Affichage des articles dont le libellé est Exode 34. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Exode 34. Afficher tous les articles

19 juillet 2022

La danse du feu 2.74

 

« Que Dieu nous éclaire par la lumière de son visage »

Il faut tracer, là encore, un chemin fragile, pour relier la quête de Moïse en Exode 33 et 34 jusqu’à sa descente du mont Sinaï, tout illuminé de la vision de Dieu, jusqu’à celle des trois disciples lors de la Transfiguration, puis celle des disciples d’Emmaüs quand le Verbe disparaît dans une fraction du pain.


Que brille en nous l’éclat de ton souvenir…


Est-ce cette trace fragile que réveille en nos cœurs la contemplation d’une flamme fragile sous la brise ténue de l’Esprit ?


Le Christ est-il le buisson ardent d’Exode 3, qui EST et SERA, présence et absence, aujourd’hui et espérance d’un peuple en marche ?


C’est en tout cas ce que m’inspire cette magnifique contemplation d’Ambroise…


« Pourquoi détournes-tu ton visage ? Nous croyons que Dieu détourne son visage quand nous sommes dans l'affliction au point que les ténèbres recouvrent notre cœur et empêchent nos yeux de recevoir l'éclat de la vérité ! En effet, si Dieu veille sur notre intelligence et daigne visiter notre esprit, nous sommes certains que rien ne pourra nous plonger dans l'obscurité. Car le visage de l'homme est plus lumineux que les autres membres de son corps ; et, lorsque nous regardons quelqu'un, nous le découvrons s'il est inconnu, et nous le reconnaissons s'il est connu, parce qu'il ne peut échapper à notre regard. Or, combien plus le visage de Dieu éclaire-t-il celui qu'il regarde ?


La belle parole de l'Apôtre, qui est vraiment l'interprète du Christ, concerne cela comme le reste, pour éclairer vos esprits par une pensée et une sentence appropriées. Il affirme en effet : Dieu a dit : Que la lumière brille au milieu des ténèbres. Et c'est lui-même qui a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire qui rayonne sur le visage du Christ. Nous venons d'apprendre quel endroit de notre être reçoit la lumière du Christ. Il est en effet le rayon éternel des cœurs, et le Père l'a envoyé sur la terre pour que nous soyons éclairés par son visage. C'est ainsi que nous pouvons contempler les réalités éternelles et célestes, alors que nous étions auparavant captifs de l'obscurité terrestre.


Pourquoi parler du Christ, alors que l'Apôtre Pierre a dit à l'homme boiteux de naissance : Regarde-nous ? Il regarda Pierre et fut éclairé par la grâce de la foi. Car il n'aurait pas été guéri s'il n'avait pas cru.


Par conséquent, alors qu'il y avait une telle gloire chez les Apôtres, quand Zachée apprit le passage du Seigneur Jésus, il monta sur un arbre, parce que sa petite taille l'empêchait de le voir au milieu de la foule. Il vit le Christ et il trouva la lumière, il le vit, et lui, qui auparavant dérobait l'argent des autres, apporta le sien. ~


Pourquoi détournes-tu ton visage ? C'est-à-dire : Bien que tu détournes de nous ton visage, cependant, la lumière de ton visage, Seigneur, est imprimée en nous. Nous le gardons en nous et il resplendit dans notre cœur, car personne ne pourrait survivre si tu détournais ton visage. » (1)


Saint Ambroise, commentaire sur le psaume 43, source Office des lectures d’aujourd’hui (Ce commentaire fut le dernier travail d'Ambroise, quelques semaines avant sa mort.)

30 juillet 2021

Lumière et danse - 8

La suite d’Exode 33 que la liturgie découpe en tranches fines et éparses nous a permis avant hier de contempler rapidement l’effet de la Révélation sur un Moïse en quête d’absolu.

Avant qu’elle nous propulse trop vite au chapitre 40, dans une construction symbolique et hors contexte du temple idéal, elle nous fait contempler en Ex 34 le retour de la montagne, ce que Moïse a découvert de lumineux dans le « dos de Dieu ».

Cette danse particulière touche à ce que Marion appelle le « paradoxe »(1) que je traduirais plus théologiquement par tension ou aporie.


Moïse est illuminé par la rencontre au point qu’il doit porter un voile pour que sa lumière intérieure ne trouble pas le peuple. 

Souci de pédagogie divine ou préparation à l’enfermement cultuel de l’inaccessible derrière le voile du saint des saints que certaines liturgies excluantes réservent encore à une élite, alors que Dieu a pourtant déchiré ce voile en Marc 15, de haut en bas (2) ?


Ne cachons pas l’homme Dieu même si la lumière encore aperçue par Moïse et Élie au mont Thabor a révélé sa divinité, notre chemin à nous, n’est pas toujours lumineux mais souvent une nuit obscure et parfois douloureuse(3).

Le covid fait apparaître en creux le silence de Dieu, alors que la mort est pourtant exposée sur le bois de la croix depuis 2000 ans.


Le paradoxe c’est que Dieu s’est révélé non dans la lumière mais dans la nuit et que Moïse illuminé n’est peut-être qu’une figure fragile ou une idole temporaire. Il n’aura même pas accès à la terre promise.


Attention donc à nos ors et nos patènes rutilantes. Le réel est ailleurs, dans une lumière toute intérieure qui nous échappe bien vite de peur qu’elle nous aveugle ?


La lumière divine s’éteint dès qu’elle se révèle et les pèlerins d’Emmaüs en font vite les frais. Dieu s’est approché, a donné et repris aussitôt, de peur qu’en le réduisant au pain rompu on l’utilise et le réduise à ce qu’il n’est pas…


Ce qu’il reste est un tressaillement, une Révélation fugace qui nous fait courir vers nos frères… sans briser notre liberté…

Et en même temps, peut-être, au bout du chemin, un soupçon d’espérance…


Quel Dieu ! 


Dieu caché, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que ce fruit nouveau-né

Dans la nuit qui t'engendre à la terre ;

Tu dis seulement 

Le nom d'un enfant : 

Le lieu où tu enfouis ta semence.


℟Explique-toi par ce lieu-dit : 

Que l'Esprit parle à notre esprit 

Dans le silence !


Dieu livré, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que ce corps partagé

Dans le pain qui te porte à nos lèvres ;

Tu dis seulement : 

La coupe du sang 

Versé pour la nouvelle confiance. ℟


Dieu blessé, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que cet homme humilié

Sur le bois qui t'expose au calvaire !

Tu dis seulement : 

L'appel déchirant 

D'un Dieu qui apprendrait la souffrance. ℟


Dieu vaincu, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que ces corps décharnés

Où la soif a tari la prière ;

Tu dis seulement : 

Je suis l'innocent,

A qui tous les bourreaux font violence. ℟


Dieu sans voix, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que ce signe levé,

Edifié sur ta pierre angulaire !

Tu dis seulement : 

Mon peuple est vivant, 

Debout, il signifie ma présence. ℟


Dieu secret, 

Tu n'as plus d'autre Parole 

Que ce livre scellé

D'où l'Agneau fait jaillir ta lumière.

Tu dis seulement 

Ces mots fulgurants : 

Je viens! J'étonnerai vos patiences ! 


℟Explique-toi par ce lieu-dit : 

Que l'Esprit parle à notre esprit 

Dans le silence ! (4)


(1) D’ailleurs la Révélation, op cit. p. 49 sq

(2) cf. mon « Rideau déchiré »

(3) voir l’excellent livre de François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017

(4) office des lectures

17 juillet 2020

Nudité ultime - Dépouillement 21

Il y a un verset du chapitre 33 d'Exode que je ne cesse te contempler et méditer. Il suit Ex 32, et l'épisode du veau d'or et prépare Ex 34 et la révélation lumineuse du Dieu de tendresse à Moïse, dernière marche des épiphanies avant la Transfiguration.
Ce verset invite à « enlever ses vêtements de fête » (Ex 33,5) (1).
Qu'est-ce à dire ? Si ce n'est entrer dans ce dépouillement qui permet d'aller jusqu'à la vision de Dieu. Quel est le point ultime de ce mouvement, si ce n'est contempler la nudité du Christ dans son premier dépouillement, celui de l'enfant donné, dans le vêtement retiré du laveur de pieds, jusqu'à son dernier dépouillement, un Christ défiguré de l'amour versé, un Christ transpercé par nos violences et nos abandons, un Christ révélé derrière le rideau déchiré du Temple, un Christ lumineux de la grâce jaillissante d'un cœur brisé ?

Le dépouillement de Dieu est le prélude musical de la kénose de l'Église qui ne fait que commencer.
Il s'inscrit dans la dynamique même de la « séparation » entre ciel et terre de Gn 1 ou du « quitter » de Gn 2 où l'homme quitte père et mère pour ne faire qu'une seule chair avec l'aimé(e), et parvenir à cette nudité sans honte de l'être dépouillé qui danse avec autrui et y découvre une autre danse plus essentielle, celle qui le fait parvenir à l'en Christo(2), l'en Christ où le don danse avec son Donateur et devient co-createur de l'amour, passeur, engendrement de l'autre (3) à qui il insuffle l'amour reçu d'ailleurs et qu'il ne peut conserver sans perdre. La manne ne dure pas. Le pain reçu ne persiste que partagé...
La dynamique sacramentelle part de l'aride liturgie pour nous propulser de dépouillement en dépouillement jusqu'au don de soi, l'ultime diaconie...

La danse nuptiale du Christ et de son Église va de dépouillement en dépouillement(4).



(1) cf. L'amphore et le fleuve
(2) Hans Urs von Balthasar développe abondamment ce thème dans la deuxième partie de sa trilogie.
(3) au sens charnel mais surtout au sens spirituel donné par P. Bacq et C. Théobald dans leur Pastorale de l'engendrement...
(4) « Dépouillement » est la web série qui complète la publication récente de « Dieu dépouillé », une exclusivité gratuite de 1200 pages sur fnac.com

05 juin 2020

La Trinité comme une danse - Homélie du 7-8 juin

Projet 4 - notes pour une homélie orale 
 
Comment comprenez vous le grand mystère de la Trinité ?

Vous allez me parler du Père, du Fils, et peut-être de l'Esprit. Et vous aurez raison.
Il y a cependant une interaction particulière qui a beaucoup fait réfléchir les pères de l’Église et qu'il est intéressant de contempler en cette fête particulière.
Je vous propose pour cela 3 temps :
1. temps de contemplation des textes
2. un temps de contemplation de la Trinité
3. un temps d'exhortation... et de mise en mouvement.


1er temps :  j'aimerais vous introduire à la contemplation des textes de ce dimanche.
Dans l'Exode, Moïse cherche Dieu. Il l'a déjà rencontré dans le buisson ardent (Ex 3, Ex 19, etc.) pourtant, il gravit cette fois la montagne du Sinaï avec une attente particulière à l’issue de la « crise » du « Veau d’or » et c'est là que Dieu se révèle, non pas dans la puissance, mais dans le point ultime de sa pédagogie et dans un déchirement de sens par rapport à toutes les révélations [théophanies] précédentes. Il est "tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de vérité." (Ex. 34)
Que verra vraiment Moïse ? Je vous invite à lire la suite... 

1ere contemplation...

Saint Paul, dans la  deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens, parle lui aussi d'un "Dieu d'amour et de paix". Il évoque également notamment "la grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit"(2 Co 13) .

Prenons le temps de méditer chaque partie de l'affirmation : "l'amour de Dieu, la grâce du Christ, la communion de l'Esprit". Nous avons là aussi des indications qui distinguent, mais en même temps, une commune référence à l'amour, la communion, la grâce et la Paix.

Saint Jean introduit quant à lui, une dynamique : "Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé".     




2ème temps
Quel est maintenant le point commun des trois textes ?
L'amour, la communion, un Dieu qui sauve. 
Un Dieu de tendresse, loin des images du Dieu vengeur, du Père qui exigerait la mort du Fils en rançon, ou du Père fouettard qui nous envoie un virus pour nous punir. Toutes ces images qui masquent le Dieu qui nous sauve. Ce qui se révèle c'est le don, l'amour infini de Dieu, un Dieu qui bouge, loin des images statiques [ou trop immanente de Dieu](1). La trinité n'est-elle pas là...?
Dans ce mouvement particulier et premier d'un Père qui donne...
Ce mouvement second d'un Fils qui se donne
Ce mouvement de communion d'un Esprit qui est donné.
La Trinité est le don en actes de Dieu...
Elle rayonne dans ce mouvement de Dieu vers l'homme, dans ce dépouillement trinitaire, ce don qui vise la tendresse, l'amour, le salut.

Réécoutons à nouveau Dieu qui parle à l’homme dans la première lecture : Je suis « tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de vérité. ». En redescendant de la montagne Moïse est illuminé de la lumière de cette révélation. Probablement parce que lui a été donné ou promis de voir Dieu en mouvement.


C'est sur la base de la contemplation de ce mouvement, que les Père de l'Eglise parle avec leurs mots savants d'une danse (2).
Le mot danse m'a toujours interpellé.
"J'ai joué de la musique sur la place et vous n'avez pas dansé nous" dit Jésus...(Mat 11, 17). Sommes nous prêts à entrer dans la danse de Dieu, à nous laisser emporter par l'amour, le don, le dépouillement (3) de nous lourdeurs naturelles, pour être porteur de la joie de Dieu ?
La Trinité est mouvement, danse, don, dépouillement...

J'en viens à mon troisième temps...
Nous avons perdu le mouvement dans un confinement sécuritaire et parfois douillet. Mais la vie, le mouvement nous appelle. N'oublions pas le cri de Dieu qui nous interpelle sur nos chemins de vie : "Où es-tu ?" (Gn 3) - Viens tu danser, viens tu aimer, veux-tu donner de toi même au service d'une communion réelle... ?
Tel est l'enjeu de la fête d'aujourd'hui. Tel est l'appel que Dieu nous fait.
Préparons nous à recevoir le don de Dieu en nous. Non pour le laisser confiné en nous, mais pour entrer dans la dynamique de l'amour...

Dimanche dernier, je vous invitais à venir vous présenter à l'autel, en même temps que les offrandes. Ce geste n'est pas un geste anodin. Il vous demande un mouvement extérieur, mais s'inscrit dans un mouvement du cœur. N'oubliez pas, comme le suggère Varillon (4), que votre cœur doit s'unir à l'offrande que Dieu nous fait. Que notre amour n'est pas la contemplation statique d'un Dieu statique, mais un mouvement en réponse à un Dieu en mouvement.

Ce mouvement est le premier des trois mouvements qui vous sont demandés : offrir puis recevoir et ensuite partir. Car entrer dans la danse c’est aussi partir à la rencontre du monde, porter le Christ à vos frères...
Amen 

Annexes pour le lecteur anonyme : 
(1) cf. K. Rahner et son traité sur la Trinité où il rejoint trinité économique et immanente 
(2) Périchorèse ou circumincession - Cf. E. Durand, La Périchorèse des personnes divines, Cerf
et mon essai de simplification : "La danse trinitaire"
(3) Cf. plus bas - Dieu dépouillé 
(4) François Varillon Joie de croire, joie de vivre 

Rappel : l’interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l’interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets 

07 mars 2020

Homélie du deuxième dimanche de carême - Année A - Pédagogie et transfiguration…

Pourquoi a-t-on besoin du carême ?

Cinq  verbes dans les textes d'aujourd’hui nous donne le chemin : quitter, monter, contempler, écouter agir...

Quitter
Dieu nous a fait des êtres libres.
« Le chemin qui s'ouvre devant [l'homme] est celui de la liberté ou de la servitude, du progrès ou de la régression, de la fraternité ou de la haine. En outre, l'homme découvre qu'il lui appartient de bien diriger les forces qu'il a mises en mouvement et qui peuvent l'écraser ou le servir. (...) En vérité, les déséquilibres dont souffre le monde actuel sont liés à un déséquilibre plus fondamental, qui a sa racine dans le cœur même de l'homme. C'est en l'homme lui-même, en effet, que de nombreux éléments se combattent. D'une part, comme créature, il lit l'expérience de ses multiples limites ; d'autre part, il se sent illimité dans ses désirs et appelé à une vie supérieure, sollicité par tant d'appels, il est sans cesse contraint de choisir entre eux et d'en abandonner quelques-uns. En outre, faible et pécheur, il accomplit souvent ce qu'il ne veut pas et n'accomplit point ce qu'il voudrait. C'est donc en lui-même qu'il souffre division, et c'est de là que naissent au sein de la société des discordes si nombreuses et si profondes » Gaudium et Spes
Nous avons abusé de cette liberté. Nous avons besoin de retrouver le chemin qui nous révèle notre saine dépendance au divin.
Nous avons besoin de comprendre et sentir Sa tendresse, de contempler Sa bonté.

Face à Israël perdu sur les voies du monde, Dieu se décide à ramener son peuple au désert, à le séduire ... comme Osée le fait symboliquement avec Gomer (Osée 2)

Mais ce détour au désert n'est pas chemin de mort. Il est pédagogie, une « plongée dans la mort » pour redécouvrir la vie : « il les rassasie du pain venu des cieux ; il ouvre le rocher : l'eau jaillit, un fleuve coule au désert. » Ps 104, 40-41

Quel est ce fleuve ?

C'est ce que nous révèle l’Évangile de ce dimanche.
Il faut avoir accepté de quitter, aux côtés d'Abraham, son « pays » (Gn 12), ce monde qui nous enferme dans sa routine et ses nœuds.
Il faut, spirituellement, monter, faire l'ascension dans l'effort, aux côtés de Pierre, Jacques et Jean, malgré la fatigue et la soif, pour découvrir que la lumière est au bout du chemin. Le Fils est ce buisson ardent révélé trois fois à Moïse (cf. Exode 3, Exode 34 - aux termes de 40 ans de désert et Mat 17). Il est le souffle ténu senti par Élie  après 40 jours de désert (1 Rois 19). Il est chemin de vie et fleuve éternel...

L'Évangile de Matthieu reprend les codes des Théophanies (1) de l’Ancien Testament pour insister sur cette révélation de Dieu. 

C'est au bout de la route que la lumière déchire le brouillard. Si nous croyons, la mort n'a plus d'importance. Oublions un instant la peur et la panique qui occupe le monde. A ses trois amis, Jésus donne d'entrevoir la lumière. Alors quittons ce qui nous retient au monde, partons au désert malgré cette aridité apparente.

« Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s'est manifesté : il a détruit la mort,
et il a fait resplendir la vie et l'immortalité
par l'annonce de l'Évangile ».
2 Tim 9, 10

Il a fait resplendir la vie. Au cœur de notre carême tournons nos cœur vers la lumière de l'eucharistie, laissons Jesus briser nos cœurs de pierre...

Contemplons la lumière, non pour s’y arrêter comme le suggère Pierre, mais pour agir...
Les théophanies n’ont pour fonction que de nous mettre en chemin. « Si les théophanies sont colorés et impressionnante surtout dans les songes, les images restent fonction de ce qui est le plus important : des paroles de la promesse, et c’est pour cette promesse »(2) qu’elles se destinent.

Ici, la révélation faite aux disciples est destinée à préparer à la promesse finale : Dieu est plus fort que la mort ». C’est le kérygme qui est visé, notre foi en la résurrection.


(1) Sur ce thème cf. mes travaux de recherche et notamment L’amphore et le fleuve
(2) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p 171
Illustration : Moïse frappant le rocher. Trésor des églises d’Eure et Loir

12 août 2019

Nuit, colère et silence - 4

Tension théologique plus que solution...
Nous aimerions tout expliquer comme cette colère qui nous dérange ou cette nuit qui nous effraie.

Vouloir comprendre et expliquer alors que dans la nuit et le doute seule notre foi vacillante et fragile laisse une place à la venue d’un Dieu discret.

Il faut peut-être contempler le passage d’Exode 32 à 34 pour saisir où la colère de Dieu se transforme en nuée puis en lumière avant de méditer Gethsémani...
La grande nuit où nous précède l’unique médiateur...

“La tentation est grande pour la théologie d'atténuer voir de dissoudre cette contradiction, d’en désosser les composantes, pour revenir aux saines vertu d'une dialectique acceptable, histoire de congédié la brûlure du désir ou de réduire l'insolence inapprivoisable  de la volonté (celle de Dieu comme la nôtre tout aussi bien). (...) la nuit est révélation de Dieu (...) nous sommes livrés à la nuit, à la contingence et à l’obscurité et c’est là qu’est fait appel à notre liberté (1).

(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 583sq

18 mars 2019

Au fil de Luc 9 - la transfiguration - deuxième dimanche de carême

La lumière du visage du Christ est à lire dans la lignée d'Exode 34 où Moise descend de la montagne rayonnant d'avoir vu Dieu (1).
Mais, c'est surtout une anticipation de la Pâques qui est donnée à voir aux disciples et, par extension à nous aussi.

Elle nous invite à contempler dans la blancheur de l'hostie, tout le mystère que la loi (Moïse) et les prophètes (Élie) ont préparé. Ce mystère, c'est que Dieu se fait chair, à souffert, est mort, et est ressuscité.

Contemplons ce mystère en ce temps de carême. Faisons le notre.

Notre tentation peut-être alors de planter la tente, mais ce n'est pas notre chemin. Il nous faut redescendre dans le monde, vivre, agir, accepter la souffrance et la mort, illuminé par cette certitude : Dieu est avec nous.

Voir aussi sur ce thème le sermon 78 de saint Augustin : http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/es/dno.htm

(1) cf. sur ce point mon analyse dans l'amphore et le fleuve. 

22 novembre 2018

Parvenir à toucher Dieu ?

La contemplation ne doit pas rester intellectuelle. La science enfle mais le coeur édifie. L'enjeu nous dit Ignace est de « parvenir au toucher (1 Jn 2, 2), au contact avec Dieu (Exercices n. 20), il faut être saisi par ce que les Divines Personnes font (Ex 108). » (1)

Cette quête est d'abord contemplative et méditative avons nous souligné déjà plus haut à la suite d'Hans Urs von Balthasar.

Le risque constant de tout discours est de se complaire dans les mots et le discours et d'oublier d'agir.

« Assurément la flamme de l'amour jaillira normalement du bois de la connaissance, et souvent elle jaillira d'autant plus fortement que la connaissance sera plus existentielle. Mais il ne faut pas sous ce prétexte, s'attarder si longtemps dans l'intellectualité que l'amour n'ait plus sa place et que même l'attitude foncière d'adoration s'évanouisse, parce qu'on est tombé dans les subtilités et dans les fumées de la science » (2)

Pouvons nous toucher Dieu ? La contemplation d'Exode 33 et 34 nous montre qu'on ne peut le voir que de dos. Pour le toucher, il faudrait que notre agir, poussé par l'Esprit et la grâce se transforme en graines et que, dans le coeur de Dieu, elles germent alors sur les rives du grand fleuve amoureux.

(1) cité par Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 119
(2) Hans Urs von Balthasar, ibid.

13 septembre 2017

Coruscation

Au terme du trajet, quand on a franchi toutes les portes du château intérieur (1) il est là. Il nous saisit (Ph. 3, 12). Le "je suis" résonne comme en écho dans le Temple et la lumière surabonde. Les pères de l'Église appellent cela la coruscation, ce rayonnement particulier de la Transfiguration(2) qui envahit de lumière notre être en quête de l'au-delà du silence.
Alors le chemin qui a conduit Moïse d' Exode 3 à Exode 34 prend fin et notre visage peut rayonner de sa grâce (3)

(1) sainte Thérèse d'Avila, Le château intérieur, premières demeures, chap. 1, cité par François Cassingena-Trévédy, op. Cit. p. 112
(2) François Cassingena-Trévédy ibid. p. 118
(3) cf. Le chemin du désert et Dieu n'est pas violent, une lecture d'Exode.

11 août 2017

Nom, gloire, sainteté et grâce - circumincession

Balthasar reprend deux fois dans deux pages consécutives le terme de circumincession à propos du lien entre sainteté et gloire (p. 60) et du nom et de la gloire (p. 61). Ce terme de Circumincession dont l'origine remonte, comme la démontré Emmanuel Durand, aux pères de l'Église, recouvre un concept que j'ai traduit comme une "danse trinitaire" dans un livre éponyme.
Pourquoi parler de danse à partir de sainteté, de gloire et de nom ? Probablement parce que la sainteté touche au Fils, la Gloire au Père et le nom à l'Esprit, en tant que révélation de la nature de Dieu dans l'histoire du peuple de Dieu, au gré des théophanies de l'Ancien Testament. Il y aurait un lien et une danse entre ces manifestations de Dieu, qu'elles soient visibles ou cachées, révélées ou implicites. Dans ces dynamiques se révèlent la dynamique divine : "La grâce consistant à pouvoir connaître le nom de son Dieu, Israël la comprenait comme un gage de la présence de ce Dieu, un peu comme un sacrement, comme la présence eucharistique du Christ dans la Nouvelle Alliance" (1).
La danse de Dieu vers l'homme s'est faite dans cette pédagogie divine de la révélation vétéro-testamentaire où Dieu se dit et se cache, se manifeste et se retire pour préparer la venue oxymorique d'une gloire souffrante et sainte. Les pas de l'AT se déchiffre dans le langage de la Croix.
Et pour autant il serait faut de parler uniquement de silence,  tant la Gloire de Dieu se manifeste déjà par bien des manières à l'homme qui ne passe à côté des révélations de la grâce divine qu'en raison de son aveuglement.  "Tu étais là et je ne le savais pas" (2)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3 Théologie, Ancienne Alliance, p. 61
(2) Augustin d'Hippone,  Confessions,  chap. VIII

15 février 2017

Le double aveuglement

Pourquoi faut-il deux temps à Jésus pour guerir l'aveugle en Marc 8, 22-26 ? Ne faut-il pas regarder d'abord notre coeur avant de répondre à cette question ? 

"Tel un miroir brillant, l'homme doit avoir une âme pure. Une fois la rouille au miroir, l'homme ne peut plus y voir le reflet de son visage." nous dit Saint Théophile d'Antioche. Notre coeur est embrumé par nos adhérences au mal. "De même", pousuit-il, "tant qu'il y a le péché dans l'homme, il n'est pas possible à cet homme de voir Dieu... Mais si tu veux, tu peux guérir. Confie-toi au médecin, il ouvrira les yeux de ton âme et de ton cœur. Qui est le médecin ? C'est Dieu qui guérit et vivifie par le Verbe et la Sagesse. C'est par sa Parole, son Verbe, et sa Sagesse que Dieu a fait l'univers : « Par sa Parole les cieux ont été faits, et par son souffle, son Esprit, toute leur puissance » (Ps 32,6). Sa Sagesse est toute-puissante : « Dieu par la Sagesse a fondé la terre, il a établi les cieux avec intelligence » (Pr 3,19)... Si tu sais cela, homme, et si tu mènes une vie pure, sainte et juste, tu peux voir Dieu. Qu'avant tout la foi et la crainte de Dieu prennent place en ton cœur, et tu comprendras cela. Quand tu auras déposé la condition mortelle et revêtu une nature impérissable, alors tu seras digne de voir Dieu. Car Dieu aura ressuscité ta chair devenue immortelle avec ton âme. Et alors, devenu immortel, tu verras l'Immortel, si maintenant tu lui donnes ta foi." (1).

Alors pourrons nous comme Moïse (cf. Ex 34) contempler Son Visage,  car notre coeur,  purifié du voile de nos addictions pourra voir le reflet de sa gloire. 

(1) Saint Théophile d'Antioche, Premier discours à Autolycus, 2, 7 ; PG 6, 1026s (trad. Orval rev.)

18 décembre 2016

Moise et la captation de Dieu

Intéressant commentaire de Hans Urs von Balthasar sur Exode 19 à 34 qui rejoint mes travaux sur "Dieu n'est pas violent"(1) Les couches rédactionnelles de ces passages suggèrent des ajouts successifs, à partir d'une histoire originale où "le pasteur Moïse était conduit à la montagne de Dieu" (2), il y recevait l'ordre d'amener le peuple, puis congédié, il réclame plus...(3)
Ce que je commente dans mon livre à la suite de certains exégètes sur le quiproquo d'Exode 33, aboutit finalement, à la lecture de Hans Urs von Balthasar, à une question : Comment peut-on parler de Dieu ? Tout cela n'est-il pas une mise en exergue de nos propres désirs de mettre Dieu en bouteille, c'est-à-dire de le faire entrer dans nos cases, comme le judaïsme a pu le faire jusqu'au déchirement du voile de Marc 15,38 et ce que nous ne cessons de faire à notre tour. Comment peut-on parler de Dieu ? Lui seul est maître de sa révélation. Et tous nos propos ne peuvent être que de la théologie négative : Dieu n'est pas....
Seul le Fils et l’Esprit dévoilent le Père...
À méditer
(1) Lectures pastorales, tome 8
(2) La Gloire et La Croix, Théologie, Ancienne Alliance, p. 46
(3) ibid.

18 novembre 2016

Proximité divine

"Au moment où il devient un être intérieurement lumineux [tout un programme en soi !], son origine et son but doivent s'éclairer pour lui. Il est capax Dei, et pour cette raison, informabilis par Dieu. Il a la plus excellente de toutes les puissances réceptives: celle d'être uni (unibilitas) à Dieu". "il porte en lui la lumière de la face divine". (1)

On ne peut s'empêcher de penser aux montées successives de Moïse vers le mont Moriah qui culmine en Ex. 34. (2). Pour Hans Urs von Balthasar, on touche là également au "point central de la spiritualité de saint Bonaventure, et en même temps de son esthétique : l'esprit humain ne peut s'accomplir que dans la foi, car c'est alors qu'il se comprend lui-même comme expression de la vie trinitaire (...) et voit apparaître en lui l'image immanente du Dieu trinitaire" (3).

On rejoint là aussi mes propos sur la danse trinitaire, mais également cette découverte humble que cette inhabitation de Dieu en nous n'est qu'éphémère de peur qu'elle se traduise en orgueil et manque de nous conduire à la communion in Christo.

Nos élans mystiques n'ont pas d'autres buts que de nous rapprocher de nos agir in ecclesia, porte étroite de notre vie en Christ.

(1) S 2 de Nativ. (IX, 110a) cité in GC2, p. 272
(2) voir Dieu n'est pas violent, une lecture de l'AT, tome 2
(3) GC2 p. 273

31 octobre 2016

Miséricorde - suite

Il y a beaucoup à contempler 
dans le texte de dimanche
(31eme dimanche du temps ordinaire) 
sur la miséricorde divine : 
"tu as pitié de tous les hommes,

parce que tu peux tout.
Tu fermes les yeux sur leurs péchés,
pour qu'ils se convertissent. (...)
 

Ceux qui tombent, tu les reprends 

peu à peu,

tu les avertis, tu leur rappelles en quoi 

ils pèchent,
pour qu'ils se détournent du mal
et croient en toi, Seigneur."  (
Sg 11, 22 – 12)

Le psaume 144 souligne cela avec tendresse, 

reprenant l'affirmation d'Exode 34 :

"Le Seigneur est tendresse et pitié, 

lent à la colère et plein d'amour ; 

la bonté du Seigneur est pour tous, 

sa tendresse, pour toutes ses œuvres."

La tendresse du Christ 

pour Zachée (Lc 19, 1-12), 

se révèle quant à elle quand il 

qui veut habiter chez le publicain.

Que nous dit tout cela ?

La faute de l'homme ne demande 

pas une "expiation infinie" mais 

"qu'il se redresse et se relève 

par lui-même" nous dit saint Anselme (1).

 Et pour offrir ce choix, le seul chemin

tracé par Dieu est la voie 

prise librement par l'homme-Dieu 

et qui interpelle notre liberté 

tout en criant cet "où es-tu ?" (Gn 3)

 qui nous réveille et nous invite 

à la danse. Cette voie n'est pas de l'ordre 

de la réparation, mais de la justification 

au sens paulinien et non français : 

Dieu n'exige rien, il pleure et il souffre

de nos erreurs, il meurt de nos violences,

Il est partout où l'homme souffre et meurt,

Il est crucifié de nos collusions au mal,

Et son cri n'a qu'un but : nous aider à prendre

le chemin de la justice, à suivre le fils

aimant et en cela à nous "justifier", à devenir juste

c'est-à-dire à choisir le destin auquel ils nous appellent.

Cf. Rom 8, 30.


(1) Anselme,  CDH 2, 8 cité par Hans Urs von Balthasar in GC2 p. 226

06 octobre 2016

Exode 34 et l'indicible

Deux remarques sur ce sommet théologique. Au delà de la tension humaine entre Ex 32 (veau d'or), Exode 33 (tente de la rencontre) et Exode 34 (tables), un écrin liturgique a été construit par le rédacteur dans la description et la mise en place de la demeure et du voile. Mais la finale du chapitre 34 ne dit rien de la dernière conversation. On nous rapporte que l'épisode du visage de Moise, rayonnant de la gloire divine aperçue. Sur ce point le Pseudo Denys peut nous éclairer : "plus haut nous nous élevons (...) et plus nos paroles deviennent concises (...) nous sommes au-delà de l'intelligible (...) muets et pleinement unis à l'ineffable(1)" au point que la parole qui s'adresse au dehors doit, pour être vraie, contenir en soi le Silence divin (...) et la liturgie uniquement contemplative (2), mais aussi "plus secrète, plus simple, et plus unificatrice" (...) en "honorant par son silence le secret qui le dépasse" (3)

(1) Mth, 3 (1033 BC), œuvres p. 182, cité en GC2 p. 159
(2) GC2, ibid.
(3) Hier. cel. p. 191, GC2 ibid.

04 octobre 2016

L'épiphanie du visage

Il y a un chemin de contemplation possible entre le visage de Moïse dans les derniers versets d'Exode 34, si "lumineux qu'il devait y mettre un voile", celui du Christ, transfiguré de lumière, dans les évangiles synoptiques* et "l'épiphanie du visage de l'autre", dans "sa transitivité non-violente"(1).
Cet axe n'est autre que celui tracé par Jn 5 ou Matthieu 25.
Chez Jean 5,6 , dans l'attitude du Christ pour cet homme souffrant, chez Matthieu 25,36 dans cet appel à voir tout homme comme s'il s'agissait du Christ. Cet axe est l'appel même qui nous pousse à aimer Dieu et autrui d'une même intensité.

(1) Emmanuel Lévinas, Totalité et infini, op. Cit. p. 43.