29 juillet 2005

Chemins de dialogue

Une bonne lecture pour découvrir le meilleur de nos religions dans le respect des uns et des autres et l'humilité des dérives passées.

Le Roi, le sage et le bouffon, de Shafique Keshavjee,
ISBN 202039910.5

Une réalisation en partenariat de la plateforme interreligieuse de Genève...

28 juillet 2005

Participant du Verbe

En renonçant à notre humanité, nous devenons admis à la procession du Fils, par et à travers l'Esprit Saint pour devenir enfants de Dieu. Ainsi, pour Irénée, le Verbe divin se fait porter par l'homme et l'homme offre une place au Verbe.
L'âme devient comme une femme enceinte qui a reçu la semence du Verbe. "Etre en grâce", cela se produit à partir du moment où l'autopossession de soi déploie ses dimensions à la fois vers l'origine et la fin jusqu'à reconnaître le don de Dieu et entrer dans la transcendance qui ouvre le fini à l'infini.
Cette grâce est l'amour divin offert et l'être de Dieu donné. La convergence recherché entre le don total de la créature à la volonté divine jusqu'à l'acte de se laisser engendrer par le Père avec le verbe Fils qui va jusqu'à dire "qu'il m'advienne selon ta Parole", c'est se laisser nouer la ceinture et en cela accueillir l'Esprit comme le don absolu de Dieu et dans cette rencontre devenir fécond.
De fait, étant infini par nature, la liberté divine ne peut pas ne pas être là où il y a une liberté finie mais sa présence est "secrète et latente" ce qui permet à la liberté de se réaliser, radicalement comme décision authentique pour ou contre son abandon à Dieu. L'immanence de Dieu comme grâce ne peut être une réalité étrangère ni autre chose. C'est donc d'une altérité intérieure qui est en cause.(1) On rejoint là ce soi-même comme un autre de Ricoeur, où la liberté finie est travaillée dans l'histoire et dans le temps à la recherche d'un appel transcendant véritable.
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, ibid p. 264 à 273

Petite pause

La vie familiale étant prioritaire...
Vous n'aurez que quelques billets clairesemés jusqu'au 16 août...
Bon été.

26 juillet 2005

Exercices spirituels ignatiens...

"Quand l'individu s'est dépouillé de soi, il s'est fait différent pour se tourner uniquement vers la volonté divine, loin de sombrer dans l'abîme "sans mode" de la divinité, il se voit revêtu par la volonté infinie du Père, de la forme de son Fils et il obtient par là un mode bien défini qui est "l'être dans le Christ" ou l'être du Christ en lui. Accueillir ce mode est précisèment toute la pratique des exercices spirituels d'Ignace de Loyola." (1)
On rejoint là pour moi tout ce qui a été introduit en matière de décentrement, en soi, pour se laisser interpeler par le Christ, habiter en lui et se faisant renoncer à tout ce qui en nous n'est pas de lui. D'où cette belle prière ignatienne : "Fais que mes pensées, mes actes et mes paroles soient au service de ta divine majesté".

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, ibid p. 264-5

25 juillet 2005

Prière inutile ?

A cette question lancinante, Balthasar insiste sur l'exhortation du Fils à la prière et notamment au Notre Père. Il évoque aussi ce qu'il appelle la "circumincession trinitaire" (1) c'est-à-dire la demande en communion avec une unanimité écclésiale et dans l'esprit qui est seule capable d'infléchir la volonté de Dieu le Père. On peut résumer cela dans le sens de cette symphonie des libertés finies en Dieu, où l'on verrait une hypostase faire une demande à une autre hypostase dans la cadre d'une alliance instituée par le Christ.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, ibid p. 261

24 juillet 2005

Je et Tu

Le Je et le Tu s'inscrit dans cette intimité véritable d'un Dieu qui n'est pas autre puisque nous sommes en lui et donc d'une relation qui ne peut être qu'un coeur à coeur.
Le Tu s'insère donc dans cette double dimension d'un Dieu proche et qui nous considère comme unique. C'est le Tu dis à Zachée dans l'"aujourd'hui, je vais habiter dans ta maison...."
Mais en même temps il s'inscrit dans la reconnaissance que cette liberté finie au sein de l'infini est une grâce, une somme de dons. Alors l'élan du coeur passe au delà de la distance, dans un dialogue véritable, à l'image de ce coeur à coeur du Fils et du Père, comme une réponse à cette invitation à participer à la symphonie des Personnes divines dans la Sainte Trinité...

23 juillet 2005

Présence

Il est là présent dans la chair d'un individu juif crucifié, présent aussi dans sa chair et son sang partagés. Ce Dieu caché c'est aussi le don excessif d'un amour et une exigence plus grande vis à vis de la liberté finie.
On retrouve ce corollaire à la grâce. Si nous en prenons conscience, il devrait naître en nous un appel immense à la responsabilité...

22 juillet 2005

Talents

Balthasar évoque un repli de Dieu qui pourrait aller jusqu'à l'effacement et qui peut s'expliquer comme le désir de Dieu de donner à l'homme une liberté (finie) Cette réserve divine il faut l'entendre pour lui comme la parabole des talents : il leur donne liberté mais c'est sa propre fortune qu'il leur donne, un présent immense et caché. On ne peut le connaître (Rm 1,21) (1)
On voit surgir par delà cette description la parabole du fils prodigue, où Jésus nous décrit si bien la miséricorde de Dieu, devant ceux qui dilapident les richesses, mais restent aimés de Dieu...
(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 235-236

21 juillet 2005

Trinité...

Pour Balthasar, il semble que dans l'infini des personnes divines "soient ménagés en elle comme des espaces infinis de liberté pour que puissent s'effectuer les échanges entre" les trois personnes divines de telle sorte qu'il n'y ait aucune fermeture sur une identité confinée en elle-même. Pour lui, cela permet de qualifier ces échanges comme don, communion, réciprocité, joie, espérance et accomplissement parce que Dieu peut tout attendre de Dieu. Il parle à ce stade d'une intercession réciproque, d'une "parfaite transparence" et du mystère personnel inviolable (1) de chaque hypostase (personnes divines). Pour quelqu'un qui s'est spécialisé dans l'anthropologie du couple, cette danse des libertés divines, n'est pas sans rebondir sur cet échange conjugal, ou les libertés sont appelées à entrer dans une danse similaire. Le couple est alors à l'image de l'échange trinitaire...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 222-3

20 juillet 2005

Libérer de l'esclavage...

Dieu vient nous libérer de nos servitudes. La liberté en Dieu, c'est peut-être cette aptitude à maîtriser tout ce qui nous détermine, tout ce qui nous rend esclave. De la passion, de l'idolâtrie, nous pouvons nous libérer, sans rejeter la réalité, le réel mais éclairé dans nos choix par ce qui au fond de nous est présence.
Ainsi, pour saint Augustin, " la liberté finie est le mouvement rationnel et autonome de l'âme, un mouvement dans lequel le moi se possède lui-même librement" (1) de sorte qu'il trouve en toute liberté une faculté de jugement (liberum arbitrum) et qu'au bout de ce chemin sa liberté finie se réalise et devient réellement liberté en actes au sein de la liberté infinie.
A la différence des pélagiens qui exalte la liberté de l'homme, Augustin insiste sur le fait que la liberté est donnée par Dieu à travers l'Esprit Saint (il évoque 14 fois l'Esprit Saint dans ce texte) . C'est la grâce de l'Esprit qui aide l'homme à rentrer dans la liberté vivante.
L'amour dépasse la loi, mais n'en demeure pas une loi (lex caritas (nº 29 de Spiritu et Littera) : "C'est Dieu qui parle intérieurement à notre esprit par son Esprit mais sous forme de persuasion et d'appel à quoi l'homme ne peut répondre qu'en exprimant gratitude, adhésion, délectation consentante." (2) Quand surgit l'assentiment la liberté finie atteint aussi sa liberté infinie. En adhérant à Dieu, elle trouve sa sagesse...
Chez Grégoire de Nysse, la liberté finie est donnée. Se recevoir d'un autre "déclenche en elle un mouvement infini qui est désir de se réaliser non en se coupant de cette source mais en s'assimilant à elle". (3)
Il y a donc rencontre, intérieure et délicate, de l'infini de Dieu en nous. Et cette rencontre reste marquée par la pédagogie et la tendresse de Dieu.
2 Chez saint Thomas d'Aquin, la liberté finie se découvre dans l'acte de présence intime à soi-même, où elle se connaît comme existante, "l'âme saisit à la fois son être propre et l'être universel, en transcendant tout les êtres singuliers. Dans cette saisie, l'être en sa réalité apparaît comme vrai et directement aussi comme bien auquel il peut adhérer." (4). Je retrouve là ce que G. Médevielle décrit dans Le Bien et le mal, ce niveau intérieur de conscience qui ne fait que reprendre la prophétie d'Ezéchiel : "Je mettrais en vous un esprit nouveau"...
Dieu m'est plus intérieur que moi-même...(5)
(1) De spiritu et Littera cité par Urs von Balthasar, ibid p.199
(2) ibid
(3) ibid. p. 203
(4) ibid p. 204
(5) ibid p. 209

19 juillet 2005

Pédagogie

"L'homme du salut, dans sa progression de l'Ancien au Nouveau Testament et à l'intérieur de celui-ci, nous décrit une "paidagôgia" (cf. Ga 4,2) qui fait passer l'humanité d'une aliénation à une condition divinement accordée "de parrhêsia", c'est-à-dire d'ouverture franche et mutuelle. Cette condition est, en principe, accessible dès maintenant mais sa pleine réalisation est encore à acquérir, car c'est aussi la condition dans laquelle Dieu sera tout en tous (1 Co 15,28)." (1)
Cette pédagogie de Dieu est pour moi une double preuve. Preuve de la liberté réelle donnée à l'homme et preuve de cette tendresse qui caractérise le dessein de Dieu sur l'homme. Non seulement nous sommes libres, mais nous ne sommes pas abandonnés par Dieu sans savoir quoi faire de cette liberté. Il nous prends par la main, et nous accompagne, se fait chemin pour nous aider à trouver en nous, cette vérité qui nous rendra vraiment libre et à la fois participant d'une liberté plus grande encore.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 197

18 juillet 2005

Au delà de la maîtrise de soi...

Nous avons un second rôle, le pouvoir et le devoir de choisir de sortir de soi "pour entrer dans ce qui est autre est signe à la fois d'indigence et de richesse et cette bivalence est, à son tour, l'origine d'une décision : "ou bien la liberté finie prétendra utiliser la richesse de son ouverture pour s'enrichir elle-même simplement, ou bien elle verra dans cette ouverture la possibilité de s'en remettre à la liberté infinie et infiniment libérante de l'être (...) médiation sociale ou les libertés s'enrichissent mutuellement, de leur désintéressement sans égoïsme fournit des éléments de compréhension sur les rapports entre liberté finie et infinie. Tout cela n'est possible que s'il y a ouverture spontanée de la liberté infinie." (1)
En nous faisant participant du mystère, en venant habiter notre intimité la plus profonde, en nous envoyant son Esprit, Dieu manifeste la profondeur et l'infini de son amour, qui nous convie à cette symphonie du monde. Cette ouverture possible à l'infini de Dieu est ce qui nous permet d'entrer dans la louange véritable.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 196

17 juillet 2005

Symphonie...

Pour Henri de Lubac, qui reprend un paradoxe de saint Thomas d'Aquin, "l'homme tend à s'accomplir dans un absolu qu'il ne peut, bien qu'il soit causa sui, atteindre de lui-même ni par l'enrichissement d'un étant ou d'un bien fini quelconque. Ceci fait précisément, selon saint Thomas, la grandeur de l'homme". Saint Anselme : "n'est libre que celui qui aime le bien, parce que c'est le bien". (1)
Nous sommes donc invités à cette symphonie infinie du monde, alors même que nos pouvoirs sont limités. Mais n'est-ce pas d'une certaine manière la grâce même de se reconnaître à la fois brin d'herbe dans le jardin de l'humanité et en même temps unique aux yeux de Dieu car participant à l'harmonie de l'ensemble.
Dans son fameux discours sur "La dignité de l'homme", Pic de la Mirandole (1494) soulignait qu': "à tout moment ton esprit est mû par l'Esprit divin... Si tu te laissais faire, tu serais élevé jusqu'à Dieu... Telle est la véritable béatitude, être un seul esprit avec Dieu, pour posséder Dieu en Dieu et non en nous, le connaître comme nous sommes connus de lui" Hexaplus 7 (éd. Gavin, 336). (2)

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 194
(1) ibid p. 195

16 juillet 2005

Pourquoi le mal ?

Pourquoi Dieu crée-t-il des êtres capables de lui désobéir ?
La réponse de saint Irénée serait que "c'est parce que la liberté finie devait d'abord faire l'expérience de sa finitude et de son indigence, mesurer tout l'espace de ses possibilités afin d'apprendre par l'expérience (peira) qu'elle ne peut s'accomplir qu'en suivant le conseil et l'inspiration de Dieu." En cela note Balthasar l'expérience du fils prodigue est au coeur du plan de Dieu à la différence du bien acquis sans effort qui n'a aucun attrait. Mais pourquoi le salut est-il arrivé si tardivement dans le temps ? Saint Irénée répond qu'il fallait d'abord que mûrisse l'expérience (cf. ibid, IV 38,1,4) c'est alors que le regard se tourne vers la liberté infinie pour affirmer en elle les attributs de générosité et de longanimité. (1) Il y aurait donc une pédagogie de Dieu qui laisserait l'homme jouir de sa liberté tout en le couvant de sa présence, de biens et de dons, de signes et d'appels. Mais en ne le forçant jamais. Pourrait-t-on aller jusqu'à dire que la liberté de l'homme n'est pas finie par le fait de Dieu mais par l'extérieur. Dieu ne veut pas que le choix ne soit pas intérieur, ce qui enlèverait à l'homme tout mérite, mais face à ce qui le détourne, il le comble de grâce, afin que jamais il ne puisse in fine ne pas avoir la force de se tourner vers lui.
Ainsi, selon Clément d'Alexandrie, Dieu ne nous contraint jamais. Il veut que nous soyons sauvés en vertu de notre propre décision.
La liberté de l'homme est donc de son fait. Pour Grégoire de Nysse, cette liberté humaine est sa dignité, ce qui fait de lui un roi : "Nous sommes nos propres géniteurs puisque nous faisons ce que nous voulons être" (44, 328B) (2)
C'est sa liberté de choix qui fait de l'homme le véritable partenaire de Dieu ; c'est parce qu'il n'est pas Dieu qu'il peut être image de Dieu et semblable à Dieu.


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 186
(2) cité par Balthasar, ibid p. 188

15 juillet 2005

Dieu n'est pas égoïste

Si Dieu n'était qu'une personne, il serait égocentrique.
Le Dieu chrétien est tout sauf cela et c'est la le centre du mystère trinitaire où Dieu se fait don personnel, générosité pure, réciprocité d'amour. Il y a dans cette aperçu de Dieu qu'il nous a été donné de percevoir, la lumière d'une révélation de ce qui reste pourtant insaisissable. Dieu est amour et la Trinité qui va jusqu'à associer l'homme par le don de l'Esprit est cette symphonie de liberté.

14 juillet 2005

Lien social

"En dehors du lien social, il n'est pas de discours valable sur la liberté". (1) La liberté n'a de sens que conçu dans l'ampleur d'une société à modeler. Dieu n'est pas intervenu pour un homme mais pour l'humanité toute entière, non pour une élite mais pour le monde, afin que tous ensembles, ils aient accès à la joie véritable. C'est pourquoi le jugement ne peut-être qu'eschatologique. Le champ restera porteur du bon grain et de l'ivraie dans la folle espérance que le bon grain attire à lui tous les hommes.
A l'inverse, toute autarcie, tout repliement sur soi n'est finalement qu'une forme d'évasion.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 174

13 juillet 2005

Libertés...

On parvient au paradoxe christologique qui, sans mélange de liberté (cf. le concile de Chalcédoine) "fait habiter la liberté infinie dans la liberté finie et permet ainsi la liberté finie de s'accomplir dans la liberté infinie, sans que ni l'un ni l'autre ne perde son identité. Tel est le point d'arrivée de la théologie dans Maxime le Confesseur qui tire les conséquences dernières des pères de l'Eglise et des impasses des hérésies. C'est en Christ que se trouve le centre du drame divin. En Christ la rencontre et la communion réciproque sans séparation (toujours selon Chalcédoine) est assurément le point culminant de la relation du fini à l'infini" (1) Si l'homme n'a accès de par nature qu'à une liberté finie, l'infini de Dieu est porté en lui... Et le Christ est la médiation véritable qui cristallise en lui la finitude de son humanité et l'ouverture transcendantale vers l'infini de Dieu. Or pour Balthasar, cela ne se fait que parce qu'en lui s'ouvre une possibilité de communion, c'est-à-dire non pas un agir qui se limite au moi mais est ouvert et offert à l'humanité toute entière.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 173

Athéisme

Dans le mystère de la Croix "Dieu est abandonné par Dieu parce que l'homme s'est fait athée vis à vis de Dieu": c'est le noeud du drame divin. (1) On rejoint ici cette idée d'une expérimentation par Dieu de ce qui chez l'homme est le plus difficile, le plus insupportable. Lorsque la souffrance est au plus fort, le sentiment d'abandon est insupportable et le pourquoi, le cri et la révolte comme naturelle. C'est là où le cri de Jésus, cette expérience de l'incarnation n'est pas un simulacre mais le chemin d'un jusqu'au bout de Dieu qui fait l'expérience du néant et vient l'habiter d'une présence. Au coeur de l'abandon, Dieu est là, même quand il semble absent...
Le Christ apparaît comme l'unique et indispensable médiateur mais en même temps "non exigible, qui doit s'accorder avec les deux parties sans trahir l'un ou l'autre". (2) Etre au coeur de l'humain qui n'a plus d'espoir et rester dans le divin. C'est tout le drame qui se joue dans cet incroyable rencontre entre l'homme et Dieu. On est ici à cent lieues d'une philosophie théorique et d'un Dieu loin de tout. Là se joue le drame véritable, paradoxe, mystère mais aussi source de lumière et d'espérance.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 166
(2) ibid p.167

Le Non-Autre

Dieu est tout mais il n'est pas l'autre mais le Non-Autre (cf. Nicolas de Cuse dans Chemins). Nous devons tout, y compris notre liberté au Tout de la liberté divine mais pour lui nous ne sommes pas des autres parce que nous sommes en lui et il n'est pas autre, mais bien au-delà de l'autre proche. C'est pour Balthasar un paradoxe inévitable et à la fois saisissant. Je pense que je n'ai pas fini d'en découvrir le sens...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 165

12 juillet 2005

Tout n'est pas écrit...


Urs von Balthasar s'oppose à la position d'Ephrem le Syrien dans ses hymnes sur le Paradis qui voit l'Adam avant la chute identique à l'Adam eschatologique. Chez Ephrem, le devenir est dissous dans ce qui existe depuis toujours. Mais pour Urs von Balthasar : "contre cette vision des choses, il faut maintenant maintenir que le ciel et la terre dans leur séparation ont été crées en vue d'un acte où chacun des pôles aurait à jouer le rôle positif qui lui revient ". On ne connaît pas la scène avant la fin de l'acte. Il reste des pages à écrire, sinon notre liberté même si elle est limitée n'aurait pas de sens.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 159-60

11 juillet 2005

Pauvreté de Dieu

La pauvreté (2 cor 8,9) et la kénose (ph 2,7) nous dise quelque chose de Dieu, sur sa nature même. Loin de trahir une faiblesse, ce dépouillement exprime "la plénitude et sa liberté d'être le ciel même sur la Terre" (1).
La liberté de l'homme peut de même se révéler dans sa capacité même de se décentrer. C'est-à-dire de ne pas oeuvrer pour sa propre gloire mais au contraire, d'avancer pour un autre et donc de fait, d'être libre de ce qui retient à son Moi pour participer à l'amour véritable. "A une distance infinie de soi-même nous dit Zundel". Le décentrement nous conduit à une plénitude, celle de devenir participant non de nous-mêmes mais de l'amour de Dieu...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 158

10 juillet 2005

Perdre pour gagner

Le procès de Job à Dieu indique obscurément d'avance la Croix de Jésus dans laquelle Dieu semble avoir perdu la partie dans son différent avec l'homme. Quand Dieu semble perdre le procès face à l'homme dans le destin de Jésus, il le gagne à la résurrection comme l'a montré Paul dans Romains 3,4 et comme le développe Jn dans 16, 7-11 (1) : "Si je ne pars pas, le défenseur ne viendra pas vers vous".
Je me demande si cela n'est pas encore une question de décentrement. Pour que le souffle habite nos coeurs, il nous faut aussi partir, quitter notre moi, mourir tel le grain qui meurt pour germer d'une vie nouvelle.... N'est-ce pas là le "toutes choses nouvelles" qu'aurait évoqué Jésus lors de sa passion d'après le film de M. Gibson ?

(1) Urs von Balthasar, ibid p.128

09 juillet 2005

Silence et retrait...

Pour Irénée, Dieu agit toujours par persuasion et jamais par contrainte (cf. IV 39,3, V 1,1, 19,1). La liberté (...) est docilité entre ses mains, (cf. IV 39, 2-3). "Par son comportement et parallèlement dans son idée de Dieu conçu comme abîme et silence, la Gnose condamne l'homme a toujours chercher sans jamais trouver (I, 1,4 III 24,2). Le Dieu chrétien est assez riche pour que même trouvé il soit éternellement recherché et constamment trouvé et donne accès à ses trésors inépuisables de vie.(1)
Cela interpelle ma propre vision du silence, déjà mise à mal par certains. Aurai-je des accents gnostiques dans ma recherche et cette mise en avant du silence de Dieu. La théorie du retrait de Dieu chez H. Jonas a donc ses limites et c'est vrai qu'à force de mettre en avant le silence de Dieu pour exalter la liberté de l'homme, on ne se trouve dans une impasse qui ne permettent plus la révélation. Le silence de Dieu n'est-il pas finalement une invention de l'homme qui refuse de voir en soi la présence et l'auto-communication du verbe. A méditer...

(1) Irénée cité par Urs von Balthasar, ibid p. 121-2

08 juillet 2005

Le plan de Dieu

On ne peut décider d'avance du plan d'ensemble de Dieu; il faut que le Verbe divin le révèle progressivement à l'homme appelé à la maturation de la connaissance parfaite (cf. Irénée, ibid VI,I).
Pour Irénée : "Le drame consiste en ce que la liberté humaine est considérée essentiellement comme liberté en devenir qui doit faire l'expérience de son éloignement contre nature par rapport à Dieu afin de parvenir ainsi à la connaissance intime du Bien, c'est-à-dire l'amour divin. L'expérience de la souffrance, indispensable à l'homme pour que sa liberté mûrisse intérieurement peut, alors même qu'il se détourne de Dieu devenir source du salut du fait que le verbe de Dieu (...) endure sur la croix, réellement et jusqu'en sa profondeur, cette souffrance de l'éloignement." (1)
Cela éclaire un peu pour moi ce qui restait le mystère de l'abandon de Dieu par Dieu. Pour que l'humanité du Christ soit complète et que son incarnation ne soit pas un simulacre, il fallait qu'il ressente en sa chair ce que nous ressentons au plus fort de la douleur, ce sentiment d'abandon de Dieu. Et c'est en cela que le Christ est vrai homme (mais aussi vrai Dieu) comme l'affirme notre credo.
Il y a donc un chemin possible pour l'homme, au plus profond de sa souffrance et le Christ nous en montre la voie, à travers ce combat et surtout par l'ouverture que donne en nous le message de la résurection...

(1) Irénée, cité par Urs von Balthasar, ibid p. 121

07 juillet 2005

Totalité ou pédagogie de l'auto-communication

Si Balthasar s'emporte dans l'exaltation d'une totalité hégelienne retrouvée dans les 26 emplois du mot tous dans le IVème livre de Contre les Hérésies d'Irénée je pense qu'il ne faut pas en tirer une loi. Car si pour moi la totalité a du sens dans une perception intérieure de Dieu elle reste à exclure dans toute la pédagogie de la foi. C'est probablement pour cela que je considère que Rahner et Urs von Balthasar ne sont pas éloignés sur le fond même s'ils diffèrent sur la forme...
A commenter.

06 juillet 2005

Philosophie et révélation

"La religion chrétienne est non seulement l'intégration transcendante de la liberté des logos spermatikos [Germes du verbe - expression utilisée par Justin ] de la philosophie et de l'éthique, chez les païens comme chez les juifs" elle va plus loin. Car cette totalité demeure insurpassable. Elle est en effet l'oeuvre d'un Dieu qui n'a nul besoin du monde mais qui "achève son oeuvre créatrice dans l'économie du salut, en se livrant lui-même en toute liberté" (1)
La pédagogie des mots ne pouvait être porteuse de sens universel qu'à travers sa mise en actes. C'est pourquoi, il fallait presque attendre que tout soit dit et découvert par les germes d'une philosophie secrètement habitée par Dieu, pour que la mise en acte vienne donner l'ultime convergence et en un sens la médiation unique et insurpassable de ce qu'une multitude de signes n'avait fait qu'effleurer.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 117

05 juillet 2005

Délicatesse

"La vérité divine est saisie par une méthode délicate et indirecte (...) toujours livré à la contradiction possible et à la méconnaissance". Urs von Balthasar ajoute "qu'au terme de ces réflexions on voit alors comment la grâce s'enracine dans la philosophie, pour frayer à la liberté par sa lumière, l'accès vers le centre. En cela, pour lui l'homme sans culture a autant de chance que le théologien savant de percevoir la convergence des indices et d'y adhérer si il veut. (1)
Sans cela, la foi serait une affaire d'élite et non crédible à mes yeux. Le Christ de fait était plus compris par Madeleine que par Nicodème, probablement parce que les mots ne prennent sens en l'homme que lorsqu'ils sont mis en actes par le corps. Quand le corps touche le corps par l'intérieur, les mots peuvent raisonner et prendre sens. C'est d'ailleurs ce qui différencie le Christ des philosophes grecs, même si ces derniers pouvaient déjà approcher l'essence du mystère, seul les actes de Dieu pouvait être porteur du sens véritable, en traçant l'hyperbole qui va du corps exposé et souffrant à la révélation en chaque homme de cette lumière indicible de Dieu.

(1) Urs von Balthasar, ibid p.114

04 juillet 2005

Convergence - II

"Ce centre vers lequel convergent les indices théologiques n'est autre que la majesté et l'amour infini de Dieu qui s'offre à l'homme dans sa révélation et qui l'interpelle." J.H. Newman, Sermon du 13/1/1834
Au delà de cette admirable convergence, que je qualifiais il y a déjà quelques mois de conjonction, je note l'utilisation de deux verbes qui raisonnent en mois : offrir et interpeller. C'est bien cette délicatesse qui caractérise pour moi le chemin de Dieu au delà des accents bruyants du drame intramondain.

03 juillet 2005

Décentrement

"Se laisser conduire est essentiellement une attitude de l'humilité, de la simplicité de la foi, seule cette attitude fraye le chemin à la communion divine, seule elle accorde à la lumière de Dieu tout l'espace d'un coeur purifié (Mt 5,8 : "Heureux les purs du coeur car ils verront Dieu" TGL) (1)
C'est d'ailleurs les limites d'une théologie qui a force de chercher à comprendre perd ce naturel de la confiance. Le décentrement véritable n'est-il pas de laisser vibrer en nous autre chose que notre moi, abandonner la quête de puissance pour que vibre une autre voix, qui réside en nous mais dans le silence alors que notre bruit nous occupe, fait résonner les timbales vides de notre soif d'être quelqu'un... Dur combat intérieur.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 108

02 juillet 2005

Souffrance - II

Ni les mots, ni les techniques, ni les bons sentiments prometteurs ne font le poids en face de la souffrance, toujours actuelle et à qui rien n'échappe. Toutes ces démarches sont impuissantes et dépassées "par un acte capable de transmuer de l'intérieur la souffrance et de lui conférer un sens, et cet acte ne pouvait être porté que par Dieu. Cela ouvre une perspective inattendue sur le coeur de la synthèse chrétienne, qui est la divinité du crucifié Jésus de Nazareth. La théologie de la Bible déjà et dans son sillage la patristique ont vu, dans la possibilité que Dieu souffre avec (et pour) l'homme dans l'homme-Dieu, la clef de l'énigme de l'existence humaine, ce qui donne le sens, c'est précisément qu'en Jésus le Dieu impassible peut sans cesser d'être lui-même, faire l'expérience de la mort." En cela le "Pro nobis" est le "pivot de la théologie chrétienne". (1)
J'ajouterais cette phrase du Cardinal Etchegaraï, "qui n'a pas pleuré les larmes de la souffrance ne peut compatir à la souffrance de son frère". Et c'est bien le chemin du Christ, qui a souffert, pour pleurer ensuite avec nous, dès que le mal nous ronge. Pleurer et nous aider à espérer, car cela ne fait plus de doute : "Dieu a vaincu la mort".

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 100

01 juillet 2005

Ancien Testament...

L'Ancien Testament est la "préhistoire" de ce qui "fera un jour éclater toutes les limites du sens, à savoir l'incarnation du Verbe qui donne accès à l'intelligence de la longueur, largeur, hauteur, et profondeur en un mot l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance (Ep 3, 18 sv) (1). On retrouve ici la pédagogie de Dieu qui par petites touches nous conduit à la découverte de l'indicible, cet abaissement de l'infini qui se voile pour devenir accessible à la compréhension de l'homme, sans violer sa liberté mais en lui permettant cette lente conversion intérieure au mystère. A travers la kénose de l'Ecriture pour reprendre les termes de Soloviev, à travers le Fils, puis à travers l'Esprit, c'est le Père qui s'atteste.
On comprend alors que Dieu indique à Moïse qu'il ne pouvait voir sa face. Quelle liberté lui resterait-il ? Comme le dit Hamman, c'est au creux de chacune de nos vies, dans le prolongement de la pédagogie des Ecritures que nous pouvons avancer vers le mystère, jusqu'à atteindre la joie des bienheureux : "le voir de nos yeux".


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 9