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02 avril 2021

Homélie du vendredi saint... - La Croix 12.0 - la danse finale (n.45)

Projet 2

Qu’est-ce que nous contemplons ce soir ?

Peut-on épuiser le mystère ? Il y a au moins douze dimensions dans la Croix que notre entrée en semaine sainte nous permet de manduquer lentement :

  1. La dimension verticale et descendante qui est celle de l’abandon trinitaire. Triple kénose où :
    • Le Père renonce à toute puissance pour laisser l’homme Jésus révéler l’amour.
    • Le Fils renonce à toute divinité pour se dépouiller d’abord de son vêtement par le mime kénotique tout symbolique d’un lavement des pieds (Jn 13) puis « forcé » sur la croix pour prendre la condition finale d’un esclave, d’un rejeté...(1)
    • L’Esprit sera déposé au fond de nos cœurs de pierre pour faire danser en nous l’amour(2)
  2. La dimension horizontale où les bras ouverts d’un Dieu transpercé nous invitent à sa danse pour l’humanité toute entière 
  3. La dimension « inversée » où le serpent moqueur qui nous empêche d’aimer et nous pousse à la violence, la jalousie, l’orgueil ou la cupidité est transpercé et dressé (Nb 11) par le feu d’un amour qui se révèle derrière un rideau déchiré (3)
  4. L’appel mystique d’un fin silence qui pèse sur le bruit du monde avant que bruisse le chant des anges à la sortie de nos carêmes...(4). Chant discret qui apparaît au terme de nos chemins de désert (5) et se prépare à l’Alleluia pascal...
  5. Un homme au paroxysme de la souffrance, agneau innocent qui révèle l’amour d’un Dieu avec nous.
  6. La déréliction de celui qui va jusqu’à connaître l’abandon du Père et rejoint ainsi les assoiffés du monde qui crie leurs « où es-tu ? » solitaires et souffrant.(6)
  7. La nudité révélée de l’Epoux déchiré sur le bois et qui n’en a plus honte, nouvel Adam au sens transcendé de Gn 2,25 (7) 
  8. La soif d’un Dieu qui crie pour la énième fois un « où es-tu ? » à l’homme depuis l’appel du premier jardin, le « donne moi à boire » de Jean 4 au « j’ai soif » de toi final d’un Dieu mourant de son désir d’amour (8).
  9. La joie cachée d’un Dieu qui en criant « tout est accompli » révèle qu’au delà de la souffrance et de l’abandon du Père se cache le mystère d’un chemin trinitaire.(3)
  10. L’Alliance ultime de l’homme Dieu qui épouse l’humanité par une danse ultime 
  11. Le don inouï d’un Dieu qui meurt et entre dans le silence du samedi saint dans l’attente fragile que le murmure d’une femme, devenue fidèle par une danse aimante(9), révèle à des hommes incrédules le bruissement du ressuscité qui déjà les précède en Galilée 
  12. La petite espérance où la soif de l’homme-Dieu se change en don et transforme un corps transpercé et « livré pour nous » en source jaillissante d’eau et de sang mêlés(10)


Je suis sûr que j’en oublie. 

Le chiffre 12 est révélateur mais on pourrait parler aussi de  l’Église fondée par un « Mère voici ton Fils » ou d’un « m’aimes tu ? » qui encadre le mystère. Je vous laisse compléter ;-). On n’épuisa jamais la révélation de la Croix. 


Jean nous conduit aussi à une interrogation particulière. Nous l’avons vu, quand Jésus, au jardin, affirme par trois fois Je suis, c’est à la fois une révélation du mystère même de l’homme Dieu et un écho aux trois « je ne suis pas » de Pierre. 

Ego eimi / ouk eimi


Et nous qu’allons nous dire. Je suis ? Je te suis ? Ou je ne suis pas, je ne te suis pas.


Laissons la question résonner dans le silence. Est-ce que Jésus est mort en vain... est-ce que notre marche vers Pâques est stérile ou sommes-nous prêts à avancer, à répondre enfin à l’où es-tu de Dieu, aidé par la contemplation de la croix et sa miséricorde ? 



Pour aller plus loin :

(1) relire Philippiens 2 ou ma « danse trinitaire » et « Serviteur de l’homme » en téléchargement libre sur Kobo

(2) Ezechiel 36, 26 et mon « Dieu dépouillé »

(3) voir Marc 15, 38 ou mon « Rideau déchiré »

(4) 1 Rois 19

(5) cf. mon livre éponyme 

(6) voir Hans Urs von Balthasar - Dramatique divine.  les travaux d’Adrienne von Speyr, Jurgen Moltmann et son Dieu crucifié ou mes deux livres sur ce thème dont « où es-tu ? »

(7) cf. « Le Dieu est nu » d’Arnold longuement commenté dans mes billets précédents...

(8) cf. À genoux devant l’homme 

(9) cf mon billet précédent 

(10) Ezeckiel 47 ou mon  livre « L’amphore et le fleuve »


07 janvier 2021

Danse avec tout homme - 26

« Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. » La méditation liturgique de la première lettre de Jean nous ramène à l’essentiel, à ces béatitudes qui contemple en chaque homme, cette capacité théophorique, d’être porteur de Dieu. 


Μακάριοι ο πτωχο τ πνεύματι - bienheureux les pauvres en Esprit. La distinction de Mt 5,3 interpelle.


Ce n’est pas rien de contempler dans la kénose du Fils l’appel continu de Dieu à révéler ce qu’il a mis en nous.

L’agenouillement du Fils qui veut demeurer chez Zachée, crie son « j’ai soif » à la Samaritaine ou se laisse toucher en Marc 7 par cette femme étrangère qui lui réclame des miettes est contemplation, d’une certaine manière de ce Dieu en « manque » de l’homme déjà mentionné par Arnold en « danse n. 9 et n.10 », non qu’il soit dépourvu d’infinité, mais parce que l’amour même est « extase »(Fratelli Tutti, ch. 3), tout tourné vers autrui, vers le « visage » d’autrui au sens Lévinassien.


La contemplation de cet foi des petits enfants, de cette amour sans faille, de cette confiance aveugle est toujours pour l’homme lieu de danse et s’inscrit bien dans la symphonie kénotique de l’homme et de Dieu.


C’est à l’Arche que l’on découvre que la foi des touts petits est lumière qui fait éclater nos incertitudes et nos de-espérance. C’est dans le chant et la prière de mes quatre petits enfants que je vibre le plus avec l’amour reçu et partagé. Dieu donne nous l’amour des « simples », ceux qui ne s’encombrent pas des rites et des dogmes, mais demeurent en toi comme tu demeurent en eux. 





On est bien là au cœur de cet agenouillement qui fait le centre de ma trilogie trop souvent citée.

17 novembre 2020

Dieu est nu - Hymne à la divine fragilité - danse trinitaire 9

Le livre de Simon Pierre Arnold (1) au delà du concept de « Dieu nu » qui rejoint des thèmes qui me sont chers (2) a cette phrase qui m'interpelle : « j'ai pris conscience que le tohu-bohu constituait bien le premier pas de la création » (p. 6), que l'auteur complète en p. 21 : « l'ordre n'est pas la raison d'être de l'univers, mais bien une condition toujours partielle et incomplète pour qu'affleure la surprise et l'inattendu au cœur de ce magma chaotique. L'à-peu près est l'Âme de la création en éternel devenir ». 




Pourquoi cette interprétation est-elle pour moi lumineuse ?

Parce qu'elle laisse à la fois une place à Dieu et à l'homme, à la liberté et la révélation.

Elle donne aussi une esquisse fragile de réponse à la question sans réponse du mal. En créant le tohu-bohu, Dieu n'exclut pas qu'il puisse conduire au chaos et donc au mal. Il ne le désire pas, envoie un « souffle fragile » (4) qui cherche à ordonner le chaos, mais laisse aussi peut-être cette possibilité comme prix à payer de la liberté, comme condition d'une existence qui échappe à une création trop figée et trop pure qui serait dictature du bien sans vis à vis.
Créer l'imparfait c'est ouvrir au bien, au don, y compris au Fils, et in fine à l'amour en retour...

L'auteur poursuit ainsi « L'incarnation est, dans son fondement une option délibérée pour l'échec et le nom pouvoir. La kénose [humilité et dépouillement de Dieu au sens donné par Ph. 2] est une décision, et non une erreur stratégique. Elle est le point de départ de toute véritable nouveauté (p. 28).

On rejoint là la question du Donateur qui s'efface (3), d'un Dieu qui nous aime au point de laisser au sein du tohu-bohu une lueur fragile, un signe élevé, un Dieu dépouillé (2).

Personnellement je vibre avec cette analyse trinitaire qui rejoint ce que je décris de mon côté comme une danse trinitaire (2) de Dieu vers l'homme, agenouillement successif du Père puis du Fils...

Mais plus encore, cette insistance sur la kénose est aussi pour moi le chemin qui devrait être notre chemin, le chemin de l'Église. Il l'exprime assez bien à sa manière (cf. p. 39 sq).

Son « Dieu en manque » [de l'homme] que je découvre à l'instant page 66 et qui résonne avec mon Dieu « à genoux devant l'homme » est si loin du Dieu impassible que nous a servi la théologie, que j'en frémis de joie...

Quelques pépites de plus de peur des les oublier : « L'incarnation est un processus collectif et cosmique universel, avec ses progrès et ses reculs, comme tout engendrement. C'est cette divine incertitude qui dit le mieux la kénose de Dieu » ibid p. 71

On rejoint cette notion de fragilité amoureuse de Dieu dont les entrailles se retournent en Osée 11 🙂

On vibre aussi sur une notion de dynamique loin de toutes traditions figées. Le souffle agit encore sur le monde (pas étonnant qu'il cite Teilhard)

On entend aussi le mot engendrement déjà cité souvent ici

(1) Dieu est nu. Hymne à la divine fragilité, Simon Pierre Arnold, Lessius 2019
(2) cf. notamment mes « Dieu dépouillé », « le rideau déchiré » et la « danse trinitaire ».
(3) allusion à la fois aux travaux d'Hans Jonas, de M. Mauss et Jean Luc Marion
(4) S.P. Arnold a cette belle image de la Ruah comme matrice maternelle de Dieu p. 57.



Quelques pépites de plus de peur des les oublier : 

Dieu en manque de l’homme p. 66
« L’incarnation est un processus collectif et cosmique universel, avec ses progrès et ses reculs, comme tout engendrement. C’est cette divine incertitude qui dit le mieux la kénose de Dieu » ibid p. 71

On rejoint cette notion de fragilité amoureuse de Dieu dont les entrailles se retournent en Osée 11 🙂

On vibre aussi sur une notion de dynamique loin de toutes traditions figées. Le souffle agit encore sur le monde (pas étonnant qu’il cite Teilhard) 

On entend aussi le mot engendrement déjà cité dans mon dernier billet...

« Avant de proposer une quelconque Bonne Nouvelle nous devons nous guérir de la maladie et du goût du pouvoir. Sans ce dépouillement kénotique de nos ambitions cléricales notre mission aujourd’hui est nulle et non avenue, du moins du point de vue du Dieu nu, le seul dans lequel je crois... » p. 190

Le temps de la danse est venu (...) comme une perpétuelle improvisation communautaire de la joie  (...) libre de toute culpabilité ». P. 195

« Le temps est venu de la simple Présence (...) l’enracinement solidaire et discret de l’Église au creux de la douleur quotidienne du monde » p. 204 

On rejoint pour moi ce que j’évoquais sur J.B. Metz, une mémoire qui actualise la Présence, souffre avec les souffrants dans l’espérance d’une joie encore inaccessible... c’est en tout cas ce que je ressens en soulevant le calice en communion avec tous les souffrants qui me sont confiés... geste pour moi diaconal par essence... 

Non qu’il soit réservé mais en profonde communion avec les soignants, qui participe à leur manière à la liturgie de cette Présence fugace.