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12 août 2019

Sainte colère - Origène

Plusieurs questions se posent entre :

  • La colère de Dieu que nous voulons souvent récupérer pour excuser nos propres désirs de puissance ?
  • Un dieu « jaloux » et en colère que nous tentons d'excuser parfois pour adoucir le message
Comment concilier amour, miséricorde et colère ?
Devons-nous emprunter la pente glissante développée à tort par quelques disciples d'Anselme jusqu'à défendre une théorie d’un soi-disant « prix à payer » à un Dieu vengeur ?
Peut-on effacer des pages de l'AT et ignorer la colère du Christ au temple ?
Faut-il au contraire y développer une lecture qui montre une progression dans la révélation (cf. mon Dieu n’est pas violent)
On y note qu’au Temple, Jésus renverse les pièces mais ne brise pas les cages...
Qu'est-ce à dire ?

Qu'est-ce que la colère divine ?

Hans Urs von Balthasar en développe plusieurs chapitres dans sa dramatique divine.

Je note, pour en creuser plus la profondeur la thèse du "grand Origène [qui] nous aura appris à distinguer la colère de bonté (celle du pédagogue qui veut élever l'enfant et le parfaire) de la colère noire de fureur (qui pour être froide, n'en veut pas mon détruire) (1).

Il y dans cette tension une clé théologique que Marxer nous invite à découvrir en complément de son analyse de la nuit chez les mystiques du XXeme siècle. Il serait prétentieux de conclure. Il faut plutôt se plonger dans ce livre d’une grande richesse spirituelle. A la veille de l’Assomption et en correspondance avec mon projet d’homélie j’y vois un chemin personnel de conversion. Où es-tu mon Dieu ?

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 573


14 juin 2018

Dieu n'est pas violent - 2 - Origène et Jéricho


Cette belle homélie d'Origène pourrait fort bien entrer dans le cadre de mon essai éponyme sur la non violence de Dieu  : "On assiège Jéricho, et il faut la prendre d'assaut. Quels vont être les moyens d'attaque ? On ne tire pas l'épée, on ne dresse pas la machine de guerre, on ne brandit pas les javelots contre elle. Seules sont utilisées les trompettes des prêtres, et elles font s'écrouler les murs de Jéricho.

Dans l'Écriture, nous rencontrons souvent Jéricho comme la figure de ce monde. Par exemple, lorsque l'Évangile nous dit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho et il tomba sur des bandits, cet homme est évidemment la figure d'Adam, chassé du paradis et exilé dans ce monde. Quant aux aveugles de Jéricho, que Jésus vint trouver pour leur rendre la vue, ils représentaient les hommes de ce monde, accablés par la cécité de l'ignorance, et pour qui le Fils de Dieu est venu.
Or, cette ville de Jéricho, c'est-à-dire notre monde, doit s'effondrer. Car, depuis longtemps, les livres saints ont annoncé la fin du monde. Or, comment donc finira-t-il ?

De quelle manière ? Par le son des trompettes, dit l'Écriture. De quelles trompettes ? Demandons à saint Paul de nous dévoiler ce secret ; écoutez ses propres paroles : Elle sonnera, la trompette, et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront, impérissables. Et encore : Sur l'ordre de Dieu, à la voix de l'archange, au son de 1a trompette, le Seigneur descendra du ciel. C'est alors qu'au son de la trompette notre Seigneur Jésus (Josué) triomphera de Jéricho, et sa victoire sera si accablante que seule la courtisane avec toute sa maison sera sauvée. Il viendra donc, Jésus, notre Seigneur, et il viendra au son des trompettes. ~

Dans ce récit Rahab symbolise avec sa famille ceux qui seront sauvés. Que le Seigneur la sauve, elle seule qui accueillit ses éclaireurs, c'est-à-dire qui a reçut ses Apôtres avec foi et soumission, et les installa dans le haut de sa maison qu'il joigne et unisse cette courtisane à la maison d'lsraël. Mais cessons de rappeler ses anciennes fautes et de lui en tenir rigueur. Elle a été courtisane autrefois, maintenant elle a été unie au Christ comme une vierge chaste à son unique époux. Écoutez comment l'Apôtre parle d'elle : Je vous ai fait rencontrer le seul Époux et vous êtes l'épouse chaste que j'ai unie au Christ. Il en venait, celui-là même qui disait : Nous étions autrefois tous insensés, errants, égarés, esclaves de toutes sortes de convoitises et de jouissances.

Faut-il de plus longs commentaires pour vous expliquer comment la courtisane n'est plus une courtisane ? Écoutez encore saint Paul : Vous avez été tout cela, mais tous vous avez été lavés, et vous avez été sanctifiés au nom de Jésus Christ notre Seigneur et dans l'Esprit de votre Dieu.

Pour qu'elle échappât, en effet, à la ruine de Jéricho, elle reçut des éclaireurs le signe très puissant du salut, le fil d'écarlate. Car c'est par le sang du Christ que l'Église universelle est sauvée, en Jésus Christ notre Seigneur, à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles." ( 1)

Dieu ne brandit d'autres armes qu'un Fils déchiré par une lance.
A méditer.


(1) Homélie d'Origène sur Jéricho, source, office des Lectures,  AELF

03 février 2018

Le conflit des interprétations

La lecture du livre de 2 Sam 24 cette semaine, et de cette peste qui serait envoyée par Dieu sur Israël pour punir David de sa faute appelle à un commentaire. Où es Dieu ? Qui est-il ? Est-il violent ? Le sujet ne peut être évité dans un contexte de violence religieuse ?
Je regrette que l'on ne prenne pas le sujet à bras le corps en pastorale. Mon livre « Dieu n'est pas violent » esquisse une réponse bien maladroite.
Le conflit des interprétations (sans allusion à ce qu'en dit Ricoeur) est prégnant. Peut-on avoir une lecture spirituelle de ce texte ? Est-ce la peste qui implique une lecture de Dieu ou Dieu qui envoie la peste ? Dieu est-il violent ?
J'ai aussi esquissé cette question dans "le mendiant et la brise"...
En attendant j'adhère à ce qu'en dit Christoph Théobald : Être à l'écoute de « l'imprévisible nouveauté de l'évangile et de ses destinataires infiniment diversifiés, et le courage de l'interprétation qui en découle ici et maintenant, en relation confiante avec les interprètes autorisés de l'Église » (1)
Tout un programme.

(1) Christoph Théobald, Donner un avenir à la théologie, Paris, Bayard, 2017 p. 60

22 avril 2017

Gandhi, le pape François et la Vérité

"Comment peut-on dialoguer si on prétend posséder déjà la vérité?" disait Gandhi. "Face aux très graves questions sur l'avenir de l'homme au troisième millénaire, nous devons recueillir toutes les semences de la vérité" ajoute Geffré (1)

Face à l'explosion actuelle de la violence, notre Pape à raison d'aller en Égypte au péril d'une Vérité à dévoiler en commun.

(1) op cit. p. 42

31 mars 2017

Girard et ses limites

Un nouveau déplacement à faire sous le prisme pluraliste particulier de Claude Geffré : la thèse de Girard soulignerait trop à son goût une version monopolistique de la lutte du christianisme contre la violence. Les détracteurs de l'islam politique actuel ne soutiendrons pas une thèse différente. Et pourtant, une lecture spirituelle donc profonde de l'islam ne conduit elle pas à rejeter la violence. Si ce n'est pas la cas, c'est que leur Dieu n'est pas miséricordieux, ce qu'il affirme pourtant au début de chaque sourate...
Nous entrons au coeur de l'interpellation initiale de Geffré. Pourquoi Dieu a-til permis l'existence de plusieurs courants religieux. Quel est le sens du pluralisme de principe qui correspond à un vouloir mystérieux de Dieu concernant le destin religieux de l'humanité ?(1) Quel est le sens symbolique de la présence des trois religions monothéistes à Jérusalem. Où se situe l'appel des hommes de bonne volonté ? Quelle est la vocation universelle de l'humanité ? Comment ordonner sous se plan un véritable dialogue interreligieux dans la mouvance de l'impulsion de Vatican II ?

(1) Geffré ibid. p. 8

22 février 2017

Le christianisme n'est pas une religion

Thèse intéressante d'Eduardo Lourenço, reprise dans Etudes de février 2017 qui donne à penser : Le christianisme n'est pas une religion, réponse subtile et sublime aux questions de la violence et du mal, mais "une pure ouverture, abandon absolu à une volonté, à un appel (...) révélation d'un Dieu en manque et de la sublimation de ce manque". Cette faiblesse, critiquée par Nietzsche, "n'a pas cédé devant la tyrannie humaine, elle a payé le prix de cette fuite sans craindre la souffrance, mais en la transfigurant en instrument de redemption" (1)

Telle est l'exigence spécifique du christianisme, "critique radicale du pouvoir (...) d'un Dieu pouvoir" (1)

Je retrouve la des idées défendues dans "Dieu de faiblesse" et plus récemment dans "Dieu n'est pas violent".

(1) Etudes, n. 4235, p. 56

12 janvier 2017

La violence n'est pas en Dieu...

Depuis la publication de mon tome 10 des lectures pastorales sous le titre "Dieu n'est pas violent" (1), il me semble que cette piste de théologie négative mérite d'être poussée plus loin. 

Dire que Dieu n'est pas, c'est avancer dans le mystère.  C'est aussi vérifier dans nos coeurs et nos vies combien cela prend corps.

Que le Christ ait rejeté toute violence, nul n'en doute. 
Pourquoi Pierre avait-il alors sur lui une épée ? (Jn 18, 10). Quid aussi de la fameuse colère de Dieu et du jugement dernier.  Sont-ils compatibles avec l'amour de l'ennemi ?  (Luc 6, 27-35 / Mat 5, 44)
Quid surtout de la violence qui monte en nous face à l'injustice,  à la violence du monde, à l'islam ? Peut-on suivre le Christ les armes à la main ?

Dieu est amour,  miséricorde... jusqu'où...?
La violence de l'apocalypse est-elle compatible avec le Dieu amour ?
Jusqu'où balayer devant notre porte avant de critiquer l'extrémisme islamique ?
Peut-on aller plus loin ? Face au judaïsme radical et un coran intégral où se situe le "plus" chrétien ? N'est-il pas dans le jusqu'au bout de l'amour ?  Est-ce utopie, naïveté ou fidélité au chemin sur lequel le Christ nous conduit ?
Un travail de recherche à venir...

(1) : Lectures pastorales (essai de numérotation)
0. A genoux devant l'homme (Jean)
1. Chemins de miséricorde (Luc)
2. Sur les pas de Marc
3. Sur les pas de Jean
4. Chemins croisés (Matthieu)
5. Chemins d'Evangile (Recueil : 1 à 4)
6. Chemins d'Église (Actes)
7. Kénose et Diaconie (Actes et Paul)
8. NT, tome 3 (Autres lettres et Apocalypse) 
9.  Lire l'AT, tome 1 - Osée et Genèse
10. Dieu n'est pas violent (Exode et Rois)
11. Chemins de prière (psaumes)
12. Silo le berger (Luc 2)




28 octobre 2016

De la théorie du rachat au tout amour de Dieu

Encore une leçon d'humilité. J'ai souvent tendance à oublier que l'insistance sur le rachat n'est pas d'Anselme, mais de ses élèves. Pour Balthasar, la Croix n'est pas pour Anselme un rachat des âmes au Diable. "Dieu est absolument libre, il ne doit rien à personne. La rédemption du pécheur par le Christ n'est pas un rachat (...) l'obéissance du Christ incarné dépend intégralement de la spontanéité de son amour. (...) Tout le mystère trinitaire entre le Père et le Fils : que le Fils obéisse réellement et jusqu'à la fin, que le Père de son côté n'impose aucune contrainte, mais permettre le cheminement sacrificiel du Fils, tout ce mystère, de quelque biais qu'on l'envisage, est un mystère d'amour spontané, non contraint" (1).

Qu'est-ce à dire pour nous ? La liberté du Christ, son adhésion au projet du Père n'est pas sacrifice inutile, il s'inscrit pleinement dans cette pédagogie de Dieu qui met l'amour au centre, couronnement d'un refus de la violence. La mort du Fils est le jusqu'au bout de la non-violence de Dieu (2).


(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 223.
(2) je rejoins là mon dernier travail : "Dieu n'est pas violent".

27 octobre 2016

La gloire et l'agir

Quelle est la conclusion de notre traversée de l'Exode ? (1) Elle ne peut être que partielle tout en étant double. Partielle, parce que le livre de l'Exode n'est pas le tout de la révélation mais un chemin fragile. Double, parce que le Dieu qui y apparaît n'est pas nécessairement celui qui s'aperçoit en première lecture. Il n'est pas le Dieu des armées que clamaient trop vite les Juifs en mal de libération et de victoires sur leurs ennemis. Il est Dieu de gloire, Dieu qui se révèle à qui il veut, quand il veut, comme il veut (2).

Il n'est pas le Dieu violent que nos projections humaines pourrait espérer. Nous le voyons déjà dans notre traversée de la Genèse. Nous l'avons vu encore dans les multiples théophanies de l'Exode, nous l'avons trouvé surtout en creusant plus loin cette chaîne de révélations qui nous a conduit via 1 Rois 19 jusqu'à la Croix. Sans la Croix, comme clé de lecture, nous ne pourrions percevoir cette direction donnée à la révélation. C'est dans la comtenplation seule de la Croix que tout se révèle, que le voile du temple se déchire et qu'un Dieu offert, par amour, aux hommes, révèle l'unique gloire divine tout en niant tout chemin de violence. 

Quelle conclusion se dessine donc de cette lecture ? La voie de l'Exode n'est-il pas d'abord un chemin au désert, celui là-même que nous avons déjà commenté par ailleurs (3). Il est chemin pour nous, comme il l'est symboliquement pour tout lecteur, lieu de mise à l'épreuve de notre foi, lieu d'abandon et de décentrement, lieu de quête spirituelle qui nous amène à nous décentrer de nous-mêmes, à entrer en dialogue avec Dieu, à nous laisser conduire.

On ne peut faire l'économie de ce passage. Et comme le note avec justesse Balthasar, "le chrétien ne rencontre son prochain que lorsqu'il a éprouvé, dans la "crainte de Dieu", quelque chose de la dimension "tout autre" de l'amour de Dieu le Seigneur et lorsqu'il tente d'aimer humblement son prochain en tendant à cette dimension inaccessible (4)".

Pourquoi ? Parce que dans ce déchirement intérieur s'aperçoit un autre Dieu que celui de nos fantasmes et de nos projections, un autre Dieu que le Dieu violent et omni-créateur. Ce qui transparaît est l'amour infini que Dieu révèle sur la Croix, un Dieu qui nous donne tout et face auquel nous ne sommes que des amateurs. Un Dieu qui seul peut agir en nous, à travers nous, en dépit de nos adhérences au mal....

Ce Dieu est celui qui n'est qu'amour. Un amour infini face auquel nous nous sentons petits, incapables, impuissants, un Dieu dont seul l'amour est puissance,  force, vie et vérité.  Un Dieu qui se met à genoux devant nous pour nous conduire à l'amour. Face à ce tout orgueil,  toute puissance,  toute possession semblent vides. Non Dieu n'est pas violent. Il est amour et sa justice ne pourra être que cet amour déployé jusqu'à l'infini, jusqu'à pleurer de nos dénis et de nos aveuglements.  


(1) Lire l'ancien testament, tome 2 - Le livre de l'Exode (vient de paraître)
(2)  cf. Sur ce thème, Hans Urs von Blathasar, La gloire et la Croix, 3, Théologie, Ancienne alliance, Aubier, n°82, (ci-après GC4) p. 16ss. : "L'homme croit toujours avoir une compréhension globale (de Dieu), (...) mais en présence de la gloire qui s'avance, il tombe à genoux".

(3) Cf. notre recherche Le chemin du désert, un itinéraire spirituel.

(4) GC4 p. 14.

18 octobre 2016

Dieu n'est pas violent - Lire l'Ancien Testament, tome 2 - une lecture pastorale de l'Exode

Vient de paraître sur Createspace / Amazon, cette lecture, contemplative et spirituelle du livre de l'Exode, puis des autres théophanies de l'Ancien Testament, à la lumière des Pères de l'Eglise, nous conduit à prendre de la distance sur le récit qui ne peut être historique, pour percevoir, à la lumière de Jésus-Christ que Dieu n'est pas du côté de  la violence, qu'il aime et qu'il souffre le pire tourment de nous voir tourner le dos à son amour.
Après une lecture pastorale du Nouveau Testament (6 tomes), et la lecture de Gn et Os, ce 8ème tome nous conduit toujours plus loin vers la contemplation des pas de Dieu vers l'homme.

Claude Hériard, titulaire d'une licence (bac canonique) de théologie a publié dans la même collection 7 lectures pastorales du Nouveau et de l'Ancien Testament dont "A genoux devant l'homme", "Sur les pas de Jean", "Chemins de miséricorde", "Serviteur de l'homme - Kénose et Diaconie".

Ces livres, vendus à prix coûtant s'intègrent, depuis la publication de "Pastorale du seuil" dans une longue recherche pastorale de la "périphérie" qui anime l'auteur depuis plus de 30 ans.

"Dieu n'est pas violent (Lire l'Ancien Testament, tome 2 - une lecture pastorale de l'Exode)"  comprend aussi en bonus :
1. Une suite commune à Le chemin du désert - un itinéraire spirituel et à Dynamique sacramentelle
2. La course infinie - Une étude de La vie de Moïse de Grégoire de Nysse

27 septembre 2016

Toute puissance et faiblesse

Le livre des Actes nous dit que Moïse avait déjà 40 ans quand il fut interpellé par la souffrance de son frère et tua l'Égyptien (Ex 2, 11). Nous n'avons pas encore là la preuve qu'il était habité par Dieu car il répond à la souffrance par la violence. Dire le contraire serait cautionner le droit de tuer. Et pourtant, que s'est-il passé pour que le fils adoptif de Pharaon soit interpellé par la souffrance d'autrui. Nous reviendrons plus loin sur l'appel du visage (cf. notre post sur Lévinas). Ce qui est intéressant de contempler ici est la faille qui se crée chez l'homme. Il a conscience d'autrui, quelque chose naît en lui, une soudaine compassion mêlée au désir de vengeance. Il surveille les alentours pour voir s'il peut agir sans être vu. Quelque chose vient de faire irruption en lui. Le visage d'autrui l'a interpellé... Il n'a pas trouvé la voie, mais il est en chemin. C'est peut-être le début d'une descente de tour (cf. par ailleurs) qui lui permet de quitter la stature indépendante de l'indifférent pour entrer dans celle du concerné. Un chemin qui nécessite une fuite au désert...

27 juillet 2016

Face à la haine

On ne peut que penser à la clairvoyance du regretté René Girard, dans cette surenchère mimétique qui s'amplifie et montre jusqu'où la folie humaine peut conduire.  Plus que jamais le silence de la Croix semble être la meilleure réponse à la surenchère et au bruit.
Seul le souffrant, élevé sur le bois de la Croix, apparaît comme la solution à cette haine.

24 avril 2016

La non violence absolue

Est-ce parce que je vais être grand-père que cette phrase de Theobald à propos de l'Apocalypse me touche ? : "La non-violence absolue de la vie fragile [est] celle de l'enfant qui naît face à la bête". (1) En ces temps où la violence nous entoure, il y a en tout cas ici un lieu de contemplation. Comme le suggérait Danielou la naissance ouvre une faille spirituelle en l'homme.

(1) Christoph Théobald op. Cit p. 65

20 novembre 2015

Archaïsmes religieux ? - Luc 19, 27 - René Girard 2

Existe-t-il dans le nouveau Testament des traces de l'archaïsme religieux, que l'on trouve plus présent dans l'ancien et qu'il nous faudrait corriger ?  
La phrase sévère de Luc 19, 27, lue mercredi pourrait probablement être classée dedans : "Quant à mes ennemis,ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici et égorgez-les devant moi" (1).
Ce texte qui suit la parabole des dix mines est propre à Luc, même si on lui met en parallèle celle des talents en Mat 25. Pourtant, on trouve chez Luc des traces de violence qui contrastent avec les chemins de miséricorde propre au même auteur (Luc 15).
Matthieu envoie celui qui ne fait pas fructifier son talent aux ténèbres, ce qui n'est pas mieux, mais moins violent. L'égorgement ‎propre à Luc serait-il un hapax, c'est à dire un terme unique dans le NT ? Et le terme serait-il de Jésus ou propre à Luc. On peut espérer que la deuxième réponse soit la bonne, tant elle a dans les jours actuels des résonances avec d'autres archaïsme tout aussi violent. En prenant de la distance avec toutes les violences, à l'école de René Girard, on met en lumière ces faiblesses d'une transmission orale et de l'importance d'une exégèse construite.

Pastoralement, ces phrases mériteraient d'être expliquées, plutôt qu'ignorées en oubliant l'impact qu'elles ont sur les âmes sensibles.
En toutes hypothèses, il faut entendre en contrepoint la phrase qui elle vient de l'AT : "Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive". Ezéchiel 18,23

(1) traduction liturgique, source AELF

Ajout du 23/11 qui me semble bien compléter le post ci-dessus :

"Dans une parabole, Jésus se cache souvent et il n'est pas toujours là où on le pense. (...) Dieu n'est pas d'abord celui à qui nous rendons des comptes mais celui que nous avons en dépôt et dont nous avons la charge. Dieu ne nous confie pas son argent, c'est lui même qui se donne à nous" (2).

'2) Patrick Lauder, diacre, la Croix du 17/11/15

31 octobre 2014

Christ serviteur (suite)

Dans la recherche sur la révélation d'un Christ serviteur,  je tombe également sur cette méditation de saint Bernard : (1) "Jusque là, il ne se présente pas à nous comme il est en lui-même, mais tel qu'il s'est fait pour nous : notre Tête, non pas couronnée de gloire, mais ceinte par les épines de nos péchés.  Il serait honteux que, sous cette tête couronnée d'épines, un membre choisisse une vie facile, car toute la pourpre qui le couvre doit être encore non pas tant celle de l'honneur que celle de la dérision." Cette contemplation n'exclue pas celle de la contemplation de la gloire à venir. La dynamique de Ph 2, 7-9 nous y prépare. (2) Mais, respecter cette chronologie laisse le temps à l'homme de voir la joue gauche du Christ (Mat 5, 38-39), dans ce geste qu'il décrit comme étant la réponse à toutes nos violences. S'il nous apparaît couronné d'épines et "suspendu sur le bois de la Croix" c'est bien que celui qui se met aux pieds de l'humanité comme il s'est mis aux pieds de Judas, attend ce mouvement intérieur qui nous conduira sur le chemin,  la Vérité et la Vie.  "Ego sum via, veritas, via"...


(1) homélie de saint Bernard sur la Toussaint
(2) Bernard ajoute :"Viendra le jour de l'avènement du Christ : alors on n'annoncera plus sa mort de manière à nous faire savoir que nous aussi sommes morts et que notre vie est cachée avec lui. La Tête apparaîtra dans la gloire, et avec elle les membres resplendiront de gloire, lorsque le Christ restaurera notre corps d'humilité pour le configurer à la gloire de la Tête, puisque c'est lui la Tête."
(3) Philippiens 2, 9 : "C'est pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom"

06 juin 2014

Saint Philippe -V, Heureux les artisans de paix - La guerre juste ? Doctrine sociale de l'Eglise


Je vous confie le CR d'une réunion à Saint-Philippe :

Lecture-prière :
« La foule l'interrogeait, disant: Que devons-nous donc faire?
Il leur répondit: Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a point, et que celui qui a de quoi manger agisse de même.
Il vint aussi des publicains pour être baptisés, et ils lui dirent: Maître, que devons-nous faire?
Il leur répondit: N'exigez rien au delà de ce qui vous a été ordonnéDes soldats aussi lui demandèrent: Et nous, que devons-nous faire? Il leur répondit: Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde.» Luc 3, 11-14

Après une lecture de Luc 3, un participant interroge le groupe sur la méthodologie. Doit-on privilégier raisonnement ou témoignage ?
Réponse unanime des autres participants : Il serait bon de conserver les deux, pour ne pas rester dans les « grandes idées » et tenir compte de nos diversités et des apports de notre vie.

La lecture du chapitre 8 de notre livret ne portait pas uniquement sur le droit de faire la guerre mais était double. Outre la question de la juste guerre, on peut aussi parler de la violence y compris dans notre environnement et de notre capacité d'y répondre.

Un participant souligne que la réponse du Christ à la violence est le lavements des pieds de Judas et la mort sur la Croix. Un chemin qui fait signe pour discerner notre manière de répondre à l'agression ?

Mais, dit un autre participant, le Christ n'a pas été tendre avec les changeurs et les vendeurs de colombes du Temple.

Marc 11 : « Ils arrivèrent à Jérusalem, et Jésus entra dans le temple. Il se mit à chasser ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons ; et il ne laissait personne transporter aucun objet à travers le temple.
Et il enseignait et disait: N'est-il pas écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. »

Etait-ce une sainte colère ? D'autres précisent que le Christ a renversé les tables mais n'a pas ouvert les cages. S'il est en colère, c'est parce que l'on a fait du Temple un lieu de marchandages.

A propos de la guerre juste que dit le Catéchisme ?

Extrait cité :
2307 Le cinquième commandement interdit la destruction volontaire de la vie humaine. A cause des maux et des injustices qu’entraîne toute guerre, l’Église presse instamment chacun de prier et d’agir pour que la Bonté divine nous libère de l’antique servitude de la guerre (cf. GS 81, § 4).
2308 Chacun des citoyens et des gouvernants est tenu d’œuvrer pour éviter les guerres.
Aussi longtemps cependant " que le risque de guerre subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifiques, le droit de légitime défense " (GS 79, § 4).
2309 Il faut considérer avec rigueur les strictes conditions d’une légitime défense par la force militaire. La gravité d’une telle décision la soumet à des conditions rigoureuses de légitimité morale. Il faut à la fois :
Que le dommage infligé par l’agresseur à la nation ou à la communauté des nations soit durable, grave et certain.
Que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés impraticables ou inefficaces.
Que soient réunies les conditions sérieuses de succès.
Que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer. La puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l’appréciation de cette condition.
Ce sont les éléments traditionnels énumérés dans la doctrine dite de la " guerre juste ".
L’appréciation de ces conditions de légitimité morale appartient au jugement prudentiel de ceux qui ont la charge du bien commun. (...)

Il faut donc des moyens adéquats qui savent s'arrêter !
Questions posées : Quel but, comment on s'arrête ?
Tout est centré sur les éléments déjà évoqués de bien commun (cf. post précédent)

Un discernement est à opérer dans ces choix, en particulier sur les éléments qui conduisent en nous à la violence.

Le chemin évangélique est plutôt celui de l'humilité et de la fragilité.
On revient sur les thèmes déjà évoqués de « Tentation de pouvoir » à opposer à « un Dieu de faiblesse » dont le message central reste la croix.

Tendre la joue gauche ?
Cela est, de fait, différent de retendre la joue droite (ce qui serait du masochisme) mais regarder, comme le dit Lévinas, le visage de l'autre, l'interpeller, sans juger la personne, peut-être en l'interpellant sur les actes.

Doit-on lutter contre l'immoralité ?
Y a-t-il une réponse binaire ? Non, dit F., la réponse est trinitaire, elle est de l'ordre de l'expérience de toute vie qui accueille en son cœur la présence de Dieu comme interlocuteur privilégié.

On évoque aussi la question du dolorisme, du sacrifice, des chrétiens qui étant dans le sacrifice oublie la joie...

Oui, mais un participant souligne que notre « attitude catho » conduit à être mis au banc de la société. On rappelle à ce sujet le discours de Jn 15 :

« Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres. Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait.
Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé. »

Pharisaïsme et extrémismes sont à éviter...
Le terrorisme est une notion vague souligne quelqu'un. Certes, et pourtant toute forme d'extrémisme est violence...

A propos du Génocide voir aussi ce que dit la DSE au n°506 :

« Les tentatives d'élimination des groupes entiers, nationaux, ethniques, religieux ou linguistiques, sont des délits contre Dieu et contre l'humanité elle-même et les responsables de ces crimes doivent être appelés à en répondre face à la justice. Le XXème siècle a été tragiquement marqué par différents génocides: du génocide arménien à celui des Ukrainiens, du génocide des Cambodgiens à ceux perpétrés en Afrique et dans les Balkans. Parmi eux celui du peuple juif, la Shoah, prend un relief particulier: « Les jours de la Shoah ont marqué une vraie nuit dans l'histoire, enregistrant des crimes inouïs contre Dieu et contre l'homme ».

La Communauté internationale dans son ensemble a l'obligation morale d'intervenir en faveur des groupes dont la survie même est menacée ou dont les droits fondamentaux sont massivement violés. Les États, en tant que faisant partie d'une Communauté internationale, ne peuvent pas demeurer indifférents: au contraire, si tous les autres moyens à disposition devaient se révéler inefficaces, il est « légitime, et c'est même un devoir, de recourir à des initiatives concrètes pour désarmer l'agresseur ». Le principe de souveraineté nationale ne peut pas être invoqué comme motif pour empêcher une intervention visant à défendre les victimes. Les mesures adoptées doivent être mises en œuvre dans le plein respect du droit international et du principe fondamental de l'égalité entre les États.

La Communauté internationale s'est également dotée d'une Cour Pénale Internationale pour punir les responsables d'actes particulièrement graves: crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et d'agression. Le Magistère n'a pas manqué d'encourager à maintes reprises cette initiative. »

Un participant dénonce l'attitude américaine au Kosowo. D'autres parlent des guerres entre croates et serbes. Un lieu où l'homme se laisse aller à la violence. Là aussi, l'Église a été marquée par l'action en sein du péché des hommes, même si elle demeure en chemin vers la sainteté.

Le royaume est à venir et il est aussi, par des endroits, déjà présent parmi nous.
L'amour est plus fort que la mort. Telle est notre espérance...

V. a le mot de la fin : « Heureux les artisans de paix ».

Prochaine réunion, le 2 juillet, pour préparer l'année prochaine.
Parmi les propositions : Lecture cursive et dynamique d'Evangelii Gaudium », Exhortation apostolique du Pape François, 24 novembre 2013.
Lieu : le premier mercredi de chaque mois à Saint-Philippe du Roule, Paris 8° 12h30 (salle Baltard) 


Pour aller plus loin :

A – Textes de référence

B – Autres apports

15 mars 2008

Non violence

La non-violence dans l’hindouisme va jusqu’à, soit la destruction de l’apparence de la personnalité, soit à une efficacité politique (Gandhi). Nulle part, pour Hans Urs von Balthasar, « on a rejoint ce que Jésus signifie avec son commandement (qu’il a d’abord mis en pratique lui-même) de ne pas tenir tête au méchant, de tendre l’autre joue (Mt 5, 39) ». Car il ne vise pas pour lui la perfection, ni la connaissance mais la substitution et l’amortissement de la violence au plan de l’esprit. Balthasar renvoie à ses développements sur ce qu’il appelle la Dramatique théologique où le « se montrer lumineux » débouche dans le « se donner ». (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, Epilogue, ibid, p. 52

13 août 2007

Théologie négative - V

Pour le Pseudo-Denys toutes les négations et suppressions « visent une affirmation dominant toutes choses » Cette forme de théologie, ajoute Hans Urs von Balthasar tend finalement vers la louange liturgique, la pure adoration. (1)

S’ouvre alors pour le théologien deux chemins ; celui de Bonaventure avec son excessus de l’amour au-delà de toute connaissance et celui de Thomas d’un Dieu contemplé par Dieu.

C’est le « chercher Dieu » des psaumes.

Il nous faut noter que dans certaines violences de l’Ancien Testament résident aussi la recherche de Dieu. Elle en constitue le balbutiement de toute la recherche de l’homme qui crie vers un Dieu qu’il ne pourra atteindre et croit le voir là où il n’est pas. Dépasser ce stade est possible mais il ne peut pas faire l’économie de notre propre recherche, des hauts et des bas de nos propres incompréhensions.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.109

01 mai 2007

Violence du monde

On pourrait penser que la montée de l’intelligence humaine, de l’éducation et la mondialisation de l’information permettent de damner le pion à la montée de la violence. Et cependant, un bref retour en arrière sur l’histoire du siècle dernier montre qu’il n’en est rien. « Le crime s'accroît dans la mesure où, montant de l'animalité, il gagne en esprit » (1) et c’est bien notre drame. Plus nous pensons, plus nous pouvons innover dans la violence. C’est pourquoi un certain message écrit sur la chair et le sang, n’a pas perdu son acuité. Car si l’homme est devenu moderne, il reste homme…

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 190