28 juin 2014

Bonhoeffer - V - Christ pro me

Le Christ est sacrement parce qu'il est "pro me" [tout tourné vers moi ?] nous dit en substance Bonhoeffer*. Qu'est ce à dire sur sa nature ?
Il est à la fois tout tendu vers moi dans un sens qui peut être proche de la tension que Paul présente comme programme dans Philippiens 3.
Mais il est surtout "pro me" dans le sens où il est "qu'amour" pour reprendre ce que disait Varillon déjà invoqué dans un post précédent. Et cet amour est signe efficace de l'amour tendre et miséricordieux du Père. Reste à ne pas passer à côté de cette présence "incognito", de ce "donneur qui s'efface dans le don" pour reprendre les termes de J. L. Marion dans son livre "Etant donné".


* ibid. p. 54ss

27 juin 2014

Bonhoeffer - IV - parler pour Dieu


"Je dois parler et pourtant pas moi, mais Dieu"*
A défaut il faut se taire, a-t-il précisé plus tôt en substance.

Cela dit, quelle parole parle véritablement ? Si Dieu n'est qu'amour comme l'affirme Varillon, la seule parole qui n'est pas une logorrhée humaine ‎serait celle qui transpire l'amour. Et c'est peut-être cela le plus difficile. Car les mots n'ont de sens qu'en accord permanent avec nos actes, ce qui, in fine, n'est l'apanage que du Christ seul.

Quant à nous, nous devons avouer comme le dit Paul, que "nous ne faisons pas ce que nous voulons et faisons ce que nous ne voulons pas".


La cohérence entre paroles et actes, poursuit à sa manière Bonhoeffer est peut-être dans le sacrement. Le sacrement est Parole de Dieu. "En tant Qu'il est Jésus Christ le sacrement est essentiellement Parole"*

On peut retourner la phrase, c'est d'ailleurs une autre façon de dire ce que nous disions plus haut. Où cela nous conduit-il ? Peut-être dans ce que nous écrivions il y a quelques temps sur le "devenir sacramentel". Nous ne pouvons être en pleine cohérence avec nos mots, mais à chaque fois que nous approchons de cette ressemblance, nous nous approchons de ce devenir. Le Christ étant seul le sacrement véritable.


* Dietrich Bonhoeffer, op. Cit. p. 53
* ibid. p. 58

25 juin 2014

Bonhoeffer - III - La clarté de l'Écriture

"En son essence, la Parole s'interprète elle-même. Dans cette clarté et cette signification identique pour tous est fondée sa validité universelle."‎ (op. cit p. 48).

C'est ce qui supporte pour moi ces "banquets de la Parole" collectifs (cf. série de posts précédents) où nous découvrons à plusieurs cette éternelle présence de Dieu qui ne cesse de crier son "Où es-tu ?" à l'homme.

La question que Dieu nous pose dès Gn 3 est cet "où es-tu ?" qui fait face au "Moi je suis [là] présent" de Dieu dans nos vies, y compris et peut-être surtout par cette Parole qui se rend vivante dans nos partages en communauté. La tension entre l'"Où es-tu ?" et le "Je suis" se prolonge jusque dans des détails qui ne sont pas anodins :
- "si vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." (Mat 25)
- "Je suis" qui fait face au "Je ne suis pas de Pierre... (Jn 18)
Tout cela rebondit en nous... Et c'est dans sa présence dans l'aujourd’hui que la question résonne, écho toujours silencieux de Dieu qui nous appelle.



24 juin 2014

Bonhoeffer - II - Incognito christologique

D. Bonhoeffer reprend page 39* la question de l'incognito développé par Kierkegaard à la suite de Luther. ‎Pour moi, ce thème n'est pas loin de ce que je développe dans mon livre "Dieu de Faiblesse", une apologie de la discrétion de Dieu, qui n'est autre que la condition même de notre liberté. Si l'autorité de Jésus ne fait pas de doute, elle ne s'exprime que dans l'axe du lavement des pieds et de la Croix, c'est à dire dans l'effacement kénotique d'un discours qui s'éteint dans un silence amoureux.
Alors sur le bois ne demeure que le Dieu inconnu que vénéraient les Grecs, l'incognito de ce Fils qui par sa mort révèle l'au delà de tout discours.
‎Mais le risque demeure d'en rester au concept, de le laisser dans l'incognito et dans le passé en ignorant qu'il est ressuscité et de ce fait à la fois loin et présent. Loin parce qu'irréductible à une pensée et présent par cette révélation infinie de l'amour.
Il nous faut alors plutôt entendre ce que nous dit E. Stein : "Qu'elles sont merveilleuses tes merveilles d'amour ! Et notre admiration nous conduit au silence car viennent à défaillir nos esprits et nos mots." **

* op. cit. post précédent
** Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, Poésie « Je demeure parmi vous », 1938 (trad. Source cachée, Cerf 1999, p. 329s).

23 juin 2014

Bonhoeffer - I - La question décisive

‎Ce qui est décisif, nous dit Bonhoeffer c'est finalement de savoir "qui Il est". Est-il un être idéalisé  ou le Fils et Dieu ? Si c'est le cas, alors il peut guérir ma blessure (mon péché) et me pardonner.* 
Je rejoins cette façon de dire les choses. Finalement dans nos crises de foi, il nous arrive de penser que tout cela n'est que du vent, surtout quand la souffrance nous envahit et nous conduit à nier Son existence. Il ne nous reste qu'un fil ténu, celui qui nous fait revivre ces temps inscrits dans notre chair, où le pardon nous a fait découvrir son infinie tendresse et sa miséricorde.

* Qui est et qui était Jésus Christ ? Cours de christologie à Berlin - 1933, labor et fides, 2013 P.39

22 juin 2014

Dietrich Bonhoeffer - Initiation de lecture

‎Nous commençons une lecture méditative de Bonhoeffer.

La question centrale, dit-il dans son premier cours de Christologie, n'est pas le "comment" mais le "qui".

"Qui est-Il ?" 

C'est le nœud du problème. Car soit nous définissons l'autre et ce faisant nous le tuons par notre raison soit nous le laissons être au prix de la mort de notre raison (c'est à dire en faisant enfin silence).

Cela rejoins ce que je définis comme "la descente de tour", ce renoncement à la toute puissance de celui qui croit être.

Là où Bonhoeffer va plus loin c'est dans peut-être dans cette courte phrase :

"Il faut que l'homme se révèle de sa propre initiative. Je ne peux accéder à une personne sauf si l'autre se révèle à moi-même. Dans l'Église (...) cela se produit en réalité dans l’événement du pardon des péchés où l'un, face à l'autre confesse être pécheur et se fait pardonner le péché par l'autre."*

*Qui est et qui était Jésus Christ ? Cours de christologie à Berlin - 1933, Labor et Fides, 2013, p. 38

18 juin 2014

L'esprit descend vers nous.

L'esprit descend vers nous. Peut-on dire qu'il ya, là aussi, kénose ?

L'attitude que cette descente génère en nous est très différente de cette vénération du Sinaï où il fallait "vénérer Dieu" dans sa hauteur, comme nous le rappelle saint Augustin dans la Lettre et l'Esprit, § 27*.

Pourquoi cette différence ? 

C'est peut-être comme l'exprimait très bien ce matin à la messe, notre vicaire,
parce qu'il doit s'agir non d'un bouleversement de notre attitude, mais d'une con-version (son geste d'une main qui se retourne disait bien le mouvement à accomplir). Je compléterai en parlant d'un changement d'axe, qui n'est plus axé sur la crainte, mais bien l'amitié, la communion.

Grâce à l'Esprit, nous sommes appelés à vivre "en christo" (en Christ) comme insiste bien à ce sujet H. UvB, dans l'un des tomes de sa Trilogie.

On pourrait compléter avec cette belle phrase du discours final : "Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père." (Jn 15,15). Or l'ami ne craint plus de voir l'époux. Il l'attend et se réjouit de sa présence.

* Source Evangelizio
Crédit Image : C. Heriard, DR, Eglise de Saint-Lubin de Cravant

07 juin 2014

Magda la douce, le chant du large, tome 2.2

Pour les amateurs de la barque de Solwenn, le tome 5 vient de paraître sous Kindle, sous le titre Magda-la-douce.
Ce récit qui nous place au coeur d'une famille de pêcheurs à l'aube du XXème siècle est aussi une manière d'aborder la souffrance et la mort, l'inégalité et ses solutions fragiles.

La série s'articule maintenant comme suit :
- La barque de Solwenn, tome 1
- Maria la rousse, tome 2
- La souffrance d'Elena, tome 3
- La Marie-Jeanne, tome 4
- Magda la douce, tome 5

Deux recueils papiers sont disponibles sur Amazon :
- La barque de Solwenn, intégral - Le chant du large, volume 1
- Le sourire de Nolwenn - Le chant du large, volume 2


06 juin 2014

Saint Philippe -V, Heureux les artisans de paix - La guerre juste ? Doctrine sociale de l'Eglise


Je vous confie le CR d'une réunion à Saint-Philippe :

Lecture-prière :
« La foule l'interrogeait, disant: Que devons-nous donc faire?
Il leur répondit: Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a point, et que celui qui a de quoi manger agisse de même.
Il vint aussi des publicains pour être baptisés, et ils lui dirent: Maître, que devons-nous faire?
Il leur répondit: N'exigez rien au delà de ce qui vous a été ordonnéDes soldats aussi lui demandèrent: Et nous, que devons-nous faire? Il leur répondit: Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde.» Luc 3, 11-14

Après une lecture de Luc 3, un participant interroge le groupe sur la méthodologie. Doit-on privilégier raisonnement ou témoignage ?
Réponse unanime des autres participants : Il serait bon de conserver les deux, pour ne pas rester dans les « grandes idées » et tenir compte de nos diversités et des apports de notre vie.

La lecture du chapitre 8 de notre livret ne portait pas uniquement sur le droit de faire la guerre mais était double. Outre la question de la juste guerre, on peut aussi parler de la violence y compris dans notre environnement et de notre capacité d'y répondre.

Un participant souligne que la réponse du Christ à la violence est le lavements des pieds de Judas et la mort sur la Croix. Un chemin qui fait signe pour discerner notre manière de répondre à l'agression ?

Mais, dit un autre participant, le Christ n'a pas été tendre avec les changeurs et les vendeurs de colombes du Temple.

Marc 11 : « Ils arrivèrent à Jérusalem, et Jésus entra dans le temple. Il se mit à chasser ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons ; et il ne laissait personne transporter aucun objet à travers le temple.
Et il enseignait et disait: N'est-il pas écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. »

Etait-ce une sainte colère ? D'autres précisent que le Christ a renversé les tables mais n'a pas ouvert les cages. S'il est en colère, c'est parce que l'on a fait du Temple un lieu de marchandages.

A propos de la guerre juste que dit le Catéchisme ?

Extrait cité :
2307 Le cinquième commandement interdit la destruction volontaire de la vie humaine. A cause des maux et des injustices qu’entraîne toute guerre, l’Église presse instamment chacun de prier et d’agir pour que la Bonté divine nous libère de l’antique servitude de la guerre (cf. GS 81, § 4).
2308 Chacun des citoyens et des gouvernants est tenu d’œuvrer pour éviter les guerres.
Aussi longtemps cependant " que le risque de guerre subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifiques, le droit de légitime défense " (GS 79, § 4).
2309 Il faut considérer avec rigueur les strictes conditions d’une légitime défense par la force militaire. La gravité d’une telle décision la soumet à des conditions rigoureuses de légitimité morale. Il faut à la fois :
Que le dommage infligé par l’agresseur à la nation ou à la communauté des nations soit durable, grave et certain.
Que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés impraticables ou inefficaces.
Que soient réunies les conditions sérieuses de succès.
Que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer. La puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l’appréciation de cette condition.
Ce sont les éléments traditionnels énumérés dans la doctrine dite de la " guerre juste ".
L’appréciation de ces conditions de légitimité morale appartient au jugement prudentiel de ceux qui ont la charge du bien commun. (...)

Il faut donc des moyens adéquats qui savent s'arrêter !
Questions posées : Quel but, comment on s'arrête ?
Tout est centré sur les éléments déjà évoqués de bien commun (cf. post précédent)

Un discernement est à opérer dans ces choix, en particulier sur les éléments qui conduisent en nous à la violence.

Le chemin évangélique est plutôt celui de l'humilité et de la fragilité.
On revient sur les thèmes déjà évoqués de « Tentation de pouvoir » à opposer à « un Dieu de faiblesse » dont le message central reste la croix.

Tendre la joue gauche ?
Cela est, de fait, différent de retendre la joue droite (ce qui serait du masochisme) mais regarder, comme le dit Lévinas, le visage de l'autre, l'interpeller, sans juger la personne, peut-être en l'interpellant sur les actes.

Doit-on lutter contre l'immoralité ?
Y a-t-il une réponse binaire ? Non, dit F., la réponse est trinitaire, elle est de l'ordre de l'expérience de toute vie qui accueille en son cœur la présence de Dieu comme interlocuteur privilégié.

On évoque aussi la question du dolorisme, du sacrifice, des chrétiens qui étant dans le sacrifice oublie la joie...

Oui, mais un participant souligne que notre « attitude catho » conduit à être mis au banc de la société. On rappelle à ce sujet le discours de Jn 15 :

« Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres. Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait.
Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé. »

Pharisaïsme et extrémismes sont à éviter...
Le terrorisme est une notion vague souligne quelqu'un. Certes, et pourtant toute forme d'extrémisme est violence...

A propos du Génocide voir aussi ce que dit la DSE au n°506 :

« Les tentatives d'élimination des groupes entiers, nationaux, ethniques, religieux ou linguistiques, sont des délits contre Dieu et contre l'humanité elle-même et les responsables de ces crimes doivent être appelés à en répondre face à la justice. Le XXème siècle a été tragiquement marqué par différents génocides: du génocide arménien à celui des Ukrainiens, du génocide des Cambodgiens à ceux perpétrés en Afrique et dans les Balkans. Parmi eux celui du peuple juif, la Shoah, prend un relief particulier: « Les jours de la Shoah ont marqué une vraie nuit dans l'histoire, enregistrant des crimes inouïs contre Dieu et contre l'homme ».

La Communauté internationale dans son ensemble a l'obligation morale d'intervenir en faveur des groupes dont la survie même est menacée ou dont les droits fondamentaux sont massivement violés. Les États, en tant que faisant partie d'une Communauté internationale, ne peuvent pas demeurer indifférents: au contraire, si tous les autres moyens à disposition devaient se révéler inefficaces, il est « légitime, et c'est même un devoir, de recourir à des initiatives concrètes pour désarmer l'agresseur ». Le principe de souveraineté nationale ne peut pas être invoqué comme motif pour empêcher une intervention visant à défendre les victimes. Les mesures adoptées doivent être mises en œuvre dans le plein respect du droit international et du principe fondamental de l'égalité entre les États.

La Communauté internationale s'est également dotée d'une Cour Pénale Internationale pour punir les responsables d'actes particulièrement graves: crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et d'agression. Le Magistère n'a pas manqué d'encourager à maintes reprises cette initiative. »

Un participant dénonce l'attitude américaine au Kosowo. D'autres parlent des guerres entre croates et serbes. Un lieu où l'homme se laisse aller à la violence. Là aussi, l'Église a été marquée par l'action en sein du péché des hommes, même si elle demeure en chemin vers la sainteté.

Le royaume est à venir et il est aussi, par des endroits, déjà présent parmi nous.
L'amour est plus fort que la mort. Telle est notre espérance...

V. a le mot de la fin : « Heureux les artisans de paix ».

Prochaine réunion, le 2 juillet, pour préparer l'année prochaine.
Parmi les propositions : Lecture cursive et dynamique d'Evangelii Gaudium », Exhortation apostolique du Pape François, 24 novembre 2013.
Lieu : le premier mercredi de chaque mois à Saint-Philippe du Roule, Paris 8° 12h30 (salle Baltard) 


Pour aller plus loin :

A – Textes de référence

B – Autres apports