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18 décembre 2021

Image, ressemblance et danse - 2.17.6

Sommes nous créés, comme le suggère Gn 1 à l’image et à la ressemblance de Dieu ? Lui dont on ne peut représenter l’infinie tendresse. 

La question que me pose Marie Josèphe en commentaire du point 17.5 est à cet égard intéressante.

En quoi pouvons-nous même prétendre être image de Dieu, lui l’insaisissable ?

Je développe ici ma réponse qui ne peut être que vectorielle, puisque notre image est bien mouvante. Notre apparence extérieure, notre « visage » est bien éphémère. Ce qui compte est plutôt vers quoi nous allons, la dynamique, la direction.

En Gn 1, 26 Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Qu’il soit le maître des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, des bestiaux, de toutes les bêtes sauvages, et de toutes les bestioles qui vont et viennent sur la terre. »

Mais au verset 27 « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. » il n’est plus fait mention de ressemblance.

Cela  interroge d’ailleurs certains commentateurs. Pourquoi la ressemblance évoquée au verset 26 n’est pas reprise dans l’acte créateur du verset 27. 

Est-ce pour souligner la distance entre le rêve de Dieu : nous créer à « l’image et la ressemblance » et ce que nous sommes : une bien pâle et fragile image du divin, quand nous ne devenons pas, aussi, il faut le reconnaître, un repoussoir, ou un cauchemar de Dieu, en dépit de ses rêves d’alliance.

Est-ce dans sa capacité de relation entre un homme et une femme que se révèle quelque chose de la Danse trinitaire ? Ce thème est vaste (*).

De quoi parle-t-on ? 

Augustin déjà parlait de trois degrés : la trace, l’image et la ressemblance. La fleur est trace de Dieu, l’homme peut être à l’image, mais seul le Christ atteint, pour lui, la ressemblance véritable. 


Pour saint Bonaventure, nous rappelle longuement Hans Urs von Balthasar(1)  il y a plutôt six degrés : chacun des trois degrés est :

- soit un renvoi, 

- soit une représentation. 

Quand on est image de Dieu, c’est soit « comme un miroir, soit comme un réceptacle, signe immanent de l'inhabitation de Dieu »

Que veut-il dire ?

Un miroir n’ajoute rien…

Une représentation pourrait être comme un arbre qui gémit, tressaille, se transforme et sème peut-être quelques fruits ?

Passer du renvoi à la représentation, c'est finalement déchiffrer combien l'être créé qui renvoie vers Dieu est habité par Dieu et ce travail de déchiffrage est un chemin qui invite à s’interroger sur sa propre ressemblance avec Dieu, qui ne sera totale qu'en Christ. En déchiffrant les traces et notre capacité à être image, nous tendons vers la ressemblance. Et ce chemin nous fait rejoindre notre destinée, ce pourquoi nous avons été créés : « à l’image et à la ressemblance de Dieu » (Gn 1, 26), un état que nous ne retrouverons qu’à la fin.


Le rêve de Dieu du verset 26 n’est pas encore réalisé, sauf en Christ qui seul déchire le voile de l’insaisissable. Et notre chemin se trace alors.


On saisit mieux ces propos de Paul que je cite (trop ?) souvent : 

« À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des [skubala = déchets / ordures], afin de gagner un seul avantage, le Christ, et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ, la justice venant de Dieu, qui est fondée sur la foi. Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts. Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus » (Ph 3, 8-15)


Jean-Luc Marion revient à propos de Ph 3, 8, (p. 544) sur cette notion originale de déchet/ordure décrit par Paul, qui faisant suite à ses propos sur l’humilité de Dieu (Ph 2/kénose) ajoute une couche au nécessaire renoncement de l’homme à sa capacité à être « ressemblance » de Dieu. Comme il l’explique mieux que moi, l’important ce n’est pas ce que j’ai tenté de faire seul, mais se laisser saisir par Lui et tâcher de le saisir, c’est-à-dire se laisser transformer par l’Esprit. 

Seul le don de l’Esprit fait briller en l’homme des éclats de la lumière divine, comme nous le dévoile l’ange chez la jeune fille de Galilée…

Pour cela il faut un renoncement à notre propre image, être dé-figuré pour laisser passer la lumière. 

Ignace d’Antioche dirait « devenir farine » ou « froment de Dieu »(2), moulu par Dieu pour laisser/abandonner ce qui nous encombre et entrer dans sa danse…


« Je suis ce que je suis [uniquement] par la grâce de Dieu »(1 Co 15,10) (...) qu’as tu que tu n’aies reçu (1 Co 4,7).(3)


Nous ne valons que si Dieu nous donne d’être. Ce qui fait de nous des images vient de notre capacité d’inhabiter la grâce divine (au sens Rahnérien- 4), en faisant fructifier les semences reçues de Dieu, sans perdre de vue qu’elles sont théologales, c’est-à-dire qu’elles ne viennent pas de nous, mais d’Ailleurs, qu’elles sont dons divins.

Et peut-être est-ce là le chemin de l’Esprit en nous, cette « économie » intérieure qui nous fait entrer discrètement dans la danse trinitaire.

Nous dessaisir de toutes volontés d’être « image » pour entrer dans le feu ardent d’un amour qui nous embrase et nous rend participant de la lumière divine. 


Comme le note François Cassingena-Trévedy  : A Mambré « Abraham est au plus haut du jour et pour se rafraîchir il invite le Feu ! Le Feu qui va (...) les trois Flammes qui (...) dansent autour de l’arbre »… tout un programme !


Une méditation de l’agenouillement d’Abraham, premier lavement des pieds de la Bible peut conduire à méditer, d’agenouillements en agenouillements, la Révélation de Dieu à genoux devant l’homme, le Christ qui dévoile Dieu de Jn 13 à Jn 21. (6).


(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la Croix, Styles, tome 2

(2) Ignace d’Antioche, lettre aux Romains, 4, 1

(3) cité par Jean Luc Marion, D’Ailleurs la Révélation, Grasset p. 546

(4) Karl Rahner, cf. TFF.

(5) Étincelles 3 p. 157

(6) cf. mon « Dieu dépouillé » https://www.fnac.com/livre-numerique/a14771999/Claude-J-Heriard-Dieu-depouille#FORMAT=ebook%20(ePub)


(*) voir sur ce point mon essai « Aimer pour la vie »

28 janvier 2020

Création et pédagogie divine - Sesboué

Je trace ici la suite d'un travail en cours sur la « pédagogie divine », déjà entamé il y a quelques années que je reprend doucement. Comme le souligne Bernard Sesboué, les premiers chapitres de la Genèse sont dans ce cadre, « des mythes au sens positifs (...) des contes inventés (...) intégrés dans [le] projet narratif et historien » (1) de Dieu. Ils préparent à la révélation et sont, en un sens, partie intégrante de la pédagogie divine.

L'articulation (2) entre les histoires surnaturelles racontées par la Genèse, l'histoire de l'homme et du péché et la personne du Christ constitue en fait pour lui une « matrice » (2) dans laquelle se construit cette pédagogie divine. Dès le chapitre 1, l'articulation entre image (bə·ṣal·mê·nū) et ressemblance ( kiḏ·mū·ṯê·nū) donne le ton, longtemps commenté par les pères de l'Église, de cette double dynamique et distance entre les pas de Dieu vers l'homme et ceux de l'homme vers Dieu qui trouvent leur symbiose symphonique en Christ.(3)

C'est en un sens tout l'enjeu de la rencontre entre Dieu et l'homme qui se joue déjà. Dieu a déjà, par essence, une dimension d'altérité dans sa dimension trinitaire. L'arrivée de l'homme est un autre enjeu ou se conjugue distance et liberté. Dieu et l'homme vont petit à petit se pencher l'un vers l'autre : Dieu par amour, l'homme par cette révélation progressive extérieure et intérieure qui le conduit progressivement à ressentir ce Dieu qui se livre à lui, dans une nudité et une exposition dynamique où culmine la Croix.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 41
(2) p. 42 ss
(3) cf. mes travaux sur la « danse trinitaire ».

PS : « kid mut » à 2 seules occurrences dans la bible, dont Dan 10, 16, qui introduit cet être particulier à l’apparence humaine ; le fils de l’homme ?

14 février 2018

Dynamique chez Mounier 2

Une distinction apportée par Mounier renforce cette idée. Pour lui, l'homme « n'est pas situé, il est pris dans un corps, dans un temps, dans un lieu, dans un monde, dans une tranche d'histoire (...) en liaison avec une mission singulière, par une attention particulière de Dieu. (...) il est un esprit manifesté dans une chair, s'irradiant en elle (...) vocation »(1)
C'est pour moi le premier pas de cette dynamique sacramentelle qui fait de nos corps des temples de Dieu dans cette dynamique déjà évoquée chez Bonaventure entre vestiges et ressemblances (Hans Urs von Balthasar parle de traces et de miroir)

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 31sq.

27 avril 2016

Peindre l'image en nous - Saint Colomban

Souvent abordé le thème de l'image et de la ressemblance. (Gn 1,26)... J'apprécie d'autant ce qu'en dit saint Colomban : "À nous donc de refléter pour notre Dieu, pour notre Père, l'image de sa sainteté... Ne soyons pas les peintres d'une image étrangère... Et pour que nous n'introduisions pas en nous l'image de l'orgueil, laissons le Christ peindre en nous son image." (1)

(1) Saint Colomban, Instruction 11, 1-4 ; PL 80, 250-252 (trad. Orval), source AELF

19 avril 2016

Image et ressemblance - Une dynamique

Cette différence entre image et ressemblance souvent commentée dans la pensée d'Augustin et Bonaventure se trouve déjà dans les réflexions de saint Irénée. Elle n'est pas, nous dit Balthasar (1) entre une trace corporelle et une image spirituelle comme le diront certains pères de l'Église platonisants, mais s'inscrit plutôt dans une dynamique. "L'expression peut osciller [chez Irénée] de telle sorte que le point de départ (...) est appelé tantôt image ou ressemblance, ou bien les deux termes peuvent être distingués aussi  dynamiquement de la manière suivante : par le péché l'image a perdu la ressemblance avec Dieu, mais du fait que Dieu se rend par l'incarnation semblable à la nature tombée et "récapitule en soi l'image du commencement", la ressemblance sera de nouveau acquise. Cette intelligence dynamique de l'image est celle qui révèle l'histoire du salut et qui est proprement biblique et théologique. Car l'image de Dieu est le Fils à l'image duquel l'homme a été fait ; c'est pourquoi dans les derniers temps il est apparu afin de montrer que l'image était semblable à lui-même"(2).

Cette page a pour moi de l'intérêt car elle fonde une partie de mes réflexions sur la dynamique sacramentelle, qui prolonge pour moi en l'homme cette pédagogie divine particulière.

Il y a poursuit d'ailleurs Balthasar un caractère trinitaire à cette doctrine de l'image et de la ressemblance parce que la créature étant en devenir les deux mains de Dieu (Christ et Esprit) "ne cessent pas de lui imprimer leur forme (...) et ainsi la nature montre partout les contours et les présages, le plan de ce qui doit être développé à travers le devenir et le temps en direction de l'image parfaite"(3).

Cette dynamique n'est elle pas la course humaine décrite en Ph3, celle que qui oubliant le passé tâche de nous faire "saisir" par Dieu‎. Nous ne sommes et ne serons jamais image et ressemblance, mais notre course est d'y tendre.

‎"Pour suivre la conduite de Dieu, l'homme doit être libre, et cette liberté apparaît aussi dans la conduite elle même qui est toujours une conduite doucement persuasive, jamais une conduite contraignante (4).

 (1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 2, Styles, d'Irénée à Dante, (GC2) p. 58
(2) Irénée, Contre les Hérésies, 2, 367. 2,145 et D2, cité par Balthasar op‎ Cit p. 58
(3) GC2 p. 59
‎(4) Ibid. citant  saint Irénée AH 2, 289 et 2, 286



07 décembre 2015

Création et économie trinitaire chez les Pères de l'Église.

Intéressante thèse de Pierre-Marie Hombert sur la Création chez les Pères de l'Église. Pour en résumé l'axe central c'est d'abord une longue insistance trouvée chez les Pères sur la création ex Nihilo qui tranche avec les discours grecs ou manichéistes de la préxistence de la matière et/ou du mal. Mais ce qui m'a le plus touché c'est probablement cette vision trinitaire de la création (peut-être parce qu'elle entre en résonance avec mes travaux sur la danse trinitaire (2). La création est pour lui une longue histoire dans laquelle les trois personnes divines ont leur rôle et qui a pour finalité la divinisation finale de l'homme en Christ (cf p. 93) dont le Christ en s incarnant trace le chemin et pré-dévoile une partie du plan divin. La citation de St Jean Chrysostome est pour moi la pointe du texte : "Oh homme, ne pose surtout pas de question à notre maître à tous, attends la fin des événements (...) dans la vie future. Le plan de Dieu est organisé en fonction (...) de notre salut et de notre gloire. S'il est fragmenté par le temps, le but lui donne son unité".
‎Suivre la distinction entre image et ressemblance faite notamment par Irénée, Clément d'Alexandrie, Origène, Basile et Maxime (cf. P. 67) c'est contempler notre chemin à accomplir, c'est entrer dans la danse Trinitaire qui nous invite à imiter Christ, passer comme le souligne Bonaventure(4) de la trace à l'image, de l'image à la ressemblance dont Christ en s incarnant dévoile lLa Gloire et la Croix, Styles, a gloire à venir.

(1) Pierre-Marie Hombert, La Création chez les Pères de l'Église‎, Parole et Silence, Collège des Bernardins, 2015
(2) ‎La danse trinitaire, in L'amphore et le fleuve. Voir aussi Où es-tu mon Dieu, kénose et création.
(3) St Jean Chrysostome ‎Sur la Providence IX, 5, cité par Hombert, op Cit p. 62
(4) cf. à ce sujet les éléments notés chez Hans Urs von Balthasar, dans La Gloire et la Croix, Styles, tome 2 (GC2), op. Cit p. 273ss. 


24 juillet 2015

Figure du Christ

Au delà de ce que j'ai écrit à propos de la dynamique sacramentelle,  on peut écouter en écho ce que nous révèle Balthasar,  en ce qu'il dit de la "figure placée devant le regard de l'homme (...) quoi qu'il en soit du caractère caché (...) déguisé (Luther), incognito (Kierkegaard), (...) nous sommes ici devant une figure authentique,  déchiffrable, (...) plus et autre chose qu'un simple signe (...) Fils de Dieu."
Plus que la fleur(2) qui n'est vue telle que si elle est aperçue comme manifestation d'une profondeur divine, "la figure de Jésus n'est vue telle qu'elle se donne elle même,  que si elle est appréhendée et reçue comme la manifestation d'une profondeur divine, dépassant toute nature du monde (3)".

(1)  Hans Urs von Balthasar,  La Gloire et la Croix,  GC1, p. 128-9 
(2) on retrouve chez lui cette comparaison dans son commentaire de Bonaventure ( cf. GC2, Styles, 1) et notamment sur les 6 niveaux de ressemblances qu'il note entre la trace, l'image et la ressemblance de Dieu.
(3) GC1, ibid.

09 juillet 2015

Foi et raison 2

On retrouve l'idée de circumincession chez Clément d'Alexandrie, avec cette interaction entre foi et raison qui prend une dimension trinitaire. "Pas de gnose sans la foi, comme pas de foi sans la gnose, car le Père lui aussi n'est pas sans le Fils" (1)

S'il rejette une gnose hérétique qui fait ignore le Fils ou "la paresse des simples croyants qui croient pouvoir se contenter du kérygme filial, l'enjeu est de trouver le Père par et dans le Fils.

Clément poursuit en précisant : "Le Christ s'adresse aux hommes : "Je vous donne le Logos, c'est-à-dire la connaissance de Dieu, je me donne moi même parfaitement. C'est ce que je suis, c'est ce que Dieu veut, c'est une symphonie, c'est l'harmonie du Père, c'est le Fils... O vous qui êtes tous des images, mais pas toutes ressemblantes, je veux vous ramener à l'archétype, afin que vous me soyez aussi semblables. Je vous oindrai de l'onguent de la foi" (2)

Deux idées s'entrecroisent ici, celle de l'image et de la ressemblance, que l'on retrouve chez Augustin et surtout Bonaventure, avec cette idée de progressivité, de dynamique. L'enjeu, et c'est la deuxième image, est de rejoindre cette symphonie entre le Père et le Fils, ce que j'appelle : "entrer dans la danse de Dieu".

(1) Strom. V, 1,3 ; 1, 326,8 sq.
(2) Protr. 120, 3-5 cité in GC1 p. 115




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