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27 août 2024

Contrastes - Homélie 22b

  

Il y a dans les textes de ce dimanche un contraste à contempler entre la première lecture qui invite à suivre une loi à l’origine belle et louable, mais qui s’est figée dans les excès dénoncés par Jésus chez les Pharisiens. 

Il faut se plonger dans l’histoire d’Israel [et ce que décrit notamment Thomas Römer sur l’invention de Dieu (1)] pour percevoir la lente constitution des 613 préceptes et commandements qui ont structuré l’histoire du peuple de Dieu après l’exil, la constitution d’un système attribué à la figure de Moïse et destiné à orienter le peuple vers le culte et l’amour de son Dieu. Comme le souligne un philosophe récent (2) le pharisaïsme avait la belle intuition de mettre Dieu au centre.




Mais il y a un mais.

Elle est devenue un but en soi. Et le pharisaïsme s’est figé dans l’observance de la loi en oubliant l’enjeu central : cette double invitation que résume le Christ : aimer Dieu et son prochain comme soi-même.


Et nous ? 

Quelle est notre attitude devant l’appel de Dieu ?

Sommes nous comme des canards sous la pluie, incapables de se laisser pénétrer par l’eau vive, sinon par des failles fragiles où Dieu vient interpeler notre for interne. 

L’Évangile pointe nos faiblesses et appuie où cela fait mal. Nos rites extérieurs, nos simulations extérieures de piété sont vides si notre cœur n’est pas traversé jusqu’aux jointures de l’âme par cette Parole qui vient interpeler chacun de nos comportements. 

Qui suis-je d’ailleurs pour donner des leçons, moi qui suis habité tour à tour par des pensées perverses, l’inconduites, les vols, les désirs de meurtres, les tentations que décrits Jésus, et notamment l’orgueil et la démesure ?

On ne peut en effet juger autrui mais contempler ces forces sombres qui nous attaquent de l’intérieur.

Prenez le temps vous aussi mes sœurs et mes frères de vous laisser interpeler par la liste sordide que nous donne Jésus dans l’évangile.

C’est sur ce sombre terreau qu’il nous faut lentement travailler en implorant le pardon divin et l’aide de nos frères pour trouver le chemin, la vérité et la vie qu’est Jésus Christ, lui aussi tenté au désert par tout cela et sorti vainqueur.

Nous ne sommes pas toujours dans la lumière. 

Vendredi les textes nous invitaient à préparer nos huiles, c’est à dire laisser l’Esprit nous travailler de l’intérieur, ne pas cesser de mettre la clarté dans ce qui est noirceur, y compris en nous. 

Un travail qui n’est possible qu’avec l’aide de l’Esprit, la longue méditation de la Parole, le discernement et le pardon de Dieu, qui connaît nos faiblesses et nous enveloppe de sa miséricorde.

La deuxième lecture tirée de Jacques apporte également un rayon de lumière.

La première, qui guérit notre orgueil, est d’entendre que « les dons parfaits, proviennent tous d’en haut, ils descendent d’auprès du Père des lumières » par l’intermédiaire de « la douceur la Parole semée en nous ; c’est elle qui peut sauver vos âmes. Mettez la Parole en pratique, dit Jacques, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde ».

Jacques dit en effet l’essentiel en nous invitant à aimer en actes et en vérité. Nos rites sont stériles s’ils ne se traduisent pas dans nos comportements. 

A quoi nous sert de venir ici si la jalousie et la médisance demeure…et que nous sortons de l’Église en critiquant nos voisins. 


Le Christ est chemin. Contemplons sa façon d’agir, d’être. Les traits qu’il trace sur le sable quand les pharisiens brandissent leur « catéchisme ». Il est lumière. Et il nous invite à l’essentiel, discerner ce qui en nous se tourne vers le Père et le prochain…


(1) voir son livre éponyme 

(2) cf. Paul Ricoeur, Philosophie de la volonté: Finitude et culpabilité: II. La symbolique du mal, Aubier, 1960

18 février 2020

Sagesse et pédagogie divine


En ce temps d'hiver, prenons de la distance et laissons nous émerveiller par les dons de Dieu.
Contemplation inouïe que ce chapitre 8 des Proverbes que nous propose l'office des lectures du 18/2 :
« Le Seigneur m'a faite pour lui, principe de son action, première de ses œuvres, depuis toujours.
Avant les siècles j'ai été formée, dès le commencement, avant l'apparition de la terre.
Quand les abîmes n'existaient pas encore, je fus enfantée, quand n'étaient pas les sources jaillissantes.
Avant que les montagnes ne soient fixées, avant les collines, je fus enfantée, avant que le Seigneur n'ait fait la terre et l'espace, les éléments primitifs du monde.
Quand il établissait les cieux, j'étais là, quand il traçait l'horizon à la surface de l'abîme, qu'il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l'abîme, quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre.
Et moi, je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, jouant dans l'univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. » (Pr 8, 25-31)



Écoutons saint Athanase sur ce point :

La Sagesse personnelle de Dieu, son Fils unique, est créatrice et réalisatrice de toutes choses. En effet, dit le Psaume :Tu as tout fait avec sagesse, la terre est pleine de tes créatures. Afin que les créatures non seulement existent, mais existent bien, Dieu a décidé que sa propre Sagesse descendrait vers les créatures afin d'imprimer en toutes et en chacune une certaine empreinte et représentation de son image ; ainsi serait-il évident qu'elles ont été créées avec sagesse et qu'elles sont des œuvres dignes de Dieu.

De même, que notre verbe humain est l'image de ce Verbe qui est le Fils de Dieu, ainsi notre sagesse est, elle aussi, l'image de ce Verbe qui est la Sagesse en personne. Parce que nous possédons en elle la capacité de connaître et de penser, nous devenons capables d'accueillir la Sagesse créatrice, et par elle nous pouvons connaître son Père. Car celui qui a le Fils a aussi le Père, et encore : Celui qui m'accueille accueille celui qui m'a envoyé. Parce que l'empreinte de cette Sagesse existe en nous et en toutes ses œuvres, il est tout à fait juste que la Sagesse véritable et créatrice, appliquant à elle-même ce qui concerne son empreinte, dise : Le Seigneur m'a créée comme une de ses œuvres. ~

Puisque le monde, par le moyen de la sagesse, n'a pas reconnu Dieu dans la Sagesse de Dieu, c'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Désormais Dieu ne veut plus, comme dans les temps primitifs, être connu par l'image et l'ombre de la Sagesse : il a voulu que la véritable Sagesse en personne prenne chair, devienne homme, subisse la mort de la croix, afin qu'à l'avenir tous les croyants puissent être sauvés par la foi en cette Sagesse incarnée.

C'est donc elle qui est la Sagesse de Dieu. C'est elle qui, auparavant, par son image introduite dans les choses créées (et c'est en ce sens qu'on la disait créée), se faisait connaître et, par elle, faisait connaître le Père. Par la suite, elle-même, qui est le Verbe, est devenue chair, comme dit saint Jean ; après avoir détruit la mort et sauvé notre race, elle s'est manifestée plus clairement elle-même et, par elle-même, elle a manifesté son Père. Ce qui lui a fait dire : Donne-leur de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.

Toute la terre a donc été remplie de sa connaissance. Car il y a une seule connaissance : du Père par le Fils, et du Fils à partir du Père. Le Père met sa joie en lui, et le Fils se réjouit de la même joie dans le Père, ainsi qu'il le dit : J'y trouvais ma joie, je me réjouissais jour après jour en sa présence. (1)

℟ Sur le visage du Christ
rayonne la gloire de Dieu.

La loi fut donnée par Moïse,
la grâce et la vérité
sont venues par Jésus Christ !

On notera en particulier cette phrase d'Athanase qui traduit ce que Karl Rahner appelle l'auto-communication de Dieu en nous et qui révèle ce que je contemple comme « l'Amour en toi » : «  l'empreinte de cette Sagesse existe en nous » dit-il.

Qu'est-ce que l'empreinte chez Athanase ? Est-ce ce que Bonaventure appelle la trace ? Est-ce ce qui fait de nous des pales images de Dieu, sur le chemin de la ressemblance, dont seule le Christ est la plénitude ?

Ce qui est bon en nous vient de Dieu. Cette lueur fragile mise en nous et qui nous conduit à aimer... C'est cela la lumière souvent mise sous le boisseau et qu'il nous faut relever et laisser transparaître.
Dieu a « voulu nous engendrer par sa parole de vérité pour faire de nous comme les prémices de toute créatures »  (Jacques 1, 8,

 (1) Saint Athanase d'Alexandrie, discours contre les Ariens, Le Christ, Sagesse du Père et office des lectures du 18/2/20 source AELF