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08 novembre 2020

Écriture - 6 bis - Comment s’est écrite la Bible ?


Les avancées de l'archéologie récente apporte un regard nouveau et révélateur sur ce qu'on appelle Parole de Dieu, réfutant systématiquement l'apparente chronologie biblique qu'ils considèrent comme artificielle et loin de ce qui est historique et compatible avec les traces et autres signes du passé.
Cette nécessaire distance avec le texte peut-il nous aider à prendre de la distance sur l'apparente violence divine dans l'ancien Testament ?
J'évoquais récemment ma lecture commencée de Thomas Römer. Je vous livre cet extrait qui me semble intéressant à la suite de mes billets récents.

« Les milieux d'exilés issus de l'élite judéenne jouèrent un rôle important dans la production d'un certain nombre de rouleaux qui sont à l'origine du Pentateuque et des écrits prophétiques. La destruction de Jérusalem et de son Temple par les Babyloniens, en 587 avant l'ère chrétienne, avait provoqué chez ces intellectuels une crise idéologique. Les piliers identitaire d'un peuple du Proche-Orient ancien, c'est-à-dire le roi, le temple du dieu national et le pays, s'étaient écroulés. Il fallait donc trouver de nouveaux fondements pour dire l'identité d'un peuple privé de ses institutions traditionnelles, et c'est ainsi que ce mirent en place différentes réponses à la crise : une de ses réponses est « l'histoire deutéronomiste » qui comprend les livres allant du Deutéronome jusqu'au deuxième livre des Rois.
Le but de cette histoire est de démontrer que la destruction de Jérusalem et la déportation d'une partie de la population ne sont pas dû à la faiblesse du dieu d'Israël face aux divinités babylonienne ; au contraire, c'est lui [Dieu] qui se sert les babyloniens pour sanctionner son peuple et ses rois de ne pas avoir respecté les stipulation de son « alliance », consigné dans le Deutéronome.
Le milieu des prêtres rédige, de son côté, une histoire des origines (appelée souvent « écrit sacerdotal ») qui se trouve surtout dans les livres de la Genèse, de l'Exode et du Lévitique et qui insiste sur le fait que tous les rituels et institutions ont été révélés avant l'entrée du pays et avant la royauté – celle-ci n'est donc pas indispensable. Pour les auteurs sacerdotaux, toutes les coutumes par lesquelles va se définir le judaïsme à l'époque perse et hellénistique (circoncision, Pâque, rituels et les lois alimentaires) sont données par Moïse dans le désert, en l'absence d'un pouvoir politique. Ces deux ensembles littéraires préparent en quelque sorte le chemin vers le monothéisme, car ils affirment de manière différente d'unicité du dieu d'Israël. »(1)

Je ne suis qu'au début de la lecture mais cette introduction de Römer confirme déjà ce que je commentais il y a quelque temps comme une nécessaire prise de distance entre ce que l'on pouvait considérer comme une révélation chronologique et de seule facture divine et cette double construction complexe du texte biblique entre parole divine et projet humain qui révèle à la fois une lecture spirituelle de l'histoire et un texte engagé et dirigé à des fins parfois religieux ou politiques. Cela renforce l'idée d'une nécessaire interprétation comme pour tous « Livres » et prétendue Parole de Dieu. L'historico-critique n'a pas fini son œuvre.

Quel est l'origine du nom de Dieu ?
Dans un long premier chapitre de son livre, Thomas Römer nous conduit à explorer la difficile quête de l'origine du nom de Dieu, imprononçable pour nos frères juifs. Au delà de mon intérêt personnel pour ce refus de nommer ce que l'on ne peut définir sans réduire, je note l'intérêt porté :
- à la notion d'Être, tirée d'une quête arabe pré-musulmane ancienne,
- de son long développement sur la révélation à Moïse (2) en Ex 3, 14 et le « je serai qui je serai » (cf. p. 47)
- À cette conclusion qui est ouverture : « Yhwh serait donc celui qui souffle, qui amène le vent, un dieu de l'orage qui peut aussi inclure les appels guerriers, et une telle caractérisation s'applique assez bien (...) aux fonctions primitives de Yhwh »(3)
Je suppose qu'il va aller plus loin sur ce thème de l'invention de Dieu qui devient alors celui qui justifie la violence, loin de fait de la révélation christique...

(1) Thomas Römer, l'invention de Dieu, Points, Seuil, Paris, 2014, p. 33
(2) figure biblique qu'il souligne, citant l'égyptologue Jan Assmann quelle n'a « aucune trace historique » cf. p. 72
(3) ibid. p. 50, cf. aussi p. 67 et 70

16 septembre 2015

Cohérence 5 - Exodus

J'ai regardé récemment avec ma nièce le film Exodus, dont la mise en scène est plus que retravaillée par rapport au texte original, même si l'on retrouve beaucoup de liens avec le texte. Le résultat est désolant. Il met notamment en lumière l'abominable récit des plaies d'Egypte dans toute son horreur. Il en ressort, et c'est peut être le but recherché, une idée de Dieu pas très "catholique" renforcée par le gamin qui semble représenter Dieu et qui n'est qu'un morveux, prétentieux et colérique. Difficile d'en faire une pastorale, sauf à en venir à déconstruire‎ l'historicité du récit, ce qui est fondé en historico-critique mais pose des problèmes plus vastes en pastorale. 
‎Doit-on en venir là ? Auprès d'adultes c'est jouable. Auprès de jeunes, cela soulève des questions et en ouvre d'autres. Qu'est ce qui reste crédible si une partie du texte ne l'est plus ? Il faut peut être passer par là. Pour l'instant je me contentais de souligner la lecture spirituelle qu'en fait Grégoire de Nysse dans sa vie de Moïse. C'est plus soft que de dire que rien/peu n'est fondé historiquement... en tapant dans la fourmilière on fait sortir beaucoup d'insectes...‎ est-on prêt ? 

27 septembre 2014

Pour une lecture historico-critique, J.P. Meier, vol.1 - IV

A l'heure des Lumières et d'une foi qui ne peut ignorer le travail de la raison, je rejoins la tentative de Meier d'approfondir sa recherche historico-critique du Jésus historique*. On peut plus valablement se contenter d'une lecture acrobatique de l'écriture qui passerait au-dessus des nombreuses contradictions des textes sans s'intéresser à leur genèse, à la manière dont chaque auteur à conçu et travaillé ce que l'on peut appeler fort justement une lecture spirituelle, théologique ou pastorale du fait Jésus.

Depuis que j'ai entrepris  une lecture pastorale du NT, ce travail me semble essentiel.

* Cf. J.P. Meier, op. Cit p. 119ss