30 juin 2016

La figure de David 2

Étonnante, cette histoire de 1 Sam 6 que la liturgie des heures nous propose.  On y voit David danser devant son Dieu et s'exposer ainsi, dans la nudité et l'humilité. Cela évoque la nudité d'Adam qui n'a pas honte (Gn 2, 25), mais aussi l'humilité de ceux qui enlèvent leurs vêtements de fête (Ex 33).
Visiblement cela ne plaît pas à son épouse,  Michol, la fille de Saul.
A contempler

Il faut peut être aussi entendre la question d'Isaïe :"
 Quelle est donc la maison que vous bâtiriez pour moi ? Quel serait l’emplacement de mon lieu de repos ? De plus, tous ces êtres, c’est ma main qui les a faits et ils sont à moi, tous ces êtres – oracle du Seigneur –, c’est vers celui-ci que je regarde : vers l’humilié, celui qui a l’esprit abattu, et qui tremble à ma parole." (Isaïe 66, 1-2)

Puis entendre celle de Zacharie : "Et toi, petit enfant, tu seras appeléprophète du Très-Haut : *tu marcheras devant, à la face du Seigneur,et tu prépareras ses chemins" (Lc 1, 76)

Le plan de Dieu

Contempler l'hymne de l'univers,  c'est voir ce qui de révèle au delà du chaos, percevoir la trace fragile du plan de Dieu et l'oeuvre des deux mains de Dieu qui faconnent le monde sans violence : "En vérité (...) le Créateur de toutes choses, l'Invisible, Dieu lui-même a établi chez les hommes la vérité en envoyant du haut des cieux sa Parole, le Verbe saint et insondable, et l'a affermi dans leurs cœurs.   (...) « le bâtisseur et l'architecte » de l'univers (He 11,10). (...) C'est de lui que toutes choses ont reçu disposition, limites et hiérarchies : les cieux et tout ce qui est dans les cieux ; (...) non pas, comme une intelligence humaine pourrait le penser, pour la tyrannie, la terreur et l'épouvante –- Mais en toute bonté et douceur, il l'a envoyé comme un roi envoie son fils (cf Mt 21,37), comme le dieu qu'il était. Il l'a envoyé comme il convenait pour les hommes : pour les sauver par la persuasion, non par la violence. Il n'y a pas de violence en Dieu." (1)

(1) La Lettre à Diognète, §7 ; PG 2, 1174-1175 ; SC 33 bis (trad. SC p. 67 rev.)

29 juin 2016

En marche

Tout est marche. "Cela s'applique à l'individu comme à l'humanité dans son ensemble. Parce que l'individu devra sans cesse partir du même point et accomplir la même ascension (qui s'écarte du monde et de la sensibilité pour tendre vers Dieu et à l'esprit), le cheminement de l'humanité ne peut lui aussi être un progrès que dans la mesure où se présente en lui exemplairement l'acte de quitter et de tendre comme le pas unique qui va de l'Ancienne Alliance à la Nouvelle (1)". L'enjeu n'est il pas de reprendre les termes mêmes de Paul.  "Oubliant le  chemin parcouru, je vais droit de l'avant, tendu de tout mon être (Ph. 3, 13).
Notre vie se résume à cette dynamique, commencée depuis Abraham et se poursuivant en chaque homme. "Ils quitteront père et ‎mère pour ne faire qu'une seule chair" avec Dieu...
Tel est l'enjeu de notre vie. Telle est notre vocation. On peut s'arrêter en chemin, mais le terme du voyage est là. C'est l'enjeu de l'homme comme celui de l'Église. Et le sacrement source n'est autre que le chemin et la vie.

Le chemin parcouru décide, lui‎ seul est, dans son caractère mobile, l'image de l'unité divine dans l'histoire du salut. Dans la figure, seule est intéressante la vérité, dans l'obscurité de l'ancien, seul le dévoilement du nouveau. (2) "c'est le changement lui-même qui démontre plus profondément l'unité des Testaments (3)".

Nous retrouvons là ce que nous cherchons à décrire dans la dynamique sacramentelle ce chemin qui est notre appel. Ne pas se contenter du présent, rester en tension. Il ne peut y avoir ‎de port, de certitudes acquises. La course infinie dont parle Grégoire de Nysse est ce qui garantit que notre passé est balayure et notre avenir, un Dieu qui nous attend.

(1) GC2 p. 93 citant Augustin, De vera religione (VR), 19‎.
(2) GC2, ibid.
(3) VR 39‎.

28 juin 2016

Harmonie compacte - Jean Scot Erigène

Contempler le Christ comme le point culminant de la révélation, avoir ainsi une "vision finale du Christ total(1) dans l'harmonia contacta(2), "multiplicité ramenée à l'unité", c'est voir la gloire dans/comme une "flamme ultime" qui emplira le monde entier, "dans la clarté de sa manifestation en tous"(3).

Face au chaos du monde, n'est ce pas percevoir que toutes ses imperfections prennent sens dans le dévoilement final, dont le déchirement partiel décrit en Marc 15, 38 nous a ouvert la voie ? 

Il est lumière donné par le Père au monde, "bruit d'un fin silence" (1 R 19), chant ultime, symphonie réconciliée, grâce qui assemble et unit tous nos chemins.

(1) DN V , 994 B
(2) ibid 987 B
(3) ibid 997 A, D 998 A cité par Balthasar in GC7 p. 31.



L'homme vivant -2 Irénée de Lyon

Nous l'avons évoqué la semaine dernière... voici l'intégrale de la fameuse citation qui entre bien dans notre quête actuelle sur le caché/dévoilé et peut être contemplée dans sa démonstration :

"Depuis le commencement, le Fils est l'exégète du Père, puisqu'il est depuis le commencement auprès du Père : au temps voulu, il a montré aux hommes pour leur profit les visions prophétiques, la variété des charismes, ses ministères et la glorification du Père, de façon cohérente et claire : Qui dit cohésion dit harmonie, qui dit harmonie dit temps voulu, et qui dit temps voulu dit profit. C'est pourquoi le Verbe s'est fait le dispensateur de la gloire du Père au profit des hommes pour qui il accomplit de telles économies : ainsi il montre Dieu aux hommes, et présente l'homme à Dieu, tout en préservant l'invisibilité du Père, de peur que l'homme n'en vienne à mépriser Dieu, mais, en même temps, pour qu'il ait toujours des progrès en vue, il rend Dieu visible aux hommes en le montrant par de nombreuses économies, de peur que, totalement privé de Dieu, l'homme cesse d'être. Car la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, et la vie de l'homme, c'est la vue de Dieu, Si la révélation de Dieu par la création donne la vie à tout être vivant sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe donne-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu !" (1)

(1) Irénée de Lyon,  Contre les hérésies,  2, 19, source AELF

Souffrance et Croix

Il y a des pépites du Concile que l'on n'a pas fini de contempler :
"Pour vous tous, frères éprouvés, visités par la souffrance aux mille visages, le Concile a un message tout spécial. Il sent fixés sur lui vos yeux implorants, brillants de fièvre ou abattus par la fatigue, regards interrogateurs qui cherchent en vain le pourquoi de la souffrance humaine, et qui demandent anxieusement quand et d'où viendra le réconfort. Frères très chers, nous sentons profondément retentir (...) vos gémissements et vos plaintes. Et notre peine s'accroît à la pensée qu'il n'est pas en notre pouvoir de vous apporter la santé corporelle ni la diminution de vos douleurs physiques, que médecins, infirmières, et tous ceux qui se consacrent aux malades s'efforcent de soulager de leur mieux. 
Mais nous avons quelque chose de plus profond et de plus précieux à vous donner : la seule vérité capable de répondre au mystère de la souffrance et de vous apporter un soulagement sans illusion : la foi et l'union à l'Homme des douleurs (Is 53,3), au Christ, Fils de Dieu, mis en croix pour nos péchés et pour notre salut. 
Le Christ n'a pas supprimé la souffrance ; il n'a même pas voulu nous en dévoiler entièrement le mystère : il l'a prise sur lui, et c'est assez pour que nous en comprenions tout le prix. Vous tous, qui sentez plus lourdement le poids de la croix, vous qui êtes pauvres et délaissés, vous qui pleurez, vous qui êtes persécutés pour la justice (Mt 5,5.10), vous sur lesquels on se tait, vous les inconnus de la douleur, reprenez courage : vous êtes les préférés du Royaume de Dieu, le royaume de l'espérance, du bonheur et de la vie. 
Vous êtes les frères du Christ souffrant ; et avec lui, si vous le voulez, vous sauvez le monde ! Voilà la compréhension chrétienne de la souffrance, la seule qui donne la paix. Sachez que vous n'êtes pas seuls, ni séparés, ni abandonnés, ni inutiles ; vous êtes les appelés du Christ, sa vivante et transparente image." (1)

A l'indicible, il reste difficile d'articuler d'autres messages. Mes deux essais n'apporte finalement pas grand chose de plus (2).

(1) Message de Paul VI aux pauvres, aux malades, à tous ceux qui souffrent, Clôture de Vatican II, Mercredi 8 décembre 1965,  source AELF

27 juin 2016

Les deux mains du Père

La théologie d'Irenée nous conduit vers la contemplation de l'action du Christ dans l'Ancien Testament comme un chemin "rectiligne" (1)  en dépit des tourments humains. Sans renier l'opposition de Paul entre l'ancienne loi et la grâce, Irénée souligne que le "fruit croît dans la cosse" et que la Loi forme des degrés menant à l'imitation du Christ.

Cette contemplation nous conduit, plus qu'ailleurs, à percevoir que rien n'échappe à la pédagogie divine, jusqu'à croire que le bien sortira de ce mal, que tout est inscrit dans l'économie de Dieu et doit se lire avec la "clé trinitaire" que notre pape François évoque si bien en LS 239 (2).


(1) Hans Urs von Balthasar,  GC2, p. 76
(2) cf. Laudato Si, édition revue et commentée par le Ceras, § 239

26 juin 2016

Caché - Dévoilé, Souffrance et harmonie -Jean Erigène

Contempler à la suite de Jean Erigène‎ le non-apparaissant qui apparaît, l'incompréhensible qui est compris, l'invisible rendu visible(1). Pour lui, nous dit Balthasar , "l'altérité de Dieu se manifeste surtout en ce fait que le monde est un tissu de contraires sinon de contradictions" (..) [Dieu] rassemble et concilie tout cela dans une merveilleuse et ineffable harmonie (2).
Y a-t-il là une réponse au chaos et à la souffrance ? Si elle se lit entre les lignes c'est dans un axe eschatologique, ce qui non sans raison rejoint l'idée d'une unique "prédestination, la prédestination au bien. Rm 8 et Eph 1 sont cités avec raison comme principaux temoins(3). L'opposition intérieure au monde des élus et des réprouvés doit nécessairement se résoudre en une harmonie finale (4).

(1) Jean Érigéne, De divisione Natura (DN), III, 633 AB, cité en GC7 p. 27
(2) DN II, 617 cf. GC7 p. 28
(3) De Predestinatio IV, 369sq et XI, 3,‎398 cf. GC7 p. 29
(4) GC7 ibid.


25 juin 2016

La figure de David -Vocation d'Israël

Une contemplation du premier livre de Samuel, au chapitre 26 nous laisse saisir la vocation d'Israël,  non comme quelque chose d'accessible, mais dans sa dimension eschatologique. On y voit David traverser le camp de son ennemi, saisir la lance et la cruche et ne pas tuer Saül. Acte de non violence par excellence,  c'est aussi un acte de respect pour l'oint de Dieu,  le roi Saül, que David se refuse de frapper.
Pourquoi ? Au nom de quoi ? Parce que David a pris conscience de l'inviolabilité de l'autre. A la différence du meurtre d'Abel (Gn 4),  il se refuse de frapper. Là est la vocation d'Israël.  Elle est inaccessible à l'homme (Mat 19)  possible grâce à Dieu,  qui cette nuit là endort le camp du roi.
Elle est aussi figure, car une lecture spirituelle verra dans la lance et la cruche deux allusions aux mystères de la Croix.  C'est par la lance que l'innocent sera transpercé (Jn 19), c'est avec la cruche que nous recueillons l'eau et le sang versés, source infinie (Ézékiel 47) de grâce pour ceux qui consentent à y voir le salut.

Heureux David, car ce jour là, il a eu le coeur pur. "Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu (...) celui qui a purifié son cœur de toute créature et de tout attachement déréglé voit l'image de la nature divine dans sa propre beauté. (...) « Hommes qui avez quelque désir de contempler le vrai Bien, vous avez entendu dire que la majesté divine est élevée au-dessus des cieux, que sa gloire est incompréhensible, sa beauté inexprimable et sa nature infinie. Mais ne désespérez pas de parvenir à contempler l'objet de votre désir. »~Si tu purifies, par un effort de vie parfaite, les souillures attachées à ton cœur, la beauté divine brillera de nouveau en toi. C'est ce qui arrive avec un morceau de fer, lorsque la meule le débarrasse de sa rouille. Auparavant il était noirci, et maintenant il brille et rayonne au soleil. De même l'homme intérieur, que le Seigneur appelle « le cœur », lorsqu'il aura enlevé les taches de rouille qui altéraient et détérioraient sa beauté, retrouvera la ressemblance de son modèle, et il sera bon. Car ce qui ressemble à la Bonté est nécessairement bon. Donc celui qui se voit lui-même découvre en soi l'objet de son désir. Et ainsi celui qui a le cœur pur devient heureux parce que, en découvrant sa propre pureté, il découvre, a travers cette image, son modèle. Ceux qui voient le soleil dans un miroir, même s'ils ne fixent pas le ciel, voient le soleil dans la lumière du miroir aussi bien que s'ils regardaient directement le disque solaire. De même vous, qui êtes trop faibles pour saisir la lumière, si vous vous retournez vers la grâce de l'image établie en vous dès le commencement, vous possédez en vous-mêmes ce que vous recherchez. La pureté, en effet, la paix de l'âme, l'éloignement de tout mal, voilà la divinité. Si tu possèdes tout cela, tu possèdes certainement Dieu. Si ton cœur est exempt de tout vice, libre de toute passion, pur de toute souillure, tu es heureux, car ton regard est clair. Purifié, tu contemples ce que les yeux non purifiés ne peuvent pas voir. L'obscurité qui vient de la matière a disparu de tes regards et, dans l'atmosphère très pure de ton cœur, tu distingues clairement la bienheureuse vision. Voici en quoi elle consiste : pureté, sainteté, simplicité, tous les rayons lumineux jaillis de la nature divine, qui nous font voir Dieu." (1)

(1) Saint Grégoire de Nysse,  Homélie sur les Béatitudes, source AELF.

24 juin 2016

L'homme vivant, gloire de Dieu

On cite souvent cette phrase d'Irenée de Lyon : "La Gloire de Dieu c'est l'homme vivant, et la vie de l'homme est la vision de Dieu" (1), mais le contexte qui a fait jaillir cette phrase nous en donne plus qu'il n'y paraît. Au lieu d'être un anthropocentrisme simple, Balthasar souligne que l'évêque de Lyon insiste d'abord, à la suite de Paul, sur le fait que "tous les hommes sont privés de la gloire de Dieu (Rm 3, 23)‎ et que ceux-là sont justifiés, non par eux-mêmes mais par la venue du Seigneur - quand ils ont les yeux tendus vers sa lumière(2)".

Cette introduction peut nous interroger, à la suite de toutes nos considérations sur l'image et la ressemblance : la gloire de Dieu n'est elle pas finalement le Christ seul et notre chemin n'est-il pas de tenter de ‎nous conformer à lui pour tenter de participer à cette vision de Dieu à laquelle il nous appelle et nous conduit et qu'il nous révèle sur la Croix ?

(1) AH (Contre les Hérésies) 2, 219
(2)‎ AH 2, 241, 2, 192, cité par Hans Urs von Balthasar, GC2, op Cit p. 68

23 juin 2016

Les sept échelons de l'humilité descendante - Saint benoît

En cette fête de saint Jean Baptiste,  qui comme le souuligne Augustin est la fête des hommes qui doivent, comme les jours, diminuer, nous sommes appelés à la       contemplation de l'humilité. Il nous reste à découvrir ce que nous dit Balthasar sur Benoît :‎ "Les cinq derniers échelons revêtant ce néant de la figure du Christ [conduisent l'homme a ne plus] offrir plus aucune résistance à la forme que Dieu imprime en lui par le Christ et par la règle de la communauté ; il est parvenu par l'humilité au "parfait amour de Dieu qui rejette toute crainte" et qui est l'amour du Christ" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, 4 Le domaine de la métaphysique, ** Les constructions, Aubier, 1982, (ci après cité en GC7) p. 21

Pédagogie en vue du Christ

Il nous faut cependant revenir sur le terme de "tortueux" utilisé chez Origène. "L'Ancien Testament est le paidagogos eis Christon (...) dans son enseignement suivi, tout doit arriver au moment qui convient(1)". "Il n'y a rien de désordonné ou d'intempestif, de même qu'il n'y a rien d'incohérent chez le Père(2)", souligne Irénée.

C'est cette pédagogie qu'il nous faut contempler.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 73
(2) S. p. 292, ibid.

Tortueuse Harmonie -3

A propos d'Origène et de l'harmonie citée hier, je ne résiste pas à reproduire ce beau texte proposé en commentaire mardi, qui nous fait goûter à la fois l'harmonie et cet envers tortueux d'une tapisserie, tous les noeuds nécessaires, tous les pas de Dieu vers nous, pour nous conduire sur l'unique chemin : " Voyons ce que Dieu a dit à Moïse, quelle route il a eu ordre de choisir... Tu croyais peut-être que le chemin que Dieu montre est uni et facile, qu'il ne comporte absolument rien de difficile ou de pénible ; au contraire, c'est une montée, et une montée tortueuse. Car le chemin par où on tend aux vertus ne va pas en descendant, mais en montant, et c'est une montée resserrée et difficile. Écoute le Seigneur encore dire dans l'Évangile : « Combien étroite et resserrée est la voie qui mène à la vie ! » Vois donc combien l'Évangile est en harmonie avec la Loi... N'est-il pas vrai que même des aveugles peuvent le voir clairement : un seul Esprit a écrit la Loi et l'Évangile.       Le chemin où on s'avance est donc une montée tortueuse...; les actes et la foi comportent bien des difficultés, bien des peines. Car bien des tentations et bien des obstacles s'opposent à ceux qui veulent agir selon Dieu. Ensuite, dans la foi, on trouve bien des choses tortueuses, beaucoup de points de discussion, bien des objections d'hérétiques... Écoute ce que dit Pharaon en voyant la route que Moïse et les Israélites avaient prise : « Ces gens-là s'égarent » (Ex 14,3). Pour Pharaon, ceux qui suivent Dieu s'égarent. C'est que, on l'a dit, le chemin de la sagesse est tortueux, avec maints tournants, maintes difficultés, nombre de détours. Ainsi, confesser qu'il y a un seul Dieu, et affirmer dans la même confession que le Père, le Fils et Saint Esprit sont un seul Dieu, combien tortueux, combien difficile, combien inextricable cela paraît-il aux infidèles ! Ajouter ensuite que « le Seigneur de majesté » a été crucifié (1Co 2,8), et qu'il est le Fils de l'homme « qui descendit du ciel » (Jn 3,13), combien cela paraît tortueux et combien difficile ! Qui l'entend sans la foi dit : « Ces gens-là s'égarent ». Mais toi, sois ferme, ne mets pas en doute une telle foi, sachant que Dieu te montre cette route de la foi." (1)

(1) Homélies sur l'Exode, n°5, 3 ; SC 321 (trad. SC p. 157 rev.), source AELF

22 juin 2016

Harmonie - 2

Nous reprenons maintenant la lecture du tome 2 où nous l'avions arrêtée, c'est à dire p. 65, pour entrer en résonance avec cette harmonie décrite à la fin du tome 1. C'est avec Irénée de Lyon que nous reprenons notre voyage et il est intéressant de constater qu'un thème semblable à celui détaillé sous le titre d'Harmonie à propos d'Origène et d'Augustin est aussi développé par Irénée et repris ici par Balthasar quand il dit que "toutes les Écritures données par Dieu seront trouvées consonantes (symphonos), les paraboles s'accorderont avec ce qui est dit(1)".

Au delà des tensions théologiques décrites plus haut, n'est-ce pas ce qu'il nous faut chercher : une paix intérieure qui, à l'image du discernement ignatien, nous indique que nous sommes sur la bonne voie.

Cela ne doit probablement pas masquer l'intérêt d'une Parole tranchante, d'un glaive qui perce notre coeur et nous conduit au bien, mais trouver une symphonie dans la Parole nous indique que nous sommes sur les pas de Dieu, quand bien même ce chemin est aride. Si nous ne percevons pas la consonance, c'est que nous sommes hors du chemin.

Elle résulte en effet de l'harmonie invisible du Verbe, qui conduit l'Ecriture et rejoint le plan de Dieu sur l'homme. Cherchons là, avant tout, en poursuivons cette lecture...

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Styles, d'Irenée à Dante, 2, Cerf DDB 1967-1993 (que nous citerons plus loin comme GC2),  p. 65

Une dernière valse...

Une dernière valse est une petite nouvelle qui présente, sous une forme poétique, l'amour fou d'une femme pour son mari. Une manière d'aborder de manière imagée le coeur à coeur d'un homme et d'une femme qui traverse une vie de joie et de souffrance et continue à s'aimer jusqu'au bout.

Extrait : "Son cœur battait encore des joies du passé. Sa vie était toujours emportée dans la danse. Elle virevoltait encore comme au premier jour, dans une valse qui n'avait cessé de l'emporter plus loin, dans un pas de deux qui ne s'arrêterait jamais. Elle aurait aimé que le chauffeur s'arrête, une dernière fois en vue du moulin, pour contempler le jet sonore et puissant de la rivière. L'Avre préparait déjà ses crues d'hiver, montait doucement le long des berges, inondait déjà le champ où paissaient les moutons, l'été. Elle traçait déjà dans la plaine les premiers ruisseaux qui s'étendraient, par endroits, dans la vallée en des petits lacs argentés, quand l'hiver atteindrait son apogée.
Encore deux ou trois semaines, au plus, avait dit le médecin en signant son hospitalisation ! Qu'est-ce que quelques jours au crépuscule d'une vie qui comptait plus de quatre-vingt-dix années ? Une poussière sur l'océan de sable, un dernier chapelet de fleurs sauvages quand le temps ne compte plus, quand les souvenirs vous habitent et vous enchantent... Son cœur vibrait encore de la première danse. Elle voulait se laisser bercer par les vagues encore joyeuses de sa mémoire, avant de goûter aux noces éternelles qui l'attendaient là-haut."
Nouvelle qui s'insère et constitue la deuxième partie de l'édition 2016 du roman "au cœur de la vallée", "Une dernière danse" est le dernier voyage de Sophie : un retour sur le passé et une vie amoureuse.
Téléchargeable gratuitement au format epub sous ce lien, en vous souhaitant un bon été...
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21 juin 2016

Le regard du Christ


"Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé". (Za 12, 10, Jn 19,37, Ap 1,7‎). Cette affirmation de Zacharie contemplée dans les lectures de dimanche dernier est reprise par Balthasar dans son évocation du jugement dernier, notre ultime rendez vous avec le Christ.

"Ce tête à tête dans lequel se dissout la dure écorce de la vie du pécheur, tandis que l'homme réalise, dans une vue inévitable et inexorable, ce qu'il a fait au Christ, quelle forme sa vie chrétienne aurait du revêtir et a été manquée (...). [Un regard à la suite duquel] il est fondu et assoupli pour "l'unique forme" sous laquelle il faut pénétrer dans le royaume du Père, la forme du Christ (Ga 4,‎ 19)*.

En cette année de la miséricorde, il nous faut voir peut-être ce tête à tête comme un regard aimant, plein de regrets de ce que nous aurions pu devenir et que nous avons négligé, voir aussi ces gestes, si maigres et si petits qui nous ont fait participer à ce qui fait notre espérance : rejoindre le Père qui nous accueille ‎dans la joie des retrouvailles dernières.

* Hans Urs von Balthasar, op Cit., Gc1 p. 577

20 juin 2016

Au nom du Christ

"Se laisser saisir par le Christ",  tel est la vocation à laquelle nous appelle saint Paul en Philippiens 3. Si nous écoutons bien le message de Paul, il s'agit surtout de l'imiter lui qui cherche, sans jamais y parvenir, à imiter le Christ.  Qui peut d'ailleurs imiter celui à qui Dieu "a donné le nom de Jésus" (Ph. 2),
Quel est ce nom ? La contemplation de Paul part de la kénose,  de celui "qui n'a pas retint le rang qui l'égalait à Dieu,  mais qui s'est anéanti,  vidé de lui même et a pris le rang de serviteur jusqu'à mourir".
"Saint Paul, avec plus de précision que personne, a compris qui est le Christ et a montré, à partir de ce que celui-ci a fait, comment doivent être ceux qui portent son nom. Il l'a imité si clairement qu'il a montré en sa personne quelle est la condition de son Seigneur. Par cette imitation très exacte, il a confondu l'image de son âme avec son prototype au point que ce n'était plus Paul qui semblait vivre et parler, mais le Christ lui-même. Comme il le dit, en prenant admirablement conscience de ses propres avantages : Puisque vous désirez avoir la preuve que le Christ parle en moi. (...) Et encore : Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi.Il nous a donc révélé ce que signifie le nom du Christ, lorsqu'il nous dit, que le Christ est puissance de Dieu et Sagesse de Dieu ; en outre, il l'a appelé paix et lumière inaccessible où Dieu habite, sanctification et rédemption, grand prêtre, agneau pascal, pardon pour les âmes, lumière éclatante de la gloire, expression parfaite de la substance, créateur des mondes, nourriture et boisson spirituelle, rocher et eau, fondement de la foi, pierre angulaire, image de Dieu invisible, grand Dieu, tête du corps qui est l'Église, premier-né avant toute créature, premier-né d'entre les morts, premier-né de la multitude de frères, médiateur entre Dieu et les hommes, Fils unique couronné de gloire et d'honneur, Seigneur de gloire, commencement de ce qui existe,  (...) roi de justice et ensuite roi de paix, et roi de tous les hommes, avec une puissance royale sans aucune limite". Grégoire a qui nous empruntons ce commentaire ajoute :"il y a encore beaucoup de noms à ajouter à ceux-là, et leur nombre les rend difficiles à compter. Mais si nous rassemblons tous ces noms et si nous rapprochons leurs diverses significations, ils nous montreront tout ce que signifie le nom de Christ, si bien que nous pourrons comprendre toute la grandeur de ce nom inexprimable. (...) Puisque nous avons reçu communication du plus grand, du plus divin et du premier de tous les noms, au point que nous sommes honorés du titre même du Christ en étant appelés « chrétiens », il est nécessaire que tous les noms qui traduisent ce mot se fassent voir aussi en nous, afin qu'en nous cette appellation ne soit pas mensongère, mais qu'elle reçoive le témoignage de notre vie" (1)
(1) Grégoire de Nysse, traité sur la perfection chrétienne, source AELF

19 juin 2016

La Croix, source de toute grâce

En ce jour,  contemplons la Croix,  buvons à cette source offerte. Comme nous y invite la première lecture par son "Ils regarderont vers moi. Celui qu’ils ont transpercé" (1), la liturgie nous invite à la fois à percevoir ce qui en nous a rendu possible la mort du Christ et ce qui, de cette mort peut nous sauver. Alors nous pourrons nous lamenter sur ce qui nous éloigne de Dieu : " Ils feront une lamentation sur lui, comme on se lamente sur un fils unique ; ils pleureront sur lui amèrement, comme on pleure sur un premier-né.
Ce jour-là, il y aura grande lamentation dans Jérusalem (...) Ce jour-là, il y aura une source qui jaillira pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem : elle les lavera de leur péché et de leur souillure" (1).
Cette lettre de Zacharie est la clé de notre soif vers Dieu.  Et le psaume du jour (63) n'est qu'une illustration de cette soif qui devrait nous habiter. Goûtons à cette prière,  faisons la nôtre :
"Dieu, tu es mon Dieu,
je te cherche dès l'aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.
Je t'ai contemplé au sanctuaire,
j'ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !
Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.
Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l'ombre de tes ailes.
Mon âme s'attache à toi,
ta main droite me soutient"(2)
Que nous apporte alors la deuxième lecture ?
"Frères, tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi.
En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ;
il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus.
Et si vous appartenez au Christ, vous êtes de la descendance d’Abraham : vous êtes héritiers selon la promesse".
Si nous buvons à la source du Christ,  ni nous croyons vraiment que le sang et l'eau versé est ce fleuve immense décrit par Ézékiel 47, alors nous pouvons réaliser ce à quoi nous sommes appelés : "appartenir au Christ,  non pas sous forme d'esclave,  mais dans la direction de Jean 15, 15, comme des "amis", c'est à dire en chemin vers un amour qui ne cherche pas "son intérêt" (1 Corinthiens 13).
Cette conversion intérieure nous permet d'affirmer à la suite de Pierre (Lc 9, 20) : tu es l'oint de Dieu, le messie. Non pas seulement comme David a été oint (1 Samuel 16) mais par cette double onction du Père et de l'Esprit qui fait de lui le fils unique et nous invite à entrer dans le cercle trinitaire
(1) Livre de Zacharie 12
(2) Psaume 63(62),2.3-4.5-6.8-9.
(3) Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 3,26-29.
Textez, source AELF

Nudité transfigurée

Pourquoi Jean ne parle t-il pas de la transfiguration ? Pour Balthasar qui commente là la figure sacramentelle du Christ et insiste sur la kénose, la métamorphose de Jésus devant ses disciples se trouve dans sa nudité. Seul Jean est pour lui "capable de contempler l'une dans l'autre ces deux mises à nu : celle du Cantique des Cantiques, où l'époux se découvre corporellement dans l'ardeur de l'éros - et celle de l'amour souffrant, corporel lui aussi, du Dieu trinitaire. Cette amplitude inouïe de l'amour corporel : à la fois dégrisé, vidé jusqu'à la moelle en face de la Croix, devant l'agapè divine qui prend le langage du corps, et, ravi au-dessus de lui-même, élevé jusqu'à l'éternité en face de ce langage enivrant de la chair et du sang répandus, pour devenir, éros de la créature, le tabernacle et la demeure de l'amour de Dieu !" (1)

Cette tension qui rejoint celle décrite dans notre dynamique sacrementelle nous donne à penser. Elle rejoint ce qu'écrivait Christophe Gripon dans son hymne sur Christ-Sophia (2).

(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la croix, tome 1, Apparition, op. cit. GC1 p. 151
(2) Eros, un chemin vers Christ Sophia, op. Cit. ch. 2 et 3

18 juin 2016

Harmonie intra-testamentaire

Quel est l'enjeu de notre contemplation de l'Écriture ? Pour les pères de l'Église les relations entre Ancien Testament et Nouvelle Alliance, c'est la contemplation d'une symphonie, d'une consonance, d'une harmonie (1) , un concert de beauté - concinere, consonare, concitare (2) (...) une mélodie intérieure au monde"(3) qui n'est pas sans rejoindre ce que j'évoque dans mon concept de danse trinitaire.
Dans le désir exprimé par les pères de l'Église d'y voir la face de Dieu‎, on trouvera à leur suite, la lumière des premiers rayons de la résurrection, qui percent parfois nos brouillards humains pour nous pousser plus loin, jusqu'à la quête du Royaume à venir.
L'enjeu, comme l'exprime plus loin Balthasar est de nous laisser pénétrer ‎corporellement par Dieu, d'abord dans les prémices que constitue la résurrection du Christ, puis dans dans le don total qu'est la résurrection générale" (4).

Il ne s'agit pas d'une inhabitation mystique, mais bien de cette dynamique sacramentelle (5) largement commentée par ailleurs, qui vise la manière dont la Parole et les sacrements interagissent en nous et nous conduisent à une véritable imitation du Christ.

(1) Origène, In Jn, 5, 8 (Pr. 105), cité par Balthasar, GC1 p. 559.
(2) Saint Augustin, De Mor. Eccl. cath. I‎, 1, 27, 28, 34, PL 32, 1322-1326
(3) Gc1 ibid.
(4) p. 560.



17 juin 2016

Humilité de Dieu - suite

Contempler ce Dieu qui "n'est libre que parce qu'il aime, qui souffre le pire tourment lorsque que se perd la figure qu'il avait choisie, et qui ne craint pas de révéler (...) cette figure douloureuse qui est la sienne, la face de l'amant humilié, acceptant son humiliation et s'humiliant lui-même devant Jérusalem, la courtisane impudique. Il la repousse, il lui faut la repousser, c'est son droit parce qu'il est le Dieu Saint. Mais il ne peut pas la repousser, il est obligé de courir après l'indigne et de la ramener par des serments et des promesses humiliantes".

Balthasar nous donne ici une belle interprétation de ce qui pourrait être le livre d'Osée (1) ou le début de Proverbes (2), mais il nous conduit plus loin  : "C'est dans la tension, qui va jusqu'à la contradiction, entre la grandeur du Dieu libre et l'abaissement du Dieu aimant, que s'ouvre le coeur de la divinité elle-même (...) c'est dans l'histoire tragique qui met Dieu aux prises avec son peuple renégat que se préforme la Trinité intra-divine, qui se révèle par l'incarnation du Fils de Dieu (3)".

En un sens c'est ce que nous avons longuement développé dans notre trilogie sur Humilité et miséricorde. Que celle-ci rejoigne Balthasar n'est finalement pas étonnant tant notre première lecture de sa trilogie a influencé notre manière de pensée. Cette deuxième lecture, près de 10 ans plus tard ne fait que confirmer cette confluence.

‎(1) cf. notre recherche récente in Lire l'Ancien Testament, tome 1 - Une lecture pastorale des livres d'Osée et de la Genèse.
(2) cf. Christophe Gripon, op. Cit.
(3) Hans Urs von Balthasar, GC1 op. Cit. p. 556-7


16 juin 2016

De la trace à la grâce

Ce qui compte, in fine, est de comprendre l'Ancien Testament comme un écrin qui prépare à la grâce.‎
Cet écrin n'est pas qu'une histoire humaine, c'est aussi les premiers pas d'un chemin entre Dieu et l'homme, un sentier où Dieu est apparu par petites touches successives, théophanies fragiles voir silencieuses (1)‎, mais a aussi lancé un cadre, ce que l'on traduit maladroitement par loi(2), dont le sens final sera révélé in fine dans un seul mot : amour.
Comme l'a si bien montré C. Gripon, à la suite d'Aletti, le chemin de l'AT se résume en Pr. 8, 27 dans un "j'étais là" sublime entre Dieu et l'homme, où la Sagesse se penche vers l'humain (3).

Cette présence du Verbe dans l'AT n'est pas fortuite, même si elle reste marquée par ce cacher / dévoiler qui prépare le déchirement final.

Dans la figure qui émerge, souffrante, humble et décriée se révèle, en effet, comme le souligne si bien Marc 15,38, l'au-delà du voile, le Christ, sacrement unique de la révélation divine.‎ C'est cette dynamique que nous poursuivons dans ces lignes.


(1) voir mes études des théophanies in l'Amphore et le fleuve
(2) cf. John P. Meier, Un certain juif Jésus, Les données de l'histoire, IV La loi et l'amour, Paris, Cerf, 2009, p. 34
(3) Christophe Gripon, Éros, un chemin vers Christ-Sophia, Paris, Médiaspaul 2016, ch. 3.

15 juin 2016

Le fouillis et la trace

On pourrait contempler, nous dit Balthasar, dans le passage entre l'AT et le NT un saut ou une continuité, mais "dans les deux cas, on n'apercevrait pas encore la figure proprement dite, qui naît de l'Ancien et du Nouveau Testament pris ensemble et qui naît du fait que ce qui, dans l'Ancien, se déployait successivement, peut être réuni dans le Nouveau à un autre plan dans une simplicité pleine de richesse(1)". Là encore repose le chemin de Christ-Sophia...

Il nous faut contempler cette dynamique propre à la révélation, comme ce qu'elle révèle à la fois de la pédagogie et de la danse trinitaire. La trace est ténue, mais elle est là. Elle s'efface et se montre, se voile et se dégage.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op Cit p. 544

14 juin 2016

Le fouillis testamentaire

Évoquer le mot de tension dans l'Ancien Testament est un euphémisme. "Les éléments qu'Israël conçoit et enfante successivement sont humainement considérés, absolument disparates et irréconciliables. Ils forment une chaîne de figures extrêmement impressionnantes et dramatiques, d'un sérieux religieux et moral sans exemple dans l'histoire du monde. Mais cette série de figures n'engendre elle-même aucune figure, elle requiert, et avec toute l'urgence que comporte le fragment de figure, un accomplissement transcendant vers l'avant dans [une] deuxième perspective prophétique"(1).

C'est Dieu dans sa Trinité sainte qui donne un sens à tout cela et fait jaillir de ce magma le germe d'une nouvelle alliance. Et pourtant ce chaos primitif est d'une certaine manière notre histoire. Il peut nourrir notre contemplation humble de la désespérance humaine devant ses adhérences et faire jaillir en nous un chemin vers Christ-Sophia(2), cette Sagesse qui plane sur les eaux tumultueuses de nos vies et laisse apparaître "la trace divinement pensée"(3)".

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op Cit p. 542
(2) Pour reprendre l'expression de mon ami Christophe Gripon.
(3) Goethe contemplant Schiller, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid.


La vigne de Naboth

Une tension apparaît entre le crime d'Acab, qui mérite punition aux yeux de l'auteur de 1 Rois 21 et l'appel du Christ a aimer ses ennemis (Matthieu 5). Comment la résoudre ? Nous sommes, dans le premier cas, face à la théologie de rétribution,  typique de l'Ancien Testament qui punit l'homme de ses fautes et, à l'inverse,  dans l'Evangile, devant l'amour miséricordieux de Dieu.

L'Ancien Testament n'apporte pas toutes les réponses et en prêtant à Dieu l'intention de punir les fils pour la faute des pères,  l'auteur cherche surtout une interprétation à ses propres malheurs.  Est-il lui même en exil,  cherche-t-il à comprendre pourquoi il semble maudit de Dieu ?  Est-ce à cause de la faute de ses pères ?

"Dieu ne veut pas la mort du pécheur mais qu'il se convertisse et qu'il vive", trouvera t'on plus loin dans l'AT (Ézékiel 33, 11). C'est la qu'est la clé de notre tension, et le psaume 50, nous indique la voix. Pitié pour nous, car nous sommes pécheurs.

Ne jugeons pas la faute d'autrui,  gardons nous seulement de retomber dans la notre.

L'amour des ennemis est notre chemin, c'est celui du Christ.

12 juin 2016

Contempler la miséricorde divine

Il y a une profonde unité dans les textes du jour.  Ils nous aident à percevoir l'étendue de la miséricorde de Dieu,  qui en soit est une leçon d'humilité.  Qui de nous pardonnerait David pour le meurtre d'Ourias ? Quel regard avons nous pour les gens de mauvaise vie ? Sommes nous plus ouverts que le pharisien invitant Jésus à sa table ?
Dieu est plus grand que notre coeur et saint Paul a raison de se sentir que "ce n’est plus lui, c’est le Christ qui vit en lui. Ce qu'il vis aujourd’hui dans la chair, il le vis dans la foi au Fils de Dieu qui l’a aimé et s’est livré lui-même pour lui", comme il s'est livré pour nous. En contemplons cela, non seulement nous remettons le Christ au centre de nos vies,  mais nous percevons que ce qui est bon en nous vient de Dieu.

11 juin 2016

Morphe et Logos

Pour qu'il y ait coïncidence entre la voix du Père et la figure du Père, il faut parvenir à cette kénose ultime des chapitres 13 et suivants de Jean nous dit en substance Balthasar (1). Qu'est ce à dire ? Que dans le mystère même de l'obéissance du Fils, la part de l'homme, y compris sa souffrance s'efface au profit du but du projet même de Dieu, la glorification du Père. Alors l'homme-Dieu rend visible Dieu et le voile du temple se déchire.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op Cit p. 524

10 juin 2016

Au delà de la conception virginale

Il nous faut peut être dépasser le débat glissant qui voit dans la virginité de Marie une justification de la condamnation de tout érotisme(1). L'enjeu est ailleurs nous dit en substance Balthasar. Il est d'abord dans la contemplation de cette Vierge qui renonce à tout pour se faire réceptacle du Verbe de Dieu, il est aussi dans le chemin de tout chrétien appelé, par là, à contempler que l'enjeu de l'imitation du Christ est au dessus de nos attachements humains et individuels. Il est dans la construction fragile du corps du Christ. "L'amour n'est pas dans l'Église, même existentiellement, un amour humain autonome, mais l'amour du Christ imprimé dans l'Église par le Saint-Esprit, et ainsi finalement, l'amour trinitaire du Fils pour le Père, donc aussi du Père pour le Fils (2)".

(1) cf. sur ce point, sa réhabilitation par le livre de Christophe Gripon,  L'éros, un chemin vers Christ Sophia, Médiaspaul, 2016
(2) Hans Urs von Balthasar, Gc1, op. cit. p. 508

09 juin 2016

Contempler l'Église

"Sous la double forme d'esclave d'une Église vraiment pécheresse et défigurée par les pécheurs, éclate la splendeur de l'amour du Christ, non point comme un point isolé dans l'amour d'un seul homme"(1), mais‎ dans sa dynamique collégiale et eschatologique telle que contemplée par Jean dans l'apocalypse : ces hommes qui ayant à leur tour "trempé leurs vêtements dans le sang de l' Agneau", ces martyrs visibles et invisibles qui ont complété en leur chair l'amour donné par l'unique médiateur et le peuple immense des hommes de bonne volonté.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op Cit p.‎ 510

08 juin 2016

Obéissance à l'Église ?

Là encore, Balthasar nous conduit un pas plus loin. Quand l'obéissance hiérarchique nous pèse, il nous faut réaliser que l'enjeu est ailleurs. Il est dans l'imitation de "l'obéissance rédemptrice du Christ vis à vis de son Père"(1) et nos difficultés prennent alors une autre dimension, celle du travail de l'humilité sur nos orgeuils et nos vanités.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op Cit p. 506

07 juin 2016

Distance et proximité de la figure - prêtre image du Christ.

Il y a un équilibre à trouver entre l'humilité et l'image. "On ne comprend pas les choses chrétiennement, si l'on insiste seulement sur la distance, c'est à dire sur l'opus operatum a Christo dans toute l'indignité et la peccabilité du prêtre. L'intelligence chrétienne n'existe que si l'on voit l'imitation ‎du Christ et la remise de la fonction comme une seule figure qui en tant que telle, garantit au prêtre, par la grâce du Christ, de pouvoir tenir la place du Christ - le seul qui soit vraiment serviteur(1)".

Nous a‎vons ainsi à contempler nos prêtres dans ce qu'ils ont à la fois de fragile et de représentatif. S'ils sont opérant dans le sacrifice eucharistique au nom du Christ, Dieu leur donne le plus souvent la grâce d'être image et parfois même ressemblance de celui qui est notre unique médiateur et nous devons intégrer sans sur investir cela, comme un don de Dieu. Ils sont étoiles de nos chemins, tout en étant nos compagnons fragiles. S'ils sont pécheurs comme nous, ils sont aussi les instruments privilégiés de notre salut, car l'Esprit agit en eux comme il devrait agir en nous.
Dans une ambiance souvent critique sur certaines dérives et certains abus, il nous faut discerner, au delà, ce que Dieu a à nous dire de cette fonction sacerdotale.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op Cit p. 506.


06 juin 2016

Un avec lui

Dans une longue diatribe, Balthasar(1) critique cette pratique du baptême des tous petits qui date pourtant du troisième siècle. Il y a pour lui en effet un non sens d'appeler sacrement un acte où la personne ne peut consentir à s'unir avec son Dieu. A l'inverse, il souligne combien le sacrement de réconciliation est au coeur de la dynamique sacramentelle tant l'homme qui s'engage dans le chemin de la conversion, de l'humilité et de la miséricorde rejoint intérieurement le coeur de Dieu. 
On peut méditer dans ce sens cette réceptivité particulière de la Vierge, que l'Église fête le 4 juin.  Elle a fait de sa vie une offrande intérieure. 

Écoutons Justinien sur ce thème :"elle était comblée de joie, merveilleusement fécondée par l'Esprit, et elle s'élançait vers Dieu tout en demeurant dans l'humilité. De tels progrès dans la grâce divine élèvent jusqu'aux sommets et transfigurent de gloire en gloire, (...) habitée par l'Esprit et par son enseignement, elle obéissait toujours et en toutes choses aux ordres du Verbe. Elle n'était pas guidée par son sentiment personnel, pas sa propre décision ; mais ce que la sagesse suggérait intérieurement à sa foi, elle l'accomplissait extérieurement pas son corps. Il convenait bien à la divine Sagesse, qui bâtissait, pour y habiter, la demeure de l'Église, il lui convenait d'employer Marie la toute sainte pour procurer l'observance de la loi, la purification de l'âme, l'idéal de l'humilité et le sacrifice spirituel. Imite-la, âme fidèle. Pour te purifier spirituellement et pouvoir te délivrer de la maladie du péché, entre dans le temple de ton cœur. Dieu y regarde toute affection plus que notre ouvrage, en tout ce que nous faisons. Aussi nous pouvons, par le désir de la contemplation, nous jeter en Dieu pour ne penser qu'à lui ; ou bien nous pouvons chercher notre équilibre par le progrès des vertus et des activités profitables à notre prochain ; en tout cela n'ayons pas d'autre mobile que l'amour de Christ. Voilà quel est le sacrifice spirituel de purification qui est agréable à Dieu. Il ne s'accomplit pas dans un temple matériel, mais dans le temple de notre cœur où le Christ Seigneur fait avec joie son entrée." (2)

À sa suite,  cherchons à aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces (Mc 12,30), a toujours voulu tout ce que Dieu veut, à mettre toute notre joie en  Dieu.  "Il est notre chef, notre tête, et nous sommes ses membres (Col 2,19) et par conséquent que nous ne sommes qu'un avec lui" (3)

( 1) Hans Urs von Balthasar, GC1,  op Cit p. 490ss
(2) Sermon de saint Laurent Justinien
(3) d'après une méditation de Jean Eudes, Le Cœur admirable, livre 9, ch. 4 


05 juin 2016

Adoration, manducation, action

Peut être y a-t-il là une autre façon d'évoquer les trois stades de Jean-Jacques Olier. Si l'adoration, la prière nous ouvre le coeur à la venue du Christ, "ce qui est important pour l'Église, ce n'est pas qu'il y ait quelque chose sur l'autel, mais qu'en recevant cette nourriture, elle devienne ce qu'elle doit et peut être".(1)

On pourrait s'attarder utilement sur ce que recevoir veut dire, sur notre manière de nous ouvrir au don de Dieu, mais il y a bien dans cette dynamique sacramentelle ‎quelque chose à mettre en branle, cette ouverture à la présence agissante en nous de l'Esprit, cette porte ouverte à ce qui, d'après Diadoque de Photicé repose en nous en attendant de jaillir : l'amour. C'est peut être là que l'homme se "divinise". Même si je redoute cette expression de Thomas d'Aquin reprise par Varillon, elle exprime l'enjeu de notre décentrement

Se diviniser ce n'est pas prendre le pouvoir, devenir Dieu, mais bien se laisser modeler par Sa faib‎lesse, Son humilité, Sa tendresse et Sa miséricorde.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op Cit p. 485.

04 juin 2016

Imitation et Mariologie

Il serait intéressant d'étudier le lien entre imitation et l'attitude mariale, cette inhabitation particulière du Verbe fait chair, et l'ampleur dynamique et sacramentelle de Marie de la nativité à la Croix.
Dans cet axe, Balthasar évoque son attente vigilante et sa disponibilité active, argile "dans laquelle peut s'imprimer la figure du Christ" (1). Elle "n'entre en compétition avec aucun projet, dessein, fantaisie qui la troublerait",(...) "condition inéluctable pour que la materia humaine (...) puisse recevoir vraiment l'image de la forme".

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 Op Cit p. 477

03 juin 2016

L'eau et le sang

Qu'est-ce qui apparaît au terme de notre étude sur la dynamique sacramentelle ? L'analogie sponsale de l'auteur de la lettre aux Éphesiens‎ à elle-même ses limites. Elle s'approche seulement du mystère central du rapport entre le Christ et l'Église qui se nourrit de l'Écriture comme les anciens tableaux du Moyen-âge le représentaient : à genoux devant la Croix, tendant la coupe vers le fleuve irremplaçable du coeur transpercé d'où jaillit le sang et l'eau. Si la tradition y voit, outre le fleuve décrit par Ezechiel le baptême et l'Eucharistie, il serait réducteur de s'arrêter au signe. C'est le Christ qui est sacrement-source et l'imitation prêchée par Paul est la voie vers celui qui est chemin, vérité et vie.

02 juin 2016

Les limites de l'Écriture

Une citation qui rejoint mes réflexions sur la dynamique sacramentelle, dont la deuxième édition vient de paraître : "Ce n'est pas [l'Écriture], c'est le Christ qui est sacrement de Dieu"(1). En cela, tout discours, toute exégèse, toute théologie aura pour limite la réalité insurpassable de la  Croix. Et la lectio comme le rituel reste en deçà de l'exercice de la miséricorde qui est la véritable imitation du Christ, le véritable "canon"(2).

(1) Hans Urs von Balthasar, Gc1 op. Cit. p. 459
(2) 460

01 juin 2016

La stéréoscopie raffinée de l'évangile

 "La stéréophonie raffinée des quatre Evangiles". Cette réflexion de Balthasar (GC1 p. 457) est à elle seule contemplation. On en trouvera une application dans mes "chemins croisés", cet essai de lecture de Matthieu à l'aune des 3 autres évangiles, point final de mes lectures pastorales.