Affichage des articles dont le libellé est François Marxer. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est François Marxer. Afficher tous les articles

03 septembre 2021

Danse et souffrances - 15 Danse tragique ?

Si Jésus évoque danse et pleurs dans la même phrase (cf. Mat 11,17),, c’est bien qu’il existe un lien subtil et mystérieux entre les deux, au delà de l’opposition apparente entre lui et le Baptiste.

Ce lien est au cœur du mystère de l’incarnation et il n’est pas anodin de contempler cette semaine Jésus attentif aux souffrances de la mère de Pierre jusqu’au sourd de dimanche prochain.


Que dire sur la souffrance ?

Sur la pointe des pieds, j’ai osé aborder ce thème en clôture de mon cycle de théologie (1) car il me semblait un noeud pastoral particulier. Je ne peut pas dire que ma note ait été bonne, mais le travail sur ce thème peut-il être achevé ?

Un bon archevêque recommandait de ne rien dire. Folie de ma part ?


La souffrance n’est pas un appel de Dieu pour l’homme. Elle est.. parce que le mal est…

Et en même temps, cette réalité est souvent le lot de certains d’entre nous, de manière particulière. J’ai autour de moi de douloureux exemples à côté desquels je me sens démuni et chanceux à la fois.

Les mots me manquent.


Paul l’évoqua à plusieurs endroits la souffrance et va jusqu’à dire qu’il complète les souffrances du Christ (cf. Col 1, 24). Nous avons tous notre part dans ce mystère du salut, homme et femme, à la mesure de nos forces, à la suite de Job, sans croire pour autant que Dieu a une responsabilité. Voire même au contraire, et c’est le message central de la Croix, qu’il souffre à nos côtés. 


C’est le mystère même du mal… 

Dieu ne veut pas la souffrance…

Il ne faut cesser de le crier…

Et dans la douleur il faut aussi crier, à la suite des psaumes, cet « où es-tu mon Dieu ? » qui révèle notre inconnaissance.


Difficile d’en dire plus ici, mais j’invite à creuser le sujet…car une pastorale ne peut l’éluder.


Excursus sur l’Enfer et le purgatoire (évoqué sur RT) :

Notre sadisme et notre soif de vengeance peut souhaiter la souffrance d’autrui et le feu de l’enfer. Il faut peut-être relire alors ce que nous avons contemplé sur le pardon et la miséricorde infinie de Dieu, voir notamment la longue double réponse de d’ Hans Urs von Balthasar qui croit que l’enfer est peut-être vide (2) 

Sur la nuit féminine, voir aussi le livre de François Marxer (3) qui creuse magnifiquement ce thème de la nuit féminine et explore de belles figures. 


(1) cf. « quellle espérance pour l’homme souffrant ? » ou j’ai traduit, avec l’aide d’une amie, en français un texte inédit de Karl Rahner

(2) Hans Urs von Balthasar,  L'Enfer : une question  et Espérer pour tous chez DDB ou sa Dramatique divine.

Voir aussi ma trilogie « humilité et miséricorde » ( disponibles également gratuitement sur le site de la Fnac)

(3) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017

30 juillet 2021

Lumière et danse - 8

La suite d’Exode 33 que la liturgie découpe en tranches fines et éparses nous a permis avant hier de contempler rapidement l’effet de la Révélation sur un Moïse en quête d’absolu.

Avant qu’elle nous propulse trop vite au chapitre 40, dans une construction symbolique et hors contexte du temple idéal, elle nous fait contempler en Ex 34 le retour de la montagne, ce que Moïse a découvert de lumineux dans le « dos de Dieu ».

Cette danse particulière touche à ce que Marion appelle le « paradoxe »(1) que je traduirais plus théologiquement par tension ou aporie.


Moïse est illuminé par la rencontre au point qu’il doit porter un voile pour que sa lumière intérieure ne trouble pas le peuple. 

Souci de pédagogie divine ou préparation à l’enfermement cultuel de l’inaccessible derrière le voile du saint des saints que certaines liturgies excluantes réservent encore à une élite, alors que Dieu a pourtant déchiré ce voile en Marc 15, de haut en bas (2) ?


Ne cachons pas l’homme Dieu même si la lumière encore aperçue par Moïse et Élie au mont Thabor a révélé sa divinité, notre chemin à nous, n’est pas toujours lumineux mais souvent une nuit obscure et parfois douloureuse(3).

Le covid fait apparaître en creux le silence de Dieu, alors que la mort est pourtant exposée sur le bois de la croix depuis 2000 ans.


Le paradoxe c’est que Dieu s’est révélé non dans la lumière mais dans la nuit et que Moïse illuminé n’est peut-être qu’une figure fragile ou une idole temporaire. Il n’aura même pas accès à la terre promise.


Attention donc à nos ors et nos patènes rutilantes. Le réel est ailleurs, dans une lumière toute intérieure qui nous échappe bien vite de peur qu’elle nous aveugle ?


La lumière divine s’éteint dès qu’elle se révèle et les pèlerins d’Emmaüs en font vite les frais. Dieu s’est approché, a donné et repris aussitôt, de peur qu’en le réduisant au pain rompu on l’utilise et le réduise à ce qu’il n’est pas…


Ce qu’il reste est un tressaillement, une Révélation fugace qui nous fait courir vers nos frères… sans briser notre liberté…

Et en même temps, peut-être, au bout du chemin, un soupçon d’espérance…


Quel Dieu ! 


Dieu caché, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que ce fruit nouveau-né

Dans la nuit qui t'engendre à la terre ;

Tu dis seulement 

Le nom d'un enfant : 

Le lieu où tu enfouis ta semence.


℟Explique-toi par ce lieu-dit : 

Que l'Esprit parle à notre esprit 

Dans le silence !


Dieu livré, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que ce corps partagé

Dans le pain qui te porte à nos lèvres ;

Tu dis seulement : 

La coupe du sang 

Versé pour la nouvelle confiance. ℟


Dieu blessé, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que cet homme humilié

Sur le bois qui t'expose au calvaire !

Tu dis seulement : 

L'appel déchirant 

D'un Dieu qui apprendrait la souffrance. ℟


Dieu vaincu, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que ces corps décharnés

Où la soif a tari la prière ;

Tu dis seulement : 

Je suis l'innocent,

A qui tous les bourreaux font violence. ℟


Dieu sans voix, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que ce signe levé,

Edifié sur ta pierre angulaire !

Tu dis seulement : 

Mon peuple est vivant, 

Debout, il signifie ma présence. ℟


Dieu secret, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que ce livre scellé

D'où l'Agneau fait jaillir ta lumière.

Tu dis seulement 

Ces mots fulgurants : 

Je viens! J'étonnerai vos patiences ! 


℟Explique-toi par ce lieu-dit : 

Que l'Esprit parle à notre esprit 

Dans le silence ! (4)


(1) D’ailleurs la Révélation, op cit. p. 49 sq

(2) cf. mon « Rideau déchiré »

(3) voir l’excellent livre de François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017

(4) office des lectures

23 août 2019

Croix, mythe et raison

Face face au risque de l'irrationnel ou "les assauts d'une logique du monde, d'un logos lumineseument éclairant et raisonnable, [qui] du coup fait vaciller voire  même annul[er] le récit de ce qui se déploie dans l'histoire (...) Paul met sur le devant de la scène les mè-onta, les gens de rien, les absents du triomphe de la force de la puissance. Logos et mythos : chacune de ces instances a la prétention de s'imposer à l'autre, de lui imposer sa gouvernance, et voici que, sous la figure de la nuit, la croix (stauros) dépasse et annule l'une et l'autre de ces revendications [d'autonomie] et d'hégémonie. Paul parlera même d'un Logos tout staurou , d'un logos de la Croix qui disqualifie les logoï de la sagesse humaine (..)(1) "Dieu n'est pas plus du côté de l'infini de grandeur que de l'infini de petitesse" (2)

La citation de Merleau Ponty me laisse néanmoins rêveur. La Croix n'est elle pas chemin de kenose ? L'infini de petitesse est pour moi le langage de la Croix, le logos tou staurou évoqué. Et c'est pourquoi il relève dans ce mouvement si bien décrit de Ph 2, 12.



(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 594
(2) citation inédite de M. Merleau Ponty, ibid.

12 août 2019

Nuit, colère et silence - 4

Tension théologique plus que solution...
Nous aimerions tout expliquer comme cette colère qui nous dérange ou cette nuit qui nous effraie.

Vouloir comprendre et expliquer alors que dans la nuit et le doute seule notre foi vacillante et fragile laisse une place à la venue d’un Dieu discret.

Il faut peut-être contempler le passage d’Exode 32 à 34 pour saisir où la colère de Dieu se transforme en nuée puis en lumière avant de méditer Gethsémani...
La grande nuit où nous précède l’unique médiateur...

“La tentation est grande pour la théologie d'atténuer voir de dissoudre cette contradiction, d’en désosser les composantes, pour revenir aux saines vertu d'une dialectique acceptable, histoire de congédié la brûlure du désir ou de réduire l'insolence inapprivoisable  de la volonté (celle de Dieu comme la nôtre tout aussi bien). (...) la nuit est révélation de Dieu (...) nous sommes livrés à la nuit, à la contingence et à l’obscurité et c’est là qu’est fait appel à notre liberté (1).

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 583sq

Sainte colère - Origène

Plusieurs questions se posent entre :

  • La colère de Dieu que nous voulons souvent récupérer pour excuser nos propres désirs de puissance ?
  • Un dieu « jaloux » et en colère que nous tentons d'excuser parfois pour adoucir le message
Comment concilier amour, miséricorde et colère ?
Devons-nous emprunter la pente glissante développée à tort par quelques disciples d'Anselme jusqu'à défendre une théorie d’un soi-disant « prix à payer » à un Dieu vengeur ?
Peut-on effacer des pages de l'AT et ignorer la colère du Christ au temple ?
Faut-il au contraire y développer une lecture qui montre une progression dans la révélation (cf. mon Dieu n’est pas violent)
On y note qu’au Temple, Jésus renverse les pièces mais ne brise pas les cages...
Qu'est-ce à dire ?

Qu'est-ce que la colère divine ?

Hans Urs von Balthasar en développe plusieurs chapitres dans sa dramatique divine.

Je note, pour en creuser plus la profondeur la thèse du "grand Origène [qui] nous aura appris à distinguer la colère de bonté (celle du pédagogue qui veut élever l'enfant et le parfaire) de la colère noire de fureur (qui pour être froide, n'en veut pas mon détruire) (1).

Il y dans cette tension une clé théologique que Marxer nous invite à découvrir en complément de son analyse de la nuit chez les mystiques du XXeme siècle. Il serait prétentieux de conclure. Il faut plutôt se plonger dans ce livre d’une grande richesse spirituelle. A la veille de l’Assomption et en correspondance avec mon projet d’homélie j’y vois un chemin personnel de conversion. Où es-tu mon Dieu ?

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 573


02 août 2019

Passivité, effacement et Agapè - 10

Passivité plus que passive.
« Arrachement de soi à soi-même, détachement par lequel on se détache, y compris dudétachement (...) effacement (...) Agapè qui ne résiste ni ne contourne ni n'échappe à la violence de la nuit, mais vaillamment, y prend place et s'y loge (...) solicitude éthique (...) compassion (...) générosité que ne précède aucune réquisition (...) incessante, taraudante inquiétude (...) voilà ce qui n'est guère conforme à nos catéchismes tranquilles » (1)

Dans sa conclusion aux élans lévinassisiens F. Marxer résume bien l'enseignement de son livre dont je vous ai partagé déjà trop d'extraits dans le seul but de vous inviter au voyage...

Un chemin qui dérange nos conforts établis à la lumière de ces femmes qui sont Église plus que nos communautés parfois stériles.

A lire sans modération


(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 564sq

Effacement et contraste - 9 - Beau ou Bon ? - Balayure - Marie de la Trinité

"Un soir d'hiver j'accomplissais comme d'habitude mon petit office, il faisait froid, il faisait nuit… Tout à coup j'entendis dans le lointain le son harmonieux d'un instrument de musique, alors je me représentai un salon bien éclairé, tout brillant de dorures, des jeunes filles élégamment vêtues se faisant mutuellement des compliments et des politesses mondaines ; puis mon regard se porta sur la pauvre malade que je soutenais ; au milieu d'une mélodie j'entendais de temps en temps ses gémissements plaintifs, au lieu de dorures, je voyais les briques de notre cloître austère, à peine éclairé par une faible lueur" (1)

Terrible contraste entre le Beau et le Bon. Tension s'il en est pour ceux qui cherchent dans l'esthétique une porte d'entrée mystique. Ici, pas de fuite possible. Le visage de l'autre m'interpelle toujours. Entre l'exigence de Lévinas et la culpabilité de Sibony, il n'y a pas photo. L'autre est la porte vers l'Autre, même si ce dernier est silencieux... Le chemin parcouru est celui d'une vie. 

Face au silence, y-a-t-il que l'Ecriture ? Avec ou sans grand "E" ?

Entre une auto-justification narcissique et le silence, Pascal a fait le choix, in fine, du silence nous dit Hans Urs von Balthasar dans Gloire et Croix, Styles, tome 3.

A méditer.

C'est en tout cas mon choix, depuis que j'ai compris, à la lumière de Philippiens 3 et de Grégoire de Nysse que je ne suis que balayure (2) sur une course infinie(3).

(1) Marie de la Trinité citée par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 562
(2) ibid. p. 524 et 528 sq et Ph 3
(3) cf. mon livre éponyme 

01 août 2019

Effacement 6

Mourir à son rêve. Une mort qui nous délivre "en nous interdisant toute fusion imaginaire, tout rêve de perfection (...) devenir humain pour être pleinement dans le vrai de son être (1).

Il y a là un sacré enjeu loin de toute tentation mystique ou même pharisienne. Derrière l'apparence se joue, sans fin, la nécessité de coordonner notre quête et le réel de notre vie, dans l'aujourd'hui de notre agir.

Non pas une posture, mais se laisser saisir au vif par le réel, “dévaste notre foi, encercle ce qui peut rester d’amour...” (2)

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 511
(2) p. 523

Amour en toi - 38 - Marie de la Trinité

" Laisse toi murer (...) ne cherche pas à te montrer, ni à rien à répandre, car le cours de ta vie est vers Moi et pour Moi, ton Père et ton Dieu… Ne t'occupe pas du dehors, mais du dedans - car Je ne suis pas au dehors, mais au dedans". (1)

A méditer

(1) Marie de la Trinité, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 509

30 juillet 2019

Nuit et solitude périphérique ? - 8

La suite de la lecture de l'œuvre de Mère Térésa sous le regard de F. Marxer interpelle notre vision du monde actuel, de cette victoire apparente de l'athéisme comme de nos solitudes à sa périphérie.
On rejoint pour lui la lucidité prophétique de Dietrich Boenhoffer : « Dieu nous fait savoir qu'il nous faut vivre en tant qu'hommes qui parviennent à vivre sans Dieu. Le Dieu qui est avec nous est celui qui nous abandonne (Mc 25, 34 : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?) (...) Devant Dieu et avec Dieu, nous vivons sans Dieu. Ce à quoi réponds le « qu'il est douloureux d'être sans lui » de mère Thérèsa. Ainsi la nuit serait-elle la condition évangélique de l'existence chrétienne dans la modernité d'aujourd'hui, au prix, selon Bonhoeffer, d'une rupture »(1)

Quelle rupture ? Renoncer à une réussite humaine, voire cléricale, pour « se mettre pleinement entre les mains de Dieu » (...) « prendre au sérieux [les souffrances des hommes et] de Dieu dans le monde [et veiller] avec le Christ à Gethsémani (...) c'est ça la foi, c'est cela la metanoia [la conversion] » ultime. (1)

Est-ce que je déforme le message ? Peut-être un peu, à l'aune de ma désespérance sur l'état du monde. Mais pas vraiment sur le chemin, je pense, de la conversion à accomplir.

« Même Dieu ne pouvait pas offrir de plus grand amour qu’en Se donnant Lui-même comme Pain de vie, pour être rompu, pour être mangé, afin que vous et moi, puissions manger et vivre, puissions manger et satisfaire ainsi notre faim d’amour. Pourtant Il ne semblait pas satisfait, car Lui aussi avait faim d’amour. Il s’est donc fait l’Affamé, l’Assoiffé, le Nu, le Sans-logis, et n’a cessé d’appeler (2)

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 457-8

(2) Mère Teresa, Ibid. p. 461

25 juillet 2019

Solitude et absence du Père - De Speyr à Teresa - 8

Il faut revenir à l'analyse d'Adrienne von Speyr sur la place du « non-voir » qu'évoque le dialogue entre Moïse et Dieu en Exode 33 pour comprendre ce qu'elle contemple en Christ face à l'expérience de la déréliction. « Le non-voir est la condition même de la contemplation de la croix, de ce Dieu dont aucune image ne peut être donnée (1) ». La privation du voir est vision sur le mode de la non vision. Le refus du visage, la solitude est le chemin du mystère... La nuit contemporaine résiste à toute assimilation.
Elle conduit à la foi véritable évoqué à Thomas : « heureux qui croit sans avoir vu ». N'est-ce pas le chemin de nos solitudes...?

« il s'en est allé, l'amour pour quoi que ce soit, pour quiconque ; et, malgré cela, je brûle jalousement de désir pour Dieu, à L'en aimer de chaque atome de vie en moi. Je veux L'aimer d'un amour profondément personnel. Je ne peux pas dire que j'en suis distraite, car mon esprit, mon cœur sont ordinairement avec Dieu. Tout cela vous paraît délirant devant tant de contradictions ! »(2)
Et pourtant il y a l'essence de la déréliction speyrienne.

(1) Adrienne von Speyr, le visage du Père, p. 68-69, cité par Hans Urs von Balthasar et François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 438

(2) ibid p. 439

Solitude périphérique 7 - Mère Térésa

Comme en écho à mes 6 premiers billets sur le thème de la solitude, cette affirmation de mère Térésa vient résonner à mes oreilles : « En moi, rien d'autre que ténèbres, conflit, et cette si terrible solitude. Je suis parfaitement heureuse d'être comme ça jusqu'à la fin de ma vie »(1)

Sans commentaire

(1) cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 437

23 juillet 2019

Amour en toi - 37 - Mère Teresa

Au milieu de sa nuit, Mère Teresa rejoint à sa façon le chemin d'Etty Hillesum dans les camps de la mort : « Aucune joie, aucun attrait, aucun zèle dans mon travail (...) Je fais de mon mieux. Je me dépense, mais je suis plus que persuadée que cet ouvrage n'est pas le mien. Je n'ai aucun doute : c'est Vous qui m'avez appelée, et avec tant d'amour et de force ! C'était Vous, je le sais. C'est pourquoi cet ouvrage est le Vôtre et c'est encore Vous maintenant... » (1)

«Non pas que de nous-mêmes nous soyons capables de considérer quoi que ce soit comme venant de nous-mêmes: notre capacité vient de Dieu. C’est lui aussi qui nous a rendus capables d’être ministres d’une alliance nouvelle » (2 Corinthiens‬ ‭3:5-6‬ ‭NBS‬‬)

« Ne vous gonflez pas d’orgueil, car vous avez Jésus Christ en vous » (2)

Une leçon d’humilité...

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 434
(2) Saint Ignace d’Antioche, Lettre aux Magnésiens.

16 juillet 2019

Nuit et espérance - Mère Teresa

Au coeur de sa nuit mère Teresa aurait trouvé un soulagement dans une biographie d'un frère jésuite, fray Benito de Goes : « l'espérance tient à bout de bras deux évidences incompatibles : l'impossibilité d'un Dieu injuste ou cruel, et pourtant son retrait, son incontestable absence. Mais « le temps viendrait où Dieu remplirait ce qu'il a vidé »(1)

Ce vide est-il comme le suggère François Marxer une opération purificatrice afin que soit réalisée une plénitude plus que jamais attendue ? « Lorsque le temps viendra, l'obscurité de la nuit sera dissipée par les éclairs de la miséricorde divine ». Ce texte résonne chez mère Teresa comme le signe possible de l'« épiphanie intense, brutale et soudaine d'une Présence » possible. (...) Présence oui, mais si lointaine » (2) pour celui qui souffre ou voit souffrir autrui et se retrouve si démuni.

Mon Dieu que ton absence est douloureuse, pourrait-on ajouter même si en cette absence c'est nous qui sommes interpellés pour être à notre tour présence et disponibilité...

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p.431
(2) p. 432

05 juillet 2019

Hineinhorchen - Etty Hillesum - Amour en toi 37

« La paix me révèle disponible à une Présence qu'Etty aura désignée du nom de « Dieu », une aptitude qui, quelques mois plus tard, se perfectionnera dans ce hineinhorchen, cet écouter-au-dedans-de-soi, qui unit la vigilance de l'attention et la profondeur de l'intériorité : « une heure de paix, ce n'est pas si simple.Cela s'apprend. Il faudrait effacer de l'intérieur tout le petit fatras bassement humain, toutes les fioritures. Une petite tête comme la mienne est toujours bourrée d'inquiétude pour rien du tout. Il y a aussi des sentiments et des pensées qui élèvent et vous libèrent, mais le fatras s'insinue partout. Créer au-dedans de soi une grande et vaste plaine, débarrassée des broussailles sournoises qui vous bouchent la vue, ce devrait être le but de la méditation. Faire entrer un peu de « Dieu » en soi (...). Faire entrer aussi un peu d'«Amour » en soi, pas cet amour de luxe à la demi-heure dont tu fais tes délices, fière de l'élévation de tes sentiments, mais d'un amour utilisable dans la modeste pratique quotidienne. » (...) Existence alors réconciliée qui ne connaît plus le trouble [en dépit du déversement de haine et de malheur qui l'entoure], mais qui n'est pas désertée pour autant par l'émotion : la compassion ou la joie sont au rendez-vous, car ce destin prend forme d'alliance : « j'ai rempu mon corps comme le pain et je l'ai partagé entre les hommes. Et pourquoi pas ? Car ils étaient affamés et sortaient de longues privations » - allusion eucharistique à peine voilée. Cette alliance prend corps dans un amour qui s'adresse à tous et chacun, car il est de sa vérité de ne pas se contenter de se « déverser » sur un seul (...). « Il ne suffit pas de te prêcher, mon Dieu, pour te mettre au jour dans le coeur des autres. Il faut dégager chez l'autre la voie qui mène à toi, mon Dieu, et pour ce faire il faut être un grand connaisseur de l'âme humaine (...) on pourrait faire de chacune d'elle un sanctuaire pour toi, mon Dieu.(1)

À contempler sans modération.

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 374-5

04 juillet 2019

Nuit des ténèbres - Adrienne von Speyr

Personne plus qu'Adrienne von Speyr n'a été aussi loin sur la nuit des ténèbres et sur l'abandon ressenti par le Fils. Comme le souligne à ce sujet François Marxer : « si le Père à nos yeux se détournent du Fils par lui abandonné, ce n'est pas réprobation ni châtiment - là est l'erreur de toute la théologie victimaire –, c'est, dans la suprême spontanéité de l'amour, pour lui faire connaître, jusque dans le frémissement de sa chair accablée et la désolation de son âme, le mystère impensable de Qui il est. Le secret que protégeait le Buisson ardent est levé, et ainsi s'accomplit le mystère de Dieu, à l'évidence inconcevable. Aussi inconcevable que la méchanceté d'un Dieu cruel, cette impensable façon d'en rendre compte ; aussi inconcevable (et scandaleux) que la coupe d'amertume et d'angoisse qui, sans alternative, s'offre aux mystiques et leur fait goûter (et peut-être même concevoir) cette inconcevabilité même. La nuit est le dévoilement de Dieu. » (1)

Adrienne va loin. Elle médite sur la révélation d'un Fils qui plonge dans l'abîme absolu, là où Dieu n'est plus. Dans toute nuit se pose la question de cet abandon de Dieu. Malgré nos doutes, notre espérance repose sur ce constat. Il a traversé la mort, la déréliction, l'abandon, la nuit. Dans ce désert Dieu semble mort et pourtant il est là, pleurant peut-être de notre douleur à nos côtés. Toute tentation de penser que Dieu voudrait réparation est une fausse route. Si Dieu se tait, c'est pour notre salut. Car au delà de nos nuits obscures, à la suite de saint Jean de la Croix (comme il l’exprime dès le début de son livre éponyme), nous pouvons affirmer qu'il nous relève.

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 334

01 mai 2019

Liberté et Kénose 4

Quelles sont les conditions d'une vraie liberté en Christ. Faut-il renoncer à tout ? Tout est rien disait déjà la grande Thérèse...

Suivre le Christ.

Où demeure-tu ? 
«Il leur dit: Venez et vous verrez. Ils vinrent et virent où il demeurait; ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là. C'était environ la dixième heure.»
‭‭(Jean‬ ‭1:39‬)

Un texte qu'il faut mettre en regard avec Mat. 8 : «Jésus lui dit: Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a pas où poser sa tête.»
‭‭Matthieu‬ ‭8:20‬

"Renoncer à ce qui est propriété, à tout pouvoir, et même à toute habitation (Heimat) voire tout lieu (topos). L'Unheimlich [d'Edith Stein] vous déloge de toute topographie, comme le Christ qui refuse de considérer comme propriété son égalité avec le Père et le site de majesté qui lui est propre, mais - Kénose - il prend le topos du serviteur dans le site de l'humanité Être seul, être fidèle à Dieu : c'est, à sa mesure, l'expérience de la nuit, consentie dans la patience qui laisse tout grandir et mûrir devant Dieu. Nuit lumineuse et paisible que ne vient froisser nulle mélancolie (...)  nuit d'engendrement qui lui donne de percevoir le Christ comme bonheur ultime de tout le créé, (...) dans la paix inexprimable du sein du Père dans la gloire qu'il avait avant que le monde fut".(1)

Laisser être ce qui est comme il est, sans vouloir le produire, le fabriquer, sans s’en prétendre propriétaire (2).

Laisser être et espérer.

N’est-ce pas là la grâce de la liberté. Décentrement ET espérance.
“Ave Crux, spes unica” (Je te salue, oh Croix unique espérance).



(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 284
(2) p. 291

30 avril 2019

Le fruit inattendu du silence - Edith Stein - Amour est en toi - 33

Quel est le fruit du silence sur l'âme ? Faut-il, comme le suggère Edith Stein, « attendre avec patience l'heure qu'il a fixé ; cheminer dans l'obscurité comme nous conduit le souffle léger de l'Esprit, et, sans être vu d'aucun regard humain, cueillir les fleurs qui fleurissent au chemin(1) ». L'enjeu est cette présence fortuite et silencieuse qui tout d'un coup éclaire nos âmes à jamais :
 «  Un éclat de ciel reste dans l'âme 
Une profonde lueur reste dans les yeux,
Un flottement dans le son de la voix. »
Cette trace est cicatrice d'un lumineux rayon venu d'ailleurs –rayon de nuit -, qui éclaire chacun des instants présents que je vis comme émerveillement, dans la reconnaissance.(2)
Telle est le fruit inattendu d'une prière au désert, quand au-delà d'une sécheresse qui frise le désespoir, nous percevons dans un frisson inattendu qu'il était là mais qu'on le cherchait ailleurs.
« Nous ne pouvons que nous étonner, balbutier et nous taire »(2)
Où comme le fit Moïse retirer nos sandales car ici le voile se déchire et le buisson ardent illumine nos âmes.

« Centre de tous les cœurs humains
Qui nous prodigue la vie divine.
Il nous attire à lui avec une force mystérieuse ; 
En lui il nous attire dans le sein du Père
Et nous inonde avec le Saint-Esprit (3).

« Tu viens et tu t'en vas, mais reste la semence
Que tu semas pour ta gloire future
Cachée dans le corps de poussière ». (4)



« Nos paroles tremblent : à quelle justesse peut-elle prétendre, quelle vérité peuvent-elles revendiquer (...) sinon celle de la kénose de ce Dieu qui s'anéantit pour moi et en moi ? »

(1) Edith Stein, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 270.
(2) Edith Stein, ibid. p. 271.
(3) p. 272.
(4) 273.
(5) François Marxer, ibid. p. 275.

18 avril 2019

Silence et liberté 2 - Edith Stein - L'amour est en toi - 31

Le repos en Dieu...
Prendre le temps du silence comme celui du désert c'est atteindre un "état de totale suspension de toute activité de l'esprit, dans lequel on ne peut plus ni dresser de plans, ni prendre de décision, ni même rien faire, mais où, ayant remis tout l'avenir au vouloir divin, on s'abandonne entièrement à son destin. Cet état, je l'ai éprouvé quelque peu, à la suite d'une expérience qui, dépassant mes propres forces, consomma totalement mes énergies spirituelles et me déroba toute possibilité d'action. Comparé à l'arrêt de l'activité faute d'élan vital, le repos en Dieu est quelque chose de tout à fait nouveau et d'irréductible. Auparavant, c'était le silence de la mort. À sa place succède un sentiment d'intime sécurité, de délivrance de tout ce qui est souci, obligation et responsabilité par rapport à l'agir. Et tandis que je m'abandonne à ce sentiment, voici qu'une vie nouvelle commence peu à peu à me combler et - sans aucune tension de ma volonté – à me pousser vers de nouvelles réalisations. Cet aflfux vital semble venir d'une Activité et d'une Force qui n'est pas la mienne et qui, sans violence, devient active en moi" (1)

Ce détachement, ce décentrement est peut-être ce que Duchesne décrit comme la grâce de la liberté. Il se nourrit de cette quête intérieure, est souffle au sein de la chambre haute, travail de l'Esprit, communion avec cette Activité et cette Force dont parle Edith Stein en utilisant des majuscules.

(1) Edith Stein, La causalité psychique, article de 1922, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 268

17 avril 2019

Au fil de Jean 18-19 - Homélie du vendredi saint, La passion de notre seigneur selon saint Jean.

Cinquième ébauche...

Frères sœur entendons-nous le cri de Dieu vers l’homme ?
Entrons dans le silence. Entendons-nous son « J’ai soif »
Son « j’ai soif de toi », crié à l’humanité ?

Je vous propose de regarder d'abord un détail du texte lu ce soir avant de prendre un peu de recul.


Il y a entre les lignes, dans l'Évangile une triple affirmation de Jésus : « Je suis ». Il l'a redit trois fois dans le jardin ! Si vous ne l’avez pas entendu, prenez le temps ce soir de le relire.
Je suis… Comme nous l’expliquait Vital dernièrement, le « Moi Je suis » est l’affirmation propre de Dieu. On l’entend dans le récit du buisson ardent : Moi je Suis… (Ex 3). Le Christ nous révèle son Je suis, car il ne renie pas sa place. Si Dieu se tait sur la Croix c'est après avoir affirmé qu'il était Dieu. 
Face à ce "Je suis", devant qui tous tombent à terre, Pierre lance trois fois son « Je ne suis pas »… En grec, cela sonne très proche « ego eimi / ouk eimi » Je suis / Je ne suis pas…

Et nous, frère et sœurs… Qu'aurions nous répondu ? 
La question est difficile...  « Je suis avec toi ? Où, je ne suis pas… Il serait prétentieux d’affirmer que nous sommes plus forts que Pierre. Nous le savons, trop souvent nous fuyons.

Il nous faut maintenant prendre un peu de recul au delà de ce récit. 
S’il y a en effet un mouvement que cette triple affirmation et négation révèle et que l’on peut observer dans la nuit du vendredi Saint, c’est celui d'un grand V… Et je vous invite à le voir se dessiner dans votre cœur, en fermant les yeux...

Ce signe a commencé à être tracé par le Verbe de Dieu, dès le commencement du monde. C’est le signe de l’amour de Dieu qui sépare le ciel et la terre et nous donne déjà son amour par la finesse inouïe de sa Création.
C’est le signe donné à l’homme dans le jardin d’Eden, en plantant en son milieu un arbre fragile, que l’homme ne va pas voir…
Après ces merveilles qui font écho avec les dons que Dieu nous fait, résonne une question, qui amorce la descente de Dieu... Le mouvement du V se trace alors vers le bas. Alors qu'Adam cherche à monter, Dieu descend, se fait "plus bas"...

Où es-tu ? Demande Dieu à Adam… (cf. Gn 3, 9)
Cet où es-tu ? nous l’avons entendu tout au long de l'Évangile de Jean. Je vous l’ai déjà évoqué lors du récit de la Samaritaine, dans son « Donne moi à boire ». Il s’est entendu aussi, très discrètement hier dans le récit du lavement des pieds, quand Jésus se met à genoux devant l’homme et lui demande son amour.
Où es-tu homme ?

Le V trouve aujourd’hui son point bas, sur une Croix…
J’ai soif… (1) J'ai soif de toi...
Nous entrons maintenant dans le silence qui suit ce point bas… Dieu semble se taire...
Quand nous souffrons, nous avons du mal à l'entendre...
Et pourtant déjà Jean nous donne un signe que Dieu nous relève, dans ce cœur transpercé. Ce qui jaillit du coeur du Christ transpercé nous arrose de ses biens et nous introduit à la lumière éternelle de Dieu. Pour saint Jean en effet, l'eau et le sang, jaillissant du cœur du Christ est le signe d'un amour débordant, de ce grand fleuve que nous annonçait déjà Ezéchiel. 

Nous allons vite remonter vers l’autre face du V, vers la Résurrection. Mais ne remontons pas trop vite. Méditons d'abord ce V de Dieu vers l’homme, son agenouillement et son cri. « J’ai soif de toi ». A ce cri, dans le silence de la nuit répond le cri de l’homme souffrant. Jésus en allant jusqu’au bout de « Me voici » en répondant Oui à l’appel de Dieu dans le jardin, nous conduit jusqu’à l’heure où à notre tour nous ne répondrons plus, comme Pierre au jardin "je ne suis pas"… Disons dans notre cœur, devant un Dieu à genoux, ce « Me voici » qu’il attend depuis toute éternité. 

Le vendredi saint nous fait entrer dans le grand silence intérieur qui se poursuit jusqu'à Pâques. C’est d’abord le silence abasourdi de contempler ce qui a conduit l’homme Dieu à la Croix. Il peut ensuite devenir “silence habité de la Parole divine, laissant celle-ci agir et donner son fruit de louange et d‘action”(2).

Ce silence, nous le partageons avec tous les hommes. La grâce de Dieu qui nous habite nous permet peut-être de répondre à l’"où es-tu ?" Elle devient grâce de liberté(3), agir, réponse libre aux cris de l’homme. Écoutons ce soir, dans le silence, cet où es-tu de Dieu. C'est dans le silence que nous trouverons la force qui faisait défaut à Pierre. Nous avons reçu ce qu'il n'avait pas encore. Au fond de nous, la force de l'Esprit, au fond de notre cœur, nous appelle sans cesse à répondre, en toute liberté à l'appel. Alors, dans le silence, glissons un "Me voici, Seigneur"...

Écoutons sur ce point Edith Stein : "Auparavant, c'était le silence de la mort. À sa place succède un sentiment d'intime sécurité, de délivrance de tout ce qui est souci, obligation et responsabilité par rapport à l'agir. Et tandis que je m'abandonne à ce sentiment, voici qu'une vie nouvelle commence peu à peu à me combler et - sans aucune tension de ma volonté – à me pousser vers de nouvelles réalisations. Cet afflux vital semble venir d'une Activité et d'une Force qui n'est pas la mienne et qui, sans violence, devient active en moi" (4)

Ce détachement, ce décentrement est peut-être ce que Jean Duchesne décrit comme la grâce de la liberté. Il se nourrit de cette quête intérieure, est souffle au sein de la chambre haute, travail de l'Esprit, communion avec cette Activité et cette Force dont parle Edith Stein en utilisant des majuscules.

 Amen…

(2) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 267
(3) cf. Jean Duchesne, Chrétiens, la grâce d’être libres, Paris, Artege, p. 9
(4) Edith Stein, La causalité psychique, article de 1922, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 268