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22 mars 2020

Au fil de Jean 9 - Augustin - Aveugle né

Au fil de Jean 9 - Augustin - Aveugle né

Le Seigneur a dit brièvement : Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie. Ces paroles contiennent d'une part un ordre, d'autre part une promesse. Faisons donc ce qu'il a ordonné pour ne pas désirer avec imprudence ce qu'il a promis. Qu'il ne nous dise pas, au jugement : « As-tu fait ce que j'ai commandé, pour que tu réclames ce que j'ai promis ? — Qu'as-tu donc ordonné, Seigneur, notre Dieu ? » Il te le dit : « Suis-moi. » Tu as demandé un conseil de vie. De quelle vie, sinon celle dont il est dit : En toi est la source de vie ? ~ Obéissons donc maintenant, suivons le Seigneur ; brisons les entraves qui nous empêchent de le suivre. Et qui est capable de défaire de tels nœuds sans être aidé par Celui dont il est dit : Tu as brisé mes chaînes ? Celui dont un autre psaume dit : Le Seigneur délie les enchaînés, le Seigneur redresse les accablés.

Ces hommes délivrés et redressés, que vont-ils suivre, sinon cette lumière qui leur dit : Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres. Car le Seigneur éclaire les aveugles. Soyons donc éclairés, mes frères, en recevant un remède pour les yeux, celui de la foi. Car Jésus a commencé par oindre l'aveugle de naissance avec de la terre et sa salive. Nous-mêmes, du fait d'Adam, nous sommes des aveugles de naissance et nous avons besoin du Christ pour voir clair. Il a mélangé de la salive et de la terre : Le Verbe s'est fait chair, et il a établi sa demeure parmi nous. Il a mélangé la salive et la terre, de là cette prophétie : La vérité germera de la terre ; et lui-même a dit : Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie.

Nous jouirons pleinement de la Vérité, lorsque nous verrons face à face, car nous en avons la promesse. Qui oserait espérer ce que Dieu n'aurait pas daigné promettre ou donner ?

Nous verrons face à face. L'Apôtre dit : Notre connaissance est partielle. Nous voyons actuellement une image obscure dans un miroir ; alors nous verrons face à face. Et saint Jean, dans sa lettre : Bien-aimés, dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons, lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est. Voilà la grande promesse !

Si tu aimes, tu dois suivre. « J'aime, dis-tu, mais par où dois-je suivre ? » Suppose que le Seigneur ton Dieu ait dit : « Moi, je suis la vérité et la vie. » Parce que tu désires la vérité, parce que tu convoites la vie, tu chercherais le chemin pour y parvenir, et tu te dirais : « C'est une belle chose que la vérité, une grande chose que la vie, si je savais comment y parvenir ! » Tu cherches par où ? Tu l'as entendu qui disait en premier lieu : Moi, je suis le Chemin. Avant de te dire « pour où », il a commencé par te dire « par où ». Moi, je suis le Chemin. Le Chemin pour où ? — La Vérité et la Vie. Il t'a dit d'abord par où aller, il t'a dit ensuite où aller. Moi, je suis le Chemin, moi, je suis la Vérité, moi, je suis la Vie. Lui qui demeure auprès du Père, il est la Vérité et la Vie ; en revêtant notre chair, il est devenu le Chemin.

On ne te dit pas : « Donne-toi du mal, cherche le chemin pour parvenir à la vérité et à la vie. » On ne te dit pas cela. Lève-toi, paresseux ; le Chemin en personne vient vers toi, et il t'a éveillé de ton sommeil, si du moins il t'a éveillé : Lève-toi et marche !

Peut-être essaies-tu de marcher, et tu ne peux pas parce que tu as les pieds malades. Pourquoi as-tu les pieds malades ? Peut-être que la cupidité les a forcés à courir dans des terrains accidentés. Mais le Verbe de Dieu a guéri aussi les boiteux. « Eh bien, dis-tu, j'ai les pieds en bon état, mais c'est le chemin que je ne vois pas. » Il a éclairé aussi les aveugles.(1)

(1) St Augustin, commentaire de l'évangile de Jean, source office des lectures AELF

30 mars 2019

Au fil de Jean 9, Troisième dimanche de carême, Année A - Aveugle né - Homélie du 31/3/19

Sommes-nous aveugles nous aussi ?
Est-ce que ce que nous voyons, nous nous le voyons vraiment ?

Il y a une correspondance intéressante entre les trois textes. Je vous propose de les contempler dans un premier temps, avant de voir ce qu'ils nous disent sur notre chemin.

L'Histoire de Samuel nous introduit à la différence entre l'apparence et la réalité. Samuel se fie sur l'apparence, mais Dieu l'aide à voir, derrière, la véritable beauté du cœur.

Celui que Dieu aime est un petit jeune homme fragile. Certes, il deviendra roi, et son pouvoir ne sera pas dénué d'erreurs et de péchés. Pourtant Dieu l'a choisi pour sa pureté du cœur, des capacités qu'il développera pendant la phase qui précède son accession au royaume. Rappelons nous l'histoire de Saül et de David, l'épisode de la lance et de la gourde, où il refuse la violence. David a, au fond de lui, ce qui fait que Dieu a posé sur lui ce regard. 

Il en est de même aussi de l'aveugle, celui que tout le monde méprise dans une société où la maladie était considérée comme une malédiction de Dieu. C'est cet aveugle en apparence sur lequel Jésus porte son regard. À la différence d'autres malades, cet aveugle n'a rien demandé. Il est sur le chemin de Jésus. Ce qui interpelle Jésus n'est pas l'apparence, mais cette pureté du cœur que l'on retrouve dans tout le reste du récit. L'aveugle n'a pas besoin de grandes phrases, de grandes théories, il est guéri, il croit quand il comprend enfin que c'est Jésus qui lui a donné la vie.

Et nous ?
Que croyons-nous ? Sommes-nous attentif à la lumière, à cette lumière qui nous vient de Dieu ? Pouvons-nous voir, chez l'autre, la lumière intérieure, qui dépasse toute lumière.

Cherchons-nous la lumière, la lumière plus que tout, la lumière au-delà des ténèbres, cette lumière qui vient de Dieu et qui nous conduit à Dieu ?

Comme Moïse au désert, en ce temps de carême, grimpons sur la Montagne, par nos efforts, nos dépouillements, pour dépasser les zones d'ombre et chercher la lumière. 

Moïse est monté sur la montagne et quand il a vu le Seigneur, il est redescendu tout tout illuminé. Il avait vu la lumière de Dieu. Son visage devait être aussi lumineux que celui de l'aveugle né. Il était né à une vie nouvelle, comme le serons nos catéchumènes au jour de Pâques, au bout de leur quête. 

Relisons ce texte : « Lorsque Moïse descendit de la montagne du Sinaï, ayant en mains les deux tables du Témoignage, il ne savait pas que son visage rayonnait de lumière depuis qu'il avait parlé avec le Seigneur. Aaron et tous les fils d'Israël virent arriver Moïse : son visage rayonnait.
Comme ils n'osaient pas s'approcher, Moïse les appela. Aaron et tous les chefs de la communauté vinrent alors vers lui, et il leur adressa la parole.
Ensuite, tous les fils d'Israël s'approchèrent, et il leur transmit tous les ordres que le Seigneur lui avait donnés sur la montagne du Sinaï.
Quand il eut fini de leur parler, il mit un voile sur son visage.
Et, lorsqu'il se présentait devant le Seigneur pour parler avec lui, il enlevait son voile jusqu'à ce qu'il soit sorti. Alors, il transmettait aux fils d'Israël les ordres qu'il avait reçus, et les fils d'Israël voyaient rayonner son visage. Puis il remettait le voile sur son visage jusqu'à ce qu'il rentre pour parler avec le Seigneur. » (Exode 34, 35)

Prenons le temps de méditer, en ce temps de carême, ce qui nous conduit à la lumière et ce qui nous emmène dans les ténèbres. Voyons, en vérité, ce qui au-delà des apparences trompeuses est le vrai chemin.

Regardons la Croix, élevée au-dessus du monde, cette croix qui nous introduit à la lumière de la résurrection. Que nous dit-elle ?

« Dieu est amour ». 

Si nous vivons dans l'amour de Dieu, nous sommes dans la lumière. Si nous sommes d'amour, nous serons aimés de Dieu.

Relisons la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Frères, autrefois, vous étiez ténèbres ;
maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ;
conduisez-vous comme des enfants de lumière   – la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité – (...) 
Réveille-toi, ô toi qui dors,
relève-toi d'entre les morts,
et le Christ t'illuminera.


« Si tu me dis : Montre-moi ton Dieu, je pourrais te répondre : Montre-moi l'homme que tu es, et moi je te montrerai mon Dieu. Montre donc comment les yeux de ton âme regardent, et comment les oreilles de ton cœur écoutent.

Ceux qui voient avec les yeux du corps observent ce qui se passe dans la vie et sur la terre ; ils discernent la différence entre la lumière et l'obscurité, le blanc et le noir, le laid et le beau ; entre ce qui est harmonieux, bien proportionné, et ce qui manque de rythme et de proportion ; entre ce qui est démesuré et ce qui est tronqué ; il en est de même pour ce qui tombe sous le sens de l'ouïe : sons aigus, ou graves, ou agréables. On pourrait, de la même façon, dire des oreilles du cœur et des yeux de l'âme qu'il leur est possible de saisir Dieu.

Dieu, en effet, est perçu par ceux qui peuvent le voir, après que les yeux de leur âme se sont ouverts. Tous ont des yeux, mais certains ne les ont que voilés et ne voient pas la lumière du soleil. Si les aveugles ne voient pas, ce n'est pas parce que la lumière du soleil ne brille pas. C'est à eux-mêmes, et à leurs yeux, que les aveugles doivent s'en prendre. De même toi : les yeux de ton âme sont voilés par tes fautes et tes actions mauvaises.

L'homme doit avoir une âme pure, comme un miroir brillant. S'il y a de la rouille sur le miroir, l'homme ne peut plus y voir son visage. Ainsi, lorsqu'il y a une faute dans l'homme, cet homme ne peut plus voir Dieu. ~

Mais, si tu le veux, tu peux guérir. Confie-toi au médecin et il opérera les yeux de ton âme et de ton cœur. Qui est ce médecin ? C'est Dieu, qui guérit et vivifie par le Verbe et la Sagesse. C'est par son Verbe et sa Sagesse que Dieu a fait toutes choses. Comme dit le Psaume : Le Seigneur a établi les cieux par sa Parole, et leur puissance par le Souffle de sa bouche. Cette Sagesse est souveraine. En effet : Dieu a fondé la terre par sa Sagesse ; il a disposé les cieux par son intelligence ; c'est par sa science que furent creusés les abîmes, que les nuées ont distillé la rosée.

Si tu comprends cela et si ta vie est pure, pieuse et juste, tu peux voir Dieu. Avant tout, que la foi et la crainte de Dieu entrent les premières dans ton cœur, et alors tu comprendras cela. Quand tu auras dépouillé la condition mortelle et revêtu l'immortalité, alors tu verras Dieu selon ton mérite. C'est ce Dieu qui ressuscitera ta chair immortelle, en même temps que ton âme. Et alors, devenu immortel, tu verras le Dieu immortel, à condition d'avoir cru en lui maintenant. » (1)

(1) saint Théophile d'Antioche, lettre à Autolycus 

19 novembre 2018

Au fil de Luc 18, 35 - aveuglement - homélie du 19/11

Les textes d'aujourd'hui s'accordent particulièrement bien. Je voudrais seulement vous introduire à leurs enchaînements. 

« Heureux celui qui lit,
heureux ceux qui écoutent
les paroles de la prophétie
et gardent ce qui est écrit en elle,
car le temps est proche. ». Ap 1 (1)

Cette invitation de Jean aux sept Églises de l'Asie mineure n'est pas dépassée. Elle nous interpelle tous les jours. Souvent ne sommes-nous pas sourds et aveugles aux signes et aux paroles que Dieu met sur notre route. 

Luc, à sa manière, nous interpelle aussi :
« Jésus approchait de Jéricho » » (Lc 18, 35-43)
Comme le rappelle les pères de l'Église cela sous-entend que Jésus vient nous chercher au plus profond de nos servitudes, de nos surdités et de nos aveuglements.
Accueillons le dans le silence. 

« un aveugle mendiait, assis au bord de la route. »

Et si nous prenions le temps de nous assoir à ses côtés. Qu'avons nous de différents avec lui ? Voyons nous vraiment ? Ne pouvons nous pas dire à sa suite :
« Jésus, fils de David, prends pitié de moi ! »
    Ceux qui marchaient en tête
le rabrouaient pour le faire taire.
Mais lui criait de plus belle :
« Fils de David, prends pitié de moi ! »
    Jésus s'arrêta et il (...) lui demanda :
    « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Faisons une pause et répétons à notre tour la question de Jésus
 « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Puis écoutons la réponse de l'aveugle. 

« Seigneur, que je retrouve la vue. »
    Et Jésus lui dit :
« Retrouve la vue ! Ta foi t'a sauvé. »
    À l'instant même, il retrouva la vue,
et il suivait Jésus en rendant gloire à Dieu.
Et tout le peuple, voyant cela,
adressa une louange à Dieu.

Que dire ? Les textes parlent tout seuls...
Ce qu'a fait Jésus à l'aveugle, il le fait chaque jour pour nous. La tradition orthodoxe a une belle icône pour exprimer cela, celle de l'anastasis (2) On y voit Jésus tenir la main d'Adam pour le sortir de l'enfer. 
Si nous ne sommes pas au royaume des morts, nous devons reconnaître que nous sommes parfois bien loin de lui. Laissons alors Jésus nous reprendre la main. 
Écoutons et faisons nôtres à nouveau la première lecture
« Tu ne manques pas de persévérance,
et tu as tant supporté pour mon nom,
sans ménager ta peine.
Mais j'ai contre toi
que ton premier amour, tu l'as abandonné.
    Eh bien, rappelle-toi d'où tu es tombé,
convertis-toi, reviens à tes premières actions. » (Ap 2)
Un chemin qui reste à reprendre...
Alors le psaume aura sa juste place
« Heureux est l'homme
     qui (...) se plaît dans la loi du Seigneur
et murmure sa loi jour et nuit !
Il est comme un arbre
     planté près d'un ruisseau,
qui donne du fruit en son temps,
et jamais son feuillage ne meurt ;
tout ce qu'il entreprend réussira. » (Ps 1)

« Jésus, fils de David, prends pitié de moi ! » redonne-moi la vue ! (3)
            
(1) source : Textes liturgiques © AELF.
(2) cf. E. Heriard Dubreuil, l'icône de l'anastasis
(3) cf. Mon commentaire de Bartimée

28 octobre 2018

Au fil de Marc 10, 42 - Bartimée - Homélie du 28/10/18

Les textes que nous avons lu aujourd’hui nous parlent d’espérance.
Jérémie et les psaumes évoquent le retour d’exil avec cette belle phrase « qui sèment dans les larmes récolte en chantant ». Le récit de Bartimée transpire aussi tellement l’espérance que je voudrais vous inviter à contempler ce que vise cette espérance.
Il y a un risque, quand on lit un évangile, c’est d’oublier le contexte, l’enchaînement voulu par l’auteur. La seule lecture de l’histoire de Bartimée n’est finalement qu’un épisode du projet de l’évangéliste, de ce vers quoi il veut nous conduire. Il n'est pas neutre de voir que Marc place au chapitre 10 trois récits ; nous avons entendu, il y a quinze jours, celui du jeune homme riche qui refuse de tout quitter et de suivre Jésus, mais que Jésus aime avec les yeux du du cœur, puis celui des deux frères qui veulent la première place et que Jésus a pris pourtant pour disciples.
Ce matin, nous contemplons Bartimée qui abandonne même son manteau pour courir derrière Jésus.
Notons juste qu’entre les deux premiers récits et celui de Bartimée, Marc place une allusion à la Croix. Cela fait du chapitre 10 une sorte de résumé de l’Évangile de Marc.
Précisons qu’il n’y pas de béatitudes chez Marc, mais il y a ce regard de Jésus qui donne la vie.
En voyant le regard de Jésus sur Bartimée, celui qui croit, on voit que Marc a sa manière nous redit « Heureux les petits car ils ont accès au mystère » comme il le suggérait au chapitre précédent .
Revenons à l’évangile, lu il y a quinze jours. Le jeune homme riche voyait avec les yeux de l’intelligence, pensait commandements, mais n’avait pas la force d'aller plus loin, mais pourtant Jésus le regarda et l’aima. Pourquoi?
Bartimée, celui qui pourtant restait au bord du chemin, qui ne connaissait et ne pratiquait pas tout ça, a vu, au delà de l'ombre de ses yeux de chair, ce que les voyants ne voyaient pas. Il en laisse son manteau, son seul bien, pour courir et suivre Jésus.

D'un côté, celui qui croit savoir et voir mais ne peut aller à l’essentiel.
De l'autre, Bartimée, l’aveugle qui ne voit pas mais qui croit, qui espère et quitte tout…
Et au milieu Jésus qui avance vers la Croix avec le regard aimant.

A dire vrai, l'histoire de Marc ne s’arrête pas là. En Marc 14, 51, le soir de la Passion, un jeune homme suit Jésus, « vêtu seulement d'un drap. On l'arrête, mais lui, lâchant le drap, s'enfuit tout nu.». Pour certains commentateurs, il s'agit du même jeune homme riche, et plus encore, il s’agirait de Marc l'évangéliste lui-même. Quel chemin ? Que faire, que penser de  tout cela ?

Suivre Marc, c'est découvrir sa propre conversion, comment il a découvert les yeux du coeur. Pour lui, Jésus est notre chemin. Il est la vérité et la vie. Ce que l’aveugle voit, il veut nous le faire découvrir, au-delà de ce qui cache l’essentiel.

La première chose à faire, c'est peut-être de se retourner vers le passé et contempler les dons de Dieu, fermer ses yeux de chair et écouter notre cœur, voir Dieu qui se donne et s'efface. Qui aime à en mourir. Sentir la caresse de Dieu dans nos vies. Alors nous pourrons, comme Bartimée courir derrière Jésus et dire "fait que je vois".

Contempler l’histoire de Bartimée nous ouvre le chemin du cœur. Et le chemin du coeur est un chemin de guérison, il ouvre nos yeux à l'essentiel. Nous voyons trop par les yeux du corps ou par les yeux de l’intelligence.
Les yeux du coeur nous ouvre à autre chose. Il nous transforme, y compris dans le regard porté à nos frères.
Voir avec les yeux du cœur c’est avoir le regard aimant de Jésus.
Au bout du chemin que va suivre Bartimée à la suite de Jésus, en quittant le monde des aveugles vers la vie, il y a le Golgotha, le lieu où le grand prêtre éternel (l’heritier de Melchisédek de la 2eme lecture) va donner le sacrifice unique : sa vie. Saint Marc comme je l’ai dit, y fait déjà une allusion, entre le récit du jeune homme riche et celui de Bartimée. Pourquoi ?
Que cherche-t-il à dire ?
Pour Marc, le peuple juif ne voyait pas l'amour de Dieu. Il était derrière un voile. Au Golgotha, nous dit Marc, Dieu va déchirer le voile du haut en bas. L’aveuglement va laisser place à la lumière. Et qu’est-ce qui se révèle ?  : Un Christ qui nous aime. Un Christ qui se donne. Ce que nous refusons parfois de voir se dévoile sur la Croix.
Marc, non sans ironie, précise que ce ne sont pas les Juifs qui vont comprendre cela, mais un centurion romain, un autre Bartimée, rejeté des Juifs. « Vraiment cet homme est le fils de Dieu » dit-il. La Croix révèle que Dieu est don. Dieu est amour. Elle ouvre les yeux du cœur sur l'essentiel.
Le chemin de Bartimée, c’est regarder avec les yeux du coeur, voir l’essentiel, voire que l’amour est don. C’est aussi le chemin de Marc. Il avait des biens, il se retrouve nu, le jour de la Passion. Il est nu, mais il voit que l’essentiel est sur la Croix. Dieu est amour. Il change notre regard. Alors tournons nous vers nos frères et regardons les, à la suite de Jésus, avec les yeux du cœur.

Homélie du 28/10/2018 à St Lubin des Joncherets

15 février 2017

Le double aveuglement

Pourquoi faut-il deux temps à Jésus pour guerir l'aveugle en Marc 8, 22-26 ? Ne faut-il pas regarder d'abord notre coeur avant de répondre à cette question ? 

"Tel un miroir brillant, l'homme doit avoir une âme pure. Une fois la rouille au miroir, l'homme ne peut plus y voir le reflet de son visage." nous dit Saint Théophile d'Antioche. Notre coeur est embrumé par nos adhérences au mal. "De même", pousuit-il, "tant qu'il y a le péché dans l'homme, il n'est pas possible à cet homme de voir Dieu... Mais si tu veux, tu peux guérir. Confie-toi au médecin, il ouvrira les yeux de ton âme et de ton cœur. Qui est le médecin ? C'est Dieu qui guérit et vivifie par le Verbe et la Sagesse. C'est par sa Parole, son Verbe, et sa Sagesse que Dieu a fait l'univers : « Par sa Parole les cieux ont été faits, et par son souffle, son Esprit, toute leur puissance » (Ps 32,6). Sa Sagesse est toute-puissante : « Dieu par la Sagesse a fondé la terre, il a établi les cieux avec intelligence » (Pr 3,19)... Si tu sais cela, homme, et si tu mènes une vie pure, sainte et juste, tu peux voir Dieu. Qu'avant tout la foi et la crainte de Dieu prennent place en ton cœur, et tu comprendras cela. Quand tu auras déposé la condition mortelle et revêtu une nature impérissable, alors tu seras digne de voir Dieu. Car Dieu aura ressuscité ta chair devenue immortelle avec ton âme. Et alors, devenu immortel, tu verras l'Immortel, si maintenant tu lui donnes ta foi." (1).

Alors pourrons nous comme Moïse (cf. Ex 34) contempler Son Visage,  car notre coeur,  purifié du voile de nos addictions pourra voir le reflet de sa gloire. 

(1) Saint Théophile d'Antioche, Premier discours à Autolycus, 2, 7 ; PG 6, 1026s (trad. Orval rev.)

01 février 2017

La pastorale des deux aveugles chez Marc

Entre la guérison difficile, en deux temps, d'un aveugle en Mc 8, 22 et celle de Bartimée en Mc 10, 46 il y à l'annonce de la Passion. Ce chemin difficile est celui de tout homme. C'est notre chemin. Il doit intégrer un temps de désert avant de monter vers Jérusalem à la suite de Jésus et doit passer, entre temps par la mort de nos désirs pour entre dans le plan de Dieu.
Pour vivre cet entre-deux et comprendre l'exigence que cela comporte, il faut du temps, un chemin de désert(1), "l'expérience de la fragilité humaine", le renoncement et "faire confiance à Jésus en cheminant à sa suite (2)".

(1) cf. mon travail éponyme
(2) Flipo, ibid p. 173