l'Esprit Saint (qui comme le souligne Jean, jaillit de son cœur transpercé).

Cet amour qui brûle en nous est potentiellement un nouveau "buisson-ardent", don ineffable de Dieu qui nous fait grandir et nous rend participant à une communion qui nous dépasse et nous embras(s)e.

Pourquoi, dans ce cadre, faire l’apologie du jeûne ? Peut-être pour percevoir derrière le sacrement la profondeur réelle sur toute notre vie de la dynamique qui est en jeu. On trouve cette insistance dans certains écrits de C. Théobald (cf. tags) qui appellent à élargir la notion de sacrement à la vie dans son sens le plus large. Pour moi il s'agit là du cœur de cette dynamique sacramentelle longtemps évoquée dans ce blog (2) que la lecture de saint Hilaire vient réveiller à nouveau comme une danse (3) très intime de l'homme invité à la circumincession divine : « Parce que véritablement le Verbe s'est fait chair, c'est véritablement aussi que nous mangeons le Verbe incarné en communiant au banquet du Seigneur. Comment ne doit-on pas penser qu'il demeure en nous par nature ? En effet, par sa naissance comme homme, il a assumé notre nature charnelle d'une façon désormais définitive et, dans le sacrement de sa chair donnée en communion, il a uni sa nature charnelle à sa nature éternelle. C'est ainsi que tous nous formons un seul être, parce que le Père est dans le Christ et que le Christ est en nous. ~

Que nous sommes en lui par le sacrement de la communion à sa chair et à son sang, lui-même l'affirme lorsqu'il dit : Et ce monde désormais ne me voit plus ; mais vous, vous me verrez vivant parce que je vis, et vous vivrez aussi ; parce que je suis dans le Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. S'il voulait parler seulement d'une unité de volonté, pourquoi a-t-il exposé une progression et un ordre dans la consommation de cette unité ? N'est-ce pas parce lui-même étant dans le Père par sa nature divine, nous au contraire étant en lui en vertu de sa naissance corporelle, on doit croire que, réciproquement, il est en nous par le mystère sacramentel ? Ceci enseigne la parfaite unité réalisée par le médiateur : tandis que nous demeurons en lui, lui-même demeure en nous. Et ainsi nous progressons dans notre unité avec le Père, puisque le Fils demeure en lui par nature selon sa naissance éternelle et que nous-mêmes aussi sommes dans le Fils par nature, tandis que lui par nature demeure en nous.

Que cette unité soit en nous produite par sa nature, lui-même l'affirme ainsi : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. Car ce n'est pas tout homme qui sera en lui, mais celui en qui il sera lui-même : c'est seulement celui qui mangera sa chair qui aura en lui la chair assumée par le Fils.

Plus haut, il avait déjà enseigné le sacrement de cette parfaite unité, en disant : De même que le Père, qui est la vie, m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui mangera ma chair vivra par moi. Donc, il vit par le Père ; et de la manière dont il vit par le Père, nous-mêmes vivons par sa chair.

Tout ce parallèle est à la base de notre intelligence du mystère ; il nous fait comprendre, par le modèle proposé, ce qui se passe. Donc, ce qui nous donne la vie, c'est que, dans les êtres charnels que nous sommes, le Christ demeure en nous par sa chair ; et il nous fera vivre en vertu du principe qui le fait vivre par le Père. »(4)

(1) expression d'une catéchèse des premiers siècles
(2) cf. mon livre éponyme
(3) voir danse trinitaire
(4) saint Hilaire, traité sur la Trinité, source office des lectures du 6/5/20 (4ème semaine de Pâques), AELF



Rappel : l’interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l’interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets)

23 avril 2020

Trésor de l’eucharistie - Saint Gaudence de Breschia

Trésor de l'eucharistie - Saint Gaudence de Breschia
Trésor que ces commentaires des pères de l'Église bien avant la théologie de Johann Baptist Metz. Écoutons saint Gaudence :
« Le Christ nous a légué le sacrement de sa Pâque.

Le sacrifice céleste institué par le Christ est vraiment l'héritage légué par son testament nouveau ; il nous l'a laissé la nuit où il allait être livré pour être crucifié, comme un gage de sa présence.

Il est le viatique de notre voyage, notre nourriture sur le chemin de la vie, jusqu'à ce que nous soyons parvenus à celle-ci, en quittant ce monde. C'est pourquoi le Seigneur disait : Si vous ne mangez pas ma chair et ne buvez pas mon sang, vous n'aurez pas la vie en vous.

Il a voulu que ses bienfaits demeurent parmi nous ; il a voulu que les âmes rachetées par son sang précieux soient toujours sanctifiées à l'image de sa propre passion. C'est pourquoi il donne l'ordre à ses disciples fidèles, qu'il établit les premiers prêtres de son Église, de célébrer sans fin ces mystères de la vie éternelle. Et il est nécessaire que tous les prêtres, de toutes les Églises du monde, les célèbrent jusqu'à ce que le Christ revienne du ciel. C'est ainsi que les prêtres eux-mêmes et tout le peuple des fidèles devraient avoir chaque jour devant les yeux la représentation de la passion du Christ ; en la tenant dans nos mains, en la recevant dans notre bouche et notre cœur, nous garderions un souvenir ineffaçable de notre rédemption.

Ensuite, il faut que le pain soit fait avec la farine de nombreux grains de froment, mêlée à de l'eau, et reçoive du feu son achèvement. On y trouve donc une image ressemblante du corps du Christ, car nous savons qu'il forme un seul corps avec la multitude des hommes, et qu'il a reçu son achèvement du feu de l'Esprit Saint.

En effet, le Christ est né du Saint-Esprit et, parce qu'il devait ainsi accomplir parfaitement ce qui est juste, il entre dans les eaux du baptême pour les consacrer ; alors, rempli du Saint-Esprit qui était descendu sur lui sous la figure d'une colombe, il s'éloigne du Jourdain, comme l'affirme l'Évangile : Jésus, rempli de l'Esprit Saint, s'éloigna des bords du Jourdain.

De même, le vin de son sang est tiré de plusieurs grappes, c'est-à-dire de raisins de la vigne plantée par lui, écrasés sous le pressoir de la croix ; versé dans le cœur des fidèles au moyen de grandes coupes, il y bouillonne par sa propre vertu.

C'est là le sacrifice de la Pâque, qui apporte le salut à tous ceux qui sont libérés de l'esclavage de l'Égypte et de Pharaon, c'est-à-dire du démon. Recevez-le en union avec nous, dans toute l'avidité d'un cœur religieux. Notre Seigneur Jésus Christ lui-même, que nous croyons présent dans ses sacrements, nous sanctifie en profondeur, et sa vertu sans prix demeure pour tous les siècles. »(1)


℟ Il y a un seul pain,
et nous sommes tous un seul corps,
car nous avons tous part à un seul pain.

L'amour dont nous aimons,
n'est-il pas communion
à l'amour du Christ ?

Garde-nous, Seigneur,
dans l'unité de l'Esprit
par le lien de la paix.(2)

Sans commentaire

(1) Saint Gaudence de Breschia, Homélie Pascale, source AELF, office des lectures de la deuxième semaine de Pâques
(2) office des lectures de la deuxième semaine de Pâques

16 mars 2020

Jeûne eucharistique

Jeûne eucharistique

La conjoncture dramatique nous prive d'eucharistie. C'est dans cette privation, au cœur du carême, que Dieu se fait désir.

Comme un cerf altéré mon âme te cherche, au mon Dieu...dit le psaume 41.

Écoutons le à nouveau :

Comme un cerf altéré
cherche l'eau vive,
ainsi mon âme te cherche
toi, mon Dieu.

Mon âme a soif de Dieu,
le Dieu vivant ;
quand pourrai-je m'avancer,
paraître face à Dieu ?

Je n'ai d'autre pain que mes larmes,
le jour, la nuit,
moi qui chaque jour entends dire :
'' Où est-il ton Dieu ? ''

Je me souviens,
et mon âme déborde :
en ce temps-là,
je franchissais les portails !

Je conduisais vers la maison de mon Dieu
la multitude en fête,
parmi les cris de joie
et les actions de grâce.

Pourquoi te désoler, ô mon âme,
et gémir sur moi ?
Espère en Dieu ! De nouveau je rendrai grâce :
il est mon sauveur et mon Dieu !

Si mon âme se désole,
je me souviens de toi,
depuis les terres du Jourdain et de l'Hermon,
depuis mon humble montagne.

L'abîme appelant l'abîme
à la voix de tes cataractes,
la masse de tes flots et de tes vagues
a passé sur moi.

Au long du jour, le Seigneur
m'envoie son amour ;
et la nuit, son chant est avec moi,
prière au Dieu de ma vie.

Je dirai à Dieu, mon rocher :
'' Pourquoi m'oublies-tu ?
Pourquoi vais-je assombri,
pressé par l'ennemi ? ''

Outragé par mes adversaires,
je suis meurtri jusqu'aux os,
moi qui chaque jour entends dire :
'' Où est-il ton Dieu ? ''

Pourquoi te désoler, ô mon âme,
et gémir sur moi ?
Espère en Dieu ! De nouveau je rendrai grâce :
il est mon sauveur et mon Dieu ! (1)

Un jour viendra où nous communierons à la table du Christ. En attendant sentons nous proche de ceux qui n'ont pas accès à cette table, parce que leur situation traduit en apparence une rupture que nous sommes souvent plus d'un à partager.(2)

« Que celui qui n'a pas péché jette la première pierre » (Jn 8).

C'est peut-être en méditant cela, en toute humilité que notre communion à la table sera plus féconde.

(1) traduction AELF
(2) cf. sur ce point mon roman Le vieil homme et la perle et Dynamique sacramentelle

06 mars 2020

Au fil de Marc 6, Pédagogie du Christ - 19


« La vraie multiplication des pains, celle qui se poursuit par toute la terre, c'est l'eucharistie, nourriture pour la vie éternelle. La même scène [de Marc 6] est racontée par l'évangile de Jean [6] avec plus de détails encore. Marc disait que la foule s'était assis sur l'herbe verte ; Jean précise qu'il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit. Cette même foule poursuit alors Jésus qui leur transmet le grand enseignement sur l'eucharistie : il fait passer du désir de rassasier sa faim à celui du pain de la vie éternelle (...) pain de son corps qu'il donnera à manger au risque de scandaliser ses disciples qui ne comprennent pas comment il leur faudra manger sa chair et boire son sang. Ce signe des pains est une propédeutique patiente [on pourrait dire pédagogie] pour éduquer la foule au mystère du pain de la vie éternelle. (1)

Certains exégètes peuvent souligner que la lecture de Jean est post-pascale. Il n'empêche qu'elle s'inscrit dans cette pédagogie divine que nous essayons de thématiser.

La multiplication est en soi une parabole extraordinaire de ce don d'amour fait par le Christ et à travers le Fils le Père dans cette danse trinitaire qui se perpétue.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 333

19 février 2020

Sagesse et pédagogie divine 2


Dieu nous prépare un chemin de vie. Il a tracé dans l'histoire ce beau « tournant où tout au monde n'est que grâce. Dans le secret, il nous prépare ce qui pourra devenir le jour de gloire. Sa clarté filtre déjà et nous entrons dans son histoire »(1)

« La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé sept colonnes. (...) « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j'ai préparé. (...) prenez le chemin de l'intelligence. » La sagesse commence avec la crainte du Seigneur, connaître le Dieu saint, voilà l'intelligence ».(2)

« l'Esprit invite (...) par la bouche de [ses] serviteurs (...) : Celui qui manque de sagesse est celui qui pense dans son cœur que Dieu n'existe pas. Qu'il rejette son athéisme, qu'il me rejoigne par la foi, qu'il sache que je suis le Créateur et le Seigneur de l'univers. (...) Venez manger mon pain et boire le vin que j'ai mélangé pour vous ! (...) Venez manger mon corps qui, comme du pain, vous nourrit pour la pratique de la vertu ; buvez mon sang qui, par la connaissance, vous réjouira comme du vin et vous enivrera pour vous diviniser. Car ce sang, d'une façon étonnante, je l'ai mélangé à la divinité, pour votre salut. »(3)



(1) Hymne de l'office des lectures du 19/2
(2) Proverbes 9, 1, 5, 6, 10
(3) Procope de Gaza, commentaire sur les Proverbes, source AELF, office des lectures du 19/2/20

14 février 2020

Querida Amazonia - pape François


Un texte d'une grande richesse à découvrir sous ce lien : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20200202_querida-amazonia.html
On y retrouve la spiritualité particulière du pape, sont attachement aux petits, à l'écologie au sens large, sa vision polyèdrique de l'Église (cf. le mot clé polyèdre dans ce blog) et sur une culture du dialogue.
Si son insistance sur le rôle du prêtre est déjà critiquée par ceux qui attendaient une disruption en faveur des diacres ou des hommes mariés, il faut peut-être méditer le chapitre sur l'inculturation de l'Eucharisrie et notamment le numéro 85 qui me semble caractéristique de l'ensemble de l'approche : « L'inculturation doit aussi se développer et se traduire dans une manière incarnée de mettre en œuvre l'organisation ecclésiale et la ministérialité. Si l'on inculture la spiritualité, si l'on inculture la sainteté, si l'on inculture même l'Évangile, comment ne pas penser à une inculturation de la manière dont les ministères ecclésiaux se structurent et se vivent ? La présence pastorale de l'Église en Amazonie est précaire, en partie à cause de l'immense extension territoriale, avec de nombreux lieux d'accès difficiles, une grande diversité culturelle, de sérieux problèmes sociaux, et avec l'option, propre à certains peuples, de s'isoler. Cela ne peut nous laisser indifférents et exige de l'Église une réponse spécifique et courageuse. »

Construisons cette réponse, non seulement pour l'Amazonie, mais pour toute l'Église qui a besoin que se poursuive l'élan de Gaudium et Spes et ce que j'appelle dans la lignée de Theobald la dynamique sacramentelle (1) qui ne se limite pas aux 7 sacrements mais fait entrer toute la communauté dans une marche salutaire et ecclésiale.

(1) cf. mon essai éponyme

11 février 2020

Temple de Salomon et temple intérieur - Amour en toi 54

Ce beau texte du livre des Rois appelle à une lecture spirituelle quand on le met en résonance de la théologie paulinienne du temple : « En ces jours-là, lors de la consécration du Temple, Salomon se plaça devant l'autel du Seigneur, en face de toute l'assemblée d'Israël ; il étendit les mains vers le ciel et fit cette prière :

« Seigneur, Dieu d'Israël,
il n'y a pas de Dieu comme toi,
ni là-haut dans les cieux,
ni sur la terre ici-bas ;
car tu gardes ton Alliance et ta fidélité envers tes serviteurs, (...)
    Est-ce que, vraiment, Dieu habiterait sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir : encore moins cette Maison que j'ai bâtie ! Sois attentif à la prière et à la supplication de ton serviteur.
Écoute, Seigneur mon Dieu, la prière et le cri qu'il lance aujourd'hui vers toi.
    Que tes yeux soient ouverts nuit et jour sur cette Maison, sur ce lieu (...)
    Écoute la supplication de ton serviteur (...) lorsqu'ils prieront en ce lieu.
Toi, dans les cieux où tu habites, écoute et pardonne. ». (1 Rois 8, 22-23.27-30, AELF)

On devrait avoir la même prière en sortant de l'eucharistie. Car comment Dieu peut avoir place en nous ?

Cela donnerait quelque chose comme cela : Est-ce que, vraiment, Dieu peux habiter [en nous, lui que rien ne peut] contenir : encore moins cette Maison que j'ai bâtie ! (...) Écoute, Seigneur mon Dieu, la prière et le cri qu'il lance [que je lance] aujourd'hui vers toi. (...) Écoute la supplication de ton serviteur (...) Toi, dans les cieux où tu habites, écoute et [pardonne-moi]...

 « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? » (1 Co 6,15)

25 juin 2019

Hospitalité et réciprocité - Eucharistie

Si l'on suit le chemin tracé par Christoph Théobald, il y a un malentendu qu'il ne cite qu'entre les lignes, celui du don du corps. Si le récit de Jean 6 est rupture entre suiveurs et vrais disciples c'est parce que ce don infime du corps est malentendu, reste incompréhensible sans le dévoilement de la croix.
Qui sommes-nous pour manger son corps et boire son sang si ce n'est pour nous laisser transformer de l'intérieur par cette présence ineffable et silencieuse ?

Le don du corps est constitutif du christianisme, essence contagieuse de l’amour divin.
« Dieu s’est totalement livré comme mystère entre les mains des hommes ; ce qui est proprement vertigineux » (1)



Prenons le temps de contempler cela, à chaque fois que nous mangeons son corps et buvons à la source de celui qui est le chemin, la vérité et la vie.

(1) Christoph Théobald, Paroles humaines, parole de Dieu, Salvator, 2015, p. 117

09 mai 2019

Au fil de Jean 6 - une seule chair 1 - Irénée de Lyon


« Moi, je suis le pain de la vie.
Au désert, vos pères ont mangé la manne,
et ils sont morts ;
mais le pain qui descend du ciel
est tel que celui qui en mange ne mourra pas.
Moi, je suis le pain vivant,
qui est descendu du ciel :
si quelqu'un mange de ce pain,
il vivra éternellement.
Le pain que je donnerai, c'est ma chair,
donnée pour la vie du monde. » Jn 6, 48-51

Faire une seule chair avec le Christ ?
Nous entendons l'expression au sujet du mariage.
Elle est reprise par Jésus pour le même sujet.
Mais l'expression est plus vaste que la rencontre amoureuse qui n'est que le premier stade de quelque chose de plus grand. 



Écoutons saint Irénée. 

« Si la chair ne peut être sauvée, alors le Seigneur ne nous a pas rachetés par son sang, la coupe de l'Eucharistie n'est communion à son sang, ni le pain que nous rompons, la communion à son corps. Car le sang n'en est pas, s'il ne provient de veines, de chairs, et du reste de la substance humaine, et c'est pour être vraiment devenu cela que le Verbe de Dieu nous a rachetés par son sang.
Ainsi le dît l'Apôtre : En lui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés.
Parce que nous sommes ses membres, et que nous sommes nourris par la création — cette création qu'il nous donne lui-même, en faisant lever son soleil et pleuvoir comme il veut — il a confirmé que la coupe qui provient de la création était son sang, par lequel se fortifie notre sang ; il a confirmé que le pain qui provient de la création était son corps, par lequel il fortifie notre corps.
Si la coupe qui a été mélangée, et le pain qui a été fait, reçoivent le Verbe de Dieu, et deviennent l'Eucharistie du sang et du corps du Christ, qui fortifie et affermit notre substance, comment peut-on dire que la chair est incapable de recevoir le don de Dieu, qui est la vie éternelle, alors qu'elle est nourrie par le sang et le corps du Christ, et en est le membre ?
Voici ce que dit le bienheureux Apôtre à ce sujet dans la Lettre aux Éphésiens : Nous sommes les membres de son corps, formés de sa chair et de ses os. Ce n'est pas de je ne sais quel homme spirituel et invisible, qu'il dit cela, car un esprit n'a ni os ni chair, mais il parle de l'organisme authentiquement humain, qui est constitué de chairs, de nerfs, et d'os, qui est, lui, nourri par la coupe qui est son sang, et fortifié par le pain qui est son corps.
Le bois de la vigne, après avoir été couché sur le sol, porte du fruit en son temps ; le grain de blé, tombé en terre, et là dissous, resurgit multiplié par l'Esprit de Dieu qui contient tout. Ensuite, grâce au savoir des hommes, ils servent à leur usage et, en recevant le Verbe de Dieu, ils deviennent l'eucharistie, à savoir le corps et le sang du Christ.
Ainsi nos corps qui sont nourris de l'eucharistie, après avoir été couchés dans la terre et s'y être dissous, ressusciteront en leur temps, quand le Verbe de Dieu leur donnera la résurrection, pour la gloire de Dieu le Père, lui qui procurera l'immortalité à ce qui est mortel, et offrira l'incorruptibilité à ce qui est corruptible, car la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse. » (1)

(1) Saint Irénée de Lyon, Contre les hérésies, source office des lectures du 9/5/19, AELF

01 mars 2019

L’amour est don 2 - Saint Grégoire d’Agrigente

Même l'amour, même la haine, l'homme ne les comprend pas : pourtant tout est devant lui. (Qohelet 9, 1)

Nous voyons l'amour et nous passons notre chemin.
Notre cœur est dur à croire.
Écoutons Saint Grégoire d'Agrigente  : « Va, mange ton pain dans la joie et bois de bon cœur ton vin, car déjà Dieu a agréé ta conduite. Que tes vêtements soient blancs, et que l'huile ne manque pas sur ta tête » Si nous vivons avec droiture, si nous sommes attachés à la doctrine d'une foi pure envers Dieu, nous mangerons notre pain dans la joie et nous boirons notre vin de bon cœur. Alors nous ne tomberons pas dans des doctrines mauvaises ni dans une conduite perverse. Au contraire, nous aurons toujours des pensées droites et, de tout notre pouvoir, nous accorderons notre miséricorde et nos bienfaits aux malheureux et aux pauvres. Car, évidemment, Dieu se complaît en ceux qui ont de tels soucis et qui agissent de la sorte. (...) Mais l'interprétation spirituelle nous élève à des réflexions plus hautes. Elle nous fait penser au pain céleste et sacramentel qui descend du ciel et qui donne la vie au monde ; de même, elle nous invite à boire de bon cœur le vin spirituel, c'est-à-dire celui qui a jailli du côté de la vraie vigne, lors de la Passion qui nous sauve. C'est à ce sujet que l'Évangile du salut nous dit : Jésus, ayant pris le pain, le bénit et dit à ses saints disciples et Apôtres : Prenez, mangez : ceci est mon corps, qui est rompu pour vous en vue du pardon des péchés. De même pour la coupe, il a dit : Buvez-en tous : ceci est mon sang, celui de la nouvelle Alliance, qui est répandu pour vous et pour la multitude en vue du pardon des péchés. En effet, ceux qui mangent ce pain et boivent ce vin sacramentel se réjouissent vraiment et pourraient s'écrier : Tu as mis la joie dans notre cœur !

En outre, à mon avis, c'est encore ce pain et ce vin que désignait, dans le livre des Proverbes, la Sagesse divine en personne, le Christ notre Sauveur, lorsqu'elle dit : Venez, mangez mon pain et buvez le vin que j'ai préparé pour vous, ce qui suggère notre participation sacramentelle au Verbe.

Ceux qui ont accès à cette participation doivent en être dignes : en tout temps, ils doivent porter des vêtements blancs, c'est-à-dire des œuvres de lumière, ainsi que le Seigneur dit dans l'Évangile : Que votre lumière brille devant les hommes ; alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. Quant à l'huile que l'on verra sans cesse baigner leur tête, c'est l'Esprit de vérité qui les protège et leur épargne toute atteinte du péché ».(1)

(1) Saint Grégoire d'Agrigente, Commentaire sur l'Ecclésiaste, source bréviaire, office des lecteurs du 1/3/19 AELF 

28 septembre 2018

L’abandon - Sainte Thérèse de Lisieux

Il est sur cette terre
Un Arbre merveilleux
Sa racine, ô mystère ! 
Se trouve dans les cieux.

Jamais sous son ombrage
Rien ne saurait blesser ;
Là, sans craindre l'orage
On peut se reposer.

De cet Arbre ineffable 
L'Amour voilà le nom, 
Et son fruit délectable
S'appelle l'abandon.

Ce fruit dès cette vie
Me donne le bonheur ;
Mon âme est réjouie
Par sa divine odeur.

Ce fruit, quand je le touche,
Me paraît un trésor ;
Le portant à ma bouche,
Il m'est plus doux encor.

Il me donne en ce monde 
Un océan de paix ;
En cette paix profonde 
Je repose à jamais.

Seul l'abandon me livre 
En tes bras, ô Jésus.
C'est lui qui me fait vivre 

De la vie des élus.(1)

(1) Sainte Thérèse de l’enfant Jésus et de la Sainte Face, Poésie 52  L.abandon est le fruit délicieux de l’amour

Source : Évangile au quotidien

23 août 2018

Dieu vient vers toi -15 - Thérèse de Lisieux

Une expression purement kénotique chez Thérèse mérite notre contemplation :
"Ce n'est pas pour rester dans le ciboire d'or qu'Il descend chaque jour du Ciel, c'est afin de trouver un autre Ciel qui lui est infiniment plus cher que le premier,  le Ciel de notre âme,  faite à son image,  le temple vivant de l'adorable Trinité" (1)
Elle la complète quelques lignes plus loin : "Il s' abaissait vers moi, il m'instruisait en secret des choses de son amour (...) secrets que toute (...) science ne peut découvrir,  puisque que pour les posséder il faut être pauvre d'esprit ! Comme le dit St Jean de la Croix en son cantique :" je n'avais ni guide ni lumière,  excepté celle qui brillait dans mon cœur" (2).
Ce chemin kénotique prend de l'ampleur après son entrée au carmel :"la vraie sagesse consiste à "vouloir être ignorée et comptée pour rien" (3) (...) Je voulais que mon visage soit vraiment caché,  que sur la terre personne ne me reconnaisse. (Ibid).

(1) Sainte Thérèse de Lisieux,  Manuscrit A,  48v○ , ibid p. 148
(2) 49 r, p. 149 citant Saint Jean de la Croix,  Nuit obscure,  str. 3 et 4.
(3) Ms A, 71r, ibid p. 189, citant l'imitation 1, 2, 3 et III, 49, 7.

03 mai 2018

L’hostie fracturée - 2

« Loin de nous contenter et de nous remplir de satisfaction, l'eucharistie creuse en nous un plus large désir :
« c'est celui-ci [l'amour] qu'elle mange, et qu'elle mange à tout heure, car ce qu'elle ne cesse de manger, elle ne cesse, après l'avoir mangé, d'en avoir faim(1) ».

Je retrouve en d'autres mots une idée portée par Teilhard de Chardin dans La custode : on croit le tenir, mais déjà Il nous échappe...(2)

(1) Jean de Ford, Sermons sur le cantique, 51,3, Oka, Québec 2000 p. 97 cité par Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 170
(2) cité de mémoire

26 avril 2018

L’hostie fracturée

"l'hostie ronde, complète, intacte, qui révèle une Présence en soi, (...) ne va pas jusqu'au bout d'elle-même, en ce sens que la présence ne se donne comme présence réellement réelle, accomplie et parfaite, que lorsqu'elle se livre, se donne et se partage. C'est à la fraction du pain (le premier nom de la messe) que le Christ est reconnu par les pèlerins d'Emmaüs (Lc 24, 31). Le partage du pain entre les mains du Christ déchire la nourriture comme se fend le voile du temple, et "leurs yeux s'ouvrirent". (...) Sa présence ne peut s'effectuer autrement que sous la forme du don, de la source et de l'envoi. Loin d'être statique ou assignable à résidence (le divin prisonnier du tabernacle), Dieu se rend présent (...) est mouvement (...) souffle dynamique (...) levain dans la pâte" (1)
C'est dans l'hostie fracturée, immolée sur la Croix, signe du don et de la communion des souffrants que se réalise ce que Dieu veut signifier.

Est-ce en cela qu’il faut entendre ce que disait Augustin en donnant la communion, “deviens ce que tu recoit, le corps du Christ “(2) ?

(1) Mgr Albert Rouet, Diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 158
(2) cité par André Brompart, dans La Croix du 19/4/18

10 septembre 2017

Comme cette eau se mêle au vin

"Comme cette eau se mêle au vin", puissions-nous, par l'effort de nos vies, être admis au mystère de sa danse eucharistique. Puisons donc aux puits où Dieu nous attends, allons remplir nos jarres (cf. Jn 3) de l'effort de nos vies, et laisser Dieu "diviniser ce que nous avons humanisé" (1).
Du geste du serviteur qui mêle l'eau de l'humanité au vin (qui nous attend comme le fleuve jaillissant du coeur du Christ) jusqu'à la présentation finale du corps et du sang, par le diacre, s'est ouvert la porte de Dieu au monde et l'eau vive du Mendiant d'amour jailli à nouveau de son sein transpercé,  pour rejoindre dans une danse éternelle,  l'humanité souffrante. Alors,  en ayant creusé en nous le désir de recevoir son Corps, nous ouvrons en nos corps, la porte au vent de l'Esprit,  jusqu'à ce que ce grand courant d'air balaye en nous toutes peurs et toutes adhérences au monde, et nous emporte enfin dans sa danse,

(1) François Varillon,  Joie de vivre,  joie de croire.

07 mars 2017

Le trépied des oeuvres


En écho avec le trépied eucharistique cité plus haut, voici une belle méditation de saint Pierre Chrysologue : "Il y a trois actes, mes frères, en lesquels la foi se tient, la piété consiste, la vertu se maintient : la prière, le jeûne, la miséricorde. La prière frappe à la porte, le jeûne obtient, la miséricorde reçoit. Prière, miséricorde, jeûne, les trois ne font qu'un et se donnent mutuellement la vie. En effet, le jeûne est l'âme de la prière et la miséricorde est la vie du jeûne. Que personne ne les divise ; les trois ne peuvent pas se séparer. Celui qui en pratique seulement un ou deux, celui-là n'a rien. Donc, celui qui prie doit jeûner, et celui qui jeûne doit avoir pitié. Qu'il écoute l'homme qui demande et qui en demandant souhaite être écouté ; celui qui ne refuse pas d'entendre les autres lorsqu'on le supplie, celui-là se fait entendre de Dieu. 
Celui qui pratique le jeûne doit comprendre le jeûne, c'est-à-dire il doit sympathiser avec l'homme qui a faim, s'il veut que Dieu sympathise avec sa propre faim. Celui qui espère obtenir miséricorde doit faire miséricorde ; celui qui veut bénéficier de la bonté doit la pratiquer ; celui qui veut qu'on lui donne doit donner... Sois donc la norme de la miséricorde à ton égard : si tu veux qu'on te fasse miséricorde de telle façon, selon telle mesure, avec telle promptitude, fais toi-même miséricorde aux autres, avec la même promptitude, la même mesure, de la même façon.
Donc la prière, la miséricorde, le jeûne doivent former un seul parrainage pour nous recommander à Dieu, doivent former un seul plaidoyer, une seule prière en notre faveur sous cette triple forme."(1)
À méditer dans la même veine, que la triple mention précédente. Peut-on d'ailleurs établir une correspondance ?
Prière -> presence réelle 
Jeûne -> sacrifice
miséricorde -> communion

(1) Saint Pierre Chrysologue, Homélie sur la prière, le jeûne et l'aumône ; PL 52, 320 (trad. bréviaire rev.