« La paix me révèle disponible à une Présence qu'Etty aura désignée du nom de « Dieu », une aptitude qui, quelques mois plus tard, se perfectionnera dans ce hineinhorchen, cet écouter-au-dedans-de-soi, qui unit la vigilance de l'attention et la profondeur de l'intériorité : « une heure de paix, ce n'est pas si simple.Cela s'apprend. Il faudrait effacer de l'intérieur tout le petit fatras bassement humain, toutes les fioritures. Une petite tête comme la mienne est toujours bourrée d'inquiétude pour rien du tout. Il y a aussi des sentiments et des pensées qui élèvent et vous libèrent, mais le fatras s'insinue partout. Créer au-dedans de soi une grande et vaste plaine, débarrassée des broussailles sournoises qui vous bouchent la vue, ce devrait être le but de la méditation. Faire entrer un peu de « Dieu » en soi (...). Faire entrer aussi un peu d'«Amour » en soi, pas cet amour de luxe à la demi-heure dont tu fais tes délices, fière de l'élévation de tes sentiments, mais d'un amour utilisable dans la modeste pratique quotidienne. » (...) Existence alors réconciliée qui ne connaît plus le trouble [en dépit du déversement de haine et de malheur qui l'entoure], mais qui n'est pas désertée pour autant par l'émotion : la compassion ou la joie sont au rendez-vous, car ce destin prend forme d'alliance : « j'ai rempu mon corps comme le pain et je l'ai partagé entre les hommes. Et pourquoi pas ? Car ils étaient affamés et sortaient de longues privations » - allusion eucharistique à peine voilée. Cette alliance prend corps dans un amour qui s'adresse à tous et chacun, car il est de sa vérité de ne pas se contenter de se « déverser » sur un seul (...). « Il ne suffit pas de te prêcher, mon Dieu, pour te mettre au jour dans le coeur des autres. Il faut dégager chez l'autre la voie qui mène à toi, mon Dieu, et pour ce faire il faut être un grand connaisseur de l'âme humaine (...) on pourrait faire de chacune d'elle un sanctuaire pour toi, mon Dieu.(1)
À contempler sans modération.
(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 374-5
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