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29 mai 2022

Les semences du Verbe et de l’Esprit - 2.61

 

« Vous aussi, maintenant, vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ;et votre joie, personne ne vous l’enlèvera. » Jn 16

Comme le suggère François Varillon, il ne sert à rien de contempler les pieds du Ressuscité et se lamenter sur son absence. Il est parti mais à laissé en nous trois traces discrètes et fragiles que nous devons maintenant faire grandir. [Est-ce ce que Justin appelle les semences du Verbe ou ce que l’Église nomme les vertus théologales] : la foi, l’espérance et la charité…]


De ces dons dérivent trois interpellations dans cet entre-deux…


Avons-nous la foi ? Celle qui déplace les montagnes et nous conduit à tout quitter pour le suivre. 


Avons-nous l’espérance, celle qui nous fait relever la tête et croire en l’Esprit qui vient ?


Avons-nous la charité, cet amour gratuit que nous ne pouvons atteindre que par la grâce de Dieu ? 


Bien heureux ceux qui peuvent répondre oui. 


Heureux sont ceux qui lavent leur vêtements nous dit Jean dans son chapitre 22 de l’Apocalypse. Il fait probablement allusion à ceux qui ont lavé leurs vêtements dans le sang de l’agneau. Étienne en est le premier signe : une foi sans tâche qui lui permet de voir Dieu… voir Dieu alors même que cette danse restait cachée à Moïse (cf. Ex 33-34) ! On comprend le choc pour les juifs qui l’entouraient.


Et nous ? Quelle distance par rapport à nous qui errons dans le noir comme des brebis perdues… ?


Ne soyons pas pourtant de ceux qui abandonnent et quittent le sentier qui monte vers la joie. Descendons au fond de nous-mêmes pour retrouver ces semences déposées au cœur de notre baptême, comme celles qui vont pénétrer chez Chloé que je vais baptiser (demain/à l’instant). 


Si nous voulons être cohérents avec le message de Celui qui nous a précédé, il faudrait que nous tombions à genoux, comme l’a fait le vieux Siméon, devant cette petite fille et ses parents, qui choisissent aujourd’hui en âme et conscience de présenter Chloé à Dieu, car par là nous exprimerions, notre foi vivante, notre espérance et l’amour qui nous habite….


C’est dans ce cadre que nous pouvons entendre la prière du Ressuscité, parti, mais pourtant bien présent jusque dans son corps, bientôt partagé dans ce baptême à venir et dans l’eucharistie qui va suivre.


Montons à l’autel du Seigneur en goûtant à ces paroles du chapitre 17 comme un nectar sans prix, car signé par le don ultime du Christ, manduquons doucement ces paroles jusqu’à creuser en nous le terreau des semences de l’Esprit qui s’annonce…


«  Père saint, je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. »


Mystère et tendresse de ce rêve de Dieu sur l’homme…. Mais poursuivons…


« Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi.

Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un,

afin que le monde sache que tu m’as envoyé,

et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. »


[Dans ce juste au bout de l’amour que je vais manifester [jesus parle juste avant « l’heure »]


« Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis ils soient eux aussi avec moi et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde.

Père juste, le monde ne t’a pas connu,

mais moi je t’ai connu,

et ceux-ci ont reconnu

que tu m’as envoyé. 

Je leur ai fait connaître ton nom,

et je le ferai connaître, 

pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux,  et que moi aussi, je sois en eux. » Jn 17


Notre unité est encore à construire. Elle dépend maintenant de chacun de nos gestes, de notre agir et de ces dons divins promis, de ces semences jetées en plein champ dans la démesure de l’amour trinitaire…


Notre unité n’est pas uniformité mais prise de conscience que Dieu nous appelle au meilleur de nous mêmes et surtout à partager ces dons reçus. 


Je ne voudrais pas terminer sans évoquer le fait que nous fêtons aujourd’hui la fête des mères, ces mamans qui depuis la conception et la naissance sont toutes données à leurs enfants. Bien souvent ce sont elles qui portent l’unité de la famille. Quand leur amour est gratuit et sans faille, elles deviennent signes d’autre chose, de Celui qui as tout donné pour l’unité…. 


[Leur risque est parfois de trop étreindre. Prions pour qu’elles trouvent aussi la juste distance, cette chasteté de laisser partir ceux qu’elles ont engendré. Une chasteté plus large que celle que nous évoquons souvent, celle de laisser pousser la semence d’amour qu’elles ont transmis à l’enfant qu’elles ont aimé jusqu’à laisser quitter le nid qu’elles avaient préparé] 😉 


* trame fragile d’une homélie dominicale à commenter…

23 décembre 2020

Tressaillement et danse - 20

 



« L'enfant a tressailli... »

Que dire quand on est homme et que jamais l'enfant n’a en nous manifesté sa présence ? Peut-on en être jaloux ? 😉 

Il y a pourtant des tressaillements intérieurs, des caresses de Dieu qui nous réveillent et nous font pressentir cela...

Signes discrets d’un Dieu qui vient se révéler à nous dans le silence ?

Signes plus tangibles quand la Parole fait vibrer en nous le mystère....

On devrait peut-être même aller plus loin et glisser sur la pointe des pieds que lorsqu'il nous a été donné de communier au corps et au sang du Christ, nous devenons à notre tour capables de ces « tressaillements » de Dieu en nous. 

Capax dei !

Est-ce ce que suggère François Varillon quand il dit que Dieu vient diviniser ce que nous avons humanisé ? (1)

J’ai du mal avec le mot diviniser, qui nous vient d’Irenée, mais c’est peut-être là qu’il prend chair, dans ce tressaillement intérieur dû à l’inhabitation fugace du Verbe en l’homme...

Alors nous pouvons faire nôtre le magnificat. Car nous entrons à notre tour dans cette danse trinitaire à laquelle le "fiat" marial nous a invités. 


« Heureuse celle qui a cru... » On entend déjà résonner à nos oreilles le chant des béatitudes et notre cœur devrait lui aussi bondir d'allégresse, car, en ce jour de la visitation, l'Église rentre dans la fête et la danse du peuple de Dieu. Après des siècles d’attente, après le désert, l'exil et la peine, la bonne nouvelle d'un Dieu parmi nous devrait nous envahir. Dieu a entendu son peuple et lui a donné un sauveur...

« L'enfant a tressailli... » 

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s'est penché sur son humble servante ».... (Luc 1, 47)


Ce chant m’habite, habite aussi mes joies, même les plus intérieures. Il prend sa source dans les chants de l’AT et devient signe de nos espérances... il relève les humbles...


Que Dieu tressaille en nous à l’aube du mystère...


(1) cf. Joie de croire, joie de vivre

PS : extrait complété de mon « Chemins de miséricorde »

Voir aussi « la danse intérieure »

La visitation - peinture de ma soeur, L. Franc (c)

05 juin 2020

La Trinité comme une danse - Homélie du 7-8 juin

Projet 4 - notes pour une homélie orale 
 
Comment comprenez vous le grand mystère de la Trinité ?

Vous allez me parler du Père, du Fils, et peut-être de l'Esprit. Et vous aurez raison.
Il y a cependant une interaction particulière qui a beaucoup fait réfléchir les pères de l’Église et qu'il est intéressant de contempler en cette fête particulière.
Je vous propose pour cela 3 temps :
1. temps de contemplation des textes
2. un temps de contemplation de la Trinité
3. un temps d'exhortation... et de mise en mouvement.


1er temps :  j'aimerais vous introduire à la contemplation des textes de ce dimanche.
Dans l'Exode, Moïse cherche Dieu. Il l'a déjà rencontré dans le buisson ardent (Ex 3, Ex 19, etc.) pourtant, il gravit cette fois la montagne du Sinaï avec une attente particulière à l’issue de la « crise » du « Veau d’or » et c'est là que Dieu se révèle, non pas dans la puissance, mais dans le point ultime de sa pédagogie et dans un déchirement de sens par rapport à toutes les révélations [théophanies] précédentes. Il est "tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de vérité." (Ex. 34)
Que verra vraiment Moïse ? Je vous invite à lire la suite... 

1ere contemplation...

Saint Paul, dans la  deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens, parle lui aussi d'un "Dieu d'amour et de paix". Il évoque également notamment "la grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit"(2 Co 13) .

Prenons le temps de méditer chaque partie de l'affirmation : "l'amour de Dieu, la grâce du Christ, la communion de l'Esprit". Nous avons là aussi des indications qui distinguent, mais en même temps, une commune référence à l'amour, la communion, la grâce et la Paix.

Saint Jean introduit quant à lui, une dynamique : "Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé".     




2ème temps
Quel est maintenant le point commun des trois textes ?
L'amour, la communion, un Dieu qui sauve. 
Un Dieu de tendresse, loin des images du Dieu vengeur, du Père qui exigerait la mort du Fils en rançon, ou du Père fouettard qui nous envoie un virus pour nous punir. Toutes ces images qui masquent le Dieu qui nous sauve. Ce qui se révèle c'est le don, l'amour infini de Dieu, un Dieu qui bouge, loin des images statiques [ou trop immanente de Dieu](1). La trinité n'est-elle pas là...?
Dans ce mouvement particulier et premier d'un Père qui donne...
Ce mouvement second d'un Fils qui se donne
Ce mouvement de communion d'un Esprit qui est donné.
La Trinité est le don en actes de Dieu...
Elle rayonne dans ce mouvement de Dieu vers l'homme, dans ce dépouillement trinitaire, ce don qui vise la tendresse, l'amour, le salut.

Réécoutons à nouveau Dieu qui parle à l’homme dans la première lecture : Je suis « tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de vérité. ». En redescendant de la montagne Moïse est illuminé de la lumière de cette révélation. Probablement parce que lui a été donné ou promis de voir Dieu en mouvement.


C'est sur la base de la contemplation de ce mouvement, que les Père de l'Eglise parle avec leurs mots savants d'une danse (2).
Le mot danse m'a toujours interpellé.
"J'ai joué de la musique sur la place et vous n'avez pas dansé nous" dit Jésus...(Mat 11, 17). Sommes nous prêts à entrer dans la danse de Dieu, à nous laisser emporter par l'amour, le don, le dépouillement (3) de nous lourdeurs naturelles, pour être porteur de la joie de Dieu ?
La Trinité est mouvement, danse, don, dépouillement...

J'en viens à mon troisième temps...
Nous avons perdu le mouvement dans un confinement sécuritaire et parfois douillet. Mais la vie, le mouvement nous appelle. N'oublions pas le cri de Dieu qui nous interpelle sur nos chemins de vie : "Où es-tu ?" (Gn 3) - Viens tu danser, viens tu aimer, veux-tu donner de toi même au service d'une communion réelle... ?
Tel est l'enjeu de la fête d'aujourd'hui. Tel est l'appel que Dieu nous fait.
Préparons nous à recevoir le don de Dieu en nous. Non pour le laisser confiné en nous, mais pour entrer dans la dynamique de l'amour...

Dimanche dernier, je vous invitais à venir vous présenter à l'autel, en même temps que les offrandes. Ce geste n'est pas un geste anodin. Il vous demande un mouvement extérieur, mais s'inscrit dans un mouvement du cœur. N'oubliez pas, comme le suggère Varillon (4), que votre cœur doit s'unir à l'offrande que Dieu nous fait. Que notre amour n'est pas la contemplation statique d'un Dieu statique, mais un mouvement en réponse à un Dieu en mouvement.

Ce mouvement est le premier des trois mouvements qui vous sont demandés : offrir puis recevoir et ensuite partir. Car entrer dans la danse c’est aussi partir à la rencontre du monde, porter le Christ à vos frères...
Amen 

Annexes pour le lecteur anonyme : 
(1) cf. K. Rahner et son traité sur la Trinité où il rejoint trinité économique et immanente 
(2) Périchorèse ou circumincession - Cf. E. Durand, La Périchorèse des personnes divines, Cerf
et mon essai de simplification : "La danse trinitaire"
(3) Cf. plus bas - Dieu dépouillé 
(4) François Varillon Joie de croire, joie de vivre 

Rappel : l’interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l’interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets 

01 mai 2020

Le bon berger... Méditation pour le 4eme dimanche de Pâques


Projet version 5 à discuter (merci à Georges pour sa contribution)

Qui est le bon pasteur ?
Le droit de l'Église qu'on appelle le droit canon distingue fort bien (canon 516sq) celui à qui est donné la tâche de diriger, des autres ministres de l'Église. Cela appelle au moins une double réflexion :
  1. D'où vient ce pouvoir ?
  2. Qu'est-ce que l'autorité ?
Peux-t-on distinguer les deux ?
La réponse à la première question est a priori simple. Elle se trouve directement dans l'évangile de la Passion dans le dialogue avec Pilate : «Tu n'as aucun pouvoir (...) à part celui que Dieu t'a accordé.» Jean‬ ‭19:11‬ ‭
De cette réponse peut dériver celle que l'on peut faire à la deuxième question. L'autorité viendrait de Dieu,. Mais le risque est d’abuser de cette affirmation. En réalité l’enjeu n’est pas  d’imposer une autorité, mais que cette autorité rejoigne l’agapè qui « prend patience, est longanime et ne cherche pas son intérêt » (1 Co 13), c'est-à-dire qu'elle dérive de l'amour, est amour, n'est qu'amour(1)

Toute autorité qui n'est pas pétrie de cela sort de la « porte sainte », ne vient pas de Dieu. Depuis Luc et Matthieu 4, nous savons que le pouvoir est l'une des tentations centrales de l'homme. Elle n'échappe pas à Jésus lui même tenté au désert. Le Christ a dépassé cette tentation en prenant le chemin de l'humilité (kénose) et de l'amour jusqu'à la Croix, c'est pourquoi l'autorité lui est donnée par Dieu, non pour ses mérites et sa connaissance mais parce que l'amour est la véritable autorité, le chemin, la vérité et la vie.

Les épîtres pastorales complètent cette direction : « si quelqu'un souhaite la fonction de dirigeant dans l'Église, il désire une belle tâche. Il faut qu'un dirigeant d'Église soit irréprochable, mari d'une seule femme, sobre, raisonnable et convenable, hospitalier, capable d'enseigner; qu'il ne soit ni buveur ni violent, mais doux et pacifique; qu'il ne soit pas attaché à l'argent; qu'il soit capable de bien diriger sa propre famille et d'obtenir que ses enfants lui obéissent avec un entier respect. En effet, si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre famille, comment pourrait-il prendre soin de l'Église de Dieu? Il ne doit pas être récemment converti; sinon, il risquerait de s'enfler d'orgueil et de finir par être condamné comme le diable. Il faut aussi qu'il mérite le respect des non-chrétiens, afin qu'il ne soit pas méprisé et qu'il ne tombe pas dans les pièges du diable.»
‭‭1 Timothée‬ ‭3:1-7‬ ‭BFC‬‬

Nous avons besoin d’une autorité qui reste collégiale et qui surtout demeure un agenouillement (2) devant l’inviolable nature d’autrui.
C’est tout le la difficulté. L’autorité n’a de sens que si elle est au service de l’unité. C’est le projet de l’Église, toujours visé, souvent manqué. Chacun doit travailler à y contribuer.

L’éternel risque est de désirer le pouvoir que nous apporte une éventuelle autorité en oubliant que la kénose (cf. Ph 2) est la porte étroite : le Christ en renonçant à l’autorité nous montre la « porte étroite », celle du bon berger, qui met ses brebis avant lui-même..., s’agenouille pour les soigner, cours après les perdus et les aime plus que lui-même, jusqu’à en mourir. La croix est la porte étroite, comme nous le rappelle la lettre de Pierre de la liturgie d’aujourd’hui (1P2, 20-25). Le Christ est l’unique pasteur, parce qu’il a été jusqu’au bout de l’amour.
Dans l’échange qui précède la consécration, le peuple s’efface devant le prêtre et lui confie le dialogue liturgique, mais cet effacement ne lui enlève rien, car ni le peuple, ni le prêtre n’a autorité pour reproduire le sacrifice unique, célébré par le Christ : « Ceci est mon corps, donné pour la multitude ».

(1) François Varillon, joie de vivre, joie de croire
(2) cf mon livre https://www.amazon.com/genoux-devant-lhomme-French-ebook/dp/B00HKTU838

Annexe :

Ajout tardif : pour Alain Madelin, cf. Heurs et malheurs de l’autorité (Éd. Lessius, 2018), l’autorité se mesure « à la capacité de faire grandir autrui pour lui permettre de donner sa pleine mesure ».

Pour mémoire : Can. 516 - § 1. Sauf autre disposition du droit, la quasi-paroisse est équiparée à la paroisse: elle est une communauté précise de fidèles dans l'Église particulière qui est confiée à un prêtre comme à son pasteur propre, mais n'est pas encore érigée en paroisse à cause de circonstances particulières2. Là où il n'est pas possible d'ériger des communautés en paroisse ou en quasi-paroisse, l'Évêque diocésain pourvoira d'une  autre manière à leur charge pastorale.
Can. 517 - § 1. Là où les circonstances l'exigent, la charge pastorale d'une paroisse ou de plusieurs paroisses ensemble peut être confiée solidairement à plusieurs prêtres, à la condition cependant que l'un d'eux soit le modérateur de l'exercice de la charge pastorale, c'est-à-dire qu'il dirigera l'activité commune et en répondra devant l'Evêque.
§ 2. Si, à cause de la pénurie de prêtres, l'Évêque diocésain croit qu'une participation à l'exercice de la charge pastorale d'une paroisse doit être confiée à un diacre ou à une autre personne non revêtue du caractère sacerdotal, ou encore à une communauté de personnes, il constituera un prêtre pour être muni des pouvoirs et facultés du curé, le modérateur de la charge pastorale.

23 février 2020

Divinisation ou invitation à la danse - Bernard Sesboué

 Le terme de divinisation surprend, même si je l'avais déjà rencontré chez Varillon dans Joie de croire, joie de vivre qui l'évoque à partir de l'eucharistie : « Dieu vient diviniser ce que nous humanisons ».

Pour Sesboué le concept rejoint l'idée que nous sommes « enfants de Dieu » (Rom 8, 16 et 1 Jn 3,1), mais aussi cette grande image nuptiale déployée dans Eph 5. Pour lui, il « ressort de ces textes que nous sommes invités à entrer dans l'intimité affectueuse de la famille divine dont nos liens d'amour les plus forts sont une image. Le paradoxe veut que cette entrée dans l'amour même de Dieu ne nous arrache en rien à notre humanité. Parce que nous sommes ainsi faits de par notre création, notre divinisation est le accomplissement dernier de notre humanisation » (1)

Notre salut se destine à cette divinisation. Il rejoint là peut-être ce que disait à sa manière Fra Angelico par sa danse des anges dans son tableau du jugement dernier, une image qui entre en résonance avec ce que je développe dans « danse trinitaire »(2), cette idée que Dieu, dans sa bonté, rêve de nous voir participer à sa danse.



(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 284
(2) cf. notamment l'Amphore et le fleuve.

14 avril 2019

Au fil de Luc 22 et 23, dimanche des Rameaux, homélie 3

Troisième ébauche
Frères et sœurs, en ce jour des Rameaux se pose une grande question, comme le point ultime de notre vie : En quoi croyez-vous ? 
Qui est votre roi ? 
Est-ce un roi de toute puissance ou un roi de faiblesse ? 

Une tension apparaît en effet entre le roi acclamé pour les rameaux et ce Christ mort sur une croix. C’est dans l’intervalle entre notre rêve de royaume et de protection et cette faiblesse du Christ en croix que se situe le cœur de notre foi et qu’il nous faut méditer aujourd’hui. 

C'est une question essentielle et qui interpelle aujourd'hui jusqu'à l'essence même de notre Église. [sans plus de commentaire]

Si nous croyons en un roi tout-puissant, alors pourquoi le mal, pourquoi la liberté, pourquoi l'amour...

Méfions nous de nos désirs de puissance, nos projections. Si nous projetons nos désirs sur un Dieu tout puissant c'est que nous avons nous-mêmes un désir de puissance et de pouvoir. Le pouvoir, la toute puissance c'est ce qu'attendaient un peu cette foule qui acclame Jésus aux Rameaux. La protection d'un roi ?

Et nous qu'attendons nous de Dieu ?

Les textes que nous avons entendu, la première lecture, Isaïe 50 et les Philippiens nous aide à rentrer dans cette tension particulière. ces textes nous aide à contempler le Christ dans sa faiblesse, faiblesse qui n’est pas une lâcheté mais une humilité et une faiblesse au sens particulier que lui donne Paul (c’est quand je suis faible que je suis fort" (2 Co 12) et qui nous dévoile l’amour. 

L’amour de Dieu porté jusqu’au bout, jusqu’à son paroxysme. L’amour qui va jusqu’au silence, qui va jusque dans la bienveillance vis-à-vis de Judas, dans ce refus de la violence, un refus de sortir l’épée pour se laisser entraîner comme un agneau à l’abattoir, un silence qui n’a d’autres buts que de montrer l’échec de la violence, le non sens de mon désir de puissance.

La leçon des Rameaux, la leçon de Jésus c’est que ce Dieu tout puissant que nous vénérons n’est pas le vrai Dieu. C’est le Dieu de nos désirs et non le Dieu amour.

Pourquoi en effet Jésus monte-il sur un petit âne fragile et non sur un cheval ?

Pourquoi se laisse-t-il conduire « à l’abattoir ? »
Comme un agneau sans tâche au milieu des loups. Relisons ce que dit Isaïe 
« Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille,
et moi, je ne me suis pas révolté,
je ne me suis pas dérobé.
    J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient,
et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe.
Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.. »

Pourquoi s’enfermer dans le silence devant ses accusateurs 
La clé de lecture des Rameaux se révèle dans l’hymne aux Philippiens, Prenez le temps de méditer cette lettre de Paul cette semaine. Elle est centrale pour comprendre la passivité de Jésus dans sa Passion. Son silence, sa douleur, son abandon de tout pouvoir fait de lui un véritable compagnon de nos souffrances.

« Le Christ Jésus,
    ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.
    Mais il s’est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect,
    il s’est abaissé,
devenant obéissant jusqu’à la mort »

La toute puissance de Dieu n’est pas violence. Elle n’est pas un royaume au sens des hommes. Elle est faiblesse, humilité, kénose. Elle est amour.

« Ai-je autant aimé les anges ? Non, c'est toi, le misérable, que j'ai chéri. J'ai caché ma gloire et moi, le Riche, je me suis fait pauvre délibérément, car je t'aime beaucoup. Pour toi, j'ai souffert la faim, la soif, la fatigue. J'ai parcouru montagnes, ravins et vallons en te cherchant, brebis égarée ; j'ai pris le nom de l'agneau pour te ramener en t'attirant par ma voix de pasteur, et je veux donner ma vie pour toi, afin de t'arracher à la griffe du loup. Je supporte tout pour que tu cries : « Tu es béni, toi qui viens rappeler Adam ».(1)

Dieu n’est qu’amour nous disait le père Varillon (2)
Dieu n’est qu’amour... C’est en contemplant la Croix que se révèle en nous la clé de ce « que ». Et dans cette folie de l’amour divin se joue l’invitation fragile de Dieu à le suivre.

La puissance de Dieu est folie pour les hommes. Elle se contemple sur la croix. Pourquoi le rideau se déchire de haut en bas ? Parce que ce qui était caché aux juifs dans le temple est maintenant dévoilé : l’amour de Dieu est visible. Il est cloué sur la Croix. Il se donne aujourd’hui dans cette eucharistie que nous allons célébré : 
Soyons à notre tour, amour. Ne laissons pas le Christ mourir pour rien (3)

(1) Saint Romanos le Mélode, Hymne 32 (trad. SC 128, p. 31s, rev)
(2) François Varillon, Joie de croire, joie de vivre
(3) Sur ce thème voir mes développements en Sur les pas de Jean et Dieu n’est pas Violent.


01 février 2019

Au fil de Luc 4, 21-30, le prophète ou les larmes de Dieu - Homélie du 4ème dimanche du Temps Ordinaire

Projet pour le 3/2/19 - version 4
——
Avez-vous déjà perçu les larmes de Dieu ? prenons le risque d’une métaphore humaine et poétique : si nous écoutions la pluie, comme le signe d'un Dieu qui pleure ? Ou la neige, comme le silence de Dieu souffrant.
Est-ce que nous entendons la souffrance du Dieu trinitaire (1), depuis le cri qu'il lance à l'homme dans le jardin d'Eden, jusqu'au cri du Christ en croix ? 
« Où es-tu ? », dit-il à Adam (Gn 3) - J’ai soif [de toi] (2), lance-t-il en Croix (Jean 19, 28, (cf. mon livre éponyme)

Les textes que nous avons entendus ce 4ème dimanche du temps ordinaire, nous dévoile la fonction du prophète. Ils font à leur manière résonner la parabole des vignerons homicides qui tuent les envoyés du maître...
Qui est le prophète ? N’est-ce pas celui qui nous fait part de la désolation de Dieu. Dans la première lecture, Dieu lui demande de revêtir sa ceinture (Jérémie 1), une ceinture bien fragile (cf. Jer 13 sq). De la même façon, par une allusion à Élie, Jésus nous conduit dans l'évangile sur les pas du grand prophète jusqu'à Sarepta, (cf. 1 Rois 17, 9 sq) retrouver la veuve qui n'a plus rien et qui s'apprête à mourir avec son fils. 
Quel est l'enjeu, sinon que Dieu as entendu son cri, loin de l'indifférence de son peuple, qui dans son opulence, n'entend plus Ses appels.

Par ce récit (Luc 4) , Jésus nous fait entendre sa désolation et les larmes qu'il verse sur son village natal incapable de reconnaître sa fonction de prophète. 
C'est au sein de cette tension que deux clés se révèlent. Deux clés qui nous conduisent à une contemplation et une méditation.

1ère clé 
Nous avons entendu déjà, la semaine dernière, le début du texte. Il s'est arrêté, sur la notion d'accomplissement, aujourd'hui nous allons un peu plus loin. 

Je vous propose de contempler encore cette notion d'accomplissement, de la « manduquer » dans un premier temps, avant de méditer sur la deuxième lecture et sur ce qu'elle me dit de l'amour de Dieu.

Premier temps - contemplation.
L'accomplissement, ce que le Christ  me dit comme accompli, se tend dans les évangiles entre cette affirmation de Jésus à Nazareth et ce « tout est accompli » qu'il prononce sur sa croix.
Savez vous combien de fois le mot accompli est cité dans l'évangile ?
En fait on le trouve une petite vingtaine de fois dans l'évangile, mais ce qui est frappant, c'est que c'est l'un des premiers mots de Jésus dans Luc et le dernier dans Jean. Tout est accompli. C'est peut-être cela que nous avons à contempler aujourd'hui. Un Dieu qui fait tout pour l’homme, jusqu’à donner son Fils et qui pleure sur son Amour rejeté par l’homme.
C'est néanmoins dans cette tension entre le début et la fin de son ministère, que Jésus va tenter de d’aller plus loin, de révéler la hauteur de l'amour de Dieu et en meme temps sa souffrance de n’être  pas entendu. 

La deuxième clé est enchâssée dans la première : cet amour infini de Dieu qui cherche à se révéler.

C'est cet amour de Dieu que nous avons à méditer et que saint Paul nous révèle dans la deuxième lecture.

« L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil (...) ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; (..) il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. » (1 Cor 13). Ce que Paul nous dit, ce qu'il nous révèle entre les lignes, c'est d'abord l'amour de Dieu avant d'être une exhortation sur ce vers quoi nous devons tendre. Le chemin du prophète, le chemin de Jésus, n'est ce pas finalement de nous révéler l'amour avec un grand A
Ce n'est que lorsque que nous avons découvert cela que nous pouvons passer au deuxième temps et à une méditation sur ce que cela appelle chez nous.

Deuxième temps - Exhortation 
Quel est le but de Paul, quel est le message de Jésus ? N'est-ce pas finalement nous faire goûter la largeur, la profondeur, la grandeur et la hauteur de l'amour de Dieu. Il n'est pas anodin que les fiancés prennent ce texte pour leur mariage. C'est l'amour idéal, c'est l'amour de Dieu, c'est l'amour d'un Dieu qui pleure. Prenons le temps de méditer cela. 

Si Dieu pleure, c'est sur l'aveuglement des hommes. 
Mais après la pluie il y a toujours le signe de l'alliance, le signe d'un dieu qui est espérance, l'arc-en-ciel, ce clin d'œil de Dieu qui précède le soleil, la lumière la chaleur, la vie. Dieu nous fait signe, il me dit qu'au-delà des pleurs, au delà des larmes, vient l'amour. Alors écoute ton Dieu pleurer et cherche au fond de ton cœur comment répondre à son amour infini, comme entendre son cri, comment répondre par l'amour à un amour qui se donne sans chercher son intérêt, jusqu'au bout. 

(1) cf. aussi François Varillon, La souffrance de Dieu
(2) cf. mes travaux évoqués, mais aussi une réflexion de sœur Térésa


10 septembre 2017

Comme cette eau se mêle au vin

"Comme cette eau se mêle au vin", puissions-nous, par l'effort de nos vies, être admis au mystère de sa danse eucharistique. Puisons donc aux puits où Dieu nous attends, allons remplir nos jarres (cf. Jn 3) de l'effort de nos vies, et laisser Dieu "diviniser ce que nous avons humanisé" (1).
Du geste du serviteur qui mêle l'eau de l'humanité au vin (qui nous attend comme le fleuve jaillissant du coeur du Christ) jusqu'à la présentation finale du corps et du sang, par le diacre, s'est ouvert la porte de Dieu au monde et l'eau vive du Mendiant d'amour jailli à nouveau de son sein transpercé,  pour rejoindre dans une danse éternelle,  l'humanité souffrante. Alors,  en ayant creusé en nous le désir de recevoir son Corps, nous ouvrons en nos corps, la porte au vent de l'Esprit,  jusqu'à ce que ce grand courant d'air balaye en nous toutes peurs et toutes adhérences au monde, et nous emporte enfin dans sa danse,

(1) François Varillon,  Joie de vivre,  joie de croire.

05 juin 2016

Adoration, manducation, action

Peut être y a-t-il là une autre façon d'évoquer les trois stades de Jean-Jacques Olier. Si l'adoration, la prière nous ouvre le coeur à la venue du Christ, "ce qui est important pour l'Église, ce n'est pas qu'il y ait quelque chose sur l'autel, mais qu'en recevant cette nourriture, elle devienne ce qu'elle doit et peut être".(1)

On pourrait s'attarder utilement sur ce que recevoir veut dire, sur notre manière de nous ouvrir au don de Dieu, mais il y a bien dans cette dynamique sacramentelle ‎quelque chose à mettre en branle, cette ouverture à la présence agissante en nous de l'Esprit, cette porte ouverte à ce qui, d'après Diadoque de Photicé repose en nous en attendant de jaillir : l'amour. C'est peut être là que l'homme se "divinise". Même si je redoute cette expression de Thomas d'Aquin reprise par Varillon, elle exprime l'enjeu de notre décentrement

Se diviniser ce n'est pas prendre le pouvoir, devenir Dieu, mais bien se laisser modeler par Sa faib‎lesse, Son humilité, Sa tendresse et Sa miséricorde.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op Cit p. 485.

06 juin 2015

Dynamique sacramentelle - Un aller retour

‎Concevoir les sacrements en dehors de la vie, comme un temps à part, c'est nier l'interaction constante qui devrait se faire au service de l'unité intérieure de la personne et de la communauté. Il existe un aller et retour constant entre ce qui se vit dans notre expérience sacramentelle et ce que nous vivons dans notre vie ordinaire. C'est là où la notion de dynamique prend sens.

En lisant les pages de Kasper ‎sur le rôle pastoral du prêtre (1) je retrouve cette idée (ou est ce elle qui vient à moi) à propos de la prière comme lieu d'unité. En effet, j'adhère à cette vision de la messe, non comme un chemin uniforme de prière (ce qu'elle est de fait) mais surtout comme le lieu où, pour reprendre les termes de Varillon (2) nous divinisons ce que nous humanisons, c'est à dire que toutes nos différences trouvent là un terreau d'unité, où le prêtre, pasteur de ses brebis, accueille et met ensemble nos sensibilités, nos différences sans les nier ou y faire violence mais en les concentrant sur leur centre unique : Jésus Christ.

(1) op. Cit. chapitre V
(2) Joie de croire, joie de vivre


21 mai 2015

Mea culpa - suite

‎Un autre écueil de ma recherche est probablement dans mon insistance sur la faiblesse de Dieu. Kasper qui a de belles phrases sur la kénose, ne déroge jamais sur le principe de la toute puissance divine. Mais est-ce fondé sur un concept de l'infini divin au sens grec du terme où sur l'impression que Dieu est de fait tout-puissant.
Mon deuxième essai, "où es-tu mon Dieu ?" pose la question du silence de Dieu face au mal. Kasper n'y réponds pas. Peut-on y répondre ? Ma seule piste, celle en tout cas que je développe est celle, à la suite de Hans Jonas, d'un retrait de Dieu. Kasper semble très ‎critique sur ce point. Je ne sais s'il le serait sur mes développements. Pourtant il me semble que son approche de la kénose, voire même de la souffrance de Dieu est très proche de la mienne. Où se trouve la faille, est-elle chez moi qui ose chercher une réponse pastorale à défaut d'être universitaire et théologique ? En osant braver le mystère de la théodicée, je cherche à dire autre chose qu'un Dieu tout puissant qui semble absent des drames du monde. En parlant de la faiblesse de Dieu je ne nie pas la puissance de sa création. J'ose articuler son silence avec la déreliction que ressent le Fils en Croix.
Cela met à mon avis en lumière la phrase de Paul : c'est quand je suis faible que je suis fort. La faiblesse de Dieu peut être un fantasme à la hauteur de ma timidité. Elle peut être aussi la révélation de ce que Varillon affirme : "seul l'amour est tout puissant". Or, à mon avis, l'amour véritable inclut une part de faiblesse, celle qui renonce à la puissance pour Autrui.


23 février 2015

La toute puissance de Dieu n'est elle pas parfois la projection de notre désir de toute puissance ?


Si l'on suit Varillon,  Dieu n'est pas d'abord tout puissant,  il est amour. Toutes tentatives de le faire tout puissant peut résulter parfois d'une projection du désir de puissance de l'homme,  quand l'humilité de Dieu nous révèle ce que le rejet de cette puissance rend possible.
Et il est possible à l'inverse que sa puissance infinie soit réelle mais qu'en réservant l'expression de sa puissance il nous révèle ce qu'est l'amour et ce faisant nous enseigne la différence entre autorité et pouvoir,  entre chasteté et confusion,  entre humilité et démesure,  entre royauté et service.



18 décembre 2014

Croyons nous au Miracle ?

‎L'introduction du chapitre XVII du tome 2 d'un certain juif Jésus nous plonge dans un dilemne qui agite tout chrétien "raisonnant" depuis les Lumières. Son aparté(1) nous met au coeur de la question qui sépare :
- un Bultmann " universitaire" et septique qui refuse toute idée de miracle
- et 82 % des américains(2) qui osent encore y croire.

Et nous, de quel côté sommes-nous ?

La question méritait d'être posée. Je vous laisse y répondre, elle interpelle en effet l'idée même de la toute-puissance de Dieu. Varillon contournait le problème en parlant de la toute-puissance de l'amour. Il n'avait peut-être pas tort.

Meier nous conduit sur une voie plus ardue, celle de s'interroger sur le sens même du miracle. Pour quoi, à qui sert-il, est-il crédible ? Un chemin qui laisse probablement des traces en nous, mais peut aussi nous conduire à l'essentiel.



(1) Op. Cit. Tome 2, p. 400
(2) institut Gallup, 1989

19 octobre 2014

Le serviteur - Initiation de recherche - Rendez à César ce qui est à César

Hier soir, à l'occasion de la première communion de mon filleul, j'ai entendu une homélie bien belle sur le "rendez à César", J'ai apprécié particulièrement cette remarque du prêtre que je traduis de mémoire : "L'Église a toujours souffert de s'allier au pouvoir, parce que la politique a toujours détourné l’Évangile à son profit". Et le prêtre a illustré avec justesse ses propos par le dramatique "Gott mitt uns" du Reich. Mais on pourrait citer d'autres tristes appropriation de la Parole.

Quelle est la dérive ? Si l'on revient sur la triple tentation telle qu'elle se révèle dans les tentations au désert (Avoir, Pouvoir et Valoir), un chemin ecclésial serait à trouver ailleurs. Or, sur le vitrail de l'église de Saint Jacques à Cognac où je me tenais, était inscrit : "Ego sum via, veritas, vita" : "Je suis le chemin, la vérité et la vie". En quoi est-il chemin ? Quel a été son apport ?

Ce matin, je me réveille en méditant cela. On dit souvent que l'eucharistie est le sommet des sacrements, mais a t-on lu jusqu'au bout le message ? Oui si l'on ne lit que les synoptiques. Une lecture symphonique qui englobe Jean apporte un petit détail sur le "faites ceci en mémoire de moi" : le lavement des pieds. J'ai déjà rapporté dans "A genoux devant l'homme", combien ce qui aurait pu être un sacrement n'a pas été retenu comme tel, parce qu'il était au centre du message. Une vision de la kénose (humilité) et de la diaconie qui s'est plus tard effritée par le jeu du pouvoir.

Dans la tradition juive, le maître du repas partageait d'abord à ses invités le plat et attendait que tout le monde soit servi pour manger. C'est probablement comme cela que s'est vécu le dernier repas du Christ avec ses disciples. Jean nous apporte, quant à lui, un autre détail sur le jusqu'au bout du Christ serviteur. La logique d'un Christ serviteur apportée par le quatrième évangéliste, qui va jusqu'au lavement des pieds de Judas, serait de faire de nos eucharisties un signe efficace de cette diaconie du Christ et de son Église. Cela a des implications sur la manière de voir la messe : non pas comme un sacrement exécuté par celui qui détient le pouvoir, mais comme :

  • le lieu où le prêtre se fait serviteur de la communion de son Église (1), 
  • comme un lieu où l'on ôte ses sandales devant l'autre (2), tous les baptisés et ceux qui ne le sont que dans leur coeur (quels que soient leurs états de vie apparents)  parce qu'ils sont aussi signes de l'amour du Christ, semences du Verbe.
  • comme un lieu où chacun est invité à humaniser sa vie (3), entrer dans une danse (4) diaconique (5) pour atteindre cette vérité où se conjugue nos fragilités.
L'Arche a bien compris cela en faisant de ses lavements des pieds un sacrement communautaire, où chacun lave les pieds de son voisin, par groupe de 12. 
Nous oublions trop souvent ce que veut dire "communier". Dans une conférence donnée à Nice, j'avais souligné l'importance de rendre chacun actif (6). Quand nos eucharisties restent passives, nous oublions que nous sommes tous égaux, en tant que baptisés (et donc prêtre, prophète et roi) de la nouvelle alliance, donc de ce "faire mémoire". 
Nous passons trop vite sur le dialogue avec le prêtre qui lui donne le droit, au début de la consécration, d'agir en notre nom à tous...
Au cours de la messe d'hier, j'ai aimé accompagner le petit Timothée dans la quête. Alors que son grand/petit frère, allait communier au pain de vie, il était aussi acteur, par son geste, de la communion qui se jouait, du haut de ses 6 ans...Nos eucharisties, trop souvent figées dans le rite, perd parfois cet élan de communion et d'amour qui devrait nous habiter.


(1) Voir les dérives rapportées par Paul sur les pratiques des premiers chrétiens, où les esclaves arrivant les derniers au repas ne trouvaient que des miettes...
(2) cf. le texte sur le constat à mi-parcours du Synode sur la famille.
(3) Cf. Varillon, Joie de vivre, joie de croire
(4) Cf. La danse trinitaire
(5) cf. mes propos rapportés plus tôt sur la diaconie
(6) cf. Réflexions sur l'engagement


NB : Une lumière matinale que vous me verrez probablement creuser dans ce blog et qui donnera peut-être naissance à un nouveau petit opus (encore un, me direz vous !) que j'appellerai peut-être Le serviteur, kénose et danse diaconique...Il reprendra les premiers éléments déjà intégrés dans la deuxième version de Chemins d'Eglise ou j'ai rajouté à mes propos sur la diaconie, une lecture cursive des premières lettres de Paul) - en téléchargement libre, cf. post précédent.


11 août 2014

Diaconie - II

Saint Justin décrit fort bien le rôle des diacres dans la liturgie : "Quand le président de l'assemblée a achevé la prière de l'action de grâces (eucharistie) et que tout le peuple a donné sa réponse ceux que chez nous nous appelons les diacres (oi kaloumenoi par'emin diakonoi) donnent à chacun des assistants d'avoir part au pain et au vin mélangé d'eau sur lesquels a été dite la prière de l'action de grâces (eucharistie), et ils en portent aux absents."*
Plus qu'une action "figurative" dans le temps de la messe,  c'est peut être cette deuxième partie de la phrase qu'il faut souligner,  d'autant qu'elle rejoint la mention d'Actes 6, 2 oú "le service des tables" était la première raison.  
Personnellement je suis sensible à cette phrase prononcée, dans le temps, dans mon église du dimanche : "portez l'eucharistie à vos frères,  assurez les de notre prière et demandez leur de prier pour nous". En effet, elle nous fait prendre conscience de la dimension collective de l'eucharistie et de ce que c'est que de vivre "en Christo" dans le sens donné par Paul dans ses lettres,  si bien commenté par Hans Urs von Balthasar, d'un peuple de Dieu en marche.

Plus loin, cependant,  notre texte de référence souligne à nouveau la double fonction liturgique du diacre : "apporter les offrandes et de les distribuer."

Apporter les offrandes n'est pas neutre non plus. Cela touche en effet, pour moi à cette phrase si souvent soulignée par Varillon   "Dieu sanctifie ce que nous humanisons"
 Or, la mission des diacres, comme de tous baptisés,  n'est elle pas cette humanisation à parfaire ?Comment ? En commençant par l'habiter, par la transformer de l'intérieur, tendre à faire de chacun de nos actes un chemin sacramentel. Là aussi la route est longue. 


* Apol. 1,65,3-5. Saint Justin, Apologies. Introduction, texte critique, traduction, commentaire et index par A. Wartelle, Paris 1987, 188-191.

Source principale : CTI, Il, II, op. Cit. 

06 janvier 2012

A genoux devant l'homme - l'humilité de Dieu...

J'arrive au bout de mes travaux annoncés plus bas : " A partir d'une méditation cursive sur l'Évangile selon saint Jean, et tout particulièrement les gestes de Jésus devant l'homme, jusqu'au lavement des pieds, ouvrir une tension entre cet agenouillement devant l'homme, ce ""j'ai soif" de toi" et la réalisation que le message que l'on porte nous dépasse, nous porte et rayonne au delà de cet agenouillement. Voir que dans ces attitudes se révèle que l'humilité de Dieu est le coeur du mystère. Une première version du livre, "A genoux devant l'homme" est en ligne. Cela a été pour moi l'occasion de redécouvrir le texte de F. Varillon, L'humilité de Dieu qui gagne à être connu (il faut passer les premières pages un peu difficiles)... J'ai aussi intégré une découverte, "La tradition kénotique dans la théologie britannique", de David Brown, qui retrace l'histoire de la kénose depuis les kénoticiens allemands et Godet jusqu'aux apports écossais, irlandais et anglicans. Un travail majeur. On y rejoint aussi Boulgakof et une valeur sure : Hans Urs von Balthasar, que les lecteurs assidus de ce blog doivent connaître, depuis ma publication de "Retire tes sandales".
Le résultat de ce travail est un livre que je trouve maintenant construit, volontairement facile d'accès. Une approche innovante sur l'humilité de Dieu qui allie une recherche exgétique, ecclésiologique, théologique et bien sûr pastorale... Ce livre inclut plusieurs de mes travaux précédents (oui je n'arrête pas de chercher dans cette direction...), qui sont revus et allégés :

12 janvier 2005

Héritage

Tout a commencé par un article des Echos sur le Blog de P. Bilger et mon premier message sur ce Blog... :
Le fait de mentionner l'héritage chrétien est toujours à double tranchant, mais il donne une coloration intérieure à ce blog. C'est ce qui m'a poussé à venir depuis l'article des Echos.
Toute histoire est le cumul d'héritages et de chemins. On peut rejeter un héritage, se référer à un autre, la vraie difficulté est plus de rester écoutant à une altérité parfois dérangeante, à un message, une parole qui interpelle.
Un vieux sage, F. Varillon, disait dans Joie de Croire, Joie de vivre que la seule caractéristique d'un chrétien c'est d'être à l'écoute d'un Tiers. Cette écoute est chemin pour sa propre vie, sa propre liberté et sa propre humanité.
La question reste là . Elle est personnelle, mais aussi commune.
Que faisons nous de notre héritage ?
On verra ce que cela donnera...