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15 juillet 2020

Dépouillement 17 - saint Bonaventure

Le chemin de l'homme vers Dieu n'est pas un chemin intellectuel, mais de l'ordre du dépouillement nous dit en substance Bonaventure en écho avec Mat 11, 25-27 : « Quittant l'Égypte, il entre au désert pour y goûter la manne cachée et reposer avec le Christ au tombeau, comme mort extérieurement mais expérimentant dans la mesure où le permet l'état de voyageur - ce qui a été dit sur la croix au larron compagnon du Christ : Aujourd'hui avec moi tu seras dans le paradis.
En cette traversée, si l'on veut être parfait, il importe de laisser là toute spéculation intellectuelle. Toute la pointe du désir doit être transportée et transformée en Dieu. Voilà le secret des secrets, que personne ne connaît sauf celui qui le reçoit, que nul ne reçoit sauf celui qui le désire, et que nul ne désire, sinon celui qui au plus profond est enflammé par l'Esprit Saint que le Christ a envoyé sur la terre.
Et c'est pourquoi l'Apôtre dit que cette mystérieuse sagesse est révélée par l'Esprit Saint.
Si tu cherches comment cela se produit, interroge la grâce et non le savoir, ton aspiration profonde et non pas ton intellect, le gémissement de ta prière et non ta passion pour la lecture, interroge l'Époux et non le professeur, Dieu et non l'homme, l'obscurité et non la clarté ; non point ce qui luit mais le feu qui embrase tout l'être et le transporte en Dieu avec une onction sublime et un élan plein d'ardeur. Ce feu est en réalité Dieu lui-même dont la fournaise est à Jérusalem.
C'est le Christ qui l'a allumé dans la ferveur brûlante de sa Passion. Et seul peut le percevoir celui qui dit avec Job : Mon âme a choisi le gibet, et mes os, la mort. Celui qui aime cette mort de la croix peut voir Dieu ; car elle ne laisse aucun doute, cette parole de vérité : l'homme ne peut me voir et vivre.
Mourons donc, entrons dans l'obscurité, imposons silence à nos soucis, à nos convoitises et à notre imagination.
Passons avec le Christ crucifié de ce monde au Père. Et quand le Père se sera manifesté, disons avec Philippe : Cela nous suffit. Écoutons avec Paul : Ma grâce te suffit. Exultons en disant avec David : Ma chair et mon cœur peuvent défaillir : le roc de mon cœur et mon héritage, c'est Dieu pour toujours. Béni soit le Seigneur pour l'éternité, et que tout le peuple réponde : Amen, amen. »


(1) Saint Bonaventure, itinéraire de l'âme vers Dieu, source office des lectures - fête du 15/7
Cf. aussi, sur le même thème mon « chemin du désert »


01 juillet 2020

Dépouillement 14 - Homélie du 14ème Semaine du Temps Ordinaire, Année…

Projet 2

Quelles sont les trois grandes tentations ? Elles se résument, nous dit Jean, dans l'Avoir, le valoir et le pouvoir...
Nous avons là les trois tentations principales de l'homme... y compris celles de Jésus au désert...

Les textes d'aujourd'hui nous invitent à méditer leurs contraires, comme autant de facettes de Dieu.

A la tentation de l'avoir s'oppose la pauvreté du Christ
Au valoir s'oppose l'humilité de Dieu
A l'excès de pouvoir et la violence s'oppose la douceur...

Ces trois mots clés résonnent dans les textes d'aujourd'hui. Pauvreté, humilité et douceur...

Ces attributs de Dieu j'aimerais prendre le temps d'y faire écho...

Car notre chemin humain se résume dans l'écart creusé entre ces six tensions...

Choisir le dépouillement contre la tentation de l'avoir
Choisir la douceur contre nos tentations de pouvoir
Choisir l'humilité contre l'orgueil.

Écoutons maintenant à nouveau les textes de ce dimanche avec ces clés :
Pauvreté :
 « Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d'une ânesse. » Za 9, 9-10
Zacharie nous fait contempler cette pauvreté de Dieu face à laquelle nos richesses deviennent bien pâles. Heureux les pauvres de cœur, le dépouillement les rendra libres...
Cherchons cette pauvreté du cœur qui transforme notre regard sur autrui pour devenir contemplation du visage de l'autre. La pauvreté est la première clé...
Ce qu'annonce Zacharie c'est la pauvreté et l'humilité de Dieu, c'est le Christ entrant à Jérusalem assis sur un ânon au lieu d'être debout sur un char de feu....
Il en est de même de cette douceur qu'évoque à nouveau Zacharie....
Le roi qui nous est promis n'est pas un violent il « fera disparaître d'Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l'arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. » Za 9, 10
Ce que Zacharie proclame à sa manière n'est t'il pas ce Christ doux et humble de cœur que nous décrit Matthieu 11.

Il y a une libération qui est ici en jeu... sortir de l'emprise de la chair, comme le suggère Paul (Rom 8) c'est retrouver la liberté de ceux qui se dépouillent de ces tentations qui nous empêchent d'atteindre douceur et humilité.

Choisir la vie, c'est se libérer de ce qui conduit à la mort intérieure : pouvoir avoir valoir.

Il y a finalement un pas à faire dans notre dépouillement, c'est celui de prendre le chemin du Christ, ce qu'il appelle son joug, ce fardeau léger qui est le chemin de la vérité et de la vie.
N'est-ce pas d'entrer dans la danse de Dieu. Suivre Jésus devient léger quand on renonce au pouvoir à l'avoir ou au valoir.

La Pauvreté du cœur, l'humilité et la douceur. Là sont les moyens de rendre le fardeau léger.

Quand vous avancerez devant l'autel, tout à l'heure prenez le temps de ce dépouillement intérieur, de ce renoncement à l'avoir au pouvoir et au valoir. Choisissez l'humilité et la douceur....

PS : il y a une phrase dans l’Évangile qui peut nous faire trébucher, c’est cette condition posée.
« personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils choisit de le révéler »
Au delà de la lecture littérale : deux pistes. La piste historique ou Mathieu se demande pourquoi les juifs n’ont pas suivi Jésus, pourquoi le Fils ne s’est pas révélé ?
La deuxième piste, consiste à  contempler la révélation comme un chemin dans lequel Dieu nous invite. Choisir de découvrir le Christ est un chemin complexe qui prend du temps. Certains refusent d’entrer dans cette voie. Ils ferment eux-mêmes la porte. Mais à ce qui choisissent d’avancer, Mathieu en parlant deux fois de révélation nous montre qu’il y a un chemin de révélation commencé dès le début de l’Évangile et qui se complète dans ce texte de Mathieu. 

17 février 2019

Au fil de Luc 6,17.20-26 - Béatitudes - Une joie profonde - Paul VI - Larmes du Père 7

« Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous.
Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez.
Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l'homme.
Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c'est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation !
Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez !
Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C'est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. » Luc 6, Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris

La pauvreté du monde est source de tristesse pour le Christ. (1) Elle transpire dans son allusion à la veuve de Sarepta, ou sa vénération de la femme aux deux piécettes. 
Alors pourquoi dire « Heureux les pauvres » ? De quelle pauvreté parle-t-il ? Peut-être d'un véritable décentrement, d'une liberté vis à vis des convoitises de la chair, de ces triples convoitises du pouvoir, de l'avoir et du valoir qui nous enchaînent au monde (cf. trilogie johannique de 1 Jn 2)

« Heureux vous les pauvres ; le Royaume de Dieu est à vous »
« La joie de demeurer dans l'amour de Dieu commence dès ici-bas. C'est celle du Royaume de Dieu. Mais elle est accordée sur un chemin escarpé, qui demande une confiance totale dans le Père et le Fils, et une préférence donnée au Royaume. Le message de Jésus promet avant tout la joie, cette joie exigeante ; ne s'ouvre-t-il pas par les béatitudes ? « Heureux, vous les pauvres, car le Royaume des cieux est à vous. Heureux vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux vous qui pleurez maintenant, car vous rirez ».
Mystérieusement, le Christ lui-même, pour déraciner du cœur de l'homme le péché de suffisance et manifester au Père une obéissance filiale sans partage, accepte de mourir de la main des impies, de mourir sur une croix. Mais... désormais Jésus est pour toujours vivant dans la gloire du Père, et c'est pourquoi les disciples ont été établis dans une joie indéracinable en voyant le Seigneur le soir de Pâques (Lc 24,41).
Il reste que, ici-bas, la joie du Royaume réalisé ne peut jaillir que de la célébration conjointe de la mort et de la résurrection du Seigneur. C'est le paradoxe de la condition chrétienne qui éclaire singulièrement celui de la condition humaine : ni l'épreuve, ni la souffrance ne sont éliminées de ce monde, mais elles prennent un sens nouveau dans la certitude de participer à la rédemption opérée par le Seigneur et de partager sa gloire. C'est pourquoi le chrétien, soumis aux difficultés de l'existence commune, n'est cependant pas réduit à chercher son chemin comme à tâtons, ni à voir dans la mort la fin de ses espérances. Comme l'annonçait en effet le prophète : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, sur les habitants du sombre pays une lumière a resplendi. Tu as multiplié leur allégresse, tu as fait éclater leur joie » (Is 9,1-2). (2)

Certains théologiens ose penser qu'au bout de la souffrance du Christ, dans son « tout est accompli » (Jn 19)  transparaît déjà la joie. La pauvreté du Christ en Croix est le chemin de la joie, première lueur de la résurrection. On en trouve aussi la trace chez certains mourants, libérés de la souffrance, et pauvres de toute convoitise.

« Heureux vous les pauvres ; le Royaume de Dieu est à vous »

A méditer...

(1) Homélie du père Vital Ngimbi du 16/2/19 à la Madeleine de Nonancourt 
2) Saint Paul VI, Exhortation apostolique sur la joie chrétienne « Gaudete in Domino » (trad. DC n°1677 1/6/1975, p. 504)

14 octobre 2018

Parole et silence - 2 - une mise en tension - Grégoire le Grand - Pape François

Parole ou silence, une mise en tension :

« La langue des prédicateurs est paralysée par leurs mauvaises dispositions, nous dit le Psalmiste : Dieu déclare au pécheur : Comment peux-tu redire mes lois ? Et que la parole des prédicateurs soit arrêtée par les vices de leurs peuples, le Seigneur le dit à Ézéchiel : Je ferai adhérer ta langue à ton palais, tu seras muet et tu cesseras de les avertir, car c'est une engeance de rebelles. Comme s'il disait clairement : La prédication te sera enlevée car, puisque ce peuple me défie par sa conduite, il ne mérite pas d'être exhorté à la vérité. Par suite de quel vice la parole est retirée au prédicateur, il n'est pas facile de le savoir. Mais ce que l'on sait avec certitude, c'est que le silence du pasteur est nuisible quelquefois à lui-même, mais toujours à son peuple. » (1)

« Pour reconnaître la voix [des pauvres], nous avons besoin du silence de l'écoute. Plus nous parlons, plus nous aurons du mal à les entendre. J'ai souvent peur que beaucoup d'initiatives, cependant nécessaires et méritoires, servent davantage à nous satisfaire nous-mêmes qu'à entendre réellement le cri du pauvre. Dans cette situation, lorsque les pauvres font entendre leur cri, notre réaction manque de cohérence et est incapable de rejoindre réellement leur condition. Nous sommes à ce point prisonniers d'une culture qui nous fait nous regarder dans la glace et ne s'occuper que de soi, qu'on ne peut imaginer qu'un geste altruiste puisse suffire à satisfaire pleinement, sans se laisser compromettre directement. » (2)

Une parole pour exhorter, le silence pour discerner puis agir. Une belle tension

(1) Saint Grégoire le Grand, homélie sur l'Évangile, source AELF, office des lectures du 13/10/18

(2) Source  : Pape François, Lettre pour la journée mondiale des pauvres du 18 novembre 2018 http://m.vatican.va/content/francescomobile/fr/messages/poveri/documents/papa-francesco_20180613_messaggio-ii-giornatamondiale-poveri-2018.html

Au fil de Marc 10, 46 - Bartimée, pauvre de Dieu - Pape François - journée mondiale des pauvres

Commentaire du Pape François : Je suis ému par le fait de savoir que beaucoup de pauvres se sont identifiés à Bartimée, dont parle l'évangéliste Marc (cf. 10, 46-52). Bartimée « un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin. (v. 46), et ayant entendu Jésus passer « se mit à crier » et à invoquer le « Fils de David» pour qu'il ait pitié de lui (cf. v. 47). « Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle » (v. 48). Le Fils de Dieu entendit son cri : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Et l'aveugle lui répondit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » (v. 51). Ce passage d'évangile donne à voir ce que le Psaume annonçait comme une promesse. Bartimée est un pauvre privé de ses capacités fondamentales : voir et travailler. Combien de situations aujourd'hui encore produisent des états de précarité. Le manque des moyens de base de subsistance, la marginalisation quand on n'a plus la capacité de travailler normalement, les différentes formes d'esclavage social, malgré les avancées accomplies par l'humanité… Comme Bartimée, beaucoup de pauvres sont aujourd'hui au bord de la route et cherchent un sens à leur condition. Combien s'interrogent sur les raisons de leur descente dans un tel abîme, et sur la manière d'en sortir ! Ils attendent que quelqu'un s'approche d'eux et leur dise : « Confiance, lève-toi ; il t'appelle. » (v. 49).(1)

(1) Source  : Pape François, Lettre pour la journée mondiale des pauvres du 18 novembre 2018 http://m.vatican.va/content/francescomobile/fr/messages/poveri/documents/papa-francesco_20180613_messaggio-ii-giornatamondiale-poveri-2018.html

26 février 2018

Dynamique 9 - pauvreté - Mère Térésa

"Je suis habitée par le sentiment que sans cesse, partout, est revécue la Passion du Christ. Sommes-nous prêts à participer à cette Passion ? Sommes-nous prêts à partager les souffrances des autres, non seulement là où domine la pauvreté mais aussi partout sur la terre ? Il me semble que la grande misère et la souffrance sont plus difficiles à résoudre en Occident. En ramassant quelqu'un d'affamé dans la rue, en lui offrant un bol de riz ou une tranche de pain, je peux apaiser sa faim. Mais celui qui a été battu, qui ne se sent pas désiré, aimé, qui vit dans la crainte, qui se sait rejeté par la société, celui-là éprouve une forme de pauvreté bien plus profonde et douloureuse. Et il est bien plus difficile d'y trouver un remède. Les gens ont faim de Dieu. Les gens sont avides d'amour. En avons-nous conscience ? Le savons-nous ? Le voyons-nous ? Avons-nous des yeux pour le voir ? Si souvent, notre regard se promène sans se poser. Comme si nous ne faisions que traverser ce monde. Nous devons ouvrir nos yeux, et voir." (1)

A méditer

(1) Sainte Teresa de Calcutta, No Greater Love (trad. Il n'y a pas de plus grand amour, Lattès 1997, p. 65)

01 décembre 2016

Humilité et pauvreté chez Bonaventure

Les stigmates de François donnent en eux-mêmes une "force d'expression au langage de la Croix". Le double mystère de l'humilité et de la pauvreté du Christ lui-même conduit à considérer que devenir pauvre par amour, c'est faire place nette pour que les rayons descendants de l'amour de Dieu, en tant que beauté ne rencontrent pas d'obstacle"(1).

Ce "baiser nuptial" de Dieu en Croix est mouvement descendant et sponsal...

(1) Bonaventure, cité par Hans Urs von Balthasar, in La Gloire et la Croix, tome 2 (GC2) p. 318-9

25 octobre 2016

Les Pépites

Un documentaire qui vous prend aux tripes.  L'histoire d'un couple au service des plus pauvres au Cambodge, fondateurs de l'association"Pour un sourire d'enfant" www.pse.org. Actuellement en salle.  À ne pas manquer.

03 juillet 2016

Humilité et beauté

Dans la mouvance de ma trilogie sur Humilité et miséricorde, je ne peux que relever cette belle prière de louange de François d'Assise :"Tu sei amore et charità, Tu sei sapienta, Tu sei humilità, Tu sei patienta, Tu sei belleza... Tu sei bonté infinita" (1)

Là où Balthasar ajoute un commentaire c'est de montrer que l'axe de François dépasse la distinction entre datio et donatio d'Erigène‎ ou entre création et décoration de l'école de Chartres pour ouvrir à une autre dimension soulignée par Thomas d'Aquin et propre à François celle qui met en "harmonie [douloureuse] humilité, pauvreté et beauté" (2)

(1) François d'Assise, Bénédiction et louange pour frère Léon in Franz von Assise, Legende und Laude, O. Karrer, 1945, 3eme édition, p. 552 cité par Hans Urs von Balthasar, GC7, op. Cit p. 57.
(2) GC7 p. 58.

03 mai 2016

Responsabilité et décroissance

. Après une longue diatribe sur la politique et l'engagement chrétien vers le bien commun(1), Christoph Théobald nous conduit sur les pas d'Hans Jonas et son principe de responsabilité. Étonnante application, à la lumière de l'évangile, de ce principe en faveur d'une décroissance responsable pour le bien des générations suivantes. "Acte de foi et d'étonnement"(2) devant l'enfant à naître qui suscite chez nous l'importance d'une nouvelle gratuité, voire d'une kénose. Cette attitude qui est finalement celle du créateur, est appelée pour lui à se transformer en "don de soi" jusqu'au bout, prenant ici une "figure nouvelle et inédite" (3) celle de la "pauvreté spirituelle (...) du partage et de la solidarité" (...) par une "révision de manière drastique de nos modes de vie, entrant individuellement et collectivement dans une autolimitation". Ce mouvement entre dans cette double asymétrie et symétrie évoquée plus haut. Asymétrie des dons reçus du créateur et symétrie dans l'attitude de celui qui rejoint la kénose divine, se perçoit comme hôte de la terre et entre à son tour dans le don.

Quel est l'enjeu ? N'est ce pas cette semence apostolique que décrit Tertullien avec la belle image de la bouture : "Et dans chaque cité ils fondèrent des Églises, auxquelles dès lors les autres Églises empruntèrent la bouture de la foi et la semence de l'enseignement, et l'empruntent tous les jours pour devenir elles-mêmes des Églises. Et par cela, elles aussi sont considérées comme apostoliques, en tant que rejetons des Églises apostoliques" (4)

(1) Christoph Théobald,  ibid p. 125ss.
(2) p. 154.
(3) 156.
(4) Tertullien,  Traité sur la prédication apostolique

02 février 2016

Le pauvre attendu

"La présence réelle du Christ dans le pauvre connu en tant que personne est peut-être, quand elle est vraiment crue, ce qui peut faire éclater n'importe quelle situation sociale et la rendre authentiquement chrétienne. Le pauvre ne doit pas être quelqu'un de supporté, de toléré mais d'attendu". (1)
Ne rejoint-on pas là ce que Levinas appelle l'irruption du visage de l'autre, l'appel du visage ? Peut-être va t-on même plus loin encore. Car pour Madeleine Delbrêl il n'y a pas de limite à l'appel. On ne peut pas dire : "on fera ceci jusqu'ici - Cela jusque-là. Il ne nous doit jamais rien. C'est nous qui lui devons ce que nous devons au Christ lui-même". (2)
Les propos sont forts. Ils nous interpellent jusqu'aux jointures de l'âme (Heb 4, 14)‎ et font écho à cette parabole de la compassion de Luc 10.

(1) Madeleine Delbrêl, AMD IV, note de 1964, La joie de croire, p. 88, cité dans le supplément n. 103, op. Cit p. 2.
(2)‎ ibid.

Leçons de pauvreté

"Seuls des hommes qui auront accepté du Christ [une] leçon pauvreté et de douceur pourront comme l'ont pu les saints révéler les secrets des Béatitudes qui sont en effet les mêmes pour tous" (1) 
Il y a, en effet, me semble-t-il, une pédagogie du Christ qui, en nous conduisant jusqu'au vide et à la nuit, nous laisse découvrir la porte étroite. 
A contempler.

(1) Madeleine Delbrêl, lettre ‎à Jean Durand du 4 septembre 1951, cité dans le supplément au n. 103 de la lettre aux Amis de Madeleine Delbrêl de janvier 2016.

06 novembre 2014

Humble et pauvre - Christ serviteur, suite

Voilà ce que nous indique ce grand mystère, celui d'un Dieu, qui s'est fait homme et pauvre pour nous. C'est pour relever la chair, sauver son image, remodeler l'homme afin que tous nous devenions un seul être dans le Christ, qu'en nous tous il est devenu parfaitement tout ce qu'il est lui-même. Ainsi n'y a-t-il plus chez nous l'homme et la femme, il n'y a plus ni barbare ni sauvage, ni esclave ni homme libre,car ce sont là des distinctions qui viennent de la chair. Nous portons seulement en nous l'empreinte de Dieu par qui et pour qui nous sommes crées. Cette empreinte nous a formés et marqués de telle sorte qu'elle seule permet de nous reconnaître. (1)

(1) Grégoire de Naziance, Homélie pour enterrement de son frère Césaire

27 mars 2014

Saint Philippe - IV- 3ème rencontre : L'attention aux plus pauvres


A - La Fiche

Prière d'ouverture

Parabole de Lazare et du riche (Lc 16, 19-31)

19 « Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. 20 Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. 21 Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères.
22 Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. 23 Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. 24 Alors il cria : “Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. 25 – Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. 26 Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.”

27 Le riche répliqua : “Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. 28 En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture !” 29 Abraham lui dit : “Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! 30 – Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.” 31 Abraham répondit : “S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.” »

L'option préférentielle pour les pauvres

Les disciples du Christ sont appelés à renouveler toujours mieux en eux-mêmes la conscience de ceci: on ne peut séparer la vérité sur Dieu qui sauve, sur Dieu qui est source de tout don, de la manifestation de son amour préférentiel pour les pauvres et les humbles. Dans toute l'Écriture, l'amour préférentiel de Dieu pour les pauvres est affirmé:

"Certes, le malheureux ne disparaîtra pas de ce pays. Aussi je te donne ce commandement : tu ouvriras tout grand ta main pour ton frère quand il est, dans ton pays, pauvre et malheureux."
(Dt 15, 11)

"Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci :
faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug,
rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ?
N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim,
accueillir chez toi les pauvres sans abri,
couvrir celui que tu verras sans vêtement,
ne pas te dérober à ton semblable ?
Si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires,
et si tu combles les désirs du malheureux,
ta lumière se lèvera dans les ténèbres
et ton obscurité sera lumière de midi."
(Isaïe 58, 6-7.10)

"L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi
parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction.
Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles,
guérir ceux qui ont le cœur brisé,
proclamer aux captifs leur délivrance,
aux prisonniers leur libération."
(Isaïe 61, 1)

"Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides."
(Lc 1, 50-53)

Destination universelle des biens et option préférentielle pour les pauvres
CDSE 182
Le principe de la destination universelle des biens requiert d'accorder une sollicitude particulière aux pauvres, à ceux qui se trouvent dans des situations de marginalité et, en tout cas, aux personnes dont les conditions de vie entravent une croissance appropriée. À ce propos il faut réaffirmer, dans toute sa force, l'option préférentielle pour les pauvres (a) :
« C'est là une option, ou une forme spéciale de priorité dans la pratique de la charité chrétienne dont témoigne toute la tradition de l'Église. Elle concerne la vie de chaque chrétien, en tant qu'il imite la vie du Christ, mais elle s'applique également à nos responsabilités sociales et donc à notre façon de vivre, aux décisions que nous avons à prendre de manière cohérente au sujet de la propriété et de l'usage des biens.
Mais aujourd'hui, étant donné la dimension mondiale qu'a prise la question sociale, cet amour préférentiel, de même que les décisions qu'il nous inspire, ne peut pas ne pas embrasser les multitudes immenses des affamés, des mendiants, des sans-abri, des personnes sans assistance médicale et, par-dessus tout, sans espérance d'un avenir meilleur ». (b)

(a) Jean-Paul II, Discours à la IIIème Conférence Générale de l'Épiscopat latino-américain, Puebla (1979)
(b) Jean-Paul II, Encycl. Sollicitudo rei socialis, 42, qui continue ainsi:
On ne peut pas ne pas prendre acte de l'existence de ces réalités. Les ignorer reviendrait à s'identifier au «riche bon vivant» qui feignait de ne pas connaître Lazare le mendiant qui gisait près de son portail.
Et il ne faudra pas négliger, dans l'engagement pour les pauvres, la forme spéciale de pauvreté qu'est la privation des droits fondamentaux de la personne, en particulier du droit à la liberté religieuse, et, par ailleurs, du droit à l'initiative économique.

CDSE 183
La misère humaine est le signe évident de la condition de faiblesse de l'homme et de son besoin de salut (CEC 2448). Le Christ Sauveur a eu pitié d'elle, lui qui s'est identifié à ceux qu'il appelait les « plus petits de mes frères »:
Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”
Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”
(Mt 25, 40.45)
Jésus dit: "Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours." (Jn 12, 8) non pas pour opposer au service des pauvres l'attention qui lui est accordée. Si, d'une part, le réalisme chrétien apprécie les efforts louables faits pour vaincre la pauvreté, de l'autre il met en garde contre les positions idéologiques et contre les messianismes qui alimentent l'illusion d'éliminer totalement de ce monde le problème de la pauvreté. Cela n'adviendra qu'au retour du Christ, quand il sera de nouveau avec nous pour toujours. Entre-temps, les pauvres nous sont confiés et c'est sur cette responsabilité que nous serons jugés à la fin : « Notre Seigneur nous avertit que nous serons séparés de lui si nous omettons de rencontrer les besoins graves des pauvres et des petits qui sont ses frères » (CEC 1034 L'enfer).

CDSE 184
L'amour de l'Église pour les pauvres s'inspire de l'Évangile des béatitudes, de la pauvreté de Jésus et de son attention envers les pauvres. Cet amour concerne la pauvreté matérielle aussi bien que les nombreuses formes de pauvreté culturelle et religieuse (CEC 2444).
… S'inspirant du précepte évangélique « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8), l'Église enseigne à secourir le prochain selon ses divers besoins et accomplit largement dans la communauté humaine d'innombrables œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles: « Parmi ces gestes, l'aumône faite aux pauvres est un des principaux témoignages de la charité fraternelle: elle est aussi une pratique de justice qui plaît à Dieu », même si la pratique de la charité ne se réduit pas à l'aumône, mais implique l'attention à la dimension sociale et politique du problème de la pauvreté. L'enseignement de l'Église revient constamment sur le rapport entre charité et justice: « Quand nous donnons aux pauvres les choses indispensables, nous ne faisons pas pour eux des dons personnels, mais nous leur rendons ce qui est à eux. Plus qu'accomplir un acte de charité, nous accomplissons un devoir de justice » (st Grégoire le Grand). Les Pères conciliaires recommandent fortement d'accomplir ce devoir « de peur que l'on n'offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en justice ». L'amour pour les pauvres est certainement « incompatible avec l'amour immodéré des richesses ou leur usage égoïste » (CEC 2445).

La coopération internationale pour le développement : dont la lutte contre la pauvreté
CDSE 449
… La pauvreté pose un dramatique problème de justice: la pauvreté, sous ses différentes formes et conséquences, se caractérise par une croissance inégale et ne reconnaît pas à chaque peuple « le même droit à “s'asseoir à la table du festin” ». Cette pauvreté rend impossible la réalisation de l'humanisme plénier que l'Église souhaite et poursuit, afin que les personnes et les peuples puissent « être plus » et vivre dans « des conditions plus humaines ». La lutte contre la pauvreté trouve une forte motivation dans l'option - ou amour préférentiel - de l'Église pour les pauvres … Le principe de la solidarité, notamment dans la lutte contre la pauvreté, doit toujours être opportunément associé à celui de la subsidiarité, grâce auquel il est possible de stimuler l'esprit d'initiative, base fondamentale de tout développement socio-économique, dans les pays pauvres eux-mêmes: il faut porter attention aux pauvres « non comme à un problème, mais comme à des personnes qui peuvent devenir sujets et protagonistes d'un avenir nouveau et plus humain pour tous ».

Pistes pour les échanges

- Mon regard sur la pauvreté s’inscrit dans ma nature d’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ce qui m’inspire, ce n’est pas de la compassion, ou de la commisération, ou une morale culpabilisante plus ou moins bien digérée; c'est le fait que le Seigneur s’est fait extrêmement pauvre pour que je puis ressentir un peu de l’amour qu’Il me porte en étant invité à porter sur celui qui dépend de moi, le même regard d’amour.

- Le pauvre est une personne, c’est quelqu’un. Ce n’est pas « un pauvre », ni « la pauvreté ». C’est une personne dont l’accès aux conditions d’épanouissement, au bien commun, peut dépendre de moi; c’est une personne qui, d’une façon ou d’une autre, est dépendante des actes que, moi, je poserai (ou non).

- Choisir son pauvre c’est échapper à la banalité abstraite des bons sentiments pour donner un nom à celui-là, cette personne-là. C’est prendre conscience que les pauvretés sont multiples. Celui que j'ai choisi n’a que faire de mes discours : il me faut agir parce que j’ai choisi celui-ci ou celle-ci comme pauvre frère ou sœur pauvre, qui existe et qui m’attend. Choisir ce pauvre avec son nom, c’est faire un acte engageant, et c’est se sentir de même nommé et choisi par Dieu.
Un fioretti de St Vincent de Paul : « Comme St Vincent se plaignait de ne pas en faire assez pour les pauvres, il s’entendit dire : « Vincent, je ne te demande pas de t’occuper des pauvres, je te demande de t’occuper des pauvres que je te donne » ».

- Le complexe de la parabole du jeune homme riche: "comme je ne suis pas capable de suivre Jésus en vendant tout et en donnant aux pauvres, je ne serai jamais un « vrai » chrétien." Dans le plan de Dieu, l’immense majorité de chrétiens ne sont pas appelés à tout quitter pour suivre Jésus et pourtant, ils sont appelés à suivre Jésus et devenir des saints. Comment répondre à cet appel de Jésus de devenir des saints sans qu’Il nous demande de tout quitter pour Le suivre ?

B - Compte rendu


P., diacre permanent à SPDR nous présente le texte qu’il a préparé, issu notamment
du Compendium de la Doctrine Sociale de l'Église (C-DSE1) et du Catéchisme de
l'Église Catholique (CEC). Il précise qu’il faudrait ajouter les écrits récents du Pape,
notamment dans Evangelii Gaudium*.
On s’interroge ensuite sur la notion de pauvreté qui n’est pas qu’une pauvreté
matérielle. Une participante évoque les pauvretés psychologiques et psychiques et cite
notamment un ouvrage de Jean Vanier et ce qu’il dit plus généralement sur le fait de
considérer les êtres handicapés comme une personne. On parle aussi du risque de juger
les autres, de ces pauvretés et de ces souffrances que l’on cache « encore dans certaines
familles de ces enfants issus de couples en difficulté qui n’osent pas dire leurs
pauvretés. On évoque ensuite la question fondamentale : « qui est notre prochain ? ». En
quoi et comment pouvons-nous trouver notre prochain, celui dont le visage nous
interpelle comme le dit Lévinas. Patrice évoque ces pauvres que Dieu place « là où nous
sommes, le plus souvent autour de nous » : et qui en premier lieu peuvent être notre
conjoint, notre collègue...
Une réflexion s’ouvre ensuite sur l’attitude à adopter, et sur la dialectique du don et de
la dette. Ce ne peut être de la condescendance (une pièce que l’on donne d’en haut),
mais bien une recherche de l’autre dans sa réalité, comme quelqu’un de qui l’on peut
recevoir. Claude évoque alors le schéma des tours. Du haut de la tour, la rencontre n’est
pas possible. Il faut accepter de descendre, de se mettre sous une tente légère, la tente de
la rencontre (cf. Ex. 33) qui est celle où l’on peut aussi se reconnaître fragile. La
personne et sa pauvreté sont à nouveau placés au centre de la discussion. La rencontre
où l’on se reconnaît soi-même pauvre et fragile, n’est-elle pas le lieu de la rencontre et
de l’attention véritables ?. En cela, l’être handicapé, par son sourire nous apporte la joie
de communier avec nous, et F. souligne combien dans les familles où ils naissent,
ils éduquent souvent le cœur de leurs proches et les ouvrent à une vraie générosité («
heureux les fêlés, car ils laissent passer la lumière » disait non sans humour un slogan
de l’Arche). Elle insiste sur l'importance d'être attentif à manifester au plus pauvre ce
qu'il nous apporte et s'en émerveiller afin d'éviter qu'il ne se sente une dette de
reconnaissance à notre égard.
Loin d’une culpabilité stérile, l’interrogation sur l’option préférentielle des pauvres est
une invitation à discerner comment exercer une véritable charité. Pendant le carême, on
insiste notamment sur l’importance de trois efforts : le jeûne, la prière et la charité.
Claude évoque ce point et souligne que le premier des trois n’est certainement pas le
jeûne ou la prière, mais bien la charité qui ouvre nos cœurs à l’autre, et de fait à la
1- qui rassemble les principales encycliques sur la DSE depuis celle de Léon XIII
sincérité de notre prière et de notre jeûne).
On réévoque la question de tout quitter. Un participant rappelle la rencontre du Christ
avec le jeune homme riche, un passage qui l’interpelle directement : « vends ce que tu
as, et suis-moi ». Comme il est difficile pour tous les « riches » que nous sommes de se
déposséder de leurs biens !. Une voix semble possible, néanmoins, dans la double
tension qui s’inscrit entre la contemplation qu’il n’y a de biens que l’on n’ait reçus du
Père et qu’une distanciation - par rapport à cet avoir peut nous permettre de partager
nos richesses (avoirs matériels comme talents reçus que l’on est appelé à tourner vers
les autres).
Finalement, le Christ n’est-il pas ce mendiant qui frappe à notre porte ? Plusieurs
participants évoquent l’attitude du Christ, qui se fait « mendiant » de nous. Il demande à
boire à la Samaritaine (Jn 4), il invite Zachée à descendre pour « demeurer chez lui ». Il
se fait petit et renonce au rang qui l’égalait à Dieu (et que les Pères de l'Église nomment
la kénose du Christ = se vider, s’humilier, cf. Philippiens 3) pour aller à la rencontre de
l’homme. Sœur Térésa a entendu une parole du Christ qui lui disait :« J’ai soif de toi ! ».
Et elle s’est mise en chemin. Si Dieu a soif de nous, de notre humanité, ce n’est pas
pour nous faire entrer dans la culpabilité, mais bien pour nous conduire plus loin, dans
une fragilité reconnue et contagieuse qui pousse chacun à se faire participant d’une
communion « en Christo » (en Christ).
Note :
* § 199 : « Le pauvre, quand il est aimé, « est estimé d’un grand prix », et ceci
différencie l’authentique option pour les pauvres d’une quelconque idéologie, d’une
quelconque intention d’utiliser les pauvres au service d’intérêts personnels ou
politiques. C’est seulement à partir de cette proximité réelle et cordiale que nous
pouvons les accompagner comme il convient sur leur chemin de libération. C’est
seulement cela qui rendra possible que « dans toutes les communautés chrétiennes, les
pauvres se sentent “chez eux”. Ce style ne serait-il pas la présentation la plus grande et
la plus efficace de la Bonne Nouvelle du Royaume ? » Sans l’option préférentielle pour
les plus pauvres « l’annonce de l’Évangile, qui demeure la première des charités, risque
d’être incomprise ou de se noyer dans un flot de paroles auquel la société actuelle de la
communication nous expose quotidiennement ».
Pape François, Evangelii Gaudium (La joie de l’Évangile)

Notes du 10 avril... : Ce cycle de 5 réunions est maintenant achevé. Si vous désirez avoir la suite des Fiches et des compte-rendus, écrivez à l'auteur de ce blog.

10 octobre 2007

Allez... Proclamez...

Comment parlez-vous aux pauvres ? Leur annoncez-vous la Bonne Nouvelle, l’Évangile ?

"J'essaie avant tout d'être proche d'eux, de partager leur sort, d'aimer chacun comme une personne très aimée de Jésus. Ma charge d'évêque m'a conduit et me conduit toujours au milieu de ces frères et de ces sœurs. Je garde le silence, je les écoute quand ils parlent et, lorsque je trouve une ouverture, je leur raconte l'Évangile, je leur annonce l'immense amour de Dieu. À l'époque de mes travaux, je savais déjà qu'on ne peut comprendre l'homme et son mystère devant Dieu uniquement à travers les livres, qu'il faut être en contact avec les pauvres les humbles, ceux qui souffrent le plus et sont exclus.

Mon expérience m'a appris que, face à la pauvreté et au désespoir, je reçois beaucoup plus que je ne m'efforce de donner, car l'homme, mis à rude épreuve, sait se montrer d'une humanité, d'une force, d'une dignité dont celui qui est protégé ne serait pas capable.

Des détenus, des toxicomanes, des séropositifs, des pauvres, des malades mentaux, j’apprends énormément, et je découvre que, le vrai pauvre, c’est moi."

Mgr Carlo Maria Martini, A l’écoute du cœur, Albin Michel, 1995, p. 132-133

17 mars 2007

Pauvreté et disponibilité

Pourquoi s'imaginer qu'il faille être pauvre pour parvenir à la métamorphose intérieure ? Ce sont des idées. (…) Ne pas attacher trop d'importance aux signes extérieurs. Cela regarde l'inspecteur des « hachélem » ? Radotages idéologiques. L'illumination rend pauvre à l'instant même. L'avoir perd son importance. L'avidité peut remplir le coeur des pauvres qui sont riches de tout ce qu'ils n'ont pas encore. L'important est d'être disponible à ce qui survient. (…). Dans ce monde mû par l'argent avec une telle évidence, il n'est sans doute même plus possible à quelqu'un d'être pauvre à la manière de François d'Assise. Il entrerait dans le folklore et serait aussitôt récupéré par l'audiovisuel. Vain d'imiter les gestes du pauvre. La pauvreté ne peut être que création nouvelle. Elle est à enfanter du fond de l'âme.

Jean Sulivan, Itinéraire spirituel, Gallimard 1976, Folios, essais, p. 240