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13 mai 2022

Mystère du retrait…

 

Comme une vague qui, d’un dernier effort, a léché le rivage, Dieu semble avoir quitté la plage de nos vies.

Il ne reste plus qu’une étendue immense d’où s’évaporent les dernières humeurs de la mer.

Dans ce désert se découvre parfois quelques traces fragiles et souvent éphémères. 

Là une puce de mer, là un coquillage qui témoignent que la vie demeure sous le soleil de plomb.

Où es tu mon Dieu ?

Pourquoi ce silence ?


Tu m’as répondu, suggère le psaume.

Fragiles étincelles de ta présence.

Dans le sourire d’un étranger,

Dans la caresse d’une mère,

Dans le chaste baiser d’un amour qui se donne ?

Tu nous a laissé de bien pâles souvenirs.

Quelques traits sur le sable…


Et nous voilà, errants, à chercher dans nos vies ce qui demeure.

Quête fragile que cet indicible qui se cache dans des pages jaunies ou des pierres élimées.


Dieu n’est jamais où on l’attend.

Il est, mais dans le surgissement inattendu d’un fin silence, insaisissable et incontrôlable.

Il nous porte dans ses bras et pourtant nous ne le sentons pas pleurer à nos côtés 

Il nous relève quand nous n’avons plus la force d’avancer.

Il est lumière, 

Il est.


Viens, Esprit de feu !

Nos nuits obscures attendent ta flamme.

Viens redonner courage à ceux qui pleurent dans le silence et la solitude.

Fais de nous des signes de ta présence discrète.

Aide nous à révéler ce feu qui brûle en nous sous le boisseau.

Viens embraser nos cœurs de ta présence silencieuse.


Allume en nous le feu qui déjà réchauffe nos cœurs de pierre.

06 juillet 2021

Silence et danse

 

Certains ont fuit la maison de Dieu faute d’y trouver un accueil à la hauteur de leur espérance.

D’autres mettent sous le boisseau leur bouillonnements intérieurs et se réfugient 

dans le silence.

Certes le désert est lieu intime de conversion et de purification (1) et cependant vient un temps où il faut parler, crier, pour faire entendre sa voix.

La lettre d’estive (2) de François Cassingena-Trévedy mérite à ce titre un écho substantiel tant il touche à l’essentiel. Nous avons besoin de voix qui portent, qui touchent « à la jointure de l’âme », réveillent nos torpeurs et se répètent à l’envie jusqu’à ce qu’une communauté d’orants se lèvent ensemble, loin des clivages anciens pour transformer l’Église en une force neuve. Des chrétiens qui inventent, sans rétroviseurs, un nouveau vivre ensemble et revêtent le Christ, non pas en for externe, en noir ou en blanc, mais dans la transcendance revisitée d’âmes qui vibrent et dansent avec leur Dieu…

Lumières fragiles qui reflètent en mille feux des lueurs discrètes d’un feu qui vient d’ailleurs.


(1) cf. mon chemin du désert 


https://www.facebook.com/100006435460424/posts/3604442796446867/?d=n

03 avril 2021

Le vide et le silence - 48.1


Dans mes recherches, la rencontre des écrits de Joseph Moingt m’a conduit, en effet, à un déplacement conséquent. Je ne peux plus écrire et lire sans être influencé par les écrits de ce théologien. Moingt insiste plus que d’autres (et notamment Kasper) sur le vide qui a suivi la mort du Fils. Un temps incertain où des hommes qui avaient suivi Jésus se retrouvent dans le noir et la désespérance. Ils avaient cru trouver chez lui le Messie, le libérateur et voilà qu’il est mort, qu’il a disparu sous les coups conjugués des Romains et de certains pharisiens. Ce temps de la désespérance passe par l’expérience du vide.

On voudrait passer au récit de la résurrection trop vite (c’était le cas de mes premiers essais sur ce sujet). Ce serait oublier ce temps essentiel qui est celui que nous vivons et que vivent surtout tous ceux que la lumière du ressuscité n’a pas encore éclairés…

En effet, ce vide premier et constitutif est celui de l’absence de Dieu. À notre époque, après Auschwitz, le retrait de Dieu, sa mort, ne sont pas anodins, ils emplissent notre temps. « Où est-il ton Dieu ? », nous crient certains à la figure, alors que le mal et la souffrance leur éclatent au visage et les conduisent au désespoir. Le vide du Samedi saint est le temps d’arrêt dans la symphonie de Dieu, un temps de silence où nous sommes interpellés au plus profond de notre foi et de notre croyance. Va-t-on demeurer à cette place, devant le silence, où va-t-on faire le pas du croire… ?

Jean passe trop vite sur ce temps. Et il nous faut peut-être alors quitter cette lecture cursive pour un vaste retour aux autres Évangiles…

Avant le saut de la foi, Luc nous conduit par exemple dans ce temps de silence intérieur. C’est le chemin des disciples d’Emmaüs (Lc 24, 13-25). Ils n’avaient rien compris, ces marcheurs en perdition. Celui qui « s'étant approché, se mit à faire route avec eux » sans qu’ils le reconnaissent, leur explique l’Écriture. Il retrace et développe ce qui, depuis les temps anciens, était la musique de Dieu, combien ce temps de silence et de vide était déjà précédé par la symphonie des instruments de la révélation. Lente et humble pédagogie de Dieu qui se révèle dans le passé…

Et pourtant, celui qui les accompagne, que le lecteur a reconnu, mais que leurs yeux ne voient pas comme avant, reste en retrait. Cette troublante discrétion de Dieu dans sa pédagogie amplifie le sentiment de vide. Il est là dans le silence, il parle, mais ne se révèle pas entièrement. Peut-être qu’il y a, dans ce Christ déjà ressuscité, une autre facette du Jésus terrestre. Avant sa mort, il pouvait être Fils, mais ils ne le savaient pas. Ils n’avaient pas reconnu Dieu en Lui. S’ils l’avaient fait, ils ne seraient pas partis en courant lors de son arrestation.

Des deux côtés de la mort, transparaît donc déjà quelque chose de Dieu que nous traduisions par l’entre-deux, un Dieu qui reste faible, pauvre, silencieux, pour ne pas forcer notre liberté, mais nous accompagner sur le chemin, nous conduire, pas à pas, vers la révélation de ce qui est au plus intérieur de notre cœur, ce sentiment de Dieu, déposé en nous dès l’origine, cherché à l’extérieur, alors qu’il brûle, en-nous, sans relâche.

L’expérience du vide, c’est ce temps où nous pouvons crier, rester incrédules, outrés et bouleversés par la souffrance et la mort. À l’image de ces deux pèlerins, dépourvus d’espérance, ne sommes-nous pas souvent dans le temps de l’incertain ? Quand le monde nous semble marqué par la mort et la désespérance, quand les justes semblent punis à côté des pécheurs, à l’heure où les pauvres sont plus pauvres, où la mort rôde et frappe sans discernement, ne sommes-nous pas aussi désemparés, comme ces pèlerins ?

La première urgence n’est-elle pas alors de crier ? Crier : « pourquoi ? » C’est le premier temps du récit. Jésus accueille d’ailleurs ce désespoir. Il ne redit pas le « me voici » de Jean, mais demeure caché. Pourquoi ? Parce qu’il respecte notre chemin. Ce chemin intérieur qui passe du cri, de la révolte, à la compréhension, est, par excellence, le lieu de notre liberté. Le vide et le silence de Dieu sont probablement ce qui manifeste le plus son respect de l’homme.

À la mère qui souffre le départ d’un enfant, à l’homme qui vient de perdre son épouse, à l’enfant qui souffre du mal, à celui qui est touché par la maladie, les mots n’ont pas de place. Dieu respecte ce temps. Face à cela, il n’a qu’une réponse, troublante, interpellante, celle du vide…

Et ce vide n’est-il pas, à sa manière, une autre façon de percevoir l’humilité de Dieu ?

Aujourd’hui, plus qu’ailleurs, nous en sentons l’importance. Dans le silence des camps de la mort, dans le désespoir de ceux oubliés par la richesse, le silence de Dieu est la première réponse. Elle n’implique pas le fait que Dieu est absent. Elle dit juste quelque chose de son respect de l’homme… Ce n’est qu’en méditant ce silence, que l’on peut sentir qu’il est pourtant là. Dans le silence de la croix, dans la nuit de l’agonie, Jésus n’a-t-il pas fait, lui aussi, cette expérience, jusqu’au doute, jusqu’au sentiment d’abandon qui va jusqu’au cri « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Ce silence, apparent, pesant, révoltant parfois, est le premier pas de Dieu. Il masque une présence autre, qui ne se révèle pas tout de suite, qui laisse à l’homme le temps de l’humain…

En cela, il n’est pas loin de nous, mais comme l’affirme en chœur certains théologiens, depuis Luther, Barth, Moltmann, Hans Urs von Balthasar ou Moingt : « Il est solidaire de notre souffrance »… Ce qui se révèle dans le vide et dans le cri partagé de l’homme et de Dieu, c’est un Christ qui n’est pas loin de nous, mais solidaire, marcheur à nos côtés, souffrant plus, voire autant que nous… Homme, pleinement homme !

Une rumeur

Mais voilà, au bout de quelque temps, une rumeur est née. Elle apparaît selon les trois premiers évangélistes dès le troisième jour. Au vide du cœur de l’homme répond un autre creux. Ce n’est pas encore la pleine manifestation du ressuscité, mais l’incertain qui fait résonner le manque. Au lieu de répondre tout de suite à la quête, Dieu respecte encore nos incertitudes. Il ne nous impose pas un ressuscité palpable et visible pour l’éternité. L’expérience de la puissance de Dieu après la mort commence par une brise légère. Est-ce la voix d’un fin silence qui fait écho à ce qu’Élie a pu percevoir sur la montagne. À la fois silence impalpable et, en même temps, voix insaisissable, chant ou musique d’un Dieu qui laisse résonner quelques notes dans un cœur avide de sens.

Cette tendresse dans la manifestation est aussi celle décrite par Luc sur le chemin d’Emmaüs. Alors qu’il se dévoile dans la fraction du pain, Jésus disparaît du regard pour que résonnent encore les notes du tombeau vide…

C’est peut-être le deuxième temps de la manifestation après le silence. D’abord le creux, puis une première note, si ténue que l’on sent le souffle sur son visage, caresse éphémère d’un Dieu qui manifeste sa présence, sans s’imposer, feu follet d’un sourire perçu chez l’autre qui éveille notre curiosité, nous fait demander s’il est possible, qu’au-delà du gouffre, du désespoir, chante, ailleurs, la voix du bien-aimé. Fleur fragile qui révèle que tout n’est pas mort.

« J’ai ouvert la porte et il n’était déjà plus là », nous dit en substance ce beau chant d’amour du Cantique des Cantiques. Dieu ne ponctue le silence que de signes fragiles, d’une rumeur, d’un souffle ténu qui nous fait tourner la tête, rend possible un espoir et nous appelle ailleurs.

La rumeur du tombeau vide fait courir Pierre et Jean. Elle pousse Marie Madeleine à interroger le jardinier. « Où as-tu mis mon Seigneur ? » Bizarrement cette note fragile entre encore en écho avec une autre voix, celle qui résonnait dans le premier jardin. On se souvient, qu’après la chute, l’homme a découvert sa nudité, sa fragilité et qu’il se cache. Dans la souffrance ou dans la faute, il a lui aussi pris conscience du vide, d’un « tombeau vide ». Alors, comme nous l’avons déjà noté, a résonné une rumeur, une Shékinah dit le Targum, présence indéfinissable dans le jardin qui dit l’« Où es-tu ? » de Dieu (cf. Gn 3).

Ici, au jardin où reposait le Christ, Marie Madeleine cherche son Dieu. Parallèle saisissant entre ces deux hommes et cette femme qui cherchent Dieu et Dieu qui n’a cessé de chercher l’humain. Au creux de cette quête, le tombeau vide nous joue une note toute nouvelle de la symphonie trinitaire. Dans ce creux qui répond au vide du cœur de l’homme, Dieu relance sa première musique, il fait vibrer ses instruments.

Les évangélistes auront, ensuite, plusieurs façons d’évoquer le ressuscité. Ici, cette polyphonie des voies postpascales traduit la réception différente des communautés au fait le plus extraordinaire de Pâques. Au tombeau vide succède une deuxième rumeur. « Il est ressuscité ! » Fait incroyable qui heurte encore notre conscience d’homme moderne. Comment est-ce possible ? Notre raison refuse le message. Elle accepte ou rejette la réalité de la puissance de Dieu. Et de fait, cela n’est plus de l’ordre du raisonnable. La vie après la mort, plus que toute autre affirmation, est l’incroyable de Dieu. On ne peut se résigner à faire le pas du croire sans abandonner toutes les certitudes palpables de la vie. Pourquoi laissera-t-on cours à cette légende, à ce mythe qui n’a plus de prise avec ce que l’on peut palper, sentir ? Cela heurte le cri qui résonne encore à nos oreilles. Pourquoi serait-il vivant alors que Jacques, François, Michel et tant d’autres sont morts ?

Sommes-nous prêts à faire le pas de la foi, à nous abandonner à l’acte de croire que Dieu peut être plus fort que la mort, qu’il peut mettre un terme à cette inéluctable fin qui nous guette et emporte ceux qui nous sont chers ? Pourquoi serait-il ressuscité, alors qu’en dépit de nos cris et de nos prières, l’enfant, le père, la sœur sont partis vers le vide ?

Peut-il y avoir quelque chose après ? Il s’agit bien d’une rumeur… Quelle rumeur ! Au cours normal du temps, Dieu pourrait mettre un terme et dévoiler ainsi qu’il est Autre au monde ? Non. Ce n’est pas sa voix ! Nous l’avons vu à Emmaüs, marcheur à nos côtés, il laisse se répandre une rumeur qui révèle encore une infime partie de l’indicible.

Que dire, face à ces interrogations ? Nous le sentons bien, au-delà de la certitude historique de la mort, la certitude de la résurrection est d’un autre ordre… Et pourtant.

Et pourtant, la rumeur s’est amplifiée, elle a bouleversé Jean, Pierre puis Paul au point de les pousser à une conversion du cœur. Des peureux qu’ils étaient, malgré leur trahison et leurs doutes, ils sont devenus forts d’une certitude. C’est peut-être là que la symphonie trinitaire a réveillé sa musique. Alors que nous avions atteint le silence, que seul le cri d’un homme mourant sur la croix retentissait avant le grand silence, une musique nouvelle est née. Elle emplit le cœur d’une communauté. Des pêcheurs sans instruction, faibles et incroyants a jailli un extraordinaire souffle. Le feu de Dieu résonne dans leur cœur et nous devons reconnaître, à défaut de pouvoir prouver la résurrection, que ce feu jaillit encore, au cœur même d’une communauté d’un milliard d’êtres humains. Certes, ce feu est fragile, il est masqué par les ombres et lumières de notre Église et pourtant, c’est quelque part, dans le sourire ou le geste d’un frère qu’a jailli, en nous, une lueur d’espérance. Si nous ne pouvons avoir foi en la résurrection, nous pouvons encore en sentir le souffle de renouveau qui a ébranlé une petite communauté et qui jaillit maintenant, dans une Église plus grande encore. C’est là où la rumeur apparaît comme force nouvelle.

Elle n’est pas vérité palpable qui nous force à croire. Elle nous invite seulement à la danse de Dieu…

Pédagogie évangélique

Quand on médite sur le passage entre le tombeau vide et la création de l'Église, on ne peut que reconnaître que quelque chose s’est passé. Les Évangiles nous donnent des images balbutiantes et parfois contradictoires des manifestations du ressuscité. Mais ce temps intermédiaire reste de l’ordre de l’indicible. Comment décrire le sentiment d’une présence nouvelle ? Comment raconter ce qui ne peut être croyable ? Il était mort et il est vivant… Ce qui a résulté de ces récits et qui est certitude pour nous, c’est la création de plusieurs communautés qui ont dépassé leur peur et commencé à rayonner d’une espérance.

La force de l’Esprit, déposée au cœur de chacun d’eux, les a conduits à rechercher qui était l’homme Jésus. C’est dans la méditation de sa vie qu’ils ont construit un discours. Chacun des auteurs a tracé un chemin, une pédagogie pour dire l’incroyable nouvelle. Les évangélistes ont parlé de l’homme Jésus, de sa vie et de sa mort. Paul a fait l’économie du récit de la vie et a surtout cherché à interpréter le sens de la mort… Ses textes sont historiquement plus anciens. Nous avons donc là plusieurs approches qui se complètent et cherchent à dire l’incroyable mystère d’un homme que Dieu aurait réveillé des morts.

Face à cela, qu’elle peut être notre chemin, deux mille ans plus tard ? Nous ne pourrons jamais savoir qu’elle a été la vie réelle de Jésus, encore moins sa vie nouvelle. Ce qui demeure, c’est néanmoins une trace et une contemplation. Dans le Jésus terrestre décrit par chacun des Évangiles, à sa manière, se révèle quelque chose de l’homme, de son humanité véritable, mais également de cette proximité particulière entre Jésus et celui qu’il a osé appeler Père. C’est en méditant à notre tour cette histoire que nous pouvons faire nôtre la conversion du cœur qui a conduit ces hommes à croire en la résurrection.


Extrait de mon « Dieu dépouillé », pour critique et discussion

Silence et danse - 48


Ce qui vient d’être vécu mérite un arrêt sur image, tellement la densité liturgique du triduum pascal nous a conduit à un feu d’artifice symbolique sans nous laisser de temps pour manduquer ce qui nous est livré...

Il faudra 40 jours pour que les apôtres soient prêts à danser dans le feu de l’Esprit...


Je voudrais en profiter pour revenir sur deux points qui dansent ensemble et encadrent la révélation fragile du Ressuscité.

Ce qui se passe de la croix à Pâque mérite que l’on respecte l’indicible d’une révélation qui parle d’elle-même.


1. Samedi Saint

Joseph Moingt, sj., insiste beaucoup sur ce temps de silence qui précède la résurrection, comme ce lieu où, d’une certaine manière, se concentre nos doutes, nos peurs et nos incompréhensions. Contempler le silence du jardin, c’est prendre conscience de tous ces lieux où le vide et la question nous envahissent. C’est le lieu où nous pouvons rejoindre ceux qui ont encore du mal à croire. C’est aussi le lien où nous entendons plus qu’ailleurs le cri des souffrants...

« Quiconque contemple en Jésus l'humanité victime de ses manipulations du divin au point de s'entretuer, se sentant solidairement coupable de cet état de choses et impuissant à s'en libérer, est invité à y écouter le silence du Dieu qui parle en Jésus et à y découvrir l'inconnu d'un Dieu tout différent de ses images, plein d'amour et de respect pour les hommes, qui les appelle à l'aimer et à le respecter par le respect et l'amour les uns des autres, à exister pour les autres comme pour Dieu même. »(1)


Écouter et faire résonner en nous le silence de Dieu... 


2. Le soir de Pâques 

L’autre versant (mais est-il bien différent ?) est ce chemin d’Emmaus qui encadre aussi l’éclat lumineux et fugace des théophanies pascales.


« Il leur expliquait les écritures... » nous dit Luc.

Contemplons un instant ce compagnon de route qui sait s’effacer ensuite, « pour laisser advenir, en ceux (...) qui le suivent, sa propre relation à son Père »[2].

Pour C. Théobald « ceux qui ont commencé par le suivre avec leurs pieds doivent comprendre où il demeure (Jn 1, 38) s'ils veulent aller au bout de leur désir pour passer ainsi à une relation symétrique de compagnonnage ou d'amitié avec lui ».[2] »

Le risque de toute pastorale, renchérît à sa manière Michel Rondet (dans un texte souvent cité ici) est de proposer « des réponses là où l’on nous demande des chemins. Ceux qui, d'horizons très divers, se mettent en marche, au souffle de l'Esprit, n'attendent pas que nous leur offrions la sécurité d'un port bien abrité. Ils ont justement quitté le port des sécurités factices. Ils ont gagné le large à leurs risques et périls, ils savent que la traversée sera longue. Ils ne nous demandent pas de leur décrire le port, mais de les accompagner sur un chemin dont ils ne connaissent pas encore le terme : ils savent qu'une rencontre les attend, qui leur fera découvrir le meilleur d'eux-mêmes et le sens de l'aventure humaine. Ce qu'ils espèrent, c'est un compagnonnage de recherche et de disponibilité, pas un étalage complaisant de certitudes ».(4)


Magie du chemin de Jésus à Emmaus qui accompagne sans se révéler pleinement. 

À sa suite, osons partager nos quêtes intérieures et laissons Celui qui nous habite, au Nom de qui nous sommes réunis, transformer notre pain de froment en pain de vie, notre sueur en vin de noces en espérant intérieurement que Dieu, qui est là, au cœur de ces rencontres, fera jaillir une source.

L’enjeu révèlé à Emmaüs est un accompagnement, une marche où l’on cherche à plusieurs, on danse, non dans la position du savant, mais plutôt dans celle du marcheur comme Jésus sur le chemin.

« ils causaient entre eux de tous ces événements. Tandis qu'ils causaient et discutaient, Jésus lui-même, s'étant approché, se mit à faire route avec eux, mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Il leur dit : " De quoi vous entretenez-vous ainsi en marchant ? " Et ils s'arrêtèrent tout tristes. L'un d'eux, nommé Cléophas, lui dit : " Tu es bien le seul qui, de passage à Jérusalem, ne sache pas ce qui s'y est passé ces jours-ci !  » Luc 24


L’approche discrète de Jésus est à contempler en soi tant elle diffère de tout étalage de certitudes.


Son questionnement est un éveil, un réveil qui permet de sentir, en toute liberté, que Son chemin n'est pas étranger à leur propre recherche, qu'il rejoint leur chemin d'humanité. Sans révéler sa présence, le Christ marche et donne du sens à leur route. « Et ils le reconnurent à la fraction du pain » (Luc 24, 31), c’est-à-dire que sans qu'il y ait eu besoin d'en dire plus, dans la démarche ouverte, accueillante et respectueuse, insistante sur la liberté de chacun, Il est venu entre-ouvrir la porte du mystère. 


Pastorale d’engendrement...


 La catéchèse de Jésus complète et éclaire un bon millénaire de pédagogie divine, et fait prendre conscience au lecteur de Luc ce que la parabole du vigneron (Luc 20, 9-18) résumait si bien : la mort du fils s’inscrit dans une histoire. Elle est le point final de l’histoire d’un peuple. Au bout de ce chemin, à la suite des pèlerins d’Emmaüs, un seul signe se révèle, celui du pain rompu.

Qu’est-ce que le pain rompu ? Une communion véritable, comme celle que nous sommes appelés à vivre à sa suite ? Un corps brisé et broyé qui se révèle ? Un Dieu qui se donne et se tait. Les trois et plus encore, très certainement.

Il nous faut peut-être entrer à nouveau dans le silence pour percevoir les harmoniques qui se déploient ici. La révélation est loin des trompettes sonores des premières théophanies de l’Exode(5). Dieu se dit et se tait. Et le pain rompu à Emmaüs n’est pas encore un rituel. Il est mystère, mime au sens donné par Léon Dufour(6), d’un Dieu brisé, nu, dépouillé (7) et offert et qui en même temps disparaît, s’efface pour nous appeler à poursuivre ensemble le chemin, dans nos gallilées et nos périphéries.


La fraction du pain est danse fragile, kénose trinitaire...invitation sublime au banquet à venir...(8)

Peut-être doit on à nouveau retrouver ce sens eucharistique premier, loin d’un automatisme rituel. 

Double et lente manducation aux deux tables de la Parole et du Pain. Musique de Dieu(9)


(1) Joseph Moingt, L’homme qui venait de Dieu, Cerf, 1995, Ed° de 2002, Cogitatio Fidéi n° 176, p.546ss

(2) Une Nouvelle Chance pour l'Évangile, Vers une pastorale d'engendrement, publié sous la direction de P. Bacq et Christoph Théobald en 2004 chez Lumen Vitae/Novalis/Editions de l'Atelier, p.70 »

(3) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 79

(4) Michel RONDET s.j., La Baume-les-Aix, Études Fév 97

(5) voir Pédagogie divine

(6) voir son commentaire de Jean déjà cité 

(7) cf. Dieu nu d’Arnold ou mon Dieu dépouillé 

(8) voir ma « danse trinitaire »

(9) sans vouloir rétablir le latin massacré d’antan, je dois avouer que la liturgie grégorienne a ainsi une harmonie particulière dans le chant pascal « Cognoverunt eum in fractione panis » que j’ai découvert il y a 30 ans dans un vieux monastère et qui danse encore dans ma mémoire. 


PS : je reprends, expose à vos critiques et fusionne ici quelques réflexions croisées dans mes livres « Pastorale du Seuil » et « Chemins de miséricorde » (cf. Kobo). 

PS2 : comme déjà précisé Il y a quelques jours, l’expression très imagée de danse que je développe beaucoup vient d’une expression des pères de l’Église : la perichorèse des personnes divines ou circumincession, que je traduis « danse trinitaire » car il s’agit d’un « jeu » entre les personnes divines unies et tournées l’une vers l’autre, comme l’exprime bien le prologue de Jean. 

Cette harmonie entre les trois personnes jusque dans l’abaissement est à la fois lieu de contemplation et invitation. Il ne s’agit pas de fusion mais d’une distance au sens donné par Jean Luc Marion dans l’idole et la distance...

Je développe longuement les implications d’une telle lecture  dans mon livre « danse trinitaire »téléchargeable gratuitement sur Kobo qui résume la thèse d’Emmanuel Durand sur la perichorèse, moins accessible.


C’est à cette danse que Dieu nous invite. J’ai joué de la flûte et vous n’avez pas dansé. Bien sûr la danse peut avoir d’autres acceptions mais elle me semble plus facile à percevoir en pastorale que perichorèse 


Illustration : Arcabas

23 juillet 2020

Amour en toi - 79 - Dieu intérieur

Quel est l'enjeu du demeurer en moi ? Demeurer, c'est entrer dans les profondeurs, dans l'océan intérieur où Dieu se cache.

Au delà des vagues, des tempêtes, il y a un calme inattendu, un lieu de paix qui nous attend. Comme ce rayon inattendu qui illumine la mer démontée et fait apparaître l'essence du divin.


« Tu étais là et je ne le savais pas » (1).

Il faut le silence, un silence profond, pour que le Verbe résonne au fond de soi, au plus profond de soi. C'est là que Dieu se révèle.

« Deus interior intimo meo », Dieu plus intérieur que le plus intime de moi-même (1). C'est dans le silence qu'il me parle, me bouscule, jusqu'au jointures de l'âme. Écoutons-le !

(1) Saint Augustin, Les Confessions.
(2) ibid. III, VI, 11

Sur le même thème...

Dépouillement 25 - homélie du 17ème dimanche

Où courons nous ?

Que nous dit Jésus sur le marchand de perles dans l’Evangile de Matthieu ?  « il va vendre tout ce qu'il possède et achète cette perle.»»
‭‭Matthieu‬ ‭13:46‬ 
« Tu t'agites pour beaucoup de choses, une chose est essentielle » glisse Jésus en écho à Marthe (Lc 10, 41). Il faudrait maintenant se taire et méditer sur ce qui est essentiel. Entendre le discours de Jésus au jeune homme riche : « une seule chose te manque : va vends tous tes biens et suis moi ».(Mc 10, Mat 19, Luc 18). Selon certaines interprétations Marc est probablement celui des trois évangélistes Synoptiques qui a le mieux compris cela au point qu'on l'associe à ce jeune homme qui s'enfuit tout nu au jardin de Gethsémani. Pourquoi Marc nous raconte t il cette scène non reprise par Matthieu et Luc ? Peut-être a-t-il compris le message ultime. Tout vendre, renoncer, se dépouiller, se mettre à nu... Jusqu'au déchirement du voile qui révèle l'amour.

La nudité à laquelle nous sommes appelés est celle qui nous oblige à sentir qu'il n'y a qu'une voie, qu'une sagesse, qu'un chemin, qu'un trésor, qu'un médiateur, Jésus Christ, celui qui s'est dépouillé de tout parce qu'en faisant cela il va jusqu'au bout de l'amour.

La route est longue et ardue... Au bout du chemin, quand on a fait, en nous, le tri final, il ne reste qu'une voie de sagesse, insiste à sa manière saint Jean de La Croix : suivre le Christ. Cette voie, est celle que décrit Salomon (1Rois 3), c'est celle qui peut faire de nous des « justes » comme le dit saint Paul en Romains 8.

Combien de fois nous arrêtons nous pour voir la frénésie de notre agir, de nos agitations ?
La porte est étroite et la question lancée par Matthieu sur le tri des anges doit nous interpeller. Sommes nous prêts comme les jeunes filles et leurs lampes ?
Prendre la voie du Christ est « impossible à l'homme mais possible en Dieu » glisse Mat. 19... le Christ lui-même a eu besoin d'être poussé par l'Esprit au désert pour prendre de la distance sur cette agitation intérieure qui nous éloigne du Chemin.

« Seul l'Esprit, parle à notre esprit dans le silence ». Sommes nous des « écoutants » ? Laissons nous place à l'Esprit pour agir ? Entrouvrons-nous la porte à ce « courant d'air (1) » qui pénètre au fond de notre cœur et nous fait découvrir la perle, le trésor, le royaume.

Entrons dans le silence et écoutons Dieu interpeler notre cœur. Où est ta priorité ?





« Il s'agit [alors] de transporter notre cœur dans la vie du ciel, en sorte qu'on puisse dire : « Notre patrie est dans les cieux » (Ph 3,20). Surtout c'est commencer à devenir semblable au Christ, « qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour nous » (2Co 8,9).(2)

Le grand enjeu devient, dans la dynamique de la troisième parabole d’entrer dans un véritable discernement, trier ce qui nous empêche d’aller dans ses pas, ce qui est « balayure » et nous laisser « saisir » par lui (cf, Ph 3)

(1) François Cassingena-Trévédy, pour toi quand tu pries, op.cit. 
(2) Saint Basile Grandes Règles monastiques, § 8 (trad. L. Lèbe osb, Éd. Maredsous, 1969, p. 71 rev.)

11 avril 2020

Le grand silence du Samedi saint


Si Dieu se tait, cela ne veut pas dire qu'il reste insensible à la souffrance des hommes. Bien au contraire, comme le suggère déjà une mystique allemande, on peut considérer que dès Gethsémani il souffre de nos impasses, de nos violences qui continuent malgré et en dépit de sa mort.

La tradition veut qu'il soit descendu aux enfers relever Adam et avec lui l'humanité perdue faute d'avoir connu la Croix qui sauve. Ce qu'il a fait avant d'apparaître en gloire ne préjuge pas de ce qu'il fait depuis, de la manière dont il continue de souffrir de nos aveuglements..

Écoutons cette homélie ancienne reprise dans l'office des lectures :

« Que se passe-t-il ? Aujourd'hui, grand silence sur la terre ; grand silence et ensuite solitude parce que le Roi sommeille. La terre a tremblé et elle s'est apaisée, parce que Dieu s'est endormi dans la chair et il a éveillé ceux qui dorment depuis les origines. Dieu est mort dans la chair et le séjour des morts s'est mis à trembler. ~

C'est le premier homme qu'il va chercher, comme la brebis perdue. Il veut aussi visiter ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. Oui. c'est vers Adam captif, en même temps que vers Ève, captive elle aussi, que Dieu se dirige, et son Fils avec lui, pour les délivrer de leurs douleurs. ~

Le Seigneur s'est avancé vers eux, muni de la croix, l'arme de sa victoire. Lorsqu'il le vit, Adam, le premier homme, se frappant la poitrine dans sa stupeur, s'écria vers tous les autres : « Mon Seigneur avec nous tous ! » Et le Christ répondit à Adam : « Et avec ton esprit ». Il le prend par la main et le relève en disant : Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera.

« C'est moi ton Dieu, qui, pour toi, suis devenu ton fils ; c'est moi qui, pour toi et pour tes descendants, te parle maintenant et qui, par ma puissance, ordonne à ceux qui sont dans les chaînes : Sortez. À ceux qui sont dans les ténèbres : Soyez illuminés. À  ceux qui sont endormis : Relevez-vous.

« Je te l'ordonne : Éveille-toi, ô toi qui dors, je ne t'ai pas créé pour que tu demeures captif du séjour des morts. Relève-toi d'entre les morts : moi, je suis la vie des morts. Lève-toi, œuvre de mes mains ; lève-toi, mon semblable qui as été créé à mon image. Éveille-toi, sortons d'ici. Car tu es en moi, et moi en toi, nous sommes une seule personne indivisible.

« C'est pour toi que moi, ton Dieu, je suis devenu ton fils ; c est pour toi que moi, le Maître, j'ai pris ta forme d'esclave ; c'est pour toi que moi, qui domine les cieux, je suis venu sur la terre et au-dessous de la terre ; c'est pour toi, l'homme, que je suis devenu comme un homme abandonné, libre entre les morts ; c'est pour toi, qui es sorti du jardin, que j'ai été livré aux Juifs dans un jardin et que j'ai été crucifié dans un jardin.

« Vois les crachats sur mon visage ; c'est pour toi que je les ai subis afin de te ramener à ton premier souffle de vie. Vois les soufflets sur mes joues : je les ai subis pour rétablir ta forme défigurée afin de la restaurer à mon image.

« Vois la flagellation sur mon dos, que j'ai subie pour éloigner le fardeau de tes péchés qui pesait sur ton dos. Vois mes mains solidement clouées au bois, à cause de toi qui as péché en tendant la main vers le bois. ~

« Je me suis endormi sur la croix, et la lance a pénétré dans mon côté, à cause de toi qui t'es endormi dans le paradis et, de ton côté, tu as donné naissance à Ève. Mon côté a guéri la douleur de ton côté ; mon sommeil va te tirer du sommeil des enfers. Ma lance a arrêté la lance qui se tournait vers toi.

« Lève-toi, partons d'ici. L'ennemi t'a fait sortir de la terre du paradis ; moi je ne t'installerai plus dans le paradis, mais sur un trône céleste. Je t'ai écarté de l'arbre symbolique de la vie ; mais voici que moi, qui suis la vie, je ne fais qu'un avec toi. J'ai posté les chérubins pour qu'ils te gardent comme un serviteur ; je fais maintenant que les chérubins t'adorent comme un Dieu. »

11 février 2020

Allaitement - pédagogie phase 1 - Osée 2

« Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » (Mc 6,31)

« Si tu veux venir vers moi et me trouver, suis-moi, cherche-moi à part. Marc dit en effet : « Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l'on n'avait même pas le temps de manger. » (Mc 6,31)

« Hélas ! Les passions de la chair, le tumulte des pensées qui vont et qui viennent dans notre cœur sont tels, que nous n'avons pas le temps de manger la nourriture de la douceur éternelle ; de percevoir la saveur de la contemplation intérieure. C'est pourquoi notre Maître dit : « Venez à l'écart » de la foule bruyante ; « dans un lieu désert », dans la solitude de l'esprit et du cœur, « et reposez-vous un peu. » Vraiment un tout petit peu, car, dit-il dans l'Apocalypse : « Il se fit un silence dans le ciel, environ une demi-heure » (Ap 8,1) ; et dans le psaume : « Qui me donnera des ailes comme à la colombe, que je m'envole et me pose ? » (Ps 54,7 LXX)
Mais écoutons ce que dit le prophète Osée : « Je l'allaiterai*, dit-il, et la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur » (cf. Os 2,14 Vg.). Les trois expressions allaiter, conduire au désert, parler à son cœur désignent les trois étapes de la vie spirituelle : le début, le progrès, la perfection. Le Seigneur allaite le débutant lorsqu'il l'éclaire de sa grâce, pour qu'il grandisse et progresse de vertu en vertu. Il le conduit ensuite à l'écart du vacarme des vices et du désordre des pensées, dans le repos de l'esprit ; enfin, une fois amené à la perfection, il parle à son cœur. L'âme éprouve alors la douceur de l'inspiration divine et peut se livrer totalement à la joie de l'esprit.
Quelle profondeur de dévotion, d'émerveillement et de bonheur dans son cœur ! Par la dévotion, il s'élève au-dessus de lui-même ; par l'émerveillement, il est conduit au-dessus de lui-même ; par le bonheur, il est transporté hors de lui-même.(1)

(1) Saint Antoine de Padoue, Sermon pour la fête de saint Jean évangéliste (Une Parole évangélique, trad. V. Trappazzon, éd. Franciscaines, 1995, p. 143-145 ; rev.), source : l'Évangile au Quotidien

(*) "Je l'allaiterai" : "lactabo" le verbe latin peut signifier allaiter ou séduire.


11 septembre 2019

Au fil de Luc 6, 12 - Silence et prière - Mère Térésa

« Jésus s'en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu » Lc 6, 12

« Les contemplatifs et les ascètes de tous les temps, de toutes les religions, ont toujours recherché Dieu dans le silence, la solitude des déserts, des forêts, des montagnes. Jésus lui-même a vécu quarante jours en parfaite solitude, passant de longues heures, cœur à cœur avec le Père, dans le silence de la nuit.
Nous-mêmes sommes appelés à nous retirer par intermittences dans un plus profond silence, dans l'isolement avec Dieu. Être seul avec lui, non pas avec nos livres, nos pensées, nos souvenirs, mais dans un parfait dénuement ; demeurer en sa présence ; silencieux, vide, immobile, dans l'attente.
Nous ne pouvons pas trouver Dieu dans le bruit, l'agitation. Vois la nature : les arbres, les fleurs, l'herbe des champs croissent en silence ; les étoiles, la lune, le soleil se meuvent en silence. L'essentiel n'est pas ce que nous pouvons dire, mais ce que Dieu nous dit, et ce qu'il dit à d'autres à travers nous. Dans le silence, il nous écoute ; dans le silence, il parle à nos âmes. Dans le silence, il nous est donné le privilège d'entendre sa voix :
Silence de nos yeux.
Silence de nos oreilles.
Silence de notre bouche.
Silence de notre esprit.
Dans le silence du cœur,
Dieu parlera »



Sainte Teresa de Calcutta (1910-1997)
fondatrice des Sœurs Missionnaires de la Charité
No Greater Love (Il n'y a pas de plus grand amour, trad. J.F. Colosimo ; Lattès 1997, p. 24) , source : l'Évangile au Quotidien

19 août 2019

Au fil de Matthieu 19,21 22 - Humilité et effacement - Amour en toi…


« Jésus lui répondit : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » À ces mots, le jeune homme s'en alla tout triste, car il avait de grands biens » (Mat 19, 21-22)

Écoutons sur ce chemin les propos de sainte Thérèse d'Avila : « Ô Jésus ! s'en trouvera-t-il une seule parmi nous pour dire qu'elle ne veut pas aller jusqu'au bout ? (...) Nulle ne le dira, certainement. Toutes nous assurons le vouloir. Mais il faut quelque chose de plus pour que Dieu soit maître absolu d'une âme, et le dire ne suffit pas. Le jeune homme à qui Notre Seigneur demanda s'il voulait être parfait en est la preuve. (...)
Entrez, entrez à l'intérieur de vous, mes filles, dépassez vos petits actes de vertu. Comme chrétiennes, vous êtes tenues à tout cela, et à bien davantage. Contentez-vous d'être les servantes de Dieu, et ne portez pas vos prétentions si haut, que vous risquiez de tout perdre. Considérez les saints qui sont entrés dans la chambre de ce Roi (Ct 1,4), et vous verrez quelle distance nous sépare d'eux. Ne demandez pas ce que vous n'avez pas mérité. Après avoir offensé Dieu comme nous l'avons fait, il ne devrait même pas nous venir à l'esprit que nous pourrons jamais, quels que soient nos services, mériter la faveur accordée aux saints. Ô humilité ! humilité ! (...) Je suis un peu tentée de croire que si certaines personnes s'affligent tant de leurs sécheresses, c'est qu'elles manquent un peu de cette vertu. (...) Éprouvons-nous nous-mêmes, mes sœurs, ou laissons Dieu nous éprouver : il sait bien le faire, quoique souvent nous nous refusions à le comprendre. (...)
Si, au moment où il nous dit ce que nous avons à faire pour être parfaits, nous lui tournons le dos et nous en allons tout tristes, comme le jeune homme de l'Évangile, que voulez-vous qu'il fasse, lui qui doit mesurer la récompense sur l'amour que nous lui portons ? Cet amour, mes filles, ne doit pas être un vain fruit de l'imagination, mais se prouver par les œuvres. Ne vous figurez pas cependant que Dieu ait besoin de nos œuvres ; ce qu'il lui faut, c'est la détermination de notre volonté. (...) C'est même indubitable : si l'on persévère dans ce dépouillement et cet abandon de tout, on obtiendra ce qu'on désire. À une condition cependant, comprenez-le bien, c'est qu'on se considérera comme un serviteur inutile (Lc 12,48) (1)



(1) Sainte Thérèse d'Avila, Le Château intérieur, 3es demeures, ch. 1 (trad. Mère Marie du Saint-Sacrement, OC ; Éds du Cerf 1995, p. 1000-1001 ; rev.)



19 juin 2019

« Quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison » - Amour en toi 35 - Edith Stein

« Quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison »
Tout est un pour ceux qui sont parvenus à l'unité profonde de la vie divine : le repos et l'action, contempler et agir, se taire et parler, écouter et s'ouvrir, recevoir en soi le don de Dieu et rendre l'amour à flots dans l'action de grâces et la louange. (...) Il nous faut pendant des heures écouter en silence, laisser la parole divine s'épanouir en nous jusqu'à ce qu'elle nous incite à louer Dieu dans la prière et le travail.
Les formes traditionnelles nous sont nécessaires aussi et nous devons participer au culte public ainsi que l'ordonne l'Église, pour que notre vie intérieure s'éveille, reste dans la voie droite et trouve l'expression qui lui convient. La louange solennelle de Dieu doit avoir ses sanctuaires sur la terre afin d'être célébrée avec toute la perfection dont les hommes sont capables. De là, au nom de la sainte Église, elle peut monter vers le ciel, agir sur tous ses membres, éveiller leur vie intérieure et stimuler leur effort fraternel. Mais pour que ce chant de louange soit vivifié de l'intérieur, encore faut-il qu'il y ait dans ces lieux de prière des temps réservés à l'approfondissement spirituel dans le silence ; sinon, cette louange dégénérerait en un balbutiement des lèvres dépouillé de vie. C'est grâce à ces foyers de vie intérieure que ce danger est écarté ; les âmes peuvent y méditer devant Dieu dans le silence et la solitude, afin d'être au cœur de l'Église les chantres de l'amour qui vivifie tout. (1)

Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith STEIN ] La Prière de l'Église (trad. Éds de l'Orante 1955, p. 55)

30 avril 2019

Le fruit inattendu du silence - Edith Stein - Amour est en toi - 33

Quel est le fruit du silence sur l'âme ? Faut-il, comme le suggère Edith Stein, « attendre avec patience l'heure qu'il a fixé ; cheminer dans l'obscurité comme nous conduit le souffle léger de l'Esprit, et, sans être vu d'aucun regard humain, cueillir les fleurs qui fleurissent au chemin(1) ». L'enjeu est cette présence fortuite et silencieuse qui tout d'un coup éclaire nos âmes à jamais :
 «  Un éclat de ciel reste dans l'âme 
Une profonde lueur reste dans les yeux,
Un flottement dans le son de la voix. »
Cette trace est cicatrice d'un lumineux rayon venu d'ailleurs –rayon de nuit -, qui éclaire chacun des instants présents que je vis comme émerveillement, dans la reconnaissance.(2)
Telle est le fruit inattendu d'une prière au désert, quand au-delà d'une sécheresse qui frise le désespoir, nous percevons dans un frisson inattendu qu'il était là mais qu'on le cherchait ailleurs.
« Nous ne pouvons que nous étonner, balbutier et nous taire »(2)
Où comme le fit Moïse retirer nos sandales car ici le voile se déchire et le buisson ardent illumine nos âmes.

« Centre de tous les cœurs humains
Qui nous prodigue la vie divine.
Il nous attire à lui avec une force mystérieuse ; 
En lui il nous attire dans le sein du Père
Et nous inonde avec le Saint-Esprit (3).

« Tu viens et tu t'en vas, mais reste la semence
Que tu semas pour ta gloire future
Cachée dans le corps de poussière ». (4)



« Nos paroles tremblent : à quelle justesse peut-elle prétendre, quelle vérité peuvent-elles revendiquer (...) sinon celle de la kénose de ce Dieu qui s'anéantit pour moi et en moi ? »

(1) Edith Stein, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 270.
(2) Edith Stein, ibid. p. 271.
(3) p. 272.
(4) 273.
(5) François Marxer, ibid. p. 275.

19 avril 2019

Au fil de Marc 15 - La Passion - Augustin d’Hipponne


« Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s'écria : 'Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu' » (Mc 15,39)
« Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu. » (Jn 1,1) Il est identique à lui-même ; ce qu'il est, il l'est toujours ; il ne peut changer, il est l'être. C'est le nom qu'il fit connaître à son serviteur Moïse : « Je suis celui qui suis » et « Tu diras : Celui qui est, m'a envoyé » (Ex 3,14)... Qui peut le comprendre ? Ou qui pourra parvenir à lui –- à supposer qu'il dirige toutes les forces de son esprit pour atteindre tant bien que mal celui qui est ? Je le comparerai à un exilé, qui de loin voit sa patrie : la mer l'en sépare ; il voit où aller, mais n'a pas le moyen d'y aller. Ainsi nous voulons parvenir à ce port définitif qui sera nôtre, là où est celui qui est, car lui seul est toujours le même, mais l'océan de ce monde nous coupe la voie...
Pour nous donner le moyen d'y aller, celui qui nous appelle est venu de là-bas ; il a choisi un bois pour nous faire traverser la mer : oui, nul ne peut traverser l'océan de ce monde que porté par la croix du Christ. Même un aveugle peut étreindre cette croix ; si tu ne vois pas bien où tu vas, ne la lâche pas : elle te conduira d'elle-même. 
Voilà mes frères ce que j'aimerais faire entrer dans vos cœurs : si vous voulez vivre dans l'esprit de piété, dans l'esprit chrétien, attachez-vous au Christ tel qu'il s'est fait pour nous, afin de le rejoindre tel qu'il est, et tel qu'il a toujours été. C'est pour cela qu'il est descendu jusqu'à nous, car il s'est fait homme afin de porter les infirmes, de leur faire traverser la mer et de leur faire aborder dans la patrie, où il n'est plus besoin de navire parce qu'il n'y a plus d'océan à passer. À tout prendre, mieux vaudrait ne pas voir par l'esprit celui qui est, mais embrasser la croix du Christ, que le voir par l'esprit et mépriser la croix. Puissions-nous, pour notre bonheur, à la fois voir où nous allons et nous cramponner au navire qui nous emporte... ! Certains y ont réussi, et ils ont vu ce qu'il est. C'est parce qu'il l'a vu que Jean a dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était face à Dieu, et le Verbe était Dieu. » Ils l'ont vu ; et pour parvenir à ce qu'ils voyaient de loin, ils se sont attachés à la croix du Christ, ils n'ont pas méprisé l'humilité du Christ. (1) 



La Parole en silence
se consume pour nous.
L'espoir du monde
a parcouru sa route.
Voici l'heure où la vie
retourne à la source :
dernier labeur de la chair
mise en croix.

Serviteur inutile,
les yeux clos désormais,
le Fils de l'homme
a terminé son œuvre.
La lumière apparue
rejoint l'invisible,
la nuit s'étend sur le corps :
Jésus meurt.

Maintenant tout repose
dans l'unique oblation.
Les mains du Père
ont recueilli le souffle.
Le visage incliné
s'apaise aux ténèbres,
le coup de lance a scellé
la passion.

Le rideau se déchire
dans le Temple désert.
La mort du juste
a consommé la faute,
et l'Amour a gagné
l'immense défaite :
demain, le Jour surgira

du tombeau.(2)

(1) Saint Augustin, Sermons sur l'évangile de saint Jean, n°2 (trad. cf E. de Solms, Christs romans, Zodiaque 1966, p. 72s)
(2) Hymne du vendredi saint, office des Lectures, source AELF 

18 avril 2019

Silence et liberté 2 - Edith Stein - L'amour est en toi - 31

Le repos en Dieu...
Prendre le temps du silence comme celui du désert c'est atteindre un "état de totale suspension de toute activité de l'esprit, dans lequel on ne peut plus ni dresser de plans, ni prendre de décision, ni même rien faire, mais où, ayant remis tout l'avenir au vouloir divin, on s'abandonne entièrement à son destin. Cet état, je l'ai éprouvé quelque peu, à la suite d'une expérience qui, dépassant mes propres forces, consomma totalement mes énergies spirituelles et me déroba toute possibilité d'action. Comparé à l'arrêt de l'activité faute d'élan vital, le repos en Dieu est quelque chose de tout à fait nouveau et d'irréductible. Auparavant, c'était le silence de la mort. À sa place succède un sentiment d'intime sécurité, de délivrance de tout ce qui est souci, obligation et responsabilité par rapport à l'agir. Et tandis que je m'abandonne à ce sentiment, voici qu'une vie nouvelle commence peu à peu à me combler et - sans aucune tension de ma volonté – à me pousser vers de nouvelles réalisations. Cet aflfux vital semble venir d'une Activité et d'une Force qui n'est pas la mienne et qui, sans violence, devient active en moi" (1)

Ce détachement, ce décentrement est peut-être ce que Duchesne décrit comme la grâce de la liberté. Il se nourrit de cette quête intérieure, est souffle au sein de la chambre haute, travail de l'Esprit, communion avec cette Activité et cette Force dont parle Edith Stein en utilisant des majuscules.

(1) Edith Stein, La causalité psychique, article de 1922, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 268

19 février 2019

Écouter l’homme dans le silence - 7


C'est au cœur d’un véritable silence,
que l'on peut entendre le cri de l'homme souffrant, 
loin du bruit du monde.

C'est au cœur d’un véritable silence 
que l'on peut entendre le cri de Dieu souffrant.

C'est au cœur d’un véritable silence 
que l'on peut entendre le cri de notre conscience,
loin du bruit du monde.

C'est au cœur d’un véritable silence 
que Dieu appelle l'homme, dans le jardin du monde.

« Où es-tu ? » cf. Gn 3

———-

Pour toi le silence est louange, ô Dieu, dans Sion;
on  des vœux qu'on t'a fait.»
‭‭Psaumes‬ ‭65:2‬ ‭

«Iles, faites silence pour m'écouter! Que les peuples renouvellent leur force, qu'ils s'avancent et qu'ils parlent!.»
‭‭Isaïe‬ ‭41:1‬ ‭

«Moïse et les prêtres-lévites dirent à tout Israël: Israël, fais silence et écoute! Aujourd'hui, tu es devenu le peuple du SEIGNEUR, ton Dieu.»
‭‭Deutéronome‬ ‭27:9‬

«Garde le silence devant le S EIGNEUR, et attends-le; ne te fâche pas contre celui qui réussit dans ses voies, contre l'homme qui mène à bien ses intrigues.»
‭‭Psaumes‬ ‭37:7‬ ‭

«Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit: Je t'adjure par le Dieu vivant de nous dire si c'est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu.»

‭‭Matthieu‬ ‭26:63‬ ‭

Voir aussi sur ce thème :

17 octobre 2018

Union et déréliction - Saint Jean de la Croix

La nuit de Jean de La Croix interpelle toujours nos vies. « L'Union ne consiste donc point dans les jouissances, dans les consolations, dans les sentiments spirituels, mais dans la mort réelle de la Croix au point de vue sensitif et spirituel, intérieur et extérieur » (1)
Le silence intérieur et l’abandon sont-ils les préludes d’une disponibilité véritable aux souffrants ?
Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Styles 2, De Jean de la Croix à Péguy, Paris, Aubier, 1972 p.60

14 octobre 2018

Parole et silence - 2 - une mise en tension - Grégoire le Grand - Pape François

Parole ou silence, une mise en tension :

« La langue des prédicateurs est paralysée par leurs mauvaises dispositions, nous dit le Psalmiste : Dieu déclare au pécheur : Comment peux-tu redire mes lois ? Et que la parole des prédicateurs soit arrêtée par les vices de leurs peuples, le Seigneur le dit à Ézéchiel : Je ferai adhérer ta langue à ton palais, tu seras muet et tu cesseras de les avertir, car c'est une engeance de rebelles. Comme s'il disait clairement : La prédication te sera enlevée car, puisque ce peuple me défie par sa conduite, il ne mérite pas d'être exhorté à la vérité. Par suite de quel vice la parole est retirée au prédicateur, il n'est pas facile de le savoir. Mais ce que l'on sait avec certitude, c'est que le silence du pasteur est nuisible quelquefois à lui-même, mais toujours à son peuple. » (1)

« Pour reconnaître la voix [des pauvres], nous avons besoin du silence de l'écoute. Plus nous parlons, plus nous aurons du mal à les entendre. J'ai souvent peur que beaucoup d'initiatives, cependant nécessaires et méritoires, servent davantage à nous satisfaire nous-mêmes qu'à entendre réellement le cri du pauvre. Dans cette situation, lorsque les pauvres font entendre leur cri, notre réaction manque de cohérence et est incapable de rejoindre réellement leur condition. Nous sommes à ce point prisonniers d'une culture qui nous fait nous regarder dans la glace et ne s'occuper que de soi, qu'on ne peut imaginer qu'un geste altruiste puisse suffire à satisfaire pleinement, sans se laisser compromettre directement. » (2)

Une parole pour exhorter, le silence pour discerner puis agir. Une belle tension

(1) Saint Grégoire le Grand, homélie sur l'Évangile, source AELF, office des lectures du 13/10/18

(2) Source  : Pape François, Lettre pour la journée mondiale des pauvres du 18 novembre 2018 http://m.vatican.va/content/francescomobile/fr/messages/poveri/documents/papa-francesco_20180613_messaggio-ii-giornatamondiale-poveri-2018.html

09 octobre 2018

L’amour est en toi - 18 - Sainte Élisabeth de la Trinité


« Pour que rien ne me sorte du beau silence du dedans, [je garderai] toujours la même condition, le même isolement, la même séparation, le même dépouillement. Si mes désirs, mes craintes, mes joies ou mes douleurs... ne sont pas parfaitement ordonnés à Dieu, je ne serai pas solitaire, il y aura du bruit en moi ; il faut donc l'apaisement, le « sommeil des puissances », l'unité de l'être. « Écoute, ma fille, prête l'oreille, oublie ton peuple et la maison de ton père, et le Roi sera épris de ta beauté » (Ps 44,11-12)... « Oublier son peuple » c'est difficile, il me semble ; car ce peuple c'est tout ce monde qui fait pour ainsi dire partie de nous-mêmes : c'est la sensibilité, les souvenirs, les impressions, etc. ... Quand l'âme a fait cette rupture, quand elle est libre de tout cela, le Roi est épris de sa beauté...
Le Créateur, en voyant le beau silence qui règne en sa créature, en la considérant toute recueillie..., la fait passer en cette solitude immense, infinie, en ce « lieu spacieux » chanté par le prophète (Ps 17,20) et qui n'est autre que lui-même... « Je la conduirai dans la solitude et je lui parlerai au cœur. » (Os 2,16) La voici, cette âme entrée en cette vaste solitude où Dieu va se faire entendre ! « Sa parole, dit saint Paul, est vivante et efficace, et plus pénétrante qu'aucun glaive à deux tranchants : elle atteint jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit, jusque dans les jointures et dans les mœlles. » (He 4,12) C'est donc elle directement qui achèvera le travail du dépouillement dans l'âme...
Mais ce n'est pas tout de l'entendre, cette parole, il faut la garder ! (Jn 14,23) Et c'est en la gardant que l'âme sera « sanctifiée dans la vérité » (Jn 17,17) ; c'est là le désir du Maître... À celui qui garde sa parole, n'a-t-il pas fait cette promesse : « Mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure » ? (Jn 14,23) C'est toute la Trinité qui habite dans l'âme qui l'aime en vérité, c'est-à-dire en gardant sa parole.(1) »

(1) Sainte Élisabeth de la Trinité, Dernière Retraite, 10e – 11e  jours (in OC, Cerf 1991, p.173s, source Evangelizo 

10 juillet 2018

Dieu est en toi - 13

Dieu n'est pas dans le bruit et l'agitation. Il est dans "le creux d'un silence au coeur de ma vie" (1)

(1) Méditation de l'application "Prie en chemin" du 10/7/18

03 juillet 2018

L’amour est en toi - 12 - 2 Co 4

Il y a des silences qui nous interpellent. Où es-tu donc mon Dieu ?
« Ne perdons pas courage (...) l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car nos détresses d'un moment sont légères par rapport au poids extraordinaire de gloire éternelle qu'elles nous préparent. Notre objectif n'est pas ce qui se voit ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel »(1)

À nous de persévérer dans cette nuit qui creuse en nous le désir.

(1) 2 Co 4, 17-18