Quelques milliers de notes et réflexions interactives sur la vie et la foi, à partir de lectures souvent théologiques et à la lumière d'un Autre... Petit "blog" catholique d'un apprenti théologien (Bac canonique), perdu dans l'immensité de la toile... (ordonné diacre en septembre 2018)...
08 novembre 2020
Écriture - 6 bis - Comment s’est écrite la Bible ?
Les avancées de l'archéologie récente apporte un regard nouveau et révélateur sur ce qu'on appelle Parole de Dieu, réfutant systématiquement l'apparente chronologie biblique qu'ils considèrent comme artificielle et loin de ce qui est historique et compatible avec les traces et autres signes du passé.
Cette nécessaire distance avec le texte peut-il nous aider à prendre de la distance sur l'apparente violence divine dans l'ancien Testament ?
J'évoquais récemment ma lecture commencée de Thomas Römer. Je vous livre cet extrait qui me semble intéressant à la suite de mes billets récents.
« Les milieux d'exilés issus de l'élite judéenne jouèrent un rôle important dans la production d'un certain nombre de rouleaux qui sont à l'origine du Pentateuque et des écrits prophétiques. La destruction de Jérusalem et de son Temple par les Babyloniens, en 587 avant l'ère chrétienne, avait provoqué chez ces intellectuels une crise idéologique. Les piliers identitaire d'un peuple du Proche-Orient ancien, c'est-à-dire le roi, le temple du dieu national et le pays, s'étaient écroulés. Il fallait donc trouver de nouveaux fondements pour dire l'identité d'un peuple privé de ses institutions traditionnelles, et c'est ainsi que ce mirent en place différentes réponses à la crise : une de ses réponses est « l'histoire deutéronomiste » qui comprend les livres allant du Deutéronome jusqu'au deuxième livre des Rois.
Le but de cette histoire est de démontrer que la destruction de Jérusalem et la déportation d'une partie de la population ne sont pas dû à la faiblesse du dieu d'Israël face aux divinités babylonienne ; au contraire, c'est lui [Dieu] qui se sert les babyloniens pour sanctionner son peuple et ses rois de ne pas avoir respecté les stipulation de son « alliance », consigné dans le Deutéronome.
Le milieu des prêtres rédige, de son côté, une histoire des origines (appelée souvent « écrit sacerdotal ») qui se trouve surtout dans les livres de la Genèse, de l'Exode et du Lévitique et qui insiste sur le fait que tous les rituels et institutions ont été révélés avant l'entrée du pays et avant la royauté – celle-ci n'est donc pas indispensable. Pour les auteurs sacerdotaux, toutes les coutumes par lesquelles va se définir le judaïsme à l'époque perse et hellénistique (circoncision, Pâque, rituels et les lois alimentaires) sont données par Moïse dans le désert, en l'absence d'un pouvoir politique. Ces deux ensembles littéraires préparent en quelque sorte le chemin vers le monothéisme, car ils affirment de manière différente d'unicité du dieu d'Israël. »(1)
Je ne suis qu'au début de la lecture mais cette introduction de Römer confirme déjà ce que je commentais il y a quelque temps comme une nécessaire prise de distance entre ce que l'on pouvait considérer comme une révélation chronologique et de seule facture divine et cette double construction complexe du texte biblique entre parole divine et projet humain qui révèle à la fois une lecture spirituelle de l'histoire et un texte engagé et dirigé à des fins parfois religieux ou politiques. Cela renforce l'idée d'une nécessaire interprétation comme pour tous « Livres » et prétendue Parole de Dieu. L'historico-critique n'a pas fini son œuvre.
Quel est l'origine du nom de Dieu ?
Dans un long premier chapitre de son livre, Thomas Römer nous conduit à explorer la difficile quête de l'origine du nom de Dieu, imprononçable pour nos frères juifs. Au delà de mon intérêt personnel pour ce refus de nommer ce que l'on ne peut définir sans réduire, je note l'intérêt porté :
- à la notion d'Être, tirée d'une quête arabe pré-musulmane ancienne,
- de son long développement sur la révélation à Moïse (2) en Ex 3, 14 et le « je serai qui je serai » (cf. p. 47)
- À cette conclusion qui est ouverture : « Yhwh serait donc celui qui souffle, qui amène le vent, un dieu de l'orage qui peut aussi inclure les appels guerriers, et une telle caractérisation s'applique assez bien (...) aux fonctions primitives de Yhwh »(3)
Je suppose qu'il va aller plus loin sur ce thème de l'invention de Dieu qui devient alors celui qui justifie la violence, loin de fait de la révélation christique...
(1) Thomas Römer, l'invention de Dieu, Points, Seuil, Paris, 2014, p. 33
(2) figure biblique qu'il souligne, citant l'égyptologue Jan Assmann quelle n'a « aucune trace historique » cf. p. 72
(3) ibid. p. 50, cf. aussi p. 67 et 70
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