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30 janvier 2020

Distance comme devenir - Bernard Sesboué

Par rapport à l'affirmation aux multiples traductions d'Exode 3,14 : « Je suis celui qui suit » sainte Catherine attribue au Christ ce commentaire : « Je suis celui qui suis, tu es celle qui n'est pas », nous rapporte Bernard Sesboué(1) en soulignant « cette différence absolue (...) [la] finitude crée (...) [le] devenir » de l'homme où se joue la prise de « distance par rapport à soi-même », ce que Grégoire de Nysse appelle la diastasis, Basile de Césarée le diastèma et Augustin la distensio, un passage du néant à l'être. (1)

Quel est l'enjeu ? Est-ce « l'autrement qu'être » de Levinas, le décentrement, la fission du cœur dont parlait Ratzinger au JMJ de Cologne ?

Tout passe probablement d'abord par une contemplation, celle du créateur qui se donne et s'efface pour conserver notre liberté, première théophanie du buisson ardent qui précède le don et la nudité du Christ à une distance infinie de lui-même...

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 52ss

28 janvier 2020

« Que ta volonté s’accomplisse en moi ! » - la prière

« Que ta volonté s'accomplisse en moi ! »
Il y a là tout l'enjeu d'une conversion intérieure et d'un abandon ou un décentrement que l'on se refuse souvent de faire.

Est-ce une soumission ou juste les derniers soubresauts de l'orgueil qui résistent en nous et nous empêchent de prendre « la voie » dont parle saint Jean de la Croix ?

Écoutons un moine égyptien du IV eme siècle, Evagre : « Ne prie pas pour l'accomplissement de tes volontés ; car elles ne correspondent pas nécessairement avec la volonté de Dieu. Mais plutôt, suivant l'enseignement reçu, prie en disant : Que ta volonté s'accomplisse en moi (cf. Mt 6,10) ; et ainsi en toutes choses, demande-lui que sa volonté se fasse, car lui, il veut le bien et l'utilité de ton âme, mais toi, tu ne cherches pas nécessairement cela.
Souvent dans mes prières, j'ai demandé l'accomplissement de ce que j'estimais bon pour moi, et je m'obstinais dans ma requête, violentant sottement la volonté de Dieu, sans m'en remettre à lui pour qu'il ordonnât lui-même ce qu'il savait m'être utile ; et pourtant, la chose reçue, grande fut ensuite ma déception de n'avoir pas demandé plutôt l'accomplissement de la volonté de Dieu, d'avoir demandé de préférence l'accomplissement de mon vouloir, car alors la chose ne fut pas trouvée telle que je me l'étais figurée.
Qu'il a-t-il de bon, si ce n'est Dieu ? Par conséquent, abandonnons lui tout ce qui nous concerne et nous nous en trouverons bien. Car celui qui est bon, est nécessairement aussi pourvoyeur de dons excellents. Ne t'afflige pas si tu ne reçois pas immédiatement de Dieu ce que tu demandes ; c'est qu'il veut te faire encore plus de bien par ta persévérance à demeurer avec lui dans la prière. Quoi, en effet, de plus élevé que de converser avec Dieu et d'être abstrait dans son intimité ? (…) Ne veuille pas que ce qui te concerne s'arrange selon tes idées, mais selon le bon plaisir de Dieu ; alors tu seras sans trouble et plein de reconnaissance dans ta prière (1)

(1) Évagre le Pontique, Chapitres sur la prière n° 31-34, 89 attribués à tort à Nil l'ascète (Philocalie des Pères neptiques ; trad. J. Touraille, Ed. DDB-Lattès), source : l'Évangile au Quotidien

Prière, décentrement, abandon, amour en toi, volonté, orgueil, Évagre

02 août 2019

Passivité, effacement et Agapè - 10

Passivité plus que passive.
« Arrachement de soi à soi-même, détachement par lequel on se détache, y compris dudétachement (...) effacement (...) Agapè qui ne résiste ni ne contourne ni n'échappe à la violence de la nuit, mais vaillamment, y prend place et s'y loge (...) solicitude éthique (...) compassion (...) générosité que ne précède aucune réquisition (...) incessante, taraudante inquiétude (...) voilà ce qui n'est guère conforme à nos catéchismes tranquilles » (1)

Dans sa conclusion aux élans lévinassisiens F. Marxer résume bien l'enseignement de son livre dont je vous ai partagé déjà trop d'extraits dans le seul but de vous inviter au voyage...

Un chemin qui dérange nos conforts établis à la lumière de ces femmes qui sont Église plus que nos communautés parfois stériles.

A lire sans modération


(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 564sq

02 mars 2019

Au fil de Marc 10,13-16 - comme un enfant

Jésus (...)  leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
Amen, je vous le dis : celui qui n'accueille pas le royaume de Dieu à la manière d'un enfant n'y entrera pas. »
Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

Quel est l'enjeu ? N'est-ce pas aller à la contradiction de notre désir de pouvoir, de valoir et d'avoir que de se détourner de cette course pour s'abandonner à la grâce divine, comme un enfant dans les bras de sa mère. Lâchez-prise...
Kénose ?

Écoutons saint Clément d'Alexandrie :

« Le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent »
Le rôle du Christ, notre Pédagogue, est, comme son nom l'indique, de conduire des enfants. Il reste à examiner de quels enfants veut parler l'Écriture, puis à leur donner leur Pédagogue. Les enfants, c'est nous. L'Écriture nous célèbre de bien des façons ; elle se sert d'images diverses pour nous désigner, colorant de mille tons la simplicité de la foi. Il est dit dans l'Évangile : « Le Seigneur s'arrêta sur le rivage et s'adressa à ses disciples — ils pêchaient — : 'Mes petits enfants, n'avez-vous pas de poisson ?' » (Jn 21,4-5) C'étaient ses disciples qu'il appelait enfants. « On lui amena de petits enfants pour qu'il leur impose les mains et les bénisse. Comme ses disciples les repoussaient, Jésus dit : 'Laissez les petits enfants ; ne les empêchez pas de venir à moi, car le Royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent' ». Le Seigneur lui-même éclaire le sens de cette parole en disant : « Si vous ne changez pas pour devenir semblables à ces petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18,3). Cela ne désigne pas la régénération, mais propose à notre imitation la simplicité des enfants...
On peut vraiment les nommer des enfants, ceux qui ne connaissent que Dieu leur Père — des nouveau-nés, simples et purs... Ce sont des êtres qui ont progressé dans le Verbe, qu'il invite à se détacher des préoccupations d'ici-bas pour écouter seulement leur Père, en imitant des petits enfants. C'est pourquoi il leur dit : « Ne vous inquiétez pas du lendemain ; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6,34). Voilà comment il nous exhorte à nous dégager des soucis d'ici-bas pour nous attacher seulement à notre Père. Celui qui pratique ce commandement est réellement un nouveau-né, un enfant pour Dieu et pour le monde, car celui-ci le considère comme ignorant tout et celui-là un objet de tendresse. (1)

(1) Saint Clément d'Alexandrie, Le Pédagogue, I, 12, 17 ; SC 70 (trad. coll. Pères dans la foi, n°44, 1991, p. 37s rev.), source  : l'Évangile au Quotidien 


28 septembre 2018

L’abandon - Sainte Thérèse de Lisieux

Il est sur cette terre
Un Arbre merveilleux
Sa racine, ô mystère ! 
Se trouve dans les cieux.

Jamais sous son ombrage
Rien ne saurait blesser ;
Là, sans craindre l'orage
On peut se reposer.

De cet Arbre ineffable 
L'Amour voilà le nom, 
Et son fruit délectable
S'appelle l'abandon.

Ce fruit dès cette vie
Me donne le bonheur ;
Mon âme est réjouie
Par sa divine odeur.

Ce fruit, quand je le touche,
Me paraît un trésor ;
Le portant à ma bouche,
Il m'est plus doux encor.

Il me donne en ce monde 
Un océan de paix ;
En cette paix profonde 
Je repose à jamais.

Seul l'abandon me livre 
En tes bras, ô Jésus.
C'est lui qui me fait vivre 

De la vie des élus.(1)

(1) Sainte Thérèse de l’enfant Jésus et de la Sainte Face, Poésie 52  L.abandon est le fruit délicieux de l’amour

Source : Évangile au quotidien

23 août 2018

Abandon - Thérèse de Lisieux

"C'est l'amour seul qui m'attire. (..) C'est l'abandon seul qui me guide, je n'ai point d'autres boussole.(1)

À méditer

(1) Sainte Thérèse de Lisieux,  Ms A 83r, ibid p. 210

17 août 2018

Déréliction de Marie

« La déréliction dans laquelle elle vit (...) est sans attache aucune. C'est un délaissement absolu. La mère ne sent plus rien que l'impuissance et la solitude, au point que ce sentiment occupe toute son âme, et que le cri du Fils la saisit tout entière et fait d'elle une partie même de ce cri. Et alors qu'elle s'enfonce ainsi dans la plainte du Fils, son premier oui reprend vie (...) surexigence pure » (...) Ce qu'elle a à donner n'est plus force mais faiblesse. (1)

« C'est Dieu lui-même qui conduit par delà le seuil de l'activité d'obéissance dans la passivité consistant à ne plus être que celui dont on dispose »(2)

Il y a la le sommet du décentrement...

(1) La servante du Seigneur - Adrienne von Speyr, ibid. p. 162
(2) p. 163

04 mai 2017

L'épée de l'infini - Kierkegaard

Elle crée en nous une faille béante qui entrouvre en notre coeur l'appel incessant de Dieu et nous dispose à le recevoir. Écoutons encore Cheng nous citer Kierkegaard :"pour qui l'homme est cet être dont la chair finie est transpercé par l'épée de l'infini. (...) la vraie vie est dans l'humble abandon à quelque chose de plus grand, de plus élevé, de plus infini que soi"(1), un abandon qui conduit à la vraie joie "indescriptible" au delà de tout bonheur futile.

(1) François Cheng, De l'âme, op cit. p. 79.

24 juillet 2016

Ode à l'indifférence ou l'apathie

Chez François Suarez, disciple d'Ignace, l'indifférence de l'être surgit de nouveau d'une manière décisive. Elle n'est autre, nous dit Balthasar(1)  que l'attitude d'abandon des mystiques, ce que nous avons appelé décentrement, apathie et qui rejoint le "tout est rien" déclaré par Thérèse d'Avila. Elle remonte, nous dit Balthasar à l'époque pré-chrétienne, se trouve déjà chez Virgile et les Tragiques.
 C'est aussi le fameux abandon de soi, cette entière disposition du coeur au mystère incompréhensible de l'amour divin‎, réponse de l'homme à la kénose, agapè qui "ne cherche pas son intérêt" mais se confie à Dieu...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar GC7, op Cit p. 96ss

20 août 2015

Le grand écart - Charles de Condren

‎Je poursuis la lecture de l'excellent article de mon ancien conseiller spirituel sur Charles de Condren dont il vante l'humilité et le pluralisme théologique. Il note chez ce dernier une insistance sur la "théologie de l'instant présent", une "théologie de la sanctification du temps qui s'accompagne d'une prudente pédagogie de la progressivité, qui évitera toute désertion" (1). Il souligne chez cet ancien supérieur général de l'Oratoire (autour de 1634-1640) le désir de "s'abandonner à Dieu même pour la Croix, de pâtir et de mourir à nous et au monde présent pour entrer en la perfection et en la vertu de la résurrection comme Jésus Christ y est entré" (2)
François Marxer y souligne que "l'être y réalise son unité en s'excédant lui-même (..) en même temps que se consomme (...) l'écart entre une extériorité‎ institutionnelle et une intériorité mystique" (3).
Tout un programme ! 

(1) F. Marxer, op Cit p. 144 et 146
(2) Lettre 108, ‎op Cit p .140
(3) François Marxer, op. Cit p. 148