31 octobre 2005

Une proposition de la foi adaptée.

"La mise au point d'une forme de catéchuménat adapté à notre époque compte parmi les tâches les plus urgentes devant lesquelles se trouvent l'Eglise et la Théologie." Ces lignes écrites en 1982 gardent toutes leur pertinence... Mais la difficulté reste semblable. Entre l'affirmation d'une foi claire, d'une parole tranchante, qui dérange et conduit à la conversion du coeur et le langage des hommes, il y a un chemin intermédiaire à trouver, difficile, délicat. Je le cherche en tout cas...

(1) Joseph Ratzinger, ibid, p. 26

30 octobre 2005

Foi vécu et proclamée...

On a parfois tendance à trop séparer la foi intérieure qui nous a été donnée et qui reste inscrite au fond de notre coeur et celle que nous exprimons avec nos mots... A quoi sert de proclamer que Jésus est le Seigneur, si au fond de notre coeur on ne croit pas que Dieu est le ressuscité des morts. C'est en tout cas, ce qu'affirme Rom 10,9 qui parle de cohérence et de salut. Ton coeur est en vue de la justification et ta bouche en vue du salut....
Origène parlait déjà de l'"aima tou logon", ce sang du Verbe qui nous atteint. Notre foi doit s'inscrire dans cette fragilité intérieure qui s'ouvre au dialogue pneumatique (par le souffle, l'Esprit) entre Père et Christ, jusqu'à entendre résonner en nous la lettre aux Hébreux (10,5) : "Tu ne voulais pas de sacrifice alors tu m'as donné un corps.... C'est dans ce dialogue que se joue la rencontre entre ce que J. Ratzinger qualifie d'expression verbale et nominale de la foi. Pour lui (1), il n'y a pas séparation entre métaphysique et salut mais comme l'affirmait déjà Henri de Lubac, il y a rencontre, ultime maturation de l'évolution néotestamentaire jusqu'en Mt 28,19 : "allez faire des disciples, je serais avec vous...". Notre mission de baptisé n'est pas d'ailleurs dans la seule proclamation mais bien dans cette unité entre les actes et la vérité de notre bouche. Et c'est là le chemin de l'hyperbole... Dieu ne veut pas de sacrifice, mais nous a donné un coeur et un corps, pour aimer en vérité.
"Le Dieu unique est concrètement dans la rencontre avec le Dieu fait homme et avec l'Esprit-Saint qui l'a envoyé.."
Pour H. de Lubac "Dieu n'est pas solitude mais extase, complète sortie de soi". Cela signifie pour J. Ratzinger que ce mystère de la Trinité nous a ouvert une perspective toute nouvelle : le fond de l'être est communion. La foi trinitaire est communion. Et si l'on croit selon la Trinité, on ne peut plus qu'être appelé à signifier cette communion, à devenir communion.
A travers l'histoire la communion de l'Eglise est médiatrice entre l'être et le temps. Comme l'affirmait déjà Saint Augustin, le souvenir est médiateur entre l'être et le temps et pour lui, cela conduisait à concevoir le Père comme Mémoire.
"Dieu est tout simplement Mémoire, c'est-à-dire Etre retenu, pour autant que l'être est retenu dans la durée. La foi chrétienne comporte en vertu de sa nature l'acte du souvenir, et par là elle fonde l'unité de l'histoire et l'unité des hommes par référence à Dieu". Pour Benoît XVI, "l'unité de l'histoire n'est possible que parce que Dieu leur a donné la mémoire". Cela a pour moi des implications importantes sur ce qui a déjà été ébauché sur le rapport entre tradition et Parole car la mémoire n'est possible qu'à travers une lecture et donc une interprétation... Qu'elle place laissons nous à l'héritage, à la tradition. Est-ce la mémoire où le souvenir qui constitue l'Eglise ou une vaine apparence ? Peut-on concevoir une hiérarchisation du souvenir...

En ce jour de dimanche où l'Evangile nous invite à la méditation sur l'hypocrisie des pharisiens, ce texte donne à penser...

(1) Joseph Ratzinger, ibid, p. 16 et suivantes

28 octobre 2005

Le sel de la sagesse

J. Ratzinger rappelle, ce que j'ignore d'aillers, que le rite d'accueil du baptême pouvait se faire avec la présentation du sel, comme pour le catéchuménat.
Pour lui le sel est signe de sagesse. Il exprime que l'on a du goût pour la vérité, que l'on cherche à trouver du goût à la vérité.
Cela rejoint ce que j'exprimais plus haut sur cette nécessité constante d'une intelligence de la foi, ou pour le paraphraser d'un apétit pour la foi, de sorte que nos actes, et nos signes soient nourries de cette lente compréhension intérieure...

(1) Joseph Ratzinger, ibid, p. 38 et ss

26 octobre 2005

Oeucuménisme

"Une des conséquences essentielles du IIème Concile du Vatican est que la théologie soit continuellement ramenée dans sa pensée et son langage à la dimension oecuménique". (1)
Cette ouverture, ou doit-on dire prétention à l'oecuménisme me semble essentielle à conserver en mémoire, au delà de la souffrance qui marque souvent nos difficiles balbutiements vers une plus grande unité. Toute "recherche vers Dieu" ne peut se faire si elle conduit encore à séparer nos points de vue et l'unité de la Cité de Dieu est notre horizon....
Joseph Ratzinger, Les principes de la théologie Catholique, Essais et Matériaux, Téqui, 1982, ed. 2005., p. 8

25 octobre 2005

Tragédie grecque

"L'homme grec de la tragédie n'est rien face au Christ dans sa capacité à vivre la souffrance" (1) Il n'est qu'un pâle figure du théâtre du monde face à la réalité humaine et sa dramatique...
Peut-on pour autant dire que la souffrance du Christ est indépassée ? Certains martyrs l'ont peut-être été. Mais faut-il pourtant se situer dans une comparaison morbide qui n'aurait que pour résultat de mettre en lumière la cruauté des hommes. Ce qui est certain, c'est que le martyr injuste de certains ont complété en leur chair celui de l'innocent et que pour nous chrétiens, il n'est pas neutre, que cela soit Dieu qui souffre sous nos coups...


(1) d'après Hans Urs von Balthasar, in Herrlichkeit, III, I. p 97

FL59 Herrlichkeit, Eine theologische Ästhetik, Band III, I Im Raum der Methaphysik, Teil I - Altertum, Johannes Verlag, 1965, ISBN 3 265 101 59 2

24 octobre 2005

Kénose

Le secret final de la kénose de Dieu en Christ est proche par analogie du secret de l'être, qui ne s'éclaire seulement que lorsque la lueur de Dieu apparaît à travers la pauvreté de la croix (1). Il y a pour moi dans cette phrase toute la méditation déjà évoquée du bruit d'un fin silence, ce Dieu qui s'abaisse dans le cri d'un souffrant pour crier son amour...

(1) Ferdinand Ulrich, Homo Abyssus, Das Wegnis des Seinsfrage, Einsielden 1961), cité par Hans Urs von Balthasar, Herrlichkeit, Eine theologische Ästhetik, Band III, I Im Raum der Methaphysik, Teil I - Altertum, Johannes Verlag

Copyright et traduction...

Attention....
Les notes suivantes sont issus de la lecture des deux volumes de Balthasar Herrlichkeit Band III Methaphysik, tomes I & II en allemand. A la différence des billets précédents, la traduction française est "personnelle", elle reste plus soumise à caution que celle utilisée dans les tomes précédents.
J'en profite pour dire que mes nombreux extraits, critiquables en soi, au sens du copyright se justifient par plusieurs arguments ;
- il s'agit pour moi que de l'ulitisation du droit de citation (moins de 1O lignes à chaque fois) et de commentaires,
- je reprends le principe retenu par le moteur de recherche G. qui penche pour l'opt out, dans la mesure où cet ouvrage n'est plus disponible en français dans les librairies (ce qui m'a d'ailleurs conduit à acheter la version allemande...)
- il s'agit d'un essai de vulgarisation d'un texte qui reste volumineux et austère... Mes billets restant déjà en eux-mêmes probablement difficiles d'accès, inexact et imprécis tant dans la citation que dans l'analyse... Je laisse le lecteur libre de ses appréciations et commentaires
- cette publication est non commerciale...
Si cette interprétation du droit était critiqué par qui que ce soit (via ce mail, je supprimerais bien sûr (avec regret) tout ce travail exploratoire...

23 octobre 2005

Marie au coeur du drame

Pour Balthasar, Marie est dans une position dramatique entre les deux testaments. En elle, le Christ rejette la chair et le sang ("qui ne peuvent hériter du royaume de Dieu" (1 Co 15,50) mais "en humiliant ainsi toujours plus profondément sa mère, Jésus la prend, inconnaissable aux autres, toujours plus profondément dans sa propre humiliation, qui le mène à n'être plus sur la croix que "chair et sang" nus. (...) Toute la figure de Marie est tellement conçue d'une manière intra-biblique et intertestamentaire que sa conception virginale doit tout à fait être vue dans le parallélisme qui surenchérit à l'égard des naissances merveilleuses d'enfants que mettent au monde des femmes de l'Ancien Testament."
Pour moi cependant, cela reste accessoire par rapport au message et par rapport à cette possible médiation d'une femme bénie entre toutes les femmes, qui ne peut en rien être comparée à l'unique médiateur, mais dont la conduite à la fois simple et archétypique, s'est révèlée pleinement au pied de la croix. Stabat mater dolorosa. Elle se tenait debout, la mère des douleurs. Et cette compassion est déjà pour nous chemin et signe indépassabe.
Cela permet de comprendre d'une certaine manière, cette nécesssaire double polarité qu'évoque Balthasar (287) entre une sainteté mariale et subjective et celle pétrinienne et objective. On est au coeur de la dramatique interne, insoluble en vertu de laquelle Marie prend part structurellement en tant que prolongement (plénitude, corps) et partenaire (épouse du Christ) à sa mission rédemptrice.
Peut-on aller jusqu'à justifier le sacerdoce masculin comme cete garantie objective de l'homme dans une dualité ou la part subjective est tenue par la femme ?

(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 264-5
(2) ibid p. 287

22 octobre 2005

Réciprocité

"Si la femme a été tirée de l'homme, l'homme a son tour naît par la femme. Si la femme est mère d'un enfant humain qui est personnellement Dieu, alors elle doit être appelée Theotokos, celle qui enfante Dieu." (1) Cette échange pour moi met à un terme à la vision machiste de l'homme. Il y a interdépendance des libertés, même si la liberté finie de la vierge est la clé de l'incarnation, elle reste lieu de liberté. Et Dieu s'est agenouillé devant la femme qui a rendu possible cette kénose...

(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 232

21 octobre 2005

Don et réponse...

Pour Balthasar, le don du Christ, nouvel Adam, ne peut être "achevé" que lorsqu'il y a réponse (Ant-Wort) de la femme [Eglise]. Il établit alors un parallèle intéressant entre Ant-wort et Ant-litz (voir) visage... (Ant - Anti, contre).
Cela évoque pour moi, comme toujours, une relecture du sens du sacrement de mariage. Comme le fait Paul dans Ephésiens, le dialogue entre Christ et Église s'inscrit dans la même dynamique que le "je te reçois et je me donne à toi". De fait, je devrais dire d'ailleurs l'inverse, puisque le sacrement dérive de cette correspondance. Mais il y a dans la kénose, cette dimension archétypique qu'il me semble important de méditer. Il ne s'agit pas seulement d'agir, mais cet acte n'a de sens que s'il conduit à une réponse. La passion ne serait pas "efficace" si elle n'avait été précédée de cet accompagnement des coeurs. Et cependant, comme le démontre Emmaüs, il restait encore un chemin à parcourir. La réponse de l'Eglise ne pouvait venir d'elle-même que dans la mesure où le souffle l'habite et lui "souffle" la réponse. Le dialogue Christ-Eglise pourrait être ainsi presque réduit au dialogue intra-trinitaire, à la symphonie des hyspostases... Et à cette symphonie, Dieu, dans sa miséricorde inépuisable, nous convie à devenir les instruments.
La deuxième remarque résulte du parallèle entre An-Wort et An-Sicht... Entre les mots et le visage. Visage du Christ, Verbe du Christ, verbe de l'Eglise, visage du Christ. Cela évoque bien sûr les accents lévinassiens de l'exposition du visage, qui sommes toutes ne sont pas étranger à mon premier point (cf. lien)
Plus loin (1), Balthasar évoque la création d'Eve, comme n'étant pas une création extérieure, ou un processus naturel, mais comme venant de l'intérieur et d'en haut. Cette approche prend tout son sens pour l'Eglise, nouvelle Eve, qui naît du désir du Christ et de Dieu. Elle ne lui est pas étrangère mais vient bien du dedans et c'est aussi pour cela et comme cela que nous sommes en Christ (en christoî).
La mission de l'Église, comme la mission de la femme, est continuation et conséquences de sa procession à partir du nouvel Adam. C'est pour Balthasar "accueillir et mener à la plénitude la fécondité de l'homme au sens large". Et pour l'Église, c'est bien de cela qu'il s'agit.
Ce que je trouve le plus éclairant demeure cependant cette vision pleine de signification : "Du côté (blessé) de celui qui sommeille (sur la croix) est tiré et façonné le "visage" répondant de la femme (Ep. 5,27) dont l'homme (vir) ne peut pas se passer. Le mystère de l'homme et de la Femme de la première création le montre mais ce mystère ne reçoit sa mystérieuse plénitude que dans le mystère du Christ-Eglise (Ep. 5, 27-33)." (2). Rappelons que ce sang versé est à la fois celui évoqué dans l'institution de l'Eucharistie, mais aussi ce fleuve qui coule du Temple dans la vision du prophète...
Alors, le cri de Jean-Paul II à Lourdes en 2005 prend un double sens : "Femme/Eglise, sentinelle de l'invisible.
(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 227 et 229
(2) ibid p. 231

20 octobre 2005

Communauté et personnalisme

Pour Balthasar, la communauté n'est pas une somme d'individus mais "chaque individu personnalisé dans le Christ a maintenant lui-même en lui un espace communautaire en vertu de sa mission ; celle-ci s'étend du membre particulier que chacun est, comme personne au corps tout entier. Ces espaces (...) ne se touchent pas seulement les uns les autres à leurs limites, mais ils se pénètrent mutuellement d'une manière essentielle (...) ils peuvent réaliser cet être-les-uns-pour-les-autres comme s'ils étaient sur le même plan que le Christ (...) [tout en étant] le fruit de l'unique être-pour-tous du Christ sur la croix." (1) Balthasar ajoute que "les sacrements nous donnent de devenir une communauté".
Il y a là pour moi encore une danse, une danse où les libertés personnelles et les apports de chacun, rentrent en harmonie avec les dons de la grâce...

L'homme ne peut vivre seul face à Dieu. Bien au contraire, la double dimension verticale et horizontale de l'incarnation nous invite à participer à ces deux dimensions. Et ce n'est que dans cette double direction que l'on rejoint l'harmonie divine...

(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p.225

19 octobre 2005

Etre en Christ ?

"En appartenant comme membres au corps ecclésial du Christ nous devenons, d'après la déclaration de Paul non pas une chose mais un être (1 Co) : un seul être, on serait tenté de dire une seule personne, celle du Christ. Cette personne n'absorbe pas en elle les sujets individuels, elle les comble d'en haut (Ep. 10,4 ss) de personnalité et de mission." Balthasar évoque ainsi la communion des saints. Pour aller plus loin (et peut-être un pont trop loin, je dirais que dans l'échange conjugal on s'inscrit dans cette logique de la constitution d'un corps et entre dans la symphonie de Dieu... Ce serait alors le sens sacramentel du mariage, de refléter à sa manière le mystère de la Trinité, non comme une image fidèle mais comme le lieu de transformation et de liberté qui avance vers l'unité eschatologique en Christ.

(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 197 et suivantes

18 octobre 2005

Liberté - IV

Dans quelle mesure les souffrances innombrables de l'humanité peuvent elle être intégrées dans l'oeuvre de salut du Christ ? Cela reste le mystère de Dieu. Mais en aucun cas la passion salvatrice du Christ ne peut être interprétée comme une oeuvre de pénitence imposée au Père par le Fils. Cette décision est trinitaire. Elle remonte à une décision trinitaire de salut où Jésus se comprend comme venant lui-même dans une parfaite liberté accomplir le projet de Dieu trine. (1)

Le jeu de la liberté finie et de la liberté infinie, du vrai homme et du vrai Dieu est le jeu accepté par le Père dans l'incarnation du Fils et cette symphonie des libertés qui s'accordent et s'harmonisent sont pour nous signes efficaces de la tension vers laquelle nous sommes appelés à progresser et vivre. Le choix de Dieu est un choix libre tout en étant douloureux... Il engage et nous fait sortir de nous mêmes. Chemin "d'ek-stase" pour reprendre le terme de Benoît XVI dans un livre que je vous commenterais bientôt (cf. livres lus actuellement dans la colonne de droite).

(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 192 et suivantes.

13 octobre 2005

Souffrance de Dieu

Quand Balthasar note (1) que "l'Un de la Trinité a souffert", il souligne que "la souffrance est réellement assumée par une personne intradivine".
Cela fait résonner en moi ce texte pourtant controversé mais que j'avais trouvé lumineux de François Varillon : "La Souffrance de Dieu". On retombe là sur le thème déjà soulevé et qui continue de gêner du Dieu immuable. Je bute encore sur cet héritage grec ou "philosophique" de Dieu. Est-ce parce que j'ai fait contre l'avis de saint Thomas, un excès d'anthropocentrisme. Ou serait-ce compatible avec ma perception de la symphonie trinitaire qui s'émeut et vibre dans la danse des trois personnes sans pour autant être mise en danger dans son unité et son immutabilité ?
J'apprécie d'ailleurs ce que rappelle Balthasar plus loin : " nous ne devons pas diviser le Christ en un sujet qui souffre et accomplit sa mission et un autre qui regarde immuable. C'est un sujet unique qui accepte de se laisser transformer jusqu'à la kénosis (Ph 2). Quand il ajoute que "L'éloignement de Dieu sur la croix est l'expérience par le Fils de la condition de pécheurs jusqu'au bout." (2) j'y perçois là encore cette danse respectueuse des personnes, qui laisse à chacune une totale liberté et l'humanité de Jésus, cette liberté fondamentale d'être et de choisir un chemin qui en le rendant pleinement homme lui permettra de devenir pleinement Dieu.
Les pères de l'Eglise renforce cette impression "Le verbe est devenu chair afin que par le Verbe devenu chair, la chair devienne une avec le Dieu-Verbe" (Saint Hilaire).
Pour Théodore : "C'est notre nature qui a été crucifiée avec lui, elle qui était soumise à la mort et elle est toute entière ressuscitée avec lui"
Enfin, Grégoire de Nysse souligne que : "ce qui n'est pas assumé n'est pas sauvé" (...) le Christ me porte tout entier avec ma misère pour anéantir en lui le mal, comme le feu fond la cire en lui". (3)
(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 174
(2) ibid p. 182
(3) ibid p. 190 et suivantes.

11 octobre 2005

Conscience - IV

La vie psychique double du Christ est spéculativement impossible. Il n'a pas dès le départ de vision bienheureuse et paisible de Dieu.
Pour Herman Schell : "Le Fils de Dieu est éveillé peu à peu de la conscience enfantine à la conscience du Messie et de Dieu".
Il y a pour Balthasar des variations possibles alors "dans la mission entre vues prophétiquement exactes ou pleine de pressentiments et rétrécissement de l'attention sur un horizon déterminé : tout cela rend possible le logion de l'ignorance du Fils au sujet de l'heure." Le Christ alternerait entre des instants lumineux et la sécheresse et l'abandon rétrécissant qui caractérise la mystique chrétienne. On peut percevoir la diversité possible des formes de la science du Jésus terrestre. Cela traduit aussi la réalité du prophète qui n'est pas un instrument parfois passif de l'Esprit. L'inspiration est source de liberté plus grande comme la flûte enchantée de Mozart inspire l'artiste qui traduit une grande liberté intérieure.
Cette analogie explique pour Balthasar "combien, pour Jésus, sa mission reste lieu de liberté même si elle est inspirée par son esprit (cf. Rom 8)".
"Mais nous n'avons pas le droit de poser deux décisions : celle de Dieu puis celle de l'homme". Pour lui la décision est toujours une décision trinitaire mais maintenue dans l'état où il peut être tenté (1)
On retrouve ici les accents de la symphonie trinitaire déjà esquissée plus haut. Il n'y a donc pas opposition, lutte ou priorité des personnes divines, mais unité de vue et diversité parfois libre, souvent excessive dans les épiphanies de Dieu, sans cependant que la liberté de l'homme soit en danger, ni que les personnes luttent entre elles, ce qui relève plus de la mythologie grecque que de la révélation trinitaire.

(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 157 et suivantes

09 octobre 2005

Conscience et mission - III

L'universalité de la mission ne serait-elle pas révélée dans l'agonie ? Cela conforterait la thèse de Lytta Basset sur la conversion par la femme hémorroïsse qui souligne combien elle convertit le Christ à une mission plus large. On rejoint ainsi ce que nous apporteraient les révélations d'Anne-Catherine Emmerick, où l'ampleur du défi pascal est révélé au Christ lors de l'agonie... C'est le tout de cette charge qu'il a accepté de prendre pour nous...
Balthasar note en tout cas deux statuts :
a) l'exinanitionis qui est le rapport de Jésus à l'Esprit et consiste dans l'exécution de la mission.
b) l'exaltationis qui est l'achèvement de la mission et l'expiration de l'esprit de mission sur la Croix.
Dans le premier statut la procession ne viendrait que du Père à la différence du deuxième statut où il y aurait procession du Père et du Fils comme expiration de l'Esprit. C'est le lieu de différence mais aussi de convergence entre orthodoxe et catholique.
"Dans son origine éternelle, le Fils reçoit réellement le pouvoir d'expirer l'Esprit. Il y a réellement en lui, dans son incarnation sa disposition à être conduit par l'Esprit. L'esprit est sans mesure (Jn 3,34) en lui, afin que le Fils puisse, sans aucune hétéronomie se livrer à la conduite de l'Esprit au dessus-de-lui" (1) Il y a pour moi l'archétype du décentrement sans hétéronomie déjà longuement évoqué dans ces pages.


(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p.152 et suivantes

08 octobre 2005

Conscience - II

Balthasar souligne d'ailleurs que "nous recevons notre mission dans notre venue à la foi à la différence du Christ qui a et est depuis toujours sa mission et dans sa mission il est totalement abandonné et fait confiance au Père (fides lucida contre fides aenigmatica. Nicolas de Cuse (maxima fides) (1)
Ainsi, au delà de l'opposition Rahner / Riedlingen Urs von Balthasar voit la conscience divine du Christ limitée à la mission (en tant que forme économique de la processio) (2) Pour moi, si j'en comprends bien les enjeux, cela rejoint ce que Sesboüé appelle la conscience progressive, dans l'économie du salut : au delà de la visio immediata propre à la vision hypostatique décrite par Rahner il y a cette lente conjugaison entre Dieu et l'homme.

Cette progression caractérise pour moi le mystère de l'incarnation. L'homme Jésus ainsi le pouvoir de rentrer librement dans l'économie du salut en résistant à la tentation et accédant ainsi progressivement à des niveaux croissant de conscience et de vision atteint in fine dans la vision totale sur la croix.

Et cette progression ne nie pas sa divinité. Elle est au coeur du signe (mystère) de son incarnation.

NB : Plus loin cependant, Urs von Balthasar soulignera que si les Pères de l'Eglise refuse l'idée de connaissance progressive, Bonaventure y souscrira.

(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 137
(2) ibid p. 138

07 octobre 2005

La conscience du Christ (suite)

Le Christ connaît la totalité de la mission, mais en même temps, comme le recommande Rahner, a une certaine sorte d'ignorance : "il voulut abandonner ce mode de l'accomplissement final au Père et à la poussée de l'Esprit et rassembler entre les deux statuts d'obéissance et d'exaltation. (1) Cela rejoint pour moi une vision de l'infini qui n'est véritable que lorsque l'on considère la Trinité avec une dépendance réciproque de chaque Personne. L'infini de Dieu ne serait-il qu'accessible au sein de la communion des 3 personnes ?
C'est peut-être ce que souligne Balthasar quand il note que la "personne trinitaire du Christ doit avoir besoin du Père et de l'Esprit pour être elle-même".
Et en même temps, il note que "la conscience humaine individuelle de Jésus contient une élément qui dépasse nettement et foncièrement depuis toujours l'horizon purement humain de la conscience - car il s'agit d'une mission plus qu'humaine - réconcilier le monde entier avec Dieu ne peut se joindre à une conscience humaine de manière secondaire et accidentelle même si on doit laisser une place pour une clarté croissante de la conscience de la mission" (2)
Pour lui, 'la liberté du Christ s'oriente sur la mission, "révélation économique" d'une décision trinitaire libre et commune." (3)
De plus, son "ego eimi" (je suis), n'est prononcé que "les yeux dans les yeux" avec son Père et donc dans la prière...

(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p.129 et 130
(2) ibid p. 133
(3) ibid p. 135

05 octobre 2005

Dieu Immuable... ?

Pour Balthasar "Dieu a envoyé son Fils tout entier dans l'incarnation mais en vue d'une heure et d'une mission qui ne sera consumée que sur la croix : l'être de Dieu est réellement en devenir."
Peut-on dire en cela que le Christ est un être non immuable, malgré sa nature divine ?

L"héritage grec a figé la conception philosophique de Dieu en un être immuable. Mais cela est-il concevable avec l'incarnation. Je pense que c'est pour cela que Balthasar écrit que " l'être et le devenir du Verbe incarné sont l'expression d'un être éternel qui quoique n'étant pas devenir est pourtant vie éternelle débordante et (super)-évènement. (...) Le devenir qui est dans la nature du Christ ne suffira pas à exprimer la Trinité économique et la Trinité immanente s'absorbant alors l'un dans l'autre." (1)

Je me demande si l'on ne peut pas parler d'une épiphanie progressive d'une réalité immanente mais qui se découvre progressivement à l'homme pour aboutir à la révélation totale en Christ dans le mystère de la mort et ce qu'elle dévoile : l'être est immuable mais la révélation est progressive.

On rejoint ici la dernière esquisse de J. L. Marion in Le Visible et le Révélé, Editions du Cerf, 2005 : "Que le refus de vouloir voir où même de pouvoir voir ne disqualifie pas ce que l'on dénie, mais bien celui qui dénie. L'aveuglement ne met pas en cause la lumière. Encore moins l'aveuglement volontaire".

La révélation, un Dieu qui se met à nu, un nouvel Adam qui est nu et qui n'en a pas honte mais que l'homme refuse souvent de voir, en dépit de toute liberté et du respect dans cette épiphanie révélée.

Ainsi Grégoire de Nysse peut-il noter "un progrès dans l'achèvement" qui va du premier état (celui de l'abaissement) au second (celui de l'exaltation). De serviteur il est devenu Seigneur...


(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 97 et 127
(1) d'après Dramatique Divine, II-2, Urs von Balthasar, ibid p. 126