30 juillet 2015

Les 6 questions

Quand on a réussi à passer le stade des trois tentations de l'homme : "combien j'ai ?",  "qu'est ce que je vaux ?", "quel est mon pouvoir ?" (1), reste trois autres questions qui peuvent aider à orienter sa vie : "à quoi je sers ?", "pourquoi je souffre ?", "qu'est ce que je donne ?"
Les trois premières sont des impasses parce qu'elles sont auto-centrées.  Les trois secondes tournent vers autrui et conduisent à l'amour...

Or "Dieu est amour : qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui." (1 Jean 4,  16)

(1) cf. mes développements dans "le chemin du désert"

29 juillet 2015

Donner sans mesure

Combien de fois agissons nous par calculs? Nos actes sont conduits par les bénéfices que nous attendons. Saint Augustin a raison de distinguer 3 strates d'amour :

  • l'aimer être aimé qui nous pousse à acheter l'amour d'autrui par nos dons, 
  • l'aimer aimer où nous prenons plaisir à donner en ce que cela nous valorise, satisfait notre ego (1) 
  • et l' amour véritable qui consiste à aimer "sans intérêt" (1 Cor 13). 
L'amour de Dieu est d'un autre ordre :
 "Avec largesse, il a donné aux pauvres; sa justice subsiste à jamais. " Celui qui fournit la semence au semeur et du pain pour sa nourriture, vous fournira la semence à vous aussi, et la multipliera, et il fera croître les fruits de votre justice." (2)
Entrer dans le don de Dieu,  c'est aller au delà. 

(1) cf. notre analyse de Mat 4, in Le chemin du désert.
(2) 2 Corinthiens 9:9-10 

28 juillet 2015

La vraie miséricorde

A l'heure des migrants, des malnutris, des chômeurs et des nouveaux martyrs,  il est bon d'entendre saint Césaire d'Arles nous rappeller à sa façon,  ce que le Christ nous dit sur la double mesure que nous utilisons : "Comment définir la miséricorde humaine ? C'est que tu prennes garde aux misères des pauvres. Comment définir la miséricorde divine ? Sans aucun doute, c'est qu'elle accorde le pardon des péchés. Tout ce que la miséricorde humaine dépense dans le voyage, la miséricorde divine le rend dans la patrie. Car c'est Dieu qui, en ce monde, souffre du froid et de la faim en tous les pauvres, comme il l'a dit lui-même : Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait. Dieu qui, du haut du ciel, veut donner, sur la terre veut recevoir. 

Quelle sorte de gens sommes-nous donc, nous qui voulons recevoir lorsque Dieu donne ; et lorsqu'il demande, nous ne voulons pas donner ? Quand le pauvre a faim, c'est le Christ qui est dans l'indigence, comme il le dit lui-même :J'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger. Ne méprise donc pas la misère des pauvres, si tu veux espérer avec confiance le pardon de tes péchés. Le Christ a faim maintenant, mes frères, lui-même a voulu avoir faim et soif dans la personne de tous les pauvres; et ce qu'il reçoit sur la terre, il le rend dans le ciel.

Je vous le demande, mes frères, que voulez-vous, que cherchez-vous quand vous venez à l'église ? Quoi donc, sinon la miséricorde ? Donnez celle de la terre, et vous recevrez celle du ciel. Le pauvre te demande, et tu demandes à Dieu: il demande une bouchée de pain, et toi, la vie éternelle. Donne au mendiant pour mériter que le Christ te donne ; écoute-le qui dit : Donnez, et il vous sera donné. Je ne sais de quel front tu veux recevoir ce que tu ne veux pas donner. Et c'est pourquoi, lorsque vous venez à l'église, faites l'aumône aux pauvres, selon vos ressources." (1)

(1) Homélie de saint Césaire d'Arles sur la miséricorde. 

27 juillet 2015

Tradition et critiques

‎Peut être devrais-je entendre ce que je lis dans le journal de l'âme : " la critique est lumière, elle est vérité, et la vérité est sainte et il n'y en a qu'une. Toutefois je m'efforcerai toujours d'apporter dans ces discussions, où trop souvent les enthousiasmes inconsidérés et les apparences trompeuses prennent le dessus, une grande modération, une harmonie, un équilibre, une sérénité de jugement qui n'iront pas sans une largeur de vues prudente et circonspects. Sur les points douteux  je préférerai me taire plutôt que de hasarder des propositions mêmes géniales, qui s'écarterai du juste sentiment de l'Église". (1)

Je suppose que l'on touche là à l'apprentissage de l'obéissance pour celui qui se préparait alors à l'ordination diaconale. Mais au delà de cela on sent déjà la mesure, critiquée mais salutaire de celui qui fera néanmoins grandir l'Eglise.

(1) Jean XXIII 1903, op. Cit p. 259




Accent rahnérien

En citant Paul et cette "lumière de Dieu qui brille en nos coeurs" (2 Cor 4, 6), Hans Urs von Balthasar nous précise que la foi chrétienne est "le témoignage de Dieu en nous qui ne peut ‎être comprise que comme réponse à cette auto-attestation interne, intime de Dieu s'ouvrant et se donnant dans ses mystères intimes" (1)

En dépit des différences qui séparent les deux théologiens on ne peut pas dire que cet extrait ne rejoint pas l'intuition de Rahner.


Mais ce serait faire trop crédit au théologien allemand puisque Urs von Balthasar montre que l'on trouve cette notion déjà chez Augustin, Bernard et Thomas d'Aquin. Elle trouve pour lui sa source dans la philosophie de l'antiquité tardive chez Philon, Plotin et Denys (p. 134). Albert le Grand parlait déjà d'une certitude secundum pietatem qui nous ouvre les yeux à la volonté première. Thomas et Eckhart parle ainsi de l'introduction "par grâce de la créature dans l'acte de génération et de naissance trinitaire (...) et de prépondérance entitative de Dieu dans le cœur et l'esprit de l'homme. (...) Ce n'est pas nous qui exigeons la grâce en fonction de notre dynamisme, c'est elle qui nous appelle et nous désapproprie". (2)

Nous retrouvons à la foi ici une idée qui s'approche de ce que nous voulons signifier par la danse trinitaire, mais aussi nos commentaires sur le décentrement et l'effacement (cf. tags). Plus haut Balthasar citait d'ailleurs Jaspers et sa "foi philosophique", cet acte qui ne gagne tout qu'en abandonnant tout. (ibid p. 134)

(1) Hans Urs von Balthasar ,La Gloire et la Croix, GC1 op. Cit p. 131-132
(2) ibid. p. 136


26 juillet 2015

Le sentiment de solitude - 1

Qui peut saisir l'âme humaine,  descendre dans ses profondeurs, traverser ses contradictions,  dépasser les impasses qu'elle prend parfois et découvrir,  in fine, la petite flamme qui brûle. Il faudrait avoir la perspicacité et la clairvoyance d'un Dieu. Dans nos rencontres, nous n'égratignons souvent que la surface de l'humain,  nous ne sentons pas les bouillonnements intérieurs,  les questionnements,  les frustrations, mais aussi les joies profondes de l'homme. Nos paroles atteignent rarement l'intériorité de l'autre,  car pour y accéder,  il faudrait oser se mettre à nu, s'exposer,  faire état de nos faiblesses et de nos fragilités.
Il est loin le temps de la nudité originelle qu'évoquait Gn 2 : "ils étaient nus et ils n'en avaient pas honte". Et pourtant, comme l'affirme certains commentaires,  ne doit on pas en avoir une lecture eschatologique, y voir une direction.  N'est ce pas aussi le chemin de la kénose ? 

25 juillet 2015

Le travail de Dieu en nous

"Ce n'est pas toi qui portes la racine, mais (...) c'est la racine qui te porte" Rom 11, 18

Il nous faut prendre une fois encore le temps de contempler le travail de Dieu en nous. Nos oeuvres ne sont rien sans la dynamique trinitaire qui nous habite, nous fait grandir et fait jaillir de nous des signes qui dépassent toute nos finitudes.

Je rejoins ici ce qu'écrivait Balthasar "dans la figure lumineuse du beau, l'être de l'étant devient visible [en langage courant on pourrait traduire : le divin apparaît derrière l'homme] (...) [conduisant au] renoncement (à maîtriser et à abuser) pour pouvoir être saisi de joie (...) base et première lueur de (...) la révélation et de la grâce. (1)

L'allusion au saisissement nous ramenant à ce que nous avions souligné dans Phil 4.

(1) Hans Urs von Balthasar,  la Gloire et la Croix,  GC1, op. Cit p. 128

Sagesse

Les livres ne sont rien, si notre coeur se ferme à la Parole. "Que votre foi repose, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu".  (1)

Bon été...

(1) Corinthiens 2:5 BCC1923

24 juillet 2015

Le visage du Christ

A l'aune de mes contemplations du visage depuis Ex 33/34, je note une pépite chez Ambroise, dans la liturgie de cette semaine : 

"Pourquoi détournes-tu ton visage ? C'est-à-dire : Bien que tu détournes de nous ton visage, cependant, la lumière de ton visage, Seigneur, est imprimée en nous. Nous le gardons en nous et il resplendit dans notre cœur, car personne ne pourrait survivre si tu détournais ton visage".‎ (1)

(1) Saint Ambroise, commentaire du Psaume 43

Figure du Christ

Au delà de ce que j'ai écrit à propos de la dynamique sacramentelle,  on peut écouter en écho ce que nous révèle Balthasar,  en ce qu'il dit de la "figure placée devant le regard de l'homme (...) quoi qu'il en soit du caractère caché (...) déguisé (Luther), incognito (Kierkegaard), (...) nous sommes ici devant une figure authentique,  déchiffrable, (...) plus et autre chose qu'un simple signe (...) Fils de Dieu."
Plus que la fleur(2) qui n'est vue telle que si elle est aperçue comme manifestation d'une profondeur divine, "la figure de Jésus n'est vue telle qu'elle se donne elle même,  que si elle est appréhendée et reçue comme la manifestation d'une profondeur divine, dépassant toute nature du monde (3)".

(1)  Hans Urs von Balthasar,  La Gloire et la Croix,  GC1, p. 128-9 
(2) on retrouve chez lui cette comparaison dans son commentaire de Bonaventure ( cf. GC2, Styles, 1) et notamment sur les 6 niveaux de ressemblances qu'il note entre la trace, l'image et la ressemblance de Dieu.
(3) GC1, ibid.

23 juillet 2015

Bonté - Angelo Roncali

‎Je poursuis la lecture du journal de Jean XXIII,  qu'il faut parfois contextualiser mais qui révèle des pépites.  Nommé évêque en 1923, il est en Bulgarie quand il écrit cela : "toujours chercher, dans "mes rapports avec autrui (...) de la dignité, de la simplicité, de la bonté. Une bonté sereine et lumineuse. Et puis une manifestation constante de l'amour pour la Croix : amour qui de plus en plus me détachera des choses de la terre, me rendra patient, imperturbable, oublieux de moi-même, toujours joyeux dans les effusions de la charité (...)(1) "qui enfante les uns et se fait faible avec les autres (...) qui se penche sur les uns et se dresse contre les autres ; qui est caressante pour les uns et sévère pour les autres ; qui n'est une ennemie pour personne et qui est une mère ‎pour tout le monde.(2)

(1) Journal de l'âme, op. Cit 1928 p. 345
(2) Saint Augustin, De catechizandis rudibus, XV‎, 23 ; PL, 40, 328

16 juillet 2015

Laudato si - dynamisme trinitaire

‎La lecture de l'encyclique nous introduit dans la contemplation du mystère de notre maison commune. Le texte mérite bien sur d'être analysé et discuter en paroisse (cf post plus haut). Je note, en attendant le numéro 240 qui fait écho à mon dernier livre : il y parle du "dynamisme trinitaire que Dieu a imprimé [en chaque personne humaine] depuis sa création". Le pape François nous invite dans ce cadre à "mûrir une spiritualité de la solidarité globale qui jaillit du mystère de la Trinité"

15 juillet 2015

Ora et labora

"Il n'y a rien de plus conforme à l'Évangile que d'amasser, d'un côté, des lumières et des forces pour son âme dans l'oraison, dans la lecture et dans la solitude, et d'aller ensuite faire part aux hommes de cette nourriture spirituelle. C'est faire comme notre Seigneur a fait, et, après lui, ses apôtres ; c'est joindre l'office de Marthe à celui de Marie ; c'est imiter la colombe, qui digère à moitié la pâture qu'elle a prise et puis met le reste par son bec dans celui de ses petits pour les nourrir. Voilà comme nous devons faire, voilà comme nous devons témoigner à Dieu par nos œuvres comme nous l'aimons. Toute notre tâche consiste à passer aux actes."

Saint Vincent de Paul, Entretiens spirituels aux Missionnaires, fragment 171 (Seuil 1960 p. 908 et Orval).

14 juillet 2015

Vie et lectures

‎"Au jour du jugement, on ne nous demandera pas ce que nous aurons la, mais ce que nous aurons fait; ni avec quelle éloquence nous aurons parlé, mais quelle aura été notre vie religieuse" (1)

A mettre en écho avec la vie de Pascal qui après avoir si bien écrit s'est retiré pour exercer la charité.

(1) Jean XXIII op. Cit p. 199‎ 

13 juillet 2015

Manque de courage

"Je ne suis pas du tout le personnage que je m'imagine (...) quand l'amour propre se tait une seconde et que pensant à mon devoir de me donner ‎tout entier à Dieu (...) je me sens hésiter et manquer de courage" (1)

Je pourrais écrire ça...

(1) Jean XXIII, le journal de l'âme, op Cit. p‎. 180

12 juillet 2015

La figure du Christ

‎Dans nos messages précédents sur le surgissement de la foi, nous évoquions la notion de figure. 
Il n'est pas étonnant que Balthasar en vienne lui aussi à la figure du Christ. L'auteur de "retour au centre" parle ici du "surgissement d'une profondeur personnelle (trinitaire) et divine (...) dépassant toute nature du monde." "L'homme qui regarde", je dirais contemple, cela est rendu capable "par la grâce de participer à cette même profondeur."

La beauté devient "la liberté qui apparaît" souligne Balthasar citant Schiller, celle, ajoute-t-il "de Dieu qui n'est contraint par rien", mais surtout "de celui qui se révèle et qui se donne" (1)

On conçoit que le beau évoqué ici ne soit plus une esthétique humaine. La contemplation de la Croix sort des canons grecs. La beauté qui transpire n'est plus esthétique mais philosophique, théologique. Elle fait apparaître autre chose : le don. Celui qui se donne et s'efface pourrait-on dire en suivant les mots de Jean-Luc Marion (2)

(1) GC1 p. 129
(2) cf. notamment Étant donné

11 juillet 2015

Une foi inexplicable 2

Si l'on poursuit le cheminement de Balthasar, il y a cependant, à partir du vide (1) (Masure, mais aussi à mon avis J.Moingt) un chemin possible, une succession d'épiphanies et de signes qui laissent transparaître la "rectitude lumineuse" (2) d'une tendance, ce que j'appellerai à la suite de Lévinas le bruit d'un fin silence, qui au coeur de l'homme trace un chemin vers l'ouvert. Balthasar parle ici du "beau". Mais est-ce forcément le beau, je préfère quand il parle de Figure, à moins de qualifier de "Beau" ce qui n'est pas forcèment esthétique aux yeux des hommes mais "sublime", "surnaturel" voire "kénotique", c'est-à-dire ce qui dépasse l'humainement accessible au sens de Mat 19, ce qui dévoile sans imposer l'agapè véritable. Suis-je clair ? Probablement plus en parlant de la Croix, dont la beauté n'est pas esthétique mais surnaturelle, en ce qu'elle dévoile le jusqu'au bout de Dieu.

(1) Il cite Blondel et Masure à propos de la "place vide" p. 125
(2) GC1 op. Cit. p. 127

10 juillet 2015

Une foi inexplicable

"Si la foi chrétienne est l'attitude suprême de l'homme engendrée et déterminée par l'objet de la révélation, cette attitude est tout aussi inexplicable par la raison humaine que le mystère de Dieu dans le Christ" (1)

Je retiens surtout de cette phrase le côté inexplicable de la foi. La foi est don de Dieu nous dit le catéchisme, mais son actualisation en tout homme est aussi le mystère d'une rencontre personnelle face à laquelle les laboureurs que nous sommes nous sentons bien petits. Contempler, à genoux, le travail intérieur de Dieu en l'homme, c'est contempler le mystère même de la kénose, de cet agenouilement de Dieu devant l'homme dans un je t'aime qui respecte son libre arbitre, sa liberté intrinsèque et pourtant ne cesse, par bien des manières de courir à sa rencontre. Nous ne pouvons forcer la foi, tout au plus pouvons nous écarter quelques branches, travailler la terre, préparer la venue du semeur...

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1, op. Cit. p. 119


09 juillet 2015

Foi et raison 2

On retrouve l'idée de circumincession chez Clément d'Alexandrie, avec cette interaction entre foi et raison qui prend une dimension trinitaire. "Pas de gnose sans la foi, comme pas de foi sans la gnose, car le Père lui aussi n'est pas sans le Fils" (1)

S'il rejette une gnose hérétique qui fait ignore le Fils ou "la paresse des simples croyants qui croient pouvoir se contenter du kérygme filial, l'enjeu est de trouver le Père par et dans le Fils.

Clément poursuit en précisant : "Le Christ s'adresse aux hommes : "Je vous donne le Logos, c'est-à-dire la connaissance de Dieu, je me donne moi même parfaitement. C'est ce que je suis, c'est ce que Dieu veut, c'est une symphonie, c'est l'harmonie du Père, c'est le Fils... O vous qui êtes tous des images, mais pas toutes ressemblantes, je veux vous ramener à l'archétype, afin que vous me soyez aussi semblables. Je vous oindrai de l'onguent de la foi" (2)

Deux idées s'entrecroisent ici, celle de l'image et de la ressemblance, que l'on retrouve chez Augustin et surtout Bonaventure, avec cette idée de progressivité, de dynamique. L'enjeu, et c'est la deuxième image, est de rejoindre cette symphonie entre le Père et le Fils, ce que j'appelle : "entrer dans la danse de Dieu".

(1) Strom. V, 1,3 ; 1, 326,8 sq.
(2) Protr. 120, 3-5 cité in GC1 p. 115




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08 juillet 2015

Foi et raison

Il est intéressant de noter que Balthasar parle de circumincession entre foi et raison. Je ne connaissais le terme que dans le long developpement d'Emmanuel Durand sur la trinité (terme que j'ai traduit par danse). Ici Balthasar développe son idée à propos de la foi du simple, qui dit-il, "ne peut être qu'une foi d'autorité (qui est tout d'abord obéissance à la prédication éclésiale)". Il la distingue "du chrétien qui s'efforce énergiquement de s'approprier intérieurement ce qu'il croit" (1)

C'est dans ce passage que la circumincession prend, à mon avis de l'intérêt, en ce que le rapport entre foi et compréhension n'est pas à sens unique. La foi du charbonnier ne peut être regardée avec dédain. Elle est une des portes d'entrée à Dieu. Ce que l'on note, de plus en plus dans nos églises, c'est que nous quittons de plus en plus des fois "sociales", subies. Le besoin de comprendre, quand il est suscité, interagit avec la foi, la stimule, provoque de nouvelles interrogations, purifie l'acte de croire. Elle peut conduire au doute, mais ce dernier est aussi le chemin d'un plus grand questionnement, d'une quête de l'essentiel.

On rejoint ce que je notais chez Moingt, à propos de "l'Evangile sauvera l'Eglise". La lecture de l'Evangile est une danse qui interpelle à la fois foi et raison...

(1) GC1 op. Cit. p. 113 et 114


Humilité et effacement - Angelo Roncali

‎L attachement de Jean XXIII à son journal de l'âme qu'il aimait relire est d'autant plus touchant qu'on y lit des phrases pleine d'une quête authentique : "Je serai d'autant plus réellement grand et digne de réputation devant Dieu et devant les hommes, et mon ministère sera d'autant plus fructueux, que j'aimerai davantage l'effacement."

Angelo Roncali, Jean XXIII, le journal de l'âme, op. Cit p. 241 (avril 1903)


07 juillet 2015

Figure et ravissement

L'introduction de Balthasar (1) se termine par une saine articulation de deux concepts centraux : la figure et l'éclat. A travers Denys l'Aéropagite, il nous conduit dans l'articulation de l'éros divin, qui est pour lui extatique. L'amour de Dieu y est décrit comme tout tendu vers l'homme, sa figure et son éclat conduisant au ravissement et entraînant l'homme dans sa danse : "En Dieu, le désir amoureux est extatique(1)" (...) Double extase, précise-t-il, "de Dieu vers l'homme et de l'homme vers Dieu (...) Admirabile commercium et connubium entre Dieu et l'homme in Christo, tête et corps" (2)

Paul, illustre cela : il ne vit plus, c'est le Christ qui vit en lui, ce qui est bien, ajoute Balthasar avec l'aéropagite, le fait "d'un homme que le désir a fait, comme il dit sortir de soi pour pénétrer en Dieu et qui ne vit plus de sa vie propre, mais de la vie de Celui qui aime (3)".
C'est ce que j'appelle, avec mes mots, la danse de l'homme en Dieu (4)

(1) GC1, op. Cit p. 98ss
(2) ibid. P. 104
(3) Pseudo Denys, De Div nom., 4, 13. Trad. M. de Gandillac, Paris, 1943, p. 107s, cité par Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1, op. Cit p. 101
(4) la danse trinitaire.


06 juillet 2015

Dynamique chez Scheeben

Retour chez Balthasar où je reprends ma lecture de La gloire et la Croix tome 1.
Il y résume(1) le travail de Scheeben et notamment sa dogmatique.
Je tombe sur une phrase qui fait écho à mon dernier livre sur la dynamique sacramentelle.
La grâce chez Scheeben serait ce que saint Thomas et saint Augustin désigne sous le nom de pondus : "une influence dynamique et énergétique ou drastique et élastique" (2)‎ qui meut "la volonté comme une énergie fécondante, immanente à son fond le plus intime, comme sa forma, virtutis volontatis émanant de l'intérieur(3)"

J'aime cette image qui épouse ce que je décris de la dynamique sacramentelle, cette puissance intérieure qui, si on la laisse agir en nous, devient fleuve de vie, force vivifiante, nourriture, sang du Christ actif et irradiant.

Balthasar va dans ce sens en évoquant une "influence éthico-génétique‎ qui renvoie à l'analogie de la génération et invite à comprendre dès l'abord les affections inspirées ou plutôt toute la disposition intérieure du libre arbitre d'après l'analogie de la semence fécondante ou de l'étincelle qui met le feu" (4)

La grâce est donc cette étincelle qui met le feu à nos vies, la féconde de l'intérieur, irradie ses rayons jusqu'à ce que Benoît XVI appelle la fission nucléaire du coeur.

Pour Scheeben, se tourner et accueillir la grâce, c'est être "touché et stimulé de l'intérieur  (...) dans une attitude féminine et prête à concevoir..." (5)

(1) Hans Urs von Balthasar, la Gloire et la Croix, Apparition, tome 1, Cerf DDB 1965, 1990, p. 93
‎Que nous citerons plus loin sous le signe GC1.
(2) Scheeben, Dogmatique III, trad. P. Belet, Paris, 1877-1882, ¤ 288, n. 135
(3) ibid, n. 139
(4) GC1 p. 93
(5) Scheeben n. 155

05 juillet 2015

Lavement des pieds - Angelo Roncali

‎Voilà ce que le séminariste de 20 ans, futur pape Jean XXIII, écrivait en décembre 1902 plus de 50 ans avant d'initier le Concile Vatican II : "Jésus se penche pour laver les pieds des douze malheureux pêcheurs... Voilà la véritable démocratie, dont nous devons, nous ecclésiastiques, présenter au peuple l'image éloquente" (1)


Sans commentaires

‎(1) Angelo Roncali - Jean XXIII , journal de l'âme, Paris, Cerf, 1964, p. 181


04 juillet 2015

Serviteur des serviteurs de Dieu

‎Intéressant de noter en 1899 dans le journal de Jean XXIII (1) que sa première mention du Pape fasse allusion au "Serviteur des serviteurs de Dieu" (2)

(1) op. cit. p. 140
(2) L'expression serait de saint Grégoire le grand in Lettre XIII, 1; PL 77, 1254


03 juillet 2015

La valeur de l'âme

‎"L'âme de l'homme a une valeur infinie, puisqu'elle coûte le sang d'un Dieu"


Pépite à contempler

(1) Jean XXIII op. Cit. p. 141 




02 juillet 2015

Désir de paraître

"Vous connaissez mes défauts, mon désir de paraître, mon besoin d'être caché, de m"abaisser (...) et malgré tous mes défauts, mon désir d'aimer" nous dit Jean XXIII avant de citer 1 Cor 4, 7 " qu'as tu que tu n'aies reçu ? Et si tu l'as reçu, pourquoi t'en glorifier" (1)

‎Jean XXIII ajoute (2) :"Donne moi de te connaître comme le demandait saint Augustin : "que je te connaisse pour me connaître, et que je t'aime pour me mépriser" (3)

A méditer.


(1) Journal de l'âme, op. Cit p. 138 et 139

(2) Jean XXIII ibid. p. 141
(3) saint Augustin, Soliloques, II, I, 1 ; PL 32, 885

01 juillet 2015

Le troupeau de porcs

En première lecture on ne se sent pas concerné par l'évangile d'aujourd'hui (Mat 8, 28-34) ou l'évangéliste nous raconte que Jésus chasse d'un seul homme un troupeau entier de porcs.  Et pourtant,  le prisme d'une lecture spirituelle nous fait voir toutes ces distractions qui, en nous habitant, viennent embrumer notre âme,  loin du "tout est rien" de Thérèse (cf. plus haut)

Ce qui nous convient...

Apprends nous à prier,  demandent les apôtres.  Une question compliquée tant notre âme est prise par des distractions multiples où s'attache à des détails "humains". La prière peut devenir routine, sécheresse,  désespoir,  doute. Dans son journal (1), Jean XXIII note combien ses bonnes résolutions sont presque toujours lieu d'échec et pourtant il s'accroche, persévére.

A la question des apôtres,  Jésus a répondu par le Notre Père.  On peut le prononcer des lèvres.  Autre chose est de le dire avec le coeur. 

"Quelle est la personne, pour étourdie qu'elle soit, qui, lorsqu'elle sollicite un personnage important, ne réfléchit d'avance à la façon de présenter sa requête, de manière à lui être agréable et à ne pas l'importuner, se rappelant l'objet de sa requête, les raisons qui la motivent, en particulier si elle demande quelque chose d'aussi important que celle que notre bon Jésus nous apprend à demander ? Cela me semble digne d'être considéré. Ne pourrais-tu, Seigneur, tout inclure en un seul mot, et dire : « Donne-nous, Père, ce qui nous convient ? » car rien de plus n'eût été, semble-t-il, nécessaire pour celui qui comprend tout.

O Sagesse éternelle ! Cela pouvait suffire entre toi et ton Père, c'est ainsi que tu l'as sollicité au Jardin des Oliviers : tu as exprimé ton amour et ta crainte, en te remettant à sa volonté ; mais nous ne sommes pas, Seigneur, tu le sais, aussi soumis que toi à la volonté de ton Père ; il fallait que nous sollicitions des choses remarquables pour prendre soin d'examiner si ce que nous demandions nous convient, et sinon, ne point le demander. Car nous sommes ainsi faits que si on ne nous donne pas ce que nous voulons, nous usons de notre libre arbitre pour refuser ce que nous offre le Seigneur; même lorsqu'il nous offre ce qu'il y a de meilleur, si ce n'est pas argent comptant, nous craignons de ne jamais nous enrichir. 

Or le bon Jésus nous demande de dire ces mots, qui sollicitent la venue en nous du Royaume : Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Voyez ici, mes filles, la grande sagesse de notre Maître. Je considère que le moment est venu de comprendre que nous demandons ce royaume. Mais comme sa Majesté a vu que nous ne pouvions ni sanctifier, ni louer, ni exalter, ni glorifier ce saint nom du Père Éternel puisque notre petitesse nous empêche de le faire comme il se doit, sauf si sa Majesté y pourvoyait en nous donnant son royaume ici-bas, le bon Jésus a mis ces deux demandes côte à côte. Je veux vous dire ici ma pensée : pour que nous comprenions, mes filles, ce que nous demandons, il est important d'insister et de faire tout notre possible pour contenter celui qui peut nous l'accorder. Si mes considérations ne vous satisfont point, réfléchissez de votre côté, notre Maître nous le permet à condition de nous soumettre en tout aux enseignements de l'Église, comme je le fais ici. 

Il me semble donc que l'excellence du royaume du ciel, c'est, entre autres, de ne plus faire cas des choses de la terre, c'est le calme et la gloire en nous-même, la joie de la joie de tous, une paix perpétuelle, une grande satisfaction intérieure de voir que tout le monde sanctifie et loue le Seigneur, et bénit son nom, sans que nul ne l'offense. Tout le monde l'aime, et l'âme elle-même ne sait que l'aimer, elle ne peut cesser de l'aimer, puisqu'elle le connaît. C'est ainsi que nous l'aimerions ici-bas, quoique moins parfaitement, et moins spontanément; mais nous l'aimerions autrement que nous ne l'aimons, si nous le connaissions." (2)
(1) Journal de l'âme,  op. Cit. p. 100ss

(2) Sainte Thérèse d'Avila,  le chemin de la perfection,  source AELF

Dieu n'a pas fait la mort

En écho à Laudato si,  on peut méditer sur le plan de Dieu sur la création, tel que nous le relève ce beau texte de la Sagesse, lu dimanche :
"Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants.
Il les a tous créés pour qu'ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n'y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre,
car la justice est immortelle.
Or, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité.
C'est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l'expérience, ceux qui prennent parti pour lui. " (1) Livre de la Sagesse 1,13-15.2,23-24. 

Sans autre commentaire.