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05 mars 2021

Danse avec Michel Rondet - 38

 Danse avec Michel Rondet -38

Pour continuer dans l’hommage à la spiritualité de Michel Rondet, et en écho à une longue discussion que j’ai eu avec lui à la Baume les Aix il y a plus de 20 ans, je dirais que son souci de l’accompagnement inductif est, d’une certaine manière en phase avec la pastorale d’engendrement longtemps développée par P. Bacq et C. Theobald(1).

Il s’agit d’abandonner un enseignement de certitudes figées pour partir de cette inhabitation en l’homme qui l’appelle et le pousse à aimer.

Un chemin en fait très rahnérien et probablement aussi très ignacien, qui cherche à pousser l’homme au discernement intérieur et le conduit sur ses chemins sans forcer un discours.

Agenouillement devant l’homme(2), pédagogie du polyèdre(3), pastorale du seuil (4) et de la périphérie...?

L’enjeu est finalement d’oublier nos catéchismes trop scolaires pour retrouver l’homme dans son éternelle quête du divin.

N’est-ce pas finalement le chemin kénotique du Christ à Emmaüs, qui rejoint l’homme perdu sur les routes de Palestine, donne un sens à leurs quêtes et disparaît dans la fraction du pain, de peur d’imposer une présence qui est déjà semence en l’homme.

Nos quêtes se rejoignent quand la danse du Verbe vient réveiller chez nous une flamme vacillante, fait vibrer nos cordes intérieures à la musique divine.

C’est ce que j’appelle la danse trinitaire (5).


Ramener au centre(6) n’est-ce pas, comme le souligne aussi Kasper, en venir à résumer le problème en « Jésus-Christ oui, l'Église non ! Ce qui les intéresse, ce n'est pas le Christ que prêchent les Églises ; ce qui les rend attentifs, c'est Jésus lui-même et son affaire[7].» La réponse que l'on tend à donner, selon lui, c'est de montrer que le christianisme est devenu objectif dans l'Église. Mais alors, souligne-t-il, Jésus Christ risque d'être accaparé par l'Église et l'Église risque de prendre la place de Jésus[8] ». 

« La "pastorale d'engendrement" [qui] puise son inspiration dans une certaine manière de se référer aux récits fondateurs ne prétend pas se substituer aux autres modèles pastoraux (…). Elle renvoie à l'expérience humaine (…), évoque tout d'abord les paroles et les gestes de l'homme et de la femme qui s'aiment et qui s'unissent pour donner la vie. En s'offrant ainsi l'un à l'autre (…), ils s'engendrent mutuellement et donnent la vie à un nouvel être qui, à son tour, les engendre à devenir parents[9] ».

Il s'agit de transmettre une manière d'être, faite d'accueil et de don, mais surtout redonner une certaine « fécondité à l'Évangile », susciter une « contagion relationnelle » autour de la Parole de Dieu, vecteur de relecture et d'interpellation personnelle et communautaire. »(10).

On n’est pas éloigné de ce que prêchait aussi Joseph Moingt dans « l’Evangile sauvera l’Église » et finalement de ce que j’ai lancé sur la pointe des pieds dans mon projet de Maison d’Evangile sur FB (11). Un lieu où la Parole danse avec nous.



(1) « Une nouvelle chance pour l'Évangile, Vers une pastorale d'engendrement, sous la direction de Philippe Bacq, sj et Christoph Théobald, sj, Lumen Vitae, Novalis, Éditions de l'Atelier, Bruxelles 2004 »

(2) (4) et (5) cf. mes livres éponymes librement téléchargeables sur Kobo

(3) pour reprendre l’expression fréquente de notre pape.

(6) pour paraphraser le titre d’un beau livre d’Hans Urs von Balthasar

(7) « W. Kasper, Jesu der Christus [Jésus le Christ], Matthaus Grünewald Verlag Mayence 1974, Tr. fr. J. Désigaux et . Lefooghe 4° Edition, Cogitatio Fidéi, Oct 1991, p. 33

[8]     ibid. p. 34

[9]   Une nouvelle chance pour l’Evangile, op. cit. p. 16-17

(10) Extrait de Pastorale du seuil, Claude J. Heriard, op. cit.

(11) https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/

04 mars 2021

Hommage à Michel Rondet

 Hommage à Michel Rondet, décédé à 98 à ans. Un jésuite hors du commun, croisé il y a bien des années à la Baume les Aix, et dont le texte suivant m’a longtemps habité  :

« Pendant des siècles, notre pédagogie spirituelle s'est appuyée sur une tradition, reçue et transmise, qu'il s'agissait d'ouvrir à l'expérience spirituelle. On partait de la tradition reçue pour tenter de faire vivre une expérience.

Aussi sommes-nous désarmés lorsque nous nous trouvons face à une expérience qui a sa valeur, son dynamisme, mais ne dispose d'aucun repère pour se comprendre et se développer. Qu'est-ce qui m'arrive ? Suis-je le premier à vivre de tels états ? Est-ce que je ne suis pas sur le bon chemin ? Questions angoissantes que rencontrent vite les nouveaux chercheurs de sens et qui les conduisent à aller frapper à toutes les portes, sauf à celles qui justement sont dépositaires d'une tradition spirituelle qui semblerait pouvoir répondre à leur attente. Pourquoi ?

Parce que, trop souvent, nous proposons des réponses là où l’on nous demande des chemins. Ceux qui, d'horizons très divers, se mettent en marche, au souffle de l'Esprit, n'attendent pas que nous leur offrions la sécurité d'un port bien abrité. Ils ont justement quitté le port des sécurités factices. Ils ont gagné le large à leurs risques et périls, ils savent que la traversée sera longue. Ils ne nous demandent pas de leur décrire le port, mais de les accompagner sur un chemin dont ils ne connaissent pas encore le terme : ils savent qu'une rencontre les attend, qui leur fera découvrir le meilleur d'eux-mêmes et le sens de l'aventure humaine. Ce qu'ils espèrent, c'est un compagnonnage de recherche et de disponibilité, pas un étalage complaisant de certitudes. Ceux qu'ils aimeraient rencontrer, ce sont les mages dans leur marche à l'étoile, pas les scribes de Jérusalem qui, eux, savent. Or, trop souvent, l'Église a pour eux le visage des scribes de Jérusalem.

Trop occupés des vérités à transmettre, nous sommes peu sensibles à l'attente de ceux qui ne nous demandent pas encore ce qu'il faut croire, mais ce que c'est que croire. Nous partons d'une tradition à transmettre, alors qu'il faudrait accompagner une naissance. Mais qui d'entre nous est assez libre dans sa foi pour oser la nouveauté, dans une fidélité créatrice au don qu'il a reçu ? » [1]





[1]     Michel RONDET s.j., La Baume-les-Aix, Études Fév 97

09 juin 2017

Un discours inductif - 2

Comment illustrer ce que je développais dans mon billet précédent ? En quoi les textes du Concile ouvrent-ils un style nouveau et inductif. Deux citations de O'Malley (1) me semblent conforter ce sens. Ce sont pour moi parmi les lignes les plus belles de GS.

"Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur." GS 1 (2).
Elles entrent dans cette contemplation de l'humanité, de cette terre si chère à Bérulle où Dieu se fait chair.
Elles préparent aux versets du par. 16 :". Au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d'aimer et d'accomplir le bien et d'éviter le mal, au moment opportun résonne dans l'intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c'est une loi inscrite par Dieu au cœur de l'homme ; sa dignité est de lui obéir, et c'est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. C'est d'une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s'accomplit dans l'amour de Dieu et du prochain. Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale. Plus la conscience droite l'emporte, plus les personnes et les groupes s'éloignent d'une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité." GS 16.

Nous ne sommes pas là dans une morale culpabilisante ou un jugement a priori sur l'homme, mais bien au coeur d'un travail inductif, c'est-à-dire intérieur qui plonge l'homme dans la danse d'un Dieu agenouillé, d'une inhabitation du Verbe, d'un souffle trinitaire et kénotique. Le Concile croit en l'homme.

(1) John W. O'Malley, p. 76
(2) citations de GS, source Vatican.va

08 juin 2017

Panégyrique, épidictique, inductif ou pastoral

Un des apports de John W. O'Malley est de nous faire percevoir Vatican II à partir du contexte et de l'histoire. Les pages 68ss nous précisent le style comme panégyrique, épidictique et pastoral, à la différence du style plus canonique des conciles précédents. Pourquoi remplacer la loi et la condamnation par un appel à la conversion intérieure, à ce qu'on appelle aussi l'inductif ?
Le grand saut du Concile dans le monde de notre temps est de comprendre que les temps ont changé, que le monde n'est plus capable d'entendre des condamnations venues d'en haut, mais est avide de sens. Là est la dimension pastorale.
"Sa façon d'enseigner (...) passe par la suggestion, l'insinuation et l'exemple. Il a pour instrument la persuasion, non la contrainte". (1)
"Il vise la réconciliation (...) crée et encourage la prise de conscience" (...) travaille de l'intérieur vers l'extérieur (...) partage l'espérance et la joie" (2)

(1) L'événement Vatican II, ibid. p. 71
(2) p. 73