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24 juillet 2022

De la demande à la contemplation 2.76 [v3]

Les textes de ce dimanche nous interpellent sur notre manière de prier. Ils nous conduisent à sortir du troc vers une véritable contemplation.

L’échange d’Abraham (Gn 18) est en effet un peu désespérant. Il se situe juste après l’épisode de Mambré, cette visite particulière où Abraham débute une route nouvelle, mais avant le chapitre 22 et cette fausse piste du sacrifice d’Isaac.  Abraham n’a pas encore perçu la vraie nature de Dieu, il négocie avec lui comme un marchand de tapis ? (1) Abraham est bien imprudent de demander cela. 

Qu’est ce que cela nous dit de Dieu ?

Dieu n’est pas celui qui demande le sacrifice du premier-né pour calmer sa colère. Nous n’avons pas à entrer dans un troc. Il nous faut au contraire changer notre regard sur Dieu lui-même. Et c’est probablement toute la pédagogie de Dieu qui commence ici. (2)

C’est probablement le cœur du message de l’Evangile. Jésus nous invite à passer du Dieu marchand au Dieu père. À contempler sa tendresse.

Dieu n’est pas un distributeur de don qui demande un montant pour un service,

Dieu EST amour.

C’est en contemplant cette affirmation fondamentale que notre cœur peut se retourner loin d’une exigence vers une confiance, plus intérieure. 

Dieu ne nous donnera probablement pas la réussite aux examens, ne guérira pas toutes nos maladies, ne changera pas nos pauvretés en richesse.

Dieu EST qu’amour disait François Varillon.

C’est quand nous rejoindrons son envie d’aimer que sa tendresse deviendra lumineuse, que son amour deviendra lieu de contagion, que nous danserons avec lui sa danse… 

Ne rabâchons pas les « Notre Père » comme des euros à aligner pour obtenir sa clémence.

Contemplons plutôt notre Père…

Changeons notre regard…

Jeudi nous fêtions la fête d’Elie, ce grand prophète qui s’est pris pour Dieu en massacrant ses concurrents. 

Il lui a fallu 40 jours au désert pour percevoir que Dieu n’était pas dans la foudre ou le feu, mais qu’il se perçoit dans cette brise légère et insaisissable du silence intérieur. 

Profitons de l’été pour arrêter nous aussi notre course et entrer dans cette écoute particulière où Dieu prends soin, non de nos faux désirs, mais de l’essentiel, et nous donne la paix intérieure, la foi, l’espérance et la charité. (3)


Élie nous conduit vers ce chemin fragile, où Dieu se résume à la fraction du pain.

Il est cette trace fragile qui réveille en nos cœurs la contemplation d’une flamme sous la brise ténue de l’Esprit ?


Réécoutons ce que nous disait Ambroise…

« Pourquoi détournes-tu ton visage ? Que la lumière brille au milieu de nos ténèbres. [qu’il brille] dans nos cœurs pour faire resplendir (...)  la gloire qui rayonne sur le visage du Christ. (...)  le Christ [est là] lumière du Père, » (4) 


L’enjeu est peut-être de contempler non pas un feu qui détruit comme à Sodome, mais bien ce buisson ardent qui ne consume pas et mais réchauffe, console, et donne cette paix intérieure particulière, cette grâce lumineuse, ce torrent dont nous ne pourrons jamais percevoir l’immensité (5).


Apprends nous Seigneur à oser prier et à demander l’essentiel : ce don de l’Esprit (6) qui transforme notre cœur en danse, qui convertit nos demandes en prière et en chants, qui nous dévoile comme à Elle que le « bruit d’un fin silence » n’est autre que à prière des anges comme le souligne une belle interprétation de 1 Rois 19 (2)


(1) voir également ci-dessous l’extrait du commentaire de Marie-Noēlle Thabut n.1 très éclairant sur ce point

(2) voir mon livre pédagogie divine 

(3) ibid.

4) Saint Ambroise, commentaire sur le psaume 43,(Ce commentaire fut le dernier travail d'Ambroise, quelques semaines avant sa mort.)

(5) Bonaventure à la suite d’Ezechiel nous décrivait comme une petite amphore incapable de recueillir l’immensité du don de Dieu.

(6) voir ci dessous le commentaire conseillé par Michel Mertens dans RCF

18 juillet 2022

D’agenouillements en agenouillements - 2.73

Au départ rien n’indique en Gn 18 qu’Abraham ait reconnu les visiteurs. Son offre de lavement des pieds et son empressement à proposer de la nourriture sont des signes d’hospitalité et de bienveillance classiques dans ce type de contrée. Mais ils traduisent un état de réceptivité, de disponibilité de l’homme. 

Pourtant une lecture chrétienne de la première lecture d’hier nous interpelle déjà par la disposition intérieure qu’elle suppose. Abraham ne précise pas qu’il va laver les pieds de ses hôtes, mais nous savons maintenant que cet abaissement est en chemin.

Dans l’Évangile, la succession des agenouillements nous prédispose au geste du Christ. D’Abraham à la femme de Luc, de cette femme à Marie de Béthanie se prépare le double agenouillement final du lavement des pieds et de Celui qui tombera, par trois fois, sous le poids de la violence humaine dans un dépouillement amorcé en Jn 2 jusqu’en Jn 13.

Il n’y a pas véritablement de pré-révélation. Les trois visiteurs ne sont pas encore Trinité, mais l’Esprit trace déjà, par des touches discrètes, le grand tableau de la Révélation. 

Il faut entendre de la même manière le « retire tes vêtements » d’Exode 33 pour percevoir le double dépouillement de Jean 13 (avant le lavement des pieds) et le déchirement de la Croix pour percevoir jusqu’où se déchire les entrailles du Père et s’entrouvre le cœur du Christ pour que jaillisse enfin l’Eau vive de celui qui demandait à boire à une exclue, une samaritaine, paria, dont le désir d’infini restait insatisfait.

La danse vers l’homme des « trois visiteurs » ne fait à Mambré que ses premiers pas, mais déjà la musique d’un Dieu qui vient visiter l’homme trace une mélodie qui s’harmonise jusqu’au jaillissement de la foi dont Abram est le premier jalon. 


Ce mouvement n’est pas terminé et attend notre réponse. Il faut lire La Croix du 7/7 pour y voir un écho qui doit réjouir Celui qui nous appelle à aimer : «  Les mains gantées, courbée devant un banc où reposent les jambes d’Imran, un Pakistanais de 18 ans à peine arrivé à Trieste, Lorena sort de son chariot les produits pour désinfecter et panser les blessures, soulager les douleurs. En ce jour d’été 2022, elle soignera une trentaine de migrants du Moyen-Orient et d’Asie, jusqu’à minuit.

D’une délicatesse extraordinaire dans tous ses gestes, elle explique ce qu’elle perçoit. « Les pieds sont comme un parchemin sur lequel est écrite la souffrance de ceux qui gagnent Trieste via les Balkans. Là, ce sont des pieds de tranchée : enflammés, couverts de cloques, après 15-20 jours de marche dans des conditions désastreuses. »(1) 


Pour aller plus loin 

 1. Des mains de fée au secours des migrants à Trieste (La Croix, jeudi 7 juillet 2022)

 2. cf. « pédagogie divine » et «  Dieu dépouillé »


Photo : Jésus à genoux devant la femme adultère ? - Cathedrale de Chartres (DR)

27 juillet 2019

Homélie du 17ème dimanche du Temps Ordinaire - Gn 18, Col 2, Luc 11 - Demander, Prier

Notes pour la version finale prononcée à Saint Sansom  d’Allainville

3 déplacements dans les Lectures de ce jour :
1. Quelle miséricorde ?
Entre entre la perception d’Abraham, à l’origine  de l’histoire juive et ce que nous dit Paul dans sa lettre aux Colossiens, c’est toute notre idée de Dieu qui est à modifier. Dieu est miséricorde nous dit Paul. « Il pardonne toutes nos fautes... ». Du Dieu d’Abraham à celui que Jésus nous révèle il y a un grand déplacement à faire...

2. Osons demander
La fin de Luc 11 est clair, nous n’osons pas demander à Dieu. Est-ce par orgueil, parce que nous voulons tout faire seul ?
Oser demander, c’est oser accueillir Dieu en nous, c’est laisser une place à l’Esprit saint...
Deuxième déplacement...

Où es-tu ?
Où es-tu mon Dieu ?

C'est la question qu'on se pose et elle est légitime. Je lisais cette semaine une méditation de mère Teresa qui se plaignait du silence de Dieu dans sa vie et qui pourtant n'a cessé de croire dans sa présence...

Elle vivait dans le silence de Dieu et pourtant elle agissait comme jamais...
Notre relation avec Dieu est ambivalente. parfois, comme Abraham, on craint de s'adresser à lui, on négocie, on fait presque du chantage et pourtant, c'est notre foi, il est là, il nous entend, même si sa réponse n'est peut-être pas là où on voudrait qu'il soit. Que faire...?
Je n'ai pas de réponse.
Car Dieu n'est jamais prévisible.

On dit de plus en plus qu'il est absent. Certains osent dire que Dieu est mort....
La réponse est oui. Et là je n'hésite pas. il est mort.... sur une croix.
Et cette croix vaut toutes les réponses...

Alors comment prier le Père de Celui qui est mort pour nous ?
Jésus nous livre sa réponse dans ce texte de Luc 11 et je vous invite à méditer ensemble cette prière....
Elle commence par « Notre Père ».
On raconte qu'un jour la petite Thérèse a étonné une soeur en passant deux heures à méditer les deux premiers mots...
Je suis loin de l'égaler mais je vous invite à méditer de la même manière les deux premières phrases
Ce sera notre troisième déplacement...

Notre Père
Dire « notre » et pas « mon père » est déjà un enjeu.
Notre prière n'est jamais personnelle
Elle est par nature communion...

Qui est au cieux
Cela semble bien loin... cela nous conduit surtout très haut
Et sur ce chemin Jésus nous invite à monter, comme il est monté lui aussi, sur le bois d'une croix

Que ton Nom soit sanctifié
Ton nom et pas mon nom
Ta gloire et pas ma gloire
Ta prière et pas ma prière
Ton désir et pas mon désir
sanctifier le nom de Dieu c'est revenir à sa place

Que ton règne vienne
Nom pas mon désir de pouvoir
d'avoir ou de valoir
mais le règne de Dieu

Je pourrais continuer sur ce registre jusqu'au bout
mais je pense que vous avez compris l'enjeu.
Le notre Père agis comme une autocorrection de nos prières humaines en les conduisant à l'essentiel
certes on a parfois le sentiment qu'il ne répond pas...
mais la demande n'est peut-être pas ajustée.
je vous laisse méditer là dessus




17 juillet 2016

La pastorale du seuil

Une contemplation de la première lrcture d'hier, hors de son contexte d'interprétation trinitaire traditionnnel peut nous amener fort loin. Relisons le d'abord : "Dès qu'il les vit, il courut à leur rencontre depuis l'entrée de la tente et se prosterna jusqu'à terre. 
Il dit : « Mon seigneur, si j'ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t'arrêter près de ton serviteur.
Permettez que l'on vous apporte un peu d'eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre.
Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d'aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais comme tu l'as dit. »
Abraham se hâta d'aller trouver Sara dans sa tente, et il dit : « Prends vite trois grandes mesures de fleur de farine, pétris la pâte et fais des galettes. »
Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer.
Il prit du fromage blanc, du lait, le veau que l'on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d'eux, sous l'arbre, pendant qu'ils mangeaient."  (Gn 18).
A l'aune de Mathieu 25, qui nous demande de voir Jésus dans les affamés de Dieu, on pourrait y voir une autre façon de vivre la pastorale. Et l'appel du pape à nous concentrer sur la périphérie constituait à courir vers l'homme blessé, tuer le veau gras (cf. Luc 15) et lui laver les pieds (cf. Jean 13), ne serions nous pas au coeur du message évangélique.  Que ce texte de Gn 18, soit une référence commune aux trois religions monothéistes n'est pas neutre.  Le lire à lz lumière des trois évangélistes cités lui donne une couleur particulière.  Elle rejoint l'accent particulier du bon Samaritain (Luc 10)