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03 juillet 2022

Le don, la danse ou le troc 2.69

 

« Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. » Marc 14, 22-24


Méditation 

Est-ce que nos rites sont aussi gratuits que les dons de Dieu ? Quel est le sens et le sommet de nos eucharisties ? A l’aube de la belle parabole du bon samaritain que nous allons entendre dimanche, il nous faut peut-être nous laisser interpeler par cette question qui interpelle nos rapports avec Dieu.

Pourquoi agissons nous ?

Que visons nous dans nos rites.




Même s’il force volontairement le trait, je crois que ce que Martin Pochon évoque dans son analyse déjà cité (1) interroge le fondement même de nos dynamiques sacramentelles.

Le sacrifice est-il un troc avec Dieu ? 

Je te donne pour que tu me donnes ? 

Ou est-il une véritable action de grâce, un don gratuit à l’image du grand Donateur qu’évoque Jean Luc Marion dans Étant donné…(2) ou D’ailleurs la Révélation (3) un don qui nous conduit au don…


La liturgie du mariage, dans sa troisième formule insiste sur le recevoir avant le don…

« Je te reçois et je me donne à toi. » 

L’ordre est important car il entre en contemplation du don…

Ce matin l’office des lectures en rappelant ce vieux texte de la Didaché souligne l’importance de l’action de grâce : « Voici comment vous rendrez grâce. D'abord sur la coupe : « Nous te rendons grâce, notre Père, pour la sainte vigne de David ton serviteur, que tu nous as fait découvrir par Jésus, ton serviteur; à toi la gloire pour les siècles. »Puis, sur le pain rompu : « Nous te rendons grâce, notre Père, pour la vie et la connaissance que tu nous as fait découvrir par Jésus, ton serviteur; à toi la gloire pour les siècles. Comme ce pain rompu, qui était dispersé sur les montagnes et les collines, a été rassemblé pour ne plus faire qu'un, ainsi que ton Église soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton Royaume. Car c'est à toi qu'appartiennent la gloire et la puissance, par Jésus Christ, pour les siècles. »(...)« Nous te rendons grâce, Père saint, pour ton saint Nom que tu as fait habiter dans nos cœurs, pour la connaissance, la foi et l'immortalité que tu nous as fait connaître par Jésus, ton serviteur ; à toi la gloire pour les siècles. » C'est toi, Maître tout-puissant, qui as créé l'univers pour la gloire de ton Nom, qui as donné aux hommes nourriture et boisson pour qu'ils en jouissent, afin qu'ils te rendent grâce. Mais nous, tu nous as gratifiés d'une nourriture et d'une boisson spirituelles et de la vie éternelle, par ton Serviteur. Avant tout, nous te rendons grâce parce que tu es puissant ; à toi la gloire pour les siècles. Souviens-toi. Seigneur, de ton Église, pour la préserver de tout mal et la rendre parfaite dans ton amour. Et rassemble-la des quatre coins du monde dans ton Royaume que tu lui as préparé, cette Église que tu as sanctifiée. Car c'est à toi qu'appartiennent la puissance et la gloire pour les siècles. Que la grâce vienne, et que ce monde passe ! » (1)


Pochon insiste sur cette action de grâce dans la Didaché en soulignant qu’elle prime à la notion sacrificielle trop mise en valeur dans les (nouvelles) formules du rituel qui pourrait à l’inverse conduire à cette mésinterprétation déjà évoquée dans mes billets précédents….


Mettre l’action de grâce d’abord, c’est entrer dans la contemplation d’un Dieu qui s’abaisse jusqu’à se donner totalement et nous invite à entrer dans la danse du don…


Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. » Marc 14, 22-24


1) Martin Pochon, L’épître aux Hébreux au regard des Evangiles, (Lectio divina), Paris, Éditions du Cerf, 2020.

(2) Jean Luc Marion, Étant donné? Essai d'une phénoménologie de la donation? Collection:  Quadrige

2013

(3) Jean Luc Marion, D’ailleurs, la Révélation, Grasset 2020

(4) Didaché, source office des lectures du 6/7/22

22 octobre 2016

Image et ressemblance - suite

L'office des lectures du samedi 22 octobre nous invite à relire la belle homélie de saint Pierre Chrysologue sur l'ancien et le nouvel Adam. 

"Saint Paul nous apprend que deux hommes sont à l'origine du genre humain : Adam et le Christ. Deux hommes égaux quant au corps, mais inégaux en mérite ; vraiment tout à fait semblables par l'agencement de leurs membres, mais vraiment tout à fait dissemblables par leur origine. Le premier Adam, dit-il, a été créé comme un être humain qui a reçu la vie ; le dernier est un être spirituel qui donne la vie. 

Le premier a été créé par le dernier de qui il a reçu l'âme qui le ferait vivre ; il a été formé par son Créateur ; et celui-ci n'attendait pas que la vie lui soit donnée par un autre, puisque c'est lui seul qui donne la vie à tous. Le premier est modelé d'un limon très vil le dernier est né du sein très noble de la Vierge ; chez l'un, la terre se transforme en chair ; chez l'autre, la chair est élevée jusqu'à Dieu. 

Que puis-je dire encore ? Le second Adam a établi son image dans le premier Adam, alors qu'il le modelait. De là vient qu'il en a endossé le rôle et reçu le nom, afin de ne pas laisser perdre ce qu'il avait fait à son image. Premier Adam, dernier Adam : le premier a commencé, le dernier ne finira pas. Car le dernier est véritablement le premier, comme il l'a dit lui-même : Je suis le Premier et le Dernier. 

Je suis le Premier, c'est-à-dire sans commencement. Je suis le Dernier, c'est-à-dire sans fin. Mais, dit l'Apôtre,ce qui est apparu d'abord, ce n'est pas l'être spirituel, c'est l'être humain et, ensuite seulement, le spirituel. En effet, la terre précède le fruit ; mais la terre n'a pas autant de valeur que le fruit. Celle-là exige des gémissements et des travaux. Celui-ci donne la richesse et la vie. Le prophète a raison de tirer gloire d'un tel fruit lorsqu'il dit : Notre terre donnera son fruit. Quel fruit ? Celui dont il dit ailleurs : C'est un fruit de tes entrailles que je placerai sur ton trône. Comme dit encore saint Paul : Pétri de terre, le premier homme vient de la terre ; le second, lui, vient du ciel. Puisque Adam est pétri de terre, comme lui les hommes appartiennent à la terre ; puisque le Christ est venu du ciel, comme lui : les hommes appartiennent au ciel. 

Comment des hommes dont la naissance n'est pas céleste pourront-ils devenir célestes, en ne gardant pas la nature de leur naissance mais en persévérant dans celle de leur seconde naissance ? (...) l'Esprit Saint féconde le sein de la source virginale du baptême, en y introduisant sa lumière : ainsi, des hommes terrestres, que leur extraction du limon de la terre avait introduits dans une condition misérable, sont enfantés à la vie du ciel et ramenés à la ressemblance de leur auteur. Puisque maintenant nous sommes renés, remodelés à l'image de notre Créateur, accomplissons le précepte de l'Apôtre :De même que nous avons porté l'image de celui qui est pétri de terre, portons aussi l'image de celui qui vient du ciel. (...)

Maintenant renés à la ressemblance de notre Seigneur, comme nous l'avons dit, (...), réalisons une image parfaite par une ressemblance parfaite avec notre Créateur, non par la gloire, qu'il est seul à posséder, mais par l'innocence, la simplicité, la douceur, la patience, l'humilité, la miséricorde, la concorde, puisque c'est par ces vertus qu'il a daigné venir et demeurer en communion avec nous."(1)

Il y a deux chemins pour l'homme,  poursuit comme en écho la Didaché, une catéchèse du premier siècle :" l'un de la vie, l'autre de la mort ; mais il est entre les deux chemins une grande différence. Or le chemin de la vie est le suivant : D'abord, tu aimeras Dieu qui t'a créé ; en second lieu, tu aimeras ton prochain comme toi-même ; et ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait, toi non plus ne le fais pas à autrui. Et voici l'enseignement signifié par ces paroles : Bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour vos ennemis, jeûnez pour ceux qui vous persécutent. Quel mérite, en effet, d'aimer ceux qui vous aiment ?(...) Veille à ce que nul ne te détourne de ce chemin de la doctrine, car cette personne-là t'enseigne en dehors de Dieu. Si tu peux porter le joug du Seigneur tout entier, tu seras parfait ; sinon, fais du moins ce qui est en ton pouvoir.(2) "

(1) Homélie de saint Pierre Chrysologue
(2) La Didachè n* 1-6 (trad. coll. Icthus, t. 1, p. 112s)