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15 février 2021

La voie royale ? - une danse kénotique 33.6

Je reviendrais sur la nudité et la chute qui forment une agrafe entre Gn 2 et Gn 3. En complément de mon billet 33.5 je voudrais aller plus loin sur le terme de la « chair de la chair » et en intersection et résonance avec le texte de la liturgie d’aujourd’hui sur une des facettes de l’expression, le « donner naissance ».

Il y a dans le mystère très intime de l’accouchement dans la douleur que défend avec brio Sylvaine Landrivon dans son dernier livre (1) une piste de lecture spirituelle qui reste à poursuivre et à tracer plus en détail.

La « voie différente » des femmes qu’elle souligne, à la suite de Caroll Gilligan, est sa manière une voix très intérieure. Cela commence par un tressaillement (2) et va jusqu’à un combat - à la manière de Jacob (3)-, un renoncement et une délivrance, nous avons là aussi une Pâque mais aussi une danse kénotique particulière qui transforme la jeune fille en mère, qui ouvre à son tour non plus comme l’homme son « côté » à la manière anesthésiée (4) de Gn 2, mais laisse place, bien au contraire, non sans douleurs, à autrui, au visage d’autrui, au Fils, comme un Père très maternel dont les entrailles se retournent (Osée 11) pour révéler l’amour...

Lent accouchement intérieur qui rejoint à sa manière ma web série sur les tressaillements(5), moi qui ne suit qu’un terreux, indigne de connaître cette voie royale faute de ne pouvoir être femme, je perçois ici un chemin de contemplation particulier du mystère des mères (6), de leur aptitude non violente à se donner pour autrui dans le « cadre » appris douloureusement par cette voie royale. Je renverrai aussi volontiers à ce dernier opus qui trace pour moi une voie particulière de combat pour celles qui passent parfois bien difficilement à cette occasion du statut de « fille de » à « mère ». Un décentrement qui est là aussi kénose. 

Le sommet s’exprime discrètement chez Sylvaine Landrivon, entre les lignes, dans cette comparaison avec le cycle d’Exode 33-34 (7) où l’homme rejoint l’inaccessible Dieu dans une rencontre incomplète (8). Mais ce que connaît Moïse sur la montagne n’est que le mime fragile d’un déchirement plus dramatique, celui d’une mère qui voit son enfant mourir en Croix et laisse ainsi déchirer le voile (9) qui nous cachait le mystère final, la danse kénotique de Dieu.

Comme nous sommes complémentaires, vis à vis, et chemins de danse symphonique. L’homme par sa semence donnée dans une danse nuptiale et somptueuse ne perçoit pas toujours la dimension symphonique de ce « corps à corps » qui ira jusqu’au « peau à peau »d’une mère qui laisse aller la chair de sa chair dans un cri digne de celui, final, d’un Dieu qui s’efface en un geyser d’eau et de sang versés (Jn 19). Passage qui prépare la traversée d’une mer rouge sang...

Comme le souligne Sylvaine, est-ce vraiment une malédiction (Gn 3) que cet engendrement (10) dans la douleur ? 

Non, bien au contraire, c’est une fission du cœur, une kénose qui devient féconde par ce qu’elle libère. Car dans ce mouvement kénotique par excellence se joue un don véritable. Une mère en accouchant sans refuser la douleur devient don. Elle le ressent jusque dans ses entrailles et ce déchirement est le premier d’un laisser aller sans fin.


À méditer.


(1)  Sylvaine Landrivon, La voie royale, Cerf, 2020

(2) cf. http://chemin.blogspot.com onglets tressaillement 

(3) cf. La voie royale p. 270

(4) ibid. p. 291

(5) cf. note 2, http://chemin.blogspot.com/search/label/tressaillement

(6) cf. le livre éponyme de Catherine Bergeret Amsalek et notre échange du 25/8/20.

(7) Pédagogie divine p. 300 à 322

(8) la voie royale, op.cit. p. 323

(9) voir mon « rideau déchiré » repris dans Pédagogie divine.

(10) genèse d’une pastorale en devenir ? au sens donné par Bacq et Théobald ? privilège féminin ?


PS1 : J’ai toujours eu du mal à comprendre la troisième vocation du baptisé. Prêtre parfois, prophète aussi, mais roi en quoi ? Serviteur du Royaume par la voie royale que seules les femmes peuvent atteindre in utero...? 


PS2 : Voir aussi en contrepoint ma petite nouvelle « La danse intérieure »

14 août 2019

Homélie de l'Assomption - 15 août - version 8

Homélie du 15 août 2019 - notes finales d’une homélie prononcée à Droisy 

Frères 
Êtes-vous dans la joie ? 
Cette joie profonde de la Résurrection et de l’Assomption, fondée sur l’Espérance que porte la fête d’aujourd’hui ?  

Il y a dans les textes d'aujourd'hui une triple dimension :
  • Une dimension historique par la manière dont les textes retracent les dons de Dieu depuis l'origine comme le fait superbement le magnificat, complétée par la tradition de l’Église jusqu’au texte de Pie 12 sur l’Assomption en 1950 (1)
  • Une espérance que l'on appelle eschatologique (propre à la fin des temps) avec l'annonce de la victoire de Marie et surtout de son Fils sur le monde
  • Enfin une dimension spirituelle, d'une certaine manière mystique et eucharistique en ce qu'elle touche l'aujourd'hui de nos vies et c'est là dessus que je voudrais insister, car c'est à la fois l'essentiel et souvent ce qui est oublié dans cette fête de l'Assomption
Il y a en effet, trois sous-points à cette troisième dimension si vous le voulez bien :
  • Marie est chemin pour nous. Elle est l'image même du chrétien "accompli" en ce qu'elle se dessaisit et se détache de toute logique humaine pour accueillir en son sein le Sauveur.. Par son fiat, elle est le chemin qu'il nous reste sans cesse à imiter. « Qu’il me soit fait selon ta parole » (Luc 1)
  • Marie est celle qui, en union et à l'image de son Fils, porte le plus nos souffrances humaines. Dans sa présence jusqu'à la croix (stabat mater) se dévoile le cœur de ce qui est pour nous la voix royale. Elle est la première en chemin… C’est probablement pour cela que nous l’appelons souvent notre dame des douleurs... 
  • C'est entre ces deux tensions ; le détachement de soi et sa capacité à traverser la souffrance que que se révèle quelque chose de fragile en nous. Et c'est peut-être la clé ou la porte qu'il nous faut chercher dans cesse.
Prenons le temps de refaire doucement ce chemin. Il est en effet enchâssé dans les deux autres : au point focal entre dessaisissement et souffrance avec ou pour le monde. Nous ne pouvons accéder à Dieu que si nous quittons ce qui nous retient sur nous-mêmes. Et cela demande un grand pas en avant...

Marie est restée dans la nuit. Luc le dit avec ses mots à lui. Elle n’aura droit qu’au silence et parfois au mépris - rappelons nous ce « qui est ma mère » (Marc 3, 33 / Mat 12, 48 / Lc 8, 21) qui sonne comme un rejet de Jésus. Pourtant elle a cru au-delà de tout désespoir. Elle est, en cela, lumière dans notre nuit.  Et quand tout le monde a fui, elle est là debout...




Quel enseignement pour nous ?
La venue de Dieu en nous est comme un accouchement. Et c'est là où le monde féminin nous précède, c'est là où Marie est la première en chemin, la nouvelle Ève.
Qu'est-ce qu'un accouchement ? Je me sens petit pour parler de cela… Juste après la naissance de mon troisième petit-enfant. Petit et humble devant cette merveille de l'accouchement. 

Que dire sinon entrer dans le silence ?
Je vous invite à méditer cela d'ici dimanche. Il  y a là une clé que Marie nous révèle à sa manière par sa vie  ; En acceptant d'être visitée par Dieu, en Le portant en elle, en courant au service de sa cousine, en acceptant que son Fils soit détaché, oserait-je dire arraché de ses entrailles, qu'il quitte son giron familial, en se tenant debout et traversant la souffrance, elle nous enseigne la clé de toute vie chrétienne véritable. Plus loin qu’une fidélité de façade elle se fait instrument de Dieu. 
Prenons le temps d’accueillir cela en nous. Dieu vient nous visiter à sa manière, dans le silence particulier qui est propre à sa communication aimante. Il viendra tout à l'heure dans l'Eucharistie. Faisons à notre tour une juste place à sa venue. Devenons, comme elle, des porte-Christ.
Il est venu, il est mort et Dieu l'a ressuscité... 
Il revient en nous si nous le laissons vraiment tressaillir en nous, c'est-à-dire si nous lui laissons vraiment la juste place...
Il reviendra nous visiter.. 

L'Assomption de Marie, que nous fêtons aujourd'hui, s'inscrit dans cette espérance.
Alors accueillons le, par notre fiat... au-delà de nos peurs... au delà de nos souffrances
Qu'il me soit fait selon ta Parole !

(1) cf. la constitution apostolique sur l’Assomption de 1950
(*) Si j'ose partager avec vous ces balbutiements c'est dans l'espoir, parfois vérifié, que vos remarques m'aident à améliorer ce texte... alors n'hésitez pas à m'écrire.